Eglises d'Asie – Pakistan
LETTRE PASTORALE COMMUNE DES EVEQUES catholiques et protestants
Publié le 18/03/2010
La saison liturgique du Carême coïncide avec les événements tragiques qui ont frappé Khanewal, Shantinagar et les villages voisins. Au moment où, en ce temps de pénitence, nous concentrons notre regard sur le Christ crucifié dont le coeur fut percé par un soldat (Jean 19:34), le Christ mystique (notre Eglise) est percé au coeur par les violences de Khanewal et Shantinagar. Nous sommes appelés aujourd’hui à revivre la passion du Christ au Pakistan. Les rapports indiquent que 800 maisons ont été dévastées et incendiées, treize églises ravagées et les dégâts atteignent la somme d’un milliard de roupies. Les destructions opérées sont énormes.
Pourtant, nous croyons que le Christ crucifié est le nouvel Adam. En lui, commence la nouvelle humanité dans laquelle, l’intolérance et le fanatisme, la haine et la violence, l’oppression et l’injustice sont vaincues sur la croix. Alors que le monde entre dans le troisième millénaire et que le Pakistan célèbre son cinquantième anniversaire, nous sommes appelés à vaincre les forces qui ont amené le monde en général et le Pakistan en particulier au bord de la banqueroute économique, du chaos politique et de la déchéance morale. Nous devons nous engager à construire, avec le nouvel Adam, une nouvelle création, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où une nouvelle humanité, avec un coeur nouveau et un esprit nouveau, gouvernée par la nouvelle Loi d’amour, construira une civilisation de l’amour, une cité de paix, ce qui est la signification même de Shantinagar. Nous devons construire cette cité d’abord dans nos coeurs par le pardon et la prière. En cela, nous devons travailler avec nos frères et soeurs musulmans. L’islam est la religion de la paix (Salaam) et Jésus est le Prince de la paix. Ensemble nous devons opérer un retour aux sources, à la vision originelle du Pakistan, qui était de créer un pays où les musulmans pourraient vivre dans la dignité et l’honneur et les membres des minorités jouiraient de droits égaux et d’un statut de citoyens dans le plein sens du terme. Les fondations mêmes de notre pays ont été ébranlées au cours de ces cinquante dernières années et nous devons prendre la résolution de les renforcer afin que notre pays devienne un modèle manifestant comment une majorité et une minorité peuvent vivre et travailler ensemble, dans le respect mutuel et la coopération, pour établir une société de justice et de paix. Avec la grâce de Dieu et notre détermination, nous y arriverons et Shantinagar, qui est devenu aujourd’hui le symbole de la tragédie, redeviendra une fois encore le reflet de ce que son nom signifie : une cité de paix.
Se repentir veut dire s’éloigner des attitudes et des valeurs, des habitudes et des réactions qui vont à l’encontre de l’Evangile, et mettre en pratique les commandements du Christ : aimer nos ennemis et prier pour ceux qui nous persécutent (Mtt, 5:44). Dans le travail de réconciliation et de guérison des relations, l’Evangile nous demande prendre l’initiative (MTT, 5:24). Ce n’est évidemment pas facile car les attitudes et les actions de la nature humaine vont exactement en sens inverse.
Notre foi nous enseigne que nous sommes chrétiens ou musulmans ou hindous mais que nous sommes tous des êtres humains, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn, 1:27). Sur la base de notre commune humanité, nous pouvons pratiquer le dialogue du coeur. Le poète soufi, Bulleh Shah, dit : « Vous pouvez briser la mosquée et le temple mais ne brisez pas les coeurs car c’est là que Dieu vit ».
Une autre preuve que l’Esprit est présent en ce moment tragique se trouve dans l’immense vague de solidarité et de sympathie qui a amené toutes les Eglises du Pakistan à collecter de la nourriture, des vêtements et de l’argent pour les personnes affectées par le désastre de Khanewal et Shantinagar. Même les commerçants musulmans ont donné des produits de première nécessité à des prix réduits, et plusieurs musulmans se sont offerts pour loger les chrétiens affectés dans leurs maisons. Un comité conjoint pour la paix a été formé par des musulmans et des chrétiens à Khanewal et à Lahore. Les dirigeants religieux musulmans ont condamné les destructions des églises et des maisons chrétiennes. Le gouvernement a commencé à verser des compensations financières, et l’armée pakistanaise a rendu de grands services en protégeant notre peuple et en reconstruisant des lieux qui avaient été détruits. Les dirigeants musulmans défenseurs des droits de l’homme et plusieurs journalistes ont condamné les atrocités infligées aux chrétiens.
Comme évêques du Pakistan, nous demandons à tous les fidèles de célébrer le 28 février 1998 comme un jour de prière et de jeûne. Des prières spéciales de réparation seront dites pour le sacrilège commis contre des églises, pour les victimes de la violence et pour la paix. Comme signe de solidarité, on delmandera aux chrétiens de donner une journée de salaire pour nos frères et soeurs de Khanewal et Shantinagar.
Des efforts sont faits pour contacter le président
et le nouveau premier ministre, le nouveau gouverneur et le ministre-président du Punjab, en même temps que les parlementaires des assemblées nationale et provinciale, afin de leur faire connaître les sentiments de la communauté chrétienne et de leur demander de prendre des mesures efficaces pour empêcher le renouvellement de telles actions à l’avenir. Le sacrifice que nous avons fait ne devrait pas être en vain. Nos protestations et nos manifestations doivent être non violentes.
Tout comme, au Calvaire, le Christ mourant a donné son esprit (Jean 19:30) qui est appelé la Pentecôte du crucifié, nous devons nous montrer attentifs au don de l’Esprit alors même que le coeur de notre Eglise est transpercé. Le premier fruit de cette manifestation est le repentir, comme à la Pentecôte : « Leur coeur était percé et ils demandaient à Pierre et aux autres apôtres : que devons-nous faire ? Vous devez vous repentir, répondit Pierre » (Act.2: 37-38).
Le temps est venu d’amender la constitution pour abroger les lois sur le blasphème, abolir le système des électorats séparés, donner une représentation aux chrétiens, femmes y compris, dans les assemblées nationales, provinciales et au Sénat, et créer les conditions pour que les chrétiens, qui ont rendu beaucoup de services au cous des cinquante dernières années spécialement dans les domaines de l’éducation de la santé, puissent continuer leurs activités au service de la nation, pour la stabilité et la prospérité du Pakistan et de tous ses citoyens.