Eglises d'Asie

Les crimes contre-révolutionnaires deviennent des crimes contre la sécurité

Publié le 18/03/2010




Un certain nombre d’observateurs de la Chine considèrent comme un signe positif, le tout récent amendement au code pénal chinois modifiant l’appellation d’un certain nombre de délits et de crimes autrefois appelés “contre-révolutionnaireset, désormais, qualifiés de délits et crimes contre la sécurité. Le code, sous son ancienne forme, définissait 15 crimes contre-révolutionnaires : étaient rangés sous cette catégorie, les actes accomplis dans le but de renverser la dictature du prolétariat ou le système socialiste, les activités visant à fomenter un coup d’Etat ou à diviser le pays. C’est sous cette accusation de “contre-révolutionnaires” que de très nombreux dissidents et croyants de toute religion sont allés remplir prisons et camps de rééducation, durant plusieurs décennies, après la prise de pouvoir du Parti communiste chinois, en 1949.

Cet amendement avait été proposé à la discussion des députés du Congrès national du peuple dès 1987 ; mais le projet avait été retiré après les événements de la place Tiananmen en 1989 et la répression du mouvement pro-démocratique qui avait suivi. Ce n’est que tout récemment, dans la première quinzaine du mois de mars, au cours de la cinquième session du Congrès national du peuple que l’amendement a été adopté. Douze activités répréhensibles, autrefois rangées dans la catégorie des crimes contre la Révolution, sont devenues des crimes mettant en danger la sécurité nationale, tandis que trois autres font désormais partie des crimes “mettant en danger la sécurité publique” et “perturbant l’ordre social et administratifLe changement a été voté à une quasi-unanimité puisque 2 466 députés l’ont approuvé contre seulement 122 votes défavo-rables. Cette révision du code pénal est destinée à prendre effet le 1er octobre, le jour de la fête nationale chinoise.

Certains spécialistes du droit et de l’actualité chinoise estiment que ce qui, pour le moment, n’est qu’un changement de vocabulaire, pourrait cependant constituer un progrès réel dans la mesure où désormais, comme l’a fait remarquer un commentateur connu des affaires chinoises, Lau Yui-siu, la Chine adopte un langage juridique commun, celui qu’utilise le droit international. Cet amendement illustre une tendance nouvelle à l’oeuvre dans le pays, qui cherche à aligner le droit chinois sur le droit international. Pour sa part , Anthony Lam Sui-ki, un chercheur du centre d’études diocésain du Saint Esprit à Hongkong, se félicite de voir les autorités chinoises rejoindre le concret et abandonner le concept de “contre-révolution”, concept vague, indéterminé et idéologique. D’autres encore estiment que, grâce à ce changement, il sera plus difficile de poursuivre des inculpés sous des accusations injustifiées. Chang Hsin, spécialiste du droit chinois, interrogé à ce propos, a déclaré que la tâche des avocats, qui auront à défendre des clients coupables d’actes mettant en danger la sécurité nationale, en sera facilitée.

D’autres observateurs notent cependant qu’avec la disparition de la catégorie des “crimes contre-révolutionnaires”, c’est aussi la notion de prisonnier politique qui devient vide de son sens. De récentes déclarations des autorités chinoises viennent de donner plus de poids à cette dernière interprétation. M. Ahan Xiufu, vice-ministre de la Justice, le 31 mars dernier, dans une conférence de presse, a déclaré que les 2 000 contre-révolutionnaires, actuellement dans les prisons chinoises, n’étaient pas des prisonniers politiques. Il a expliqué : “En Chine, les prisonniers ‘contre-révolutionnaires’ ne sont pas des prisonniers politiques. Ce sont des prisonniers qui ont mis en danger la sécurité nationale…, ou qui ont mené des activités tendant à renverser le pouvoir politiqueIl a précisé qu’ils sont condamnés non pour leurs opinions mais pour leurs actes. En abandonnant l’expression “crime contre-révolutionnairele pouvoir chinois écarte l’amalgame couramment fait entre cette expression et “prisonniers politiques

Au cours de cette même cinquième session, le Congrès national du peuple a renforcé les peines contre les instigateurs de haine ethnique et de discrimination raciale. Les autorités et les députés se sont montrés inquiets de l’actuel mouvement séparatiste à l’origine des émeutes de Yining en février et de diverses explosions de bombe, dont une à Pékin durant la session du Congrès (2). Commentant cette situation, un universitaire de Hongkong juge que les troubles sociaux et ethniques constitueront le défi que les autorités chinoises auront à relever désormais. Ils sont le résultat tardif d’un certain pluralisme introduit en Chine par les réformes de Deng Xiaoping en 1978.