Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE(du 1er janvier au 1er mars 1997)POLITIQUE INTERIEURE

Publié le 18/03/2010




Le processus de paix avec les Khmers rouges

Après la scission du mouvement khmer rouge apparue au grand jour le 8 août l996, les Forces armées royales du Cambodge (FARC) ont tenté de prendre contact avec les chefs de la ligne dure formée par les fidèles de Pol Pot et de Ta Mok. On estime généralement le nombre des combattants de cette faction entre 2 000 et 3 000. Selon le ministère de la Défense nationale, 18 345 soldats ont rejoint le gouvernement durant les derniers mois. 200 d’entre eux ont été promus au rang de colonel ou de commandant et 19 au rang de général de brigade ou de corps d’armée.

Selon le porte-parole du ministère de la Défense nationale, durant le mois de janvier, ces Khmers rouges auraient rasé 445 maisons, incendié 375 hectares de rizières et détruit 52 tonnes de réserves de riz. Mais, désormais, plus un seul village ne resterait sous leur contrôle. Dans une interview publiée le 31 janvier dans l’hebdomadaire Le Point, Ieng Sary, ex-vicepremier ministre du Kampuchéa démocratique, réaffirme que Pol Pot est toujours le commandant suprême des Khmers rouges tant sur le plan politique que militaire. Pol Pot signe ses ordres sous le nom de code 99 . Il n’aurait plus que 1 500 hommes et possèderait une fortune de 400 millions de dollars.

Le 10 janvier, Y. Chhien est nommé général et désigné comme maire de la ville de Païlin, ancien bastion khmer rouge riche en bois et en pierres précieuses, qui devient de fait une province autononome ; Sok Pheap, chef de la base khmère rouge de Phnom Malai est nommé général de brigade et commandantadjoint de la 5ème Région militaire de Battambang ; Ny Korn, frère de Son Sen, ministre de la Défense des Khmers rouges et Sam Bith, ancien chef de la guérilla dans le sud du pays, deviennent conseillers au ministère de la Défense.

Plusieurs généraux des FARC estiment que le mouvement Khmer rouge est divisé, que certains responsables, dont Son Sen et Khieu Samphan, seraient favorables à un accord avec les FARC, mais qu’ils restent méfiants à cause de « l’instabilité de la situation politique du pays« . Grâce au concours des autorités thaïlandaises, des contacts sont pris avec certains chefs khmers rouges dès la fin du mois de janvier.

Le 14 janvier, un hélicoptère transportant douze officiers des FARC, dont Hem Bun Heng, vicegouverneur de la province de Siem Réap, se rend à un rendezvous fixé par Ta Mok, « le boucherprincipal chef militaire de la branche dure des Khmers rouges.

Le 17 février, 150 Khmers rouges commandés par Nan Ny se rallient. Nan Ny estime à seulement 700 le nombre de combattants fidèles à Pol Pot et pense qu’eux aussi, lassés par la guerre, ne devraient pas tarder à rejoindre le gouvernement.

Le 18 février, les généraux Nhiek Bun Chhay (FUNCINPEC : « Front uni national pour un Cambodge neutre indépendant et coopératif », royaliste), chef d’étatmajor adjoint, et Khann Savoeun, commandant de la région militaire de Siem Réap, se rendent en Thaïlande dans l’espoir d’y rencontrer Ta Mok en personne, et non plus seulement ses émissaires. Hun Sen, secondpremier ministre, déclare que l’hélicoptère et ses passagers sont pris en otage. Ranariddh, premierpremier ministre, affirme le contraire, puis doit se rendre à l’évidence.

Le 24 février, Ta Mok affirme par radio à de hauts officiers militaires des FARC, que l’équipage de l’hélicoptère est sain et sauf. Nhiek Bun Chhay indique, pour sa part, qu’aucun progrès notable n’a été accompli pour garantir leur libération, mais souligne qu’aucune condition n’avait été posée par les dirigeants khmers rouges pour le retour de l’hélicoptère et de ses passagers.

Les négociateurs étant tous membres du FUNCINPEC, c’était sans doute une nouvelle tentative pour redorer le blason du parti, dans le cas où ils auraient pu obtenir le ralliement des Khmers rouges de la ligne dure.

Lutte pour le pouvoir entre le PPC (Parti du Peuple Cambodgien, excommuniste) et le FUNCINPEC

Les négociations, les ralliements et les nominations des chefs khmers rouges à de hautes fonctions civiles et militaires s’inscrivent dans le climat de compétition entre les deux partis au pouvoir qui tentent d’attirer les Khmers rouges dans leurs camps respectifs, en leur faisant des offres plus alléchantes les unes que les autres.

C’est dans ce climat que s’inscrivent les ralliements de « Khmers rouges urbains », déjà évoqués dans la dernière livraison, et auxquels aucun observateur sérieux n’accorde de crédit. « Ces hommes constituent tout simplement une mise en scène par les deux premiers ministres pour montrer combien ils sont populairesécrit Cambodge Soir. Avec bon sens, le roi fait remarquer que « cet immense réseau de Khmers rouges des villes n’a commis aucun acte de terrorismeIl suggère même que ces Khmers rouges urbains ne sont que des imposteurs attirés par les récompenses.

Le 8 janvier, 5 hommes se présentent au bureau du premier premier ministre et affirment être membres du commandement de la division khmère rouge n° 3. Ros Cheïty, commandantadjoint de la soidisant division 3, explique que cette division a été créée en 1992, placée sous la direction de Khieu Samphan dans le but de préparer les élections de 1993. Et lorsque les Khmers rouges ont décidé de boycotter les élections, cette division est entrée dans la clandestinité. La division était également représentée dans les provinces de Kampot et Kompong Speu. Au total, ce sont 886 hommes qui rejoindront prochainement le gouvernement ; 435 de Phnom Penh ; 217 de Kampot et 234 de Kompong Speu. Ces « terroristes » se rallient officiellement le 29 janvier à Ranariddh.

Le 21 janvier, à Thong Khmum, dans la province de Kompong Cham, province natale de Hun Sen, 275 khmers rouges, se disant membres d’unités terroristes urbaines de Kompong Cham, Prey Veng et Kratié, se rallient au gouvernement, avec 130 fusils, 150 grenades 2 mines et des appareils de communication. Au cours de cette cérémonie, Hun Sen, secondpremier ministre, exprime sa méfiance car certains criminels se font passer pour des déserteurs dans le but d’intégrer les forces de sécurité gouvernementales.

Le 31 janvier, lors d’une cérémonie d’accueil dc 952 anciens Khmers rouges urbains, Sar Kheng (PPC, co-ministre de l’Intérieur), exprime son exaspération devant la compétition à laquelle se livrent le FUNCINPEC et le PPC pour rallier à eux des déserteurs khmers rouges. Les deux partis risquent un jour d’intégrer de vrais rebelles. Pour parer à ce dérapage, Sar Kheng propose qu’une commisssion permanente mixte soit créée au niveau gouvernemental pour pratiquer ces intégrations. De plus, le pays devant impérativement diminuer ses effectifs militaires, on ne peut se permettre de gonfler les rangs de l’armée avec de faux Khmers rouges.

Les affrontements armés entre soldats du PPC et du FUNCINPEC

Plus inquiétants que ces « ralliements » folkloriques, les affrontements armés entre soldats du FUNCINPEC et du PPC, déjà signalés dans la dernière livraison, ont dégénéré en batailles rangées, à Samlaut, à Phnom Thipadei, et dans le Golfe de Thaïlande, causant la mort de plusieurs soldats, dont un officier du FUNCINPEC. Ces accrochages sont révélateurs du climat de violence préparatoire aux futures élections.

Selon un rapport établi par les autorités du district de Samlaut, le 5 janvier, les habitants de la zone ainsi que des soldats appartenant aux divisions 191, 194 et 195 auraient mis le feu au bureau du général Kéo Pong, ancien chef khmer rouge, partisan des désertions khmères rouges pour le compte du PPC et sans doute pour protester contre le partage non équitable des revenus provenant du trafic du bois. Ung Sumy, gouverneur de Battambang, dément les faits. Deux jours plus tard, près de 600 anciens combattants khmers rouges de Samlaut quittent leur base pour se réfugier dans la jungle, suite à une attaque lancée contre eux par leur propre commandant et environ 80 soldats PPC et anciens Khmers rouges ralliés au PPC qui ouvrent le feu sur le groupe avec des roquettes B40, blessant un homme. Deux commandants du groupe des 600 fugitifs, déclarent, à Battambang, chez le vice-gouverneur Sérey Kosal (FUNCINPEC), que des accrochages entre anciens Khmers rouges ont débuté lorsque ses hommes se sont rendu compte que leurs commandants avaient l’intention de se rallier au PPC. Le 16 février, le général Keo Pong a emmené quelques journalistes et diplomates survoler le district de Samlaut pour leur prouver qu’il n’y avait plus de troubles avec les Khmers rouges dans cette région. Cependant, un ancien commandant khmer rouge révèle que le PPC prend des mesures contre les anciens Khmers rouges qui refusent de se joindre à lui. Le 11 février, les soldats PPC aux ordres de Kéo Pong auraient assassiné Sayah, un commandant partisan du FUNCINPEC et capturé quatre de ses hommes.

Le 13 janvier, Serey Kosal (FUNCINPEC), premier gouverneur de la province de Battambang, annonce que deux hommes, âgés de 72 et 61 ans, ont été abattus dans la commune de Koh Kralar, dans le district de Mong Russei, par des soldats de la Région militaire n° 5 (PPC). Selon Sérey Kosal, les soldats harcèlent les villageois de Koh Kralar depuis des semaines (vols, confiscation des armes, menaces), afin que ceux-ci quittent leur village pour en faire une zone de développement militaire. Il demande des explications au général Hul Savaun (PPC), commandant de la région militaire n° 5, et promet d’envoyer ses troupes protéger les villageois si le général n’apporte pas des réponses satisfaisantes. Deux jours plus tard, une nouvelle altercation entre des militaires afilliés au PPC et ceux affiliés au FUNCINPEC, éclate à Réangsei, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Battambang. Von Chhunlyn, du FUNCINPEC, rapporte que les soldats PPC ont capturé deux militaires FUNCINPEC et en ont blessé plusieurs autres. Cependant, Ung Samy (PPC), gouverneur de Battambang, dément tout incident. En représailles à cette arrestation, le 19 janvier, des responsables du FUNCINPEC de Battambang retiennent en otage un membre du PPC.

Vers les 17 et 18 janvier, lors de l’ouverture de six bureaux du Parti de la nation khmère (PNK), dans la région de Battambang, Sérey Kosal dépèche des forces armées pour les protéger, et proclame qu’il n’est plus disposé à se laisser marcher sur les pieds par les soldats du PPC.

Le 10 janvier, des affrontements entre soldats FUNCINPEC et PPC éclatent prés de Phnom Thipadei, à 25 km au sud de Battambang. Le 14, les troupes PPC arrêtent un groupe de soldats (FUNCINPEC) qui avaient quitté leur base au nord de Sisophon, pour aller prêter main forte à leurs camarades de Phnom Thipadei. La route n°5 reliant Phnom Penh à Battambang a été coupée durant quelques heures. Les deux coministres de la Défense et les chefs de l’étatmajor, dépéchés de Phnom Penh, sont parvenus à établir un cessezlefeu.

Quelques heures avant leur arrivée, un groupe armé donne l’assaut au siège régional de la police de Battambang, s’empare de 200 armes ainsi que d’argent liquide, coupe les câbles téléphoniques du bâtiment situé dans le centre ville. L’attaque semble liée à la mauvaise distribution des salaires des policiers. Selon les habitants de Battambang, la police locale est depuis quelque temps, de plus en plus divisée suivant les appartenances politiques de ses membres.

Le 16 février, les deux premiers ministres donnent leur accord pour relever le gouverneur Ung Samy et Hul Savoeun, commandant de la Région militaire n°5 (PPC), ainsi que Serey Kosal et Kla Chan Sovanarith, officier supérieur de la Région militaire (FUNCINPEC). Un comité d’enquête est constitué par les ministères de la Défense et de l’Intérieur. On ignore encore si cet éloignement est temporaire ou définitif.

Ce signe manifeste l’apaisement intervenu à la veille de la visite d’Etat du président indonésien Suharto qui s’est sans cesse fait l’avocat du Cambodge pour son entrée dans l’ASEAN.

Selon des responsables militaires et de compagnies maritimes, les eaux du Golfe de Thaïlande sont également un lieu d’affrontements entre les deux principaux partis. Depuis la fin du mois de décembre, ont éclaté au moins trois escarmouches, au cours desquelles des cargos ont essuyé des tirs ou ont été arraisonnés par des vaisseaux de la marine cambodgienne, pris dans des affrontements entre équipages des deux partis. Les attaques auraient débuté à la midécembre après l’arraisonnement d’un bateau vietnamien dans les eaux territoriales cambodgiennes. Les militaires du PPC accusent des équipages du FUNCINPEC de piraterie. A la mi-janvier, la cour militaire de Phnom Penh (PPC) cite le commandantadjoint de la base navale de Réagi (FUNCINPEC) à comparaître pour répondre à des questions concernant cet incident. Les militaires FUNCINPEC refusent de comparaître devant un tribunal PPC dont ils accusent le juge d’être une marionnette vietnamienne. Un général PPC affirme que ce refus est la goutte d’eau qui allait faire déborder le vase. Si un nouvel acte de piraterie se reproduit, des ordres ont été donnés d’arrêter les auteurs. S’ils résistent à l’arrestation, ils devront être abattus.

On peut presque affirmer qu’il n’y a plus d’armée nationale au Cambodge mais des groupes armés, clients de tel ou tel parti, voire de tel ou tel général. C’est dans ce climat, pour le moins tendu, que se préparent les élections communales, prévues en 1997, et législatives, en 1998.

Préparation des élections

Le 8 janvier, un avantprojet de loi concernant les prochaines élections est soumis à l’approbation du Conseil des ministres. Rien n’est encore décidé sur la date des élections pour les 1 555 communes du pays, ou pour savoir si elles auront lieu simultanément ou non avec les élections législatives de 1998. Cet avantprojet prévoit d’utiliser le système majoritaire et propose que les élections se déroulent sous la surveillance d’organisations internationales. A la fin du mois de février, ce projet n’a pas encore été remis à l’Assemblée nationale.

Le 27 janvier, au terme d’un congrès extraordinaire, le Parti du peuple cambodgien (PPC) se prononce pour un système de proportionnelle pour les élections législatives de 1998, et émet le souhait que les élections municipales se déroulent avant les élections nationales. Il demande que ces élections soient organisées et supervisées par les Cambodgiens euxmêmes, semblant ainsi écarter l’idée, soutenue par le FUNCINPEC, d’un contrôle par des observateurs étrangers. De plus, le congrès retient le principe que les membres de l’Assemblée nationale, du gouvernement, et les responsables de l’administration territoriale ne possèdent que la seule nationalité cambodgienne. Le principe vise particulièrement le FUNCINPEC et le PNK, dont beaucoup de membres, y compris le premier premier ministre, sont détenteurs de deux nationalités. Il semblerait toutefois que cette question suscite une division au sein du PPC.

Le 16 janvier, plusieurs pays donateurs avaient clairement indiqué au gouvernement cambodgien qu’ils ne verseraient pas d’argent pour l’organisation des élections tant que cellesci n’auraient pas été concrètement organisées. Cependant, le 5 février, le gouvernement américain remet 200 000 dollars d’équipements au bureau des élections du ministère de I’Intérieur. Les EtatsUnis, de plus, offrent l’assistance technique de deux experts. Le l7 février, le gouvernement français remet également des équipements au ministère de l’Intérieur et offre les services de trois experts. Le montant de cette assistance française est estimé à 150 000 dollars.

Le 31 janvier, les deux copremiers ministres signent un arrêté créant un comité national de recensement démographique placé sous la présidence du vicepremier ministre et coministre de l’Intérieur, Sar Kheng.

Le 11 février, le roi déclare : « Le gouvernement ne manque pas de bonne volonté. Mais je crois qu’il nous faudrait obtenir l’aide des Nations Unies pour faire en sorte que ces élections soient loyales, réellement démocratiques et pacifiques, sans intimidations, pressions, menaces et violences… La démocratie au Cambodge est encore fragileLe 19 février, le roi Sihanouk réaffirme sa neutralité. Il ne fondera jamais un parti politique, ne ressuscitera jamais le Sangkurn Reastr Niyum, ne se présentera jamais aux élections.

Le 18 février, Hun Sen déclare souhaiter la tenue des élections municipales en novembre ou décembre, à une date différente de celle des élections législatives. Par ailleurs, il se déclare favorable à la présence d’observateurs étrangers à condition que ceuxci se déplacent à leurs propres frais et non pas à ceux des Nations Unies. Khieu Khanarith, viceministre de l’Information, avait précisé, quelque jours plus tôt, que le refus de Chéa Sim à la venue d’observateurs étrangers provenait d’un malentendu.

Même si la loi électorale n’est pas encore examinée, chaque parti tente de se positionner et de passer des alliances.

Le 23 janvier, le premier-premier ministre Ranariddh, président du FUNCINPEC, confirme la création du Front uni national (FUN), ouvert à tous, y compris au PPC ! La charte régissant cette alliance a reçu l’approbation du FUNCINPEC, ainsi que celle du PNK de Sam Rainsy et du Mouvement d’union nationale démocratique (MUND), dirigé par Ieng Sary et qui regroupe le plus grand nombre de déserteurs khmers rouges. Certains observateurs pensent que cette alliance pourrait entrainer des risques de rupture au sein de la direction du PPC.

Le lendemain, Hun Sen déclare que le PPC n’est pas intéressé à rejoindre la nouvelle alliance politique mais que cela n’empêche pas le PPC de poursuivre sa coopération avec le FUNCINPEC. Il dément les rumeurs de division au sein du PPC.

Le 28 janvier, la faction du Parti démocratique libéral bouddhique (PDLB), présidée par Ieng Mouly, ministre de l’Information, annonce qu’il ne participera pas au FUN. Le lendemain, Son Sann, président du PDLB, exprime son accord avec les principes du FUN : « Nous avons trois dangers à combattre, l’invasion vietnamienne, la résurgence d’une politique génocidaire, et la corruption

Le 31 janvier, dans une interview publiée dans l’hebdomadaire français « Le PointIeng Sary affirme une nouvelle fois ne plus aspirer qu’à une « paisible retraite« . Il précise qu’il n’a nullement l’intention de s’allier à aucun des deux principaux partis au pouvoir à Phnom Penh. Dans un communiqué daté du 28 janvier, le MUND, demande un peu de temps avant de se prononcer sur une éventuelle adhésion au FUN. « Le MUND ne pense pas que son adhésion au FUN, à l’heure actuelle, aiderait à la réconciliation nationale et à la paixdit Long Norin, secrétaire général du MUND, tout en précisant que son groupe, après avoir « sérieusement étudié son programme« , soutient le FUN, et est prêt à collaborer avec tous les partis, toutes les organisations et tous les mouvements dans le but de recouvrer la paix. Lors de la première réunion officielle du FUN, le 17 février, aucun membre du MUND n’était présent. Suong Sikoeum, conseiller de Ieng Sary déclare : « Nous soutenons le principe du FUN mais nous estimons que les circonstances actuelles ne sont pas favorables à notre adhésion

Le 8 février, la branche dure des Khmers rouges, par sa radio clandestine, accorde son soutien au FUN. Le 10 février, Khieu Samphan annonce l’organisation d’élections dans les territoires qu’ils contrôlent, en début du mois d’avril. Le 13 février, le Parti neutraliste khmer (PNK), dirigé par Bour Hel, entre dans le FUN.

Le PPC rallie un certain nombre de petits partis : le 30 janvier, se joint à lui le Parti libéral démocratique (PLD), dirigé par le général Chhim Om Yon, issu de la résistance anti-vietnamienne, et qui revendique 60 000 membres ; le 5 février, la faction du PDLB dirigée par Ieng Mouly, ministre de l’Information, signe un pacte de coopération avec le PPC. Cette faction du PDLB revendique 10 000 membres. Le 12 février, le Molinaka, petit parti présidé par Prum Néakaréach, signe également un pacte de coopération avec le PPC. Le 18 février, c’est le tour du Parti républicain pour le développement libéral (PRDL), dirigé par Ted Ngoy. Ted Ngoy s’est particulièrement illustré durant les derniers mois par son lobbying efficace auprès des élus américains en faveur de l’octroi au Cambodge de la clause économique de la clause de la « nation la plus favorisée ». Le 10 février, Pon Piseth, président du Parti paysan démocrate et libéral Khmer (PPKLK), déclare que son parti ne veut pas rejoindre l’une des deux coalitions politiques. En 1993, 5 000 cambodgiens avaient voté pour le PDLFK. Cependant, le 20 février, le PPDLK signe un pacte de coopération avec le PPC en vue des prochaines élections.

Le 13 février, bien que ni le FUN ni le PPC n’aient encore sollicité le Parti des citoyens khmers (PCK), Ngon Soeur, président de ce parti, déclare qu’il ne veut, pour l’instant, faire alliance avec aucun parti. Cependant, il ne cache pas ses affinités avec le PPC et ne rejette pas l’hypothèse d’une alliance dans l’avenir. Le PCK, dont les membres fondateurs sont d’anciens militants du PNK, revendique 400 000 membres. Relativement discret jusqu’à présent, il compte bien faire parler de lui dans les prochaines élections.

On ne peut que partager la conclusion pessimiste mais lucide du roi Sihanouk devant ces querelles bassement politiciennes : « On a sauvé les Khmers rouges mourants. On les a ressuscités en fanfare en leur délivrant des brevets de patriotes, et même de héros… Ils sont désormais les maîtres de la situation politico-militaire de notre pays, et les arbitres des matches auxquels se livrent et se livreront nos partis. Et nos pertes se chiffreront encore plus lourdement dans les mois qui viennent et les années qui viendront… Nos hommes forts n’ont même pas réussi à faire gagner au pays un vrai contrôle de ces zones dissidentes khmères rouges, avec leur immenses richesses… On dépense le budget national pour équiper, nourrir, loger, payer tous ces ex-rebelles, y compris certains faux-khmers rouges… » Le roi fustige l’association de ces « richissimes Khmers rouges » et d’un certain nombre d’« officiels, civil et militairespour brader à un rythme plus accéléré et à une échelle plus grande, les ressources naturelles (pierres précieuses et bois). Le roi estime que

« l’utilisation des ex-Khmers rouges » dans le processus électoral constitue un très grand danger pour la démocratie et pour le peuple non partisan: elle permettra d’utiliser tous les moyens de pression, d’intimidation, de liquidation physique, toutes choses couramment pratiquées par les Khmers rouges sur les non-Khmers rouges. Les Khmers rouges des deux bords (le MUND et le Kampuchéa Démocratique) seront les seuls gagnants de ce jeu de destruction nationale joué par le FUNCINPEC et le PPC. La partition de fait du Cambodge actuel reste sans remède, puisque les zones des ex-rebelles restent pratiquement autonomes, partition et autonomie auxquelles nos deux premiers ministres n’oseront jamais essayer de mettre fin, car, d’une part leurs armées respectives n’ont pas les moyens de mettre au pas les armées khmères rouges, et, d’autre part ils ont trop besoin des aides politiques et de l’appui militaire des ex-rebelles pour remporter des victoires électorales.

Le 16 janvier, lors d’une réunion du Groupe consultatif sur le Cambodge, des représentants du gouvernement ont révélé le plan de réduction des effectifs militaires et le plan de réforme de l’administration publique. Le coût total de ces réformes s’élève à 150 millions de dollars. Selon ce plan, les effectifs de la RCAF doivent passer de 130 000 à 87 000 en 3 ans, et coûter 72,7 millions de dollars. Le coût de la réduction du nombre de fonctionnaires civils sur 4 ans, est évalué à 77,3 millions de dollars. Le gouvernement compte, comme toujours, sur l’aide de la communauté internationale afin de pouvoir mener à bien ces réformes.

LA LONGUE MARCHE DES TRAVAILLEURS

Les deux derniers mois ont été caractérisés par la suite des mouvements sociaux déjà signalés lors de notre dernière livraison. Ils sont peut-être le signe d’une prise de conscience de classe dans un monde marqué par les abus du capitalisme sauvage.

Le 10 janvier, suite aux mouvements de grèves dans les entreprise textiles, l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité, la nouvelle législation du travail. Cette loi indique que désormais les salariés devront avertir la direction une semaine avant la date de grève prévue, un article supplémentaire précise que tout syndicat désirant être reconnu par le gouvernement devra lui en faire la demande après l’entrée en vigueur de la loi. Les syndicats existants (Syndicat libre des travailleurs khmers (SLTK), conseillé par Sam Rainsy) sont donc considérés comme illégaux.

Le 26 décembre 1996, une convention relative aux droits des ouvriers du secteur textile portait le salaire minimum à 40 dollars par mois (200 francs), limitait la durée du travail à 8 heures par jour, 6 jours par semaine. Les heures supplémentaires ne pourront être imposées aux salariés sans leur accord. Les ouvriers malades devront aller consulter un médecin agréé par leur entreprise pour que les frais médicaux soient pris en charge. Le salaire sera versé pendant le congé maladie. Il est reconnu un congé maternité de trois mois durant lesquels la mère continue à percevoir la moitié de son salaire. En ce qui concerne les licenciements, la convention se réfère à la loi.

Le 3 janvier, les ouvriers de l’entreprise de confection Tack Fat Garment Cambodia se mettent en grève réclamant que la convention signée par le gouvernement soit appliquée dans leur entreprise, que leurs salaires du mois de décembre leur soient payés et qu’ils soient respectés en tant que personne humaine par le personnel dirigeant dont ils subissent insultes et mauvais traitements. C’est la quatrième usine qui affronte une grève en quinze jours. Cependant, le lendemain, le cortège des grévistes qui se dirige de l’usine, située sur la route de Takmau, à l’Assemblée nationale, est stoppé par un cordon de police. Des échauffourrées ont lieu peu avant que n’interviennent trois camions de pompiers qui font usage de leurs lances à eau. Huit personnes sont blessées, certaines par des coups de crosse, d’autres par la pression de l’eau qui les a projetées violemment sur le bitume ou bloquées contre un mur. C’est la première fois que la police intervient pour empêcher les ouvriers de défiler dans les rues. Selon Sam Rainsy, cette intervention s’explique par le fait que « certains policiers de haut rang détiennent des parts de capital » dans l’usine Tack Fact Garment.

Le 8 janvier, les ouvriers de Tack Fat Garment rentrent dans les locaux de leur usine après que la direction ait annoncé par haut-parleurs qu’ils pouvaient venir chercher leur salaire du mois de décembre. Mais aucun accord sur les conditions de travail n’est signé avec la direction.

Le 9 janvier, la police tire 47 coups de feu en l’air afin de faire partir Sam Rainsy et des membres du SLTK qui manifestent devant l’usine Tack Fat Garment. Des échauffourées éclatent, un garde du corps de Sam Rainsy est blessé, ainsi que le député Khieu Rada, secrétaire général du PNK. Sam Rainsy demande aux policiers de stopper leur action, et Mok Chito déclarera par la suite, que ces tirs et les violences commises par la police étaient inutiles, et ne venaient pas d’un ordre officiel de la police.

Le SLTK s’est adressé à la Confédération mondiale du travail, dont le siège est à Bruxelles, afin que la Confédération dépose une plainte contre l’usine Tack Fat Garment auprès du Bureau international du travail, pour y dénoncer les abus contre les droits de l’homme. La majorité des ouvriers de cette usine est décidée à poursuivre la grève jusqu’à ce que la direction signe la convention sociale établie par le syndicat.

Le 14 janvier, le premier ministre Ranariddh publie un communiqué daté du 11, dans lequel il dit espérer vivement que la nouvelle loi sur le travail votée par l’Assemblée nationale, « soit promulguée par le roi dans la semaine . Immédiatement après, les ministères concernés auront pour instruction d’inspecter les conditions de travail dans toutes les manufactures de textile, afin d’assurer la correcte application de la loi

Ce même 14 janvier, les ouvriers de Supreme Garment, se mettent à leur tour en grève et défilent dans les rues de Phnom Penh, réclamant que le nouveau texte de loi sur les conditions de travail soit appliqué dans leur entreprise. Ils ont rencontré Pou Sothirak, ministre de l’Industrie, qui a chargé son chef du département du personel d’organiser l’élection de représentants du personnel avant d’entamer des négociations avec la direction de l’usine.

Le plus gros syndicat du secteur textile de Hongkong, le « Clothing Industry Employees Unionla « Confederation of Trade Unions » et le « Hongkong Christian Industrial Comittee » manifestent à deux reprises, durant la semaine du 20 au 25 janvier, contre la Tack Fat Garment dont le siège est à Hongkong, en solidarité avec les ouvriers de la filiale de Phnom Penh.

Le 17 janvier, les ouvriers grévistes de la Tack Fat Garment reprennent le travail. La direction de l’usine a traité directement avec les représentants des salariés et a accepté les 23 doléances consignées dans une convention qui reprend presque tous les points de la nouvelle loi sur le travail votée par l’Assemblée nationale. Cependant, 13 ouvrières de la Tak Fat Garment sont licenciées le 18 janvier. Selon le SLTK, ces femmes sont accusées par la direction d’être des « agitatrices » et ont été obligées de signer une « confession » reconnaissant leur implication dans le mouvement de grève avant d’être « remerciées« .

Le 19 janvier, une petite délégation d’ouvriers de l’entreprise Winner Garments Manufacturing se rend chez Sam Rainsy afin d’obtenir le soutien du SLTK pour lancer un mouvement de protestation afin d’obtenir que les heures supplémentaires ne soient plus obligatoires et qu’elles soient payées. Le 20 janvier au matin, Sam Rainsy rencontre les responsables de Winner Garments Manufacturing, Has Vary, président cambodgien, assistant de Kok, directeur taïwanais, également présent, le reçoit chaleureusement. Les patrons n’émettent aucune opposition à l’élection de représentants du personnel afin de discuter des conditions de travail avec eux, ce qui est fait sur le champ. Les 5 représentants élus entament les négociations alors que le reste du personnel reprend le travail. Sam Rainsy, qui a mené des négociations parfois difficiles avec les patrons d’usines durant le précédent mouvement social, s’avoue très surpris par un accueil si aimable et cette apparente facilité dans la négociation.

D’autres catégories sociales commencent à prendre, elles aussi, conscience de leur force. Le 13 janvier, les membres du Syndicat libre des fonctionnaires civils khmers (SLFCK), annoncent leur intention de manifester le mois prochain si le gouvernement ne paye pas leurs salaires. Le secrétaire d’Etat au ministère des Finances explique, le même jour, que les retards sont dûs au manque de rentrées fiscales en 1996, mais il il ne fait pas allusion aux problèmes de corruption dont s’était plaint son ministre, Kéat Chhon, en décembre dernier.

Le 20 janvier, 300 professeurs du lycée Back Touk font grève pour protester contre le retard dans le versement de leur salaire de décembre. Le 21, Chéa Sophara, vice-gouverneur de la municipalité, chargé de la distribution des salaires, s’engage à régler dorénavant les salaires au plus tard le 5 du mois. Le même jour, le ministre de l’Education, Tol Lah, indique que ce retard est peut-être imputable à des ratés de la machine administrative, ou, tout simplement, au manque d’argent dans les caisses du Trésor public. Le 23 janvier, ayant obtenu gain de cause, les professeurs reprennent le travail, mais promettent de recommencer la grève si de nouveaux retards dans le versement de leur salaire de misère (25 à 40 dollars, soit entre 130 à 240 francs par mois!) se produisent dans l’avenir.

Depuis le 13 janvier, plus de 200 ouvriers de l’usine de pneumatiques Sanye Rubber Products, située à Takmau, sont en grève pour protester contre la vente par le gouvernement du matériel de leur usine à un prix qu’ils estiment dérisoire. L’usine, fermée depuis 1993, a été rachetée par la société chinoise à la fin de l’année 1996. Selon l’accord de privatisatin conclu entre le gouvernement et Sanye Rubber Products, les équipements et matières premières devraient être vendus et les ouvriers devraient recevoir 10 % du produit de ces ventes. Chacun devait ainsi toucher environ 500 dollars selon les employés, et non pas 150 comme le dit le ministère de l’Industrie.

Le litige porte sur la vente du stock de matières premières de l’usine, estimé, le 18 novembre 1996, à 1074 millions de dollars par une commission interministérielle. Il a été vendu par le ministère de l’Industrie à la société Sanye, le 16 décembre 1996, pour 313 000 dollars. Un conseiller du Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge (SIORC), regrette que les privatisations se déroulent dans des conditions « douteuses, non transparentes, trop souvent contre l’intérêt des ouvriers et au profit de certaines personnes qui s’enrichissent sur le dos de l’Etat et des plus pauvresLe 10 janvier, les ouvriers séquestrent leur directeur chinois, Xu Shu Ben, durant dix heures. Le directeur a été libéré grâce à l’intervention d’un représentant de l’ambassade de Chine et après promesse de reprendre les discussions dès le lendemain.

Le 1er février, s’est tenu le premier congrès extraordinaire du Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge (SIORC). Environ mille personnes ont fait le déplacement, essentiellement des jeunes filles, en grande majorité employées dans des usines de confection, même si « les forces de sécurité ont interdit aux ouvriers de plusieurs entreprises de participer au congrès du SIORC, les avertissant que de violents incidents pourraient survenircomme le déclarait Ou Mary, présidente du SIORC. Le 31 janvier, Pou Sothirak, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, et Khem Sokha, président de la commission des droits de l’homme à l’Assemblée nationale, se déclarent très proches et très concernés par la situation des ouvriers. Le seul regret des organisateurs, provient de l’absence de représentants d’organisations internationales, d’ONG travaillant dans le domaine des droits de l’homme, et des ambassades, qui avaient pourtant toutes été invitées. Seule l’ambassade des Etats-Unis a envoyé un représentant. A la sortie du congrès, les jeunes ouvrières ont pu exposer leurs problèmes aux responsables syndicales de manière informelle. Toutes ont fait part de leur besoin d’être considérées au sein des usines, non comme des

« animaux » mais comme des « êtres humains ». D’après le syndicat, les usines de textile profitent de ce que la nouvelle loi sur le travail ne soit pas encore entrée en vigueur pour se débarrasser des ouvriers jugés agitateurs. Le syndicat a noté 50 cas de licenciement abusif dans différentes usines durant le mois de janvier 1997, dont 19 parce que les ouvriers refusaient de faire des heures supplémentaires ou étaient accusés d’activité syndicale.

Le 4 février, Cham Prasidh, ministre du Commerce, déclare que les récents mouvements de grèves et les actions menées par les syndicats ne contribuent qu’à donner une image négative et d’instabilité du royaume, ce qui a pour conséquence de freiner l’investissement des entreprises, surtout américaines, au Cambodge. (Le ministre touche un salaire officiel de 2 300 dollars, les ouvrières de 40 au plus). Selon un rapport du PNK, les exportations vers les Etats-Unis n’ont représenté que 1,2 % des 66,2 millions de dollars d’exportation du Cambodge en 1996, bien que le Cambodge ait bénéficié de la clause de la nation la plus favorisée en septembre 1996, lui permettant de bénéficier de réductions importantes de taxes à l’exportation. De plus, d’après un rapport des Nations Unies pour le ministère de l’Industrie, 20 usines de textiles ont poussé comme des champignons autour de Phnom Penh ces trois dernières années, créant près de onze mille emplois. Il est à craindre qu’après les récents mouvements de grève, les entreprises de textiles se tournent vers des pays comme la Chine.

FAITS DE SOCIETE

Drogue

Le Cambodge est devenu l’une des plus importantes plaques tournantes du trafic de cannabis d’Asie. De nombreux champs plantés jadis en tabac, sont désormais plantés en cannabis, plus rentables. Aucun suspect n’est arrêté.

Le 15 janvier, 6,6 tonnes de cannabis en provenance du Cambodge ont été saisies par les douaniers du port de Hô Chi Minh-Ville au Viêtnam. La drogue a été expédiée depuis le Cambodge, en faisant une escale à Singapour. Une enquête a été ouverte pour trouver l’identité de l’expéditeur.

Le 26 janvier, la police des stupéfiants de Singapour saisit 4,3 tonnes de cannabis à bord d’un cargo transportant du tissu et des vêtements en provenance du Cambodge. La drogue était destinée à être revendue en Europe, pour une valeur marchande d’environ 21,5 millions de dollars. Cette affaire renforce la supicion du SIORC à l’égard de certaines usines de textiles qu’ils accusent d’être dirigées par la mafia régionale et d’être impliquées dans diverses activités illégales telles que le trafic de drogue et le blanchiment d’argent sale.

Durant les 19 derniers mois, plus de 60 tonnes de marijuana ont été saisies à travers le monde dans des conteneurs en provenance du Cambodge, mais les investigations du gouvernement cambodgien n’ont conduit à aucune arrestation. Dans les 17 enquêtes menées par Interpol-Cambodge, les enquêteurs ont toujours été dans l’impossibilité de trouver les propriétaires des conteneurs, bien que leurs noms et d’autres informations, comme le nombre de conteneurs, leur contenu, leur origine et leur destination soient écrits clairement.

La nouvelle loi pour combattre les trafics de drogue a été signée par le roi le 19 février, soit 46 jours après son adoption par l’Assemblée nationale.

Criminalité

La première réunion des membres de la police judiciaire s’est tenue le 3 janvier. L’ensemble des responsables de police judiciaire se sentent impuissants pour lutter contre les nouvelles formes de criminalité. Les commissaires ont mis l’accent sur l’augmentation de tous les trafics, notamment ceux du bois, d’oeuvres d’art, de drogue et sur la nécessité d’améliorer la formation de la police. Nombreux sont les observateurs qui attribuent l’arrivée des trafiquants internationaux au Cambodge à la faiblesse du système judiciaire. Certains policiers se sont plaint ouvertement de l’implication « d’hommes en uniformes », rendant encore plus ardu leur travail. D’autres, ont exprimé leur impuissance à agir face aux moyens bien supérieurs à ceux des policiers dont disposent les criminels.

Les 11 et 12 février, 100 policiers des services d’immigration ont reçu une formation technique de détection des faux documents. Cette formation était offerte par les Etats-Unis, qui ont entre autres remis aux policiers 50 lampes à ultraviolets qui repèrent les passeports contrefaits ou modifiés. Ce stage de deux jours n’est que le dernier exemple d’une coopération américaine dans le domaine policier qui manifestement s’accroît depuis quelques temps. Ainsi, depuis le début du mois de février, les Etats-Unis ont entamé un programme de formation d’une unité de lutte contre le trafic des narcotiques. Les services secrets américains ont aussi entraîné une équipe cambodgienne à détecter les faux billets.

Le 6 février, Khann Savoeun, commandant de la 4ème Région militaire, a annoncé que plus de 100 anciennes oeuvres d’art khmères, d’une valeur estimée à 120 000 dollars, sont retournées à Siem Réap après avoir été saisies, le 29 janvier, dans le district de Kralanh, à l’intérieur d’un camion qui les transportait vers la Thaïlande.

Liberté de la presse

Le 2 janvier, le rédacteur en chef de Kumnit Kon Khmer (« L’esprit de l’enfant khmer »), proche du FUNCINPEC, a été violemment passé à tabac par sept policiers et militaires qui le suivaient en moto. Deux balles l’ont atteint, l’une au bras et l’autre dans l’estomac. Pour Cheng Sokna, directeur du Kunnit Kon Khmer, comme pour Pin Samkhon, président de l’Association des journalistes khmers (AJK), cette agression est politique, dans la mesure où le journal soutient ouvertement le prince Ranaridhh, et critique ouvertement Hun Sen. Cette agression intervient après des mois de menaces et d’intimidations à l’encontre du journal. Les médias sont devenus une cible des attaques politiques dans la mesure où chaque parti contrôle ses propres journaux, chaînes de télévision et de radio. Au cours des trois dernières années, quatre journalistes ont été tués. La ligue des journalistes khmers, majoritairement favorable à Hun Sen, a elle aussi condamné cette agression.

Le 7 janvier, Sam Sari, rédacteur-en-chef du journal Serciphéap Khmer (« Liberté Khmère ») qui déjeunait avec sa femme et son enfant dans un restaurant, a été abordé par plusieurs hommes, dont l’un tenait une arme. Sam Sari a alors sorti son propre pistolet, provoquant la fuite des assaillants dont on a perdu la trace. Pour la Ligue des journalistes cambodgiens (LJC), il s’agit d’un acte politique. Le journal Sereiphéap Khmer a publié récemment une série d’articles très critiques à l’égard du roi, de la famille royale et du camp royaliste en général.

Le 19 février, la Ligue des journalistes cambodgiens (LJC) a demandé aux autorités de garantir la liberté de la presse et de mettre un terme aux menaces et attaques dont les journaux, les distributeurs et les imprimeries sont l’objet.

Justice

Le 14 janvier, à l’issue du congrès sur le bilan des activités de la justice cambodgienne en 1996, le ministère de la Justice a demandé que le gouvernement abroge l’article 51 de la loi sur les fonctionnaires : cet article empêche les magistrats d’entamer des poursuites à l’encontre d’un employé de l’Etat sans l’autorisation de son supérieur hiérarchique, voir du gouvernement. Selon les participants à ce congrès, il y a eu 167 cas d’impunité concernant des fonctionnaires durant l’année écoulée. Par rapport aux problèmes de corruption, le ministre de la Justice, Chem Snguon, reconnaît que certains magistrats commettent de nombreuses « fautesmais promet de limoger tout magistrat corrompu. Le ministère de la Justice a indiqué avoir traité 5 524 affaires pénales et 10 747 affaires civiles en 1996, grâce aux 133 magistrats (procureurs et juges) et 500 greffiers. Par ailleurs, le ministère a formé 1 288 officiers de police judiciaire.

D’après un rapport établi par le département central de la justice au ministère de l’Intérieur, 2 417 crimes, dont 22,4 % de meurtres, ont officiellement été recensés au cours de 1996, soit environ un millier de plus que l’année précédente. 3 851 actes délictueux ont fait l’objet de plaintes auprès des commissariats du royaume. « Nous avons constaté que la plupart des agressions étaient commises par des hommes en uniformes et armésa indiqué le co-ministre de l’Intérieur You Hockry.

Le 30 janvier, le Département d’Etat américain a publié à Washington un rapport de 18 pages, mettant en cause la situation des droits de l’homme au Cambodge. « En 1996, de nombreux cas d’abus ont été rapportésindique le rapport avant d’énumérer une liste de « meurtres, assassinats, cas de torture, passages à tabac de détenus, arrestations arbitraires et intimidations politiques de journalistes et de membres de l’opposition ». Le gouvernement est épinglé pour son incapacité ou son « manque de volonté » à poursuivre les militaires soupçonnés de tels abus. Quand au système judiciaire, il est qualifié de « fragile », « non indépendant » et corruptible. Le Département d’Etat américain s’inquiète également des conditions de travail au Cambodge et note que le gouvernement ne « fait rien pour mettre en oeuvre les dispositions légales de lutte contre les discriminations anti-syndicales et contre le travail forcé ».

Le 14 février, le directeur du UNCHR au Cambodge, déclare pour sa part que les juges cambodgiens continueront à être corrompus tant que le gouvernement ne réhaussera pas à un niveau suffisant leurs salaires (20 dollars par mois). Le ministre de la justice, Chem Snguon avait fait la même requète quelques jours auparavant. L’UNCHR estime entre 0,3 et 0,5 le pourcentage du budget national consacré à la justice.

A partir du 3 février, le Barreau du Cambodge est en mesure de désigner des avocats d’office afin de fournir une défense aux accusés ou prévenus les plus pauvres