Eglises d'Asie

L’EGLISE CATHOLIQUE ET LA RETROCESSION DU TERRITOIRE Un défi et une réponse

Publié le 18/03/2010




Introduction

L’Eglise catholique de Hongkong est le diocèse catholique chinois le plus important du monde puisqu’il compte 260 000 fidèles, dont 90% de Chinois, soit environ 5% de la population totale du territoire. Il représente 40% des Chinois catholiques de la diaspora. Donc, il s’agit bien d’une Eglise catholique chinoise.

L’histoire du diocèse a commencé en 1841, une année avant la cession de Hongkong à la Grande-Bretagne, suite à la première guerre de l’opium. Le 22 avril 1841, Hongkong devenait Préfecture apostolique, séparée de Macao avec, comme premier préfet apostolique, le P. Théodore Joset, un prétre diocésain suisse, représentant de la Sacrée congrégation de la Propagation de la foi à Macao. Son premier souci fut l’assistance spirituelle des troupes britanniques (des catholiques irlandais) stationnées dans cette toute nouvelle colonie. Mais parce que les préparatifs d’installation n’étaient pas terminés, le P. Joset dut continuer à résider, du moins pour un temps, à Macao. La Préfecture apostolique fut confrontée à des difficultés de politique internationale, dont l’une provenait d’un conflit entre Rome et les Portugais qui se termina par l’expulsion de Macao du Père Joset, de ses prêtres et des séminaristes, pour violation des privilèges du Portugal en matière religieuse. Le Père Joset vint s’installer à Hongkong et, au mois de juin de la même année, il posait la première pierre de la première église.

Entre 1840 et 1950 la croissance de l’Eglise catholique de Hongkong se fit lentement mais de façon régulière. En 1850, on recensait 1 200 catholiques dont 400 soldats irlandais, 400 Portugais, 30 Européens et 400 Chinois. Vers 1896, ils étaient 8 300 catholiques, la plupart anglais ou européens, les Chinois n’étant encore qu’une minorité. A la veille de la seconde guerre mondiale, ils étaient 20 000, la majorité du clergé étant composée de missionnaires italiens. Au début de l’année 1950, en raison de la victoire communiste en Chine continentale, des milliers de réfugiés affluèrent à Hongkong. Ce fut en même temps un défi et une chance pour l’Eglise. Elle dut faire face à la charge très lourde de l’aide aux réfugiés, aussi bien pour le logement que pour les écoles ou les hôpitaux. L’exode s’étala sur trois ans. Mais le grand nombre des conversions fut une joie pour l’Eglise. Les catholiques passèrent de 30 000 en 1949 à 150 000 au milieu de l’année 1950. Depuis lors, l’Eglise a été très présente dans les services sociaux comme dans l’éducation. L’institution charitable la plus connue est Caritas-Hongkong. Les écoles primaires et les collèges catholiques représentent un cinquième de toutes les écoles hongkongaises et beaucoup d’entre elles sont des écoles d’élite. Bien des gens de la classe moyenne et bien des hauts fonctionnaires ont reçu une éducation catholique, dont Madame Anson Chan, l’actuel gouverneur par intérim de Hong Kong. En 1968, le diocèse de Hongkong eut pour la première fois un évêque chinois, Mgr Francis Hsu. Mgr Wu lui succéda en 1975. Il fut nommé cardinal en 1988.

L’administration de l’Eglise de Hongkong est la même que partout ailleurs, mais avec quelques particularités. L’évêque, le cardinal Jean-Baptiste Wu est assisté de deux vicaires généraux. L’île de Hong Kong, Kowloon et les Nouveaux-Territoires, comprennent 9 doyennés, 60 paroisses et 30 conseils paroissiaux qui sont, pour l’Eglise de Hongkong, comme des lieux de réflexion et de consultation sur les questions politiques.

Les défis imposés par la rétrocession

En ce qui concerne la rétrocession de 1997, beaucoup de catholiques s’inquiètent et les raisons de leur anxiété sont multiples:

L’histoire des confrontations avec le parti communiste chinois (CCP) de 1950 à 1980 en Chine. Nous avons parlé plus haut de l’afflux des réfugiés des années 50. Parmi eux, il y avait de nombreux catholiques et prêtres, beaucoup issus du bastion catholique de Shanghai qui éprouvaient beaucoup de répulsion envers le communisme. Chacun connaît les démêlés des catholiques de Shanghai avec le gouvernement communiste durant ces années 50 qui aboutirent finalement à l’interdiction de l’Eglise catholique à Shanghai.

Actuellement encore, le gouvernement chinois et le Vatican n’entretiennent pas de relations diplomatiques. En conséquence, depuis 1980, le problèmes des églises souterraines en Chine reste toujours sans solution. Ces Eglises refusent habituellement de coopérer avec le gouvernement et sont de fait autant de forces en faveur de Rome. Un certain nombre de jugements négatifs portés sur le gouvernement chinois et issus de ces églises clandestines ont influencé l’Eglise de Hongkong.

La crainte de voir revenir un jour à Pékin “une politique gauchiste”.

De tout cela, il résulte que l’Eglise de Hongkong, dans l’attente de 1997, se trouve affrontée aux six problèmes potentiels suivants :

La liberté religieuse

Les relations avec le gouvernement chinois

Une éventuelle déchirure dans l’Eglise

Une émigration des fidèles

Les pressions pour une réforme des structures actuelles de l’Eglise

Les implications politiques

La liberté religieuse

C’est là un grave problème. Avant la déclaration conjointe sino-anglaise, en septembre 1984, sur le futur de Hongkong, en août de la même année, Mgr Wu avait fait publier une “Déclaration sur l’Eglise catholique et l’avenir de Hongkong” où il soulignait que la liberté religieuse était un des fondements des droits de l’homme. Le cardinal y exprimait son désir que ces droits et leur libre exercice soient explicitement exprimés et effectivement garantis dans la “Déclaration conjointe” et dans la “Loi fondamentale” pour la future région administrative spéciale de Hongkong. Une déclaration similaire signée par 200 responsables chrétiens protestants et anglicans hongkongais était adressée le 31 août aux deux gouvernements anglais et chinois. Ces appels, et d’autres plus tardifs, semblent avoir été entendus et dans la Loi fondamentale promulguée en avril 1990, le droit à la liberté religieuse est affirmé.

L’article 141 dit : “Les organisations religieuses et les croyants de la Région administrative spéciale de Hong Kong pourront maintenir et développer leurs relations avec d’autres organisations religieuses et d’autres croyants d’autres paysCeci inclut des contacts avec de Saint-Siège à Rome, un point très important pour l’Eglise catholique romaine.

La réaction des responsables religieux a été double: d’un côté, ils ont réservé un accueil favorable à cette promesse avec l’espoir que l’Eglise jouira plus ou moins de la même liberté qu’avant 1997, les privilèges exceptés. D’un autre côté, les mêmes responsables restent cependant inquiets à cause de l’article 158 où on peut lire au premier paragraphe : “Le pouvoir d’interprétation de la loi appartient au Comité du Congrès national du peupleDe même, l’article 159 dit : “Le pouvoir d’amender cette loi appartient au Comité du Congrès national du peupleAinsi, aux yeux de l’Eglise, des brèches demeurent qui pourraient permettre de changer les articles en question, mais existe aussi l’espoir que les promesses de la Loi fondamentale seront tenues. L’assurance donnée que, si le gouvernement chinois n’observait pas ce qui est écrit, des répercussions internationales s’ensuivraient, offre une certaine sécurité.

Les relations avec le gouvernement chinois

Elles sont étroitement dépendantes de la liberté religieuse après 1997. Que se passera-t-il en 1997 ? Hongkong restera-t-elle la même ? Autant de questions qui préoccupent beaucoup les catholiques. Les opinions semblent pouvoir se classer en quatre courants.

Tout d’abord les optimistes : à cause de la disparition du communisme dans les pays de l’est de l’Europe, beaucoup de catholiques pensent qu’ils ne seront plus très longtemps affrontés à un gouvernement communiste.

Il y a ensuite les optimistes prudents qui voient Hongkong rester en l’état et pensent que son rôle de “vitrine d’un seul pays, deux systèmes” est important pour le gouvernement chinois depuis que celui-ci a renoncé à terroriser Taiwan, ce qui rendrait l’unification difficile. De plus, ils pensent que les responsables chinois ne peuvent pas vouloir subir une si importante perte économique en s’avisant de changer le système actuel.

La troisième opinion est moins optimiste. Hongkong perdra sa position privilégiée et deviendra seulement l’une des “bonnes cités” chinoises.

Enfin, la quatrième opinion est pessimiste. La corruption, le népotisme, le contrôle du parti sur le droit ainsi que le manque de système juridique en Chine auront une influence sur Hongkong et causeront des dysfonctionnements.

L’opinion dominante dans l’Eglise de Hongkong se partage entre la seconde et la troisième opinion. Hongkong restera telle qu’en elle-même mais pourrait aussi bien perdre sa position privilégiée et devenir seulement une des “bonnes cités” du sud de la Chine.

Le principal souci de l’Eglise de Hongkong est : que va-t-il arriver en 1997 ? Il semble que les responsables ne pensent pas que puissent se produire de dramatiques changements. Ils se fondent en cela sur la politique pragmatique adoptée par le gouvernement chinois. Mais ils s’inquiètent d’un possible retour en force de la faction conservatrice dans le gouvernement. Son athéisme résolu s’imposerait dans le domaine idéologique, l’Eglise subirait de fortes pressions et sa position privilégiée actuelle changerait.

Jusqu’à maintenant, en effet, l’Eglise anglicane et l’Eglise catholique occupent la cinquième position dans le protocole. Elles sont seulement précédées par le gouverneur, le premier ministre, le ministre de la Justice, le ministre des Finances et le commandant en chef des forces armées britanniques. Cette position reflète les bonnes relations existant entre le gouvernement et les Eglises. Après 1997, cette position de prestige prendra fin, et l’Eglise n’aura pas plus de droits que les autres religions.

Attitude de l’Eglise

Tout d’abord, afin de promouvoir une plus grande compréhension mutuelle entre l’Eglise et le gouvernement chinois, l’Eglise se veut coopérative. En 1995, Mgr Wu conduisit une délégation de cinq membres à Pékin et à Shanghai à l’invitation du Bureau des affaires religieuses du Conseil d’Etat. C’était la première fois, depuis 1949, qu’un évêque catholique chinois, du diocèse de Hongkong, visitait la Chine continentale. S’ensuivirent, à l’invitation du diocèse, une augmentation du nombre des visiteurs venus de Chine, dont le directeur du Bureau des affaires religieuses du Conseil d’Etat lui même. En 1994, le cardinal Wu se rendit en Chine pour la deuxième fois en vue de promouvoir l’amitié et le dialogue et faciliter une future coopération grâce à une meilleure compréhension de la situation actuelle de la Chine. La troisième et dernière visite du cardinal eut lieu en 1995 pour, pense-t-on généralement, amorcer une normalisation des relations entre le Vatican et la République démocratique de Chine. Ces visites de part et d’autre sont importantes. Non seulement elles facilitent la compréhension mutuelle mais elles jouent le rôle d’un pont pour l’Eglise dans ces relations triangulaires Vatican-Hongkong-République démocratique de Chine. En fait, l’après-guerre froide a favorisé des relations plus chaleureuses entre le Vatican et le gouvernement chinois. Ce qui place comparativement l’Eglise de Hongkong dans une meilleure position que son homologue de Shanghai en 1950.

L’Eglise veut aussi se préparer à une meilleure insertion locale et à tout ce que nécessitera le transfert de souveraineté. Dans ses “Directives pastorales pour la transition de 1997”, datées du 10 mars 1995, le cardinal Wu insiste sur trois points : En tant que chinois, il demande d’abord aux fidèles de savoir apprécier la culture chinoise et l’amitié de leurs compatriotes. En tant que citoyens de Hongkong ensuite, il leur faut développer leur sens civique, prendre une part active dans les affaires sociales, voter et se présenter comme candidats aux élections. Ils devraient participer aux activités des associations locales afin de pouvoir y exprimer leur point de vue et coopérer avec tous. Les catholiques doivent connaître la Loi fondamentale de Hongkong surtout en ce qui regarde la liberté religieuse, les organisations religieuses et leurs activités. Comme chrétiens enfin, leur premier devoir est de grandir dans la foi et de savoir la communiquer aux autres, comprendre que l’éducation chrétienne de leurs enfants est une priorité, comme dans toute famille chrétienne chinoise. Ils auront à promouvoir la communion fraternelle à tous les niveaux entre l’Eglise catholique qui est en Chine et celle de Hongkong, par des réunions de prière, l’organisation de visites mutuelles, de dialogues et d’échanges culturels. En d’autres termes il demande aux catholiques d’être chinois, citoyens de Hongkong et chrétiens, tout à la fois, de garder des liens étroits avec la Chine tout en ayant une large vue sur le monde. L’Eglise marche avec confiance et détermination vers le futur pour remplir sa mission historique.

En troisième lieu, comprenant l’importance pour les croyants de garder confiance, le diocèse décidait de bâtir une église chaque année dès 1990 malgré le prix du terrain extrêmement élevé et la réduction considérable de l’aide sociale gouvernementale. A travers ces décisions et ces actions, l’Eglise essayait de montrer sa détermination de vouloir rester à Hongkong et d’en partager le destin. L’autre décision importante était de vouloir garder toute son influence dans le domaine social et l’éducation où elle gère un cinquième de l’ensemble des équipements sociaux et éducatifs. Par exemple, le budget de Caritas-Hongkong, en 1995, dépassait le milliard de dollars-HK. Longtemps, beaucoup de catholiques se sont plaint que l’Eglise investissait trop dans les services sociaux et éducatifs. Certains avaient demandé qu’on réduise la participation de l’Eglise. Après de longs débats, les responsables diocésains semblent être arrivé à un consensus : l’action sociale est importante pour que l’Eglise soit reconnue, ait une influence et remplisse son rôle de servante du peuple de Hongkong. En conséquence, l’Eglise n’a pas l’intention de réduire son action caritative ni de se retirer.

Le maintien de l’Eglise dans l’unité de la diversité

Sur ce problème des relations de l’Eglise catholique avec la Chine continentale, l’article 148 de la Loi fondamentale dit que ces relations seraient fondées sur une base de “non-subordination, de non interférence et de respect mutuel“. L’Eglise juge les deux premiers éléments très clairs. Quant au troisième, le “respect mutuel”, il lui semble difficile à définir et pourrait être interprété différemment. Les responsables ont noté que cela pourrait provoquer des clivages à l’intérieur de l’Eglise de Chine continentale.

En fait, ce problème a provoqué dans l’Eglise, bon nombre de discussions depuis 1984. Deux sortes d’opinions se sont exprimées. L’une, qualifiée de “pro-chinoise”, pense que dialogue et communication entre la Chine continentale et l’Eglise de Hongkong sont le meilleur chemin possible pour arriver à une bonne compréhension mutuelle. L’autre, qualifiée d'”anti-chinoise”, pense que la nature du catholicisme est fondamentalement anti-communiste. Ces deux courants de pensée sont minoritaires dans l’Eglise. La majorité des fidèles semble plutôt adopter une attitude attentiste. Les deux tendances se querellent souvent, la plupart du temps dans le journal officiel de l’Eglise, le “Sunday Examiner“, (édition anglaise) et le “Kung Kao po” (édition chinoise). La position officielle de l’Eglise est de permettre que tous s’expriment mais que chaque fidèle catholique suive les directives de l’évêque. 1997 s’approchant, les discussions s’amplifient et les problèmes s’élargissent. La situation veut que tout cela demeure dans les limites d’une discussion interne. Mais bon nombre de catholiques se demandent si cette situation pourra se maintenir après 1997 et craignent que ces problèmes conduisent à la désunion, quoique les possibilités en soient minimes.

L’émigration des catholiques

C’est en 1984 que l’émigration a commencé à Hongkong et parmi les émigrés on trouve de nombreux catholiques. L’attitude officielle de l’Eglise est de ne pas encourager cette émigration tout en respectant le choix de chacun. Jusqu’à maintenant, cette émigration n’est pas une menace pour l’Eglise. Comme pour l’émigration en général à Hongkong, les catholiques qui émigrent sont des membres des professions libérales et ils sont une perte pour l’Eglise qui se doit de les garder. Elle dit ne pas avoir de chiffres exacts mais comparée avec la situation générale, l’émigration des catholiques ne semble pas très importante. Présentant l’Eglise de Hongkong, le cardinal Wu affirmait dans le livret “Conseils aux catholiques migrants”, publié par la chancellerie diocésaine en juillet 1989, les deux principes suivants :

– Quelle que puisse être la situation locale, le diocèse ne retirera pas de Hongkong son potentiel humain ni ses ressources, et n’épargnera pas ses efforts pour continuer à servir la population.

-Le diocèse n’encourage pas les fidèles à émigrer à l’étranger, mais il respecte la décision des personnes et offrira son assistance pastorale à ceux qui auront décidé de s’expatrier.

Concrètement, une Commission pour la pastorale des chinois catholiques à l’étranger a été mise en place afin de pourvoir aux nécessités pastorales des catholiques de langue cantonaise à l’étranger et des fidèles qui se préparent à partir.

Les pressions pour une réforme des structures ecclésiales

Depuis longtemps, des pressions pour réformer les structures ecclésiales se sont exercées de l’intérieur de l’Eglise. En 1984, des catholiques et parmi eux des prêtres avaient demandé une réforme des structures avec plus d’insistance qu’auparavant. Leur opinion était que l’Eglise devrait envisager l’échéance de 1997 comme une transition vers une nouvelle avancée tous azimuts. L’opinion générale est que l’Eglise a bien joué son rôle de “servante” mais moins bien celui de “prophète”. Ce désir de transformation est particulièrement fort chez les intellectuels. Beaucoup de catholiques reprochent à l’Eglise sa hiérarchie très compliquée et sa bureaucratie. L’une des tribunes les plus critiques est sans aucun doute le journal, “People’s Kung Kao PoC’est un journal né en 1995, indépendant, dont les commentaires et les critiques sont le reflets du groupe de réflexion des jeunes étudiants catholiques qui le publient.

A cette demande de transformation, le cardinal Wu a répondu dans son exhortation pastorale, “En marche pour une décade pleine de promesse, engagement pastoral du diocèse catholique de Hongkong”, datée du mois de mai 1989. C’était en effet un plan sur dix ans qui donnait des directives d’ordre général pour le futur développement du diocèse durant cette période de transition de 1997 et au delà. Dans ce projet, le cardinal insistait pour que se développe, comme objectif à long terme de cette réforme, le mouvement pour de petites communautés chrétiennes. Le but de ce mouvement était de réduire la trop grande sujétion aux prêtres des laïcs catholiques et de leur donner un rôle plus important. Depuis son démarrage en 1990, un groupe chargé de lancer ce mouvement existe dans chaque paroisse du diocèse. Comme l’ont dit un certain nombre de prêtres, le but de ce mouvement est de créer et développer chez les laïcs la conscience de leur autonomie, un projet d’Eglise qui aurait vu le jour même en dehors de la perspective de 1997. Ainsi, pour eux, il ne s’agit pas seulement d’un simple projet ou d’une tactique de survie. Ils reconnaissent cependant que, dans le cas d’une limitation possible des activités ecclésiales, ces structures en “petites communautés chrétiennes” conviendraient bien à la situation. De toute façon, la plupart des prêtres ont une opinion positive quant à ces réformes structurelles. Beaucoup pensent que la transition de 1997 est une occasion unique pour l’Eglise de Hongkong et d’une toute spéciale importance puisque que le principe “Un pays, deux systèmes” n’a jamais encore été mis en pratique nulle part. Ce peut être une chance pour l’Eglise de se réformer et devenir une sorte d’exemple ou de modèle pour une Eglise moderne en Asie.

En 1990, le cardinal Wu a entrepris cette tâche de réorganisation du diocèse en consultant le Conseil presbytéral, l’ensemble du clergé, les religieux et les laïcs. L’année suivante, le cardinal continuait ses consultations à d’autres niveaux et, en juin 1991, il annonçait son projet de réorganisation du diocèse, le point fort étant la généralisation du principe de consultation et d’une plus grande participation des laïcs aux affaires de l’Eglise. De cette orientation découlaient toute une série de décisions pratiques. La procédure de consultation adoptée révèle l’influence des politiques hongkongais consultés. Bien sûr, l’objectif initial du projet était de faire les améliorations nécessaires pour affronter la période de transition de 1997. En 1992, le cardinal divisait le diocèse en trois vicariats, Hongkong, Kowloon et les Nouveaux territoires et il nommait deux jeunes vicaires généraux, le P. John Tong Hon et le P. Dominique Chan.

En 1993, le diocèse était divisé en neuf doyennés et un Conseil pastoral fut mis sur pied. En 1994, à mi-chemin des 10 années prévues pour ce projet pastoral, une évaluation s’engageait pour que puissent se réaliser les recommandations du cardinal Wu dans son exhortation pastorale, “En marche pour une décade pleine de promesses”.

Les implications politiques

Elles sont un sujet sensible dans l’Eglise catholique. La complexité du sujet commence déjà avec la définition du mot “politique” puisque des peuples différents auront des explications elles aussi différentes. Après Vatican II, la tendance générale dans l’Eglise était d’essayer de se tenir au dessus de la politique, en d’autres termes, d’éviter d’y être impliqué directement. Pourtant, l’Eglise se sent concernée quand il s’agit des droits de l’homme, de l’environnement et de la paix. Ces sujets sont toujours autant de “points chauds” dans les discussions et parfois même dans les disputes. Chaque diocèse diffère dans ses interprétations et donc aussi dans ses décisions

A Hongkong aussi, le sujet est sensible. Depuis 1980, le gouvernement de Hongkong a entrepris de sérieuses réformes du système politique. Elles ont provoqué d’âpres discussions entre la Chine et le gouvernement anglais. La Chine y voit un complot des Britanniques pour sauvegarder leur influence, les Britanniques, une nécessité pour développer la démocratie. En tout état de cause, des élections directes pour un Conseil législatif municipal et d’arrondissement ont eu lieu séparément en 1991 et en 1995.

Les réactions de l’Eglise pendant ces élections ont été un test quant à sa prudence politique. Le moindre faux pas aurait suscité la suspicion des autorités. Face aux opinions divergentes à l’intérieur de l’Eglise, les responsables religieux ont adopté une stratégie pleine de la sagesse politique chinoise : en tant qu’instance religieuse et charitable, l’Eglise de Hongkong ne s’impliquera pas dans ces élections et aucun prêtre ne sera autorisé à exprimer une opinion en tant que représentant de l’Eglise. Mais les catholiques étaient encouragés à participer à ces élections puisque le devoir des catholiques est de se sentir concernés par la société où ils vivent. Le cardinal Wu écrivit une lettre pastorale exhortant les fidèles à exprimer leur souci des affaires publiques, et à faire progresser le bien public par leur vote en prenant une part active dans cette élection du conseil d’arrondissement de 1985 comme dans les élections du conseil municipal et régional de 1986.

De cette manière, l’Eglise espérait résoudre le dilemme auquel elle était affrontée. En fait, sur l’ensemble de la population, la proportion des votants catholiques a été la plus forte dans beaucoup d’endroits, jusqu’à atteindre parfois le double.

Ici, se posent deux questions à l’Eglise catholique de Hongkong. La première est la suivante: faut-il rejoindre le Comité de sélection  qui doit élire le premier chef de l’exécutif de la région administrative spéciale et les membres du conseil législatif provisoire ? le Comité préparatoire a invité l’Eglise catholique a participer à la consultation en envoyant deux délégués qui auraient un rang équivalent à celui d’un membre d’une association. La deuxième est celle-ci : faut-il organiser des célébrations pour la fête nationale chinoise et la réunification de Hong Kong à la Chine ?

Certains pensent que rejoindre le Comité de sélection serait l’équivalent d’une violation du principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. D’autres pensent que ce serait une bonne occasion pour l’Eglise de pouvoir exprimer son opinion sur cette désignation du chef de l’exécutif, quoique l’Eglise doive être réservée en cette matière. Le cardinal a consulté la plupart des instances ecclésiales afin d’avoir l’opinion la plus large possible. Parce que, sur cette question d’envoyer ou non des délégués, l’opinion était partagée en deux parties égales, l’Eglise ne prendra pas de décision avant la mi-jullet 1996. Quoiqu’il en soit, le chancelier du diocèse fera paraître un communiqué dans le “Kung Kao Po” pour réaffirmer la position du diocèse qui estime qu’il est important d’envoyer des délégués, mais qui ne pourra prendre sa décision avant la fin des consultations. Quant au débat sur la célébration de la fête nationale, il a surtout eu lieu dans les communautés protestantes avec les mêmes réserves sur “la séparation de l’Eglise et de l’Etat”.

Les implications de ces débats sont intéressantes. Elles reflètent en fait deux attitudes différentes face au gouvernement. L’une est partisane d’un rapprochement et d’une coopération avec lui, l’autre

est peu disposée à le faire ou alors, pour le plus grand nombre, la coopération exige beaucoup de précautions.

Perspectives d’avenir

La transition de 1997, ses défis et les réponses de l’Eglise catholique ont des implications importantes. Le problème important est traditionnel, c’est celui des relations de l’Eglise et de l’Etat. L’idée d'”un seul pays, deux systèmes”, la position unique de Hongkong et l’impact de l’influence sociale de l’Eglise sont autant d’implications nouvelles sur ce sujet traditionnel. Bien des prêtres et des laïcs, spécialement les jeunes et les gens d’âge moyen inclinent à y voir une chance à saisir pour transformer l’Eglise et en faire une organisation plus vigoureuse et mieux adaptée aux besoins d’une société moderne. Les autres, plus âgés, ceux qui ont eu des expériences malheureuses en Chine continentale, doutent et redoutent l’avenir pour l’Eglise.

Face à ce défi, le caractère original de l’Eglise “unie dans la diversité” va être mis à l’épreuve. Les débats ne se font pas seulement à l’intérieur d’une Eglise aux portes closes, mais aussi au dehors dans la société. Sous la direction actuelle du cardinal, l’Eglise est encore unie dans sa diversité, mais beaucoup commencent à s’inquiéter pour savoir comment maintenir cette unité avec des mesures plus efficaces.

Un aphorisme très populaire en Chine en ce moment résume la situation de l’Eglise en parlant d’une “coexistence des chances et des risques”. De toute façon, les responsables ecclésiastiques semblent confiants envers le futur avec un vrai sens de la mission. Un adage avait cours à Hongkong pendant les fêtes du cent-cinquantième anniversaire de l’Eglise, qui disait : “L’Eglise catholique de Hongkong s’en remet au peuple de Hongkong et, où que ce soit, marche avec lui