Eglises d'Asie

LES EGLISES CHRETIENNES A HONGKONG SOUS LE REGIME COLONIAL

Publié le 18/03/2010




Lorsque, dans une centaine d’années, nos descendants évoqueront le comportement des Eglises chrétiennes sous le régime colonial britannique, un fait se détachera à leurs yeux, à savoir l’immense somme de services apportés par elles à la population de Hongkong, avec l’accord du gouvernement, dans les domaines social, médical et éducatif.

C’est vers la moitié du 19e siècle que l’Eglise a commencé à accorder son patronage aux oeuvres éducatives, lorsque les sociétés missionnaires étrangères se sont mises à ouvrir des écoles auprès de leurs églises. Aujourd’hui, à de rares exceptions près, les écoles missionnaires jouissent d’une très haute réputation auprès de la population. En voici une liste incomplète: le collège et l’école de filles Ying Wah, créés par la Société missionnaire de Londres, administrés aujourd’hui par le Conseil de l’Eglise du Christ en Chine de Hongkong, les écoles diocésaines de garçons et de filles, le collège de Saint Paul et l’école de St Etienne, aujourd’hui encore tenus par l’Eglise anglicane. Parmi les meilleures écoles catholiques, on peut citer les collèges St Joseph, le collège La Salle, le collège Wah Yan et le collège de filles des soeurs canossiennes du Sacré coeur, l’école du couvent de Maryknoll, l’école secondaire de Marymount. Les parents de Hongkong éprouvent un grand respect pour ces écoles de renom et font tout pour que leurs enfants soient inscrits dans l’une d’entre elles.

Lorsque la vague de réfugiés venant de Chine continentale s’est déversée sur la colonie au cours des années 50 et 60, les Eglises leur ont fourni une aide d’urgence sous forme de nourriture et de vêtements. Elles ont aussi pris en charge les besoins de leurs enfants à long terme. L’Eglise du Christ en Chine, le diocèse catholique aussi bien qu’anglican font partie de ces nombreuses institutions d’Eglise qui ont répondu à l’appel à l’aide lancé par le gouvernement. Non seulement, elles ont recueilli à l’étranger les finances nécessaires aux services d’entraide, mais elles ont ouvert des écoles dans tous les endroits libres qu’elles ont pu trouver. Au début, ce furent les « écoles sur le toit », dans des abris montés à la hâte au sommet des immeubles en construction. Elles furent bientôt suivies par des structures plus traditionnelles, des écoles primaires où le même enseignement était dispensé le matin et le soir pour des élèves différents. Finalement des écoles secondaires, plus grandes et plus sophistiquées furent construites, fréquentées par un nombre d’élèves pouvant dépasser le millier. On peut donner un exemple de la rapidité avec laquelle se sont multipliées les écoles durant la période de l’exode: l’Eglise du Christ en Chine qui administrait 6 écoles en 1962, en administrait 70 en 1982. Selon les statistiques fournies par le Conseil chrétien de Hongkong, plus de 40 % des écoles de Hongkong sont aujourd’hui placées sous la direction d’Eglises chrétiennes ou d’organisations dépendant de ces Eglises. Il est légitime d’affirmer que sans les énormes efforts fournis par les Eglises durant les années 1960, l’objectif consistant à offrir 9 ans d’éducation libre à chacun des enfants du territoire n’aurait pu être atteint avant 1978.

Au cours de ces années, les Eglises ne se sont pas contentées de dispenser la meilleure éducation possible, elles ont été aussi à l’avant garde dans le domaine des services éducatifs consacrés aux handicapés (enfants et jeunes adultes) et à leurs besoins. L’école Pui Oi fut créée en 1954 et devint une école de pointe parmi les écoles dispensant une éducation spécialisée a Hongkong. Dix ans plus tard, le centre de formation professionnelle Kwun Tong et l’école technique de Kei Heep ouvraient leurs portes. Ces deux écoles comblaient l’immense écart séparant l’éducation orientée vers l’université et l’autre.

Dans le domaine de la médecine, les sociétés missionnaires ont, depuis le tout début, fourni des services de base pour le soins des malades pauvres grâce à de nombreuses cliniques et leurs centre de services sociaux. En 1887, la société missionnaire de Londres a ouvert l’hôpital Nethersole, le premier centre médical polyclinique. Les hôpitaux patronnés par l’Eglise, comme « Chrétiens unis », Caritas ou Notre Dame de Maryknoll, sont subventionnés par le gouvernement, tandis que d’autres comme les hôpitaux baptiste, évangeliste, ou encore les hôpitaux Saint Paul, du Précieux sang, Sainte Thérèse, sont financés par des fonds privés. En outre, il existe nombre d’hôpitaux animés par des groupes individuels de chrétiens réunis ensemble par un même engagement au service des autres. L’hôpital central de Hongkong et le sanatorium de Hongkong sont deux exemples d’institutions de ce type. La clientèle de la plupart de ces hôpitaux chrétiens a changé au cours des années, à cause des nouveaux établissements médicaux de grande envergure construits par le gouvernement. Les hôpitaux patronnés par l’Eglise sont maintenant surtout à la disposition des hautes et moyennes classes. Cependant, environ 20 % des établissements hospitaliers du territoire sont encore administrés par l’Eglise.

Ce sont les Eglises chrétiennes qui ont introduit à Hongkong de nombreuses innovations médicales venant d’Occident. Le centre de service social Yang Zhen et l’Eglise Sham Oi ont commencé dès 1968 a expérimenter les soins de santé fournis à domicile. Le programme médical et social Kwun Tong, mis en oeuvre en 1973, cherchait à devenir un »hôpital sans mursun nouveau concept très discuté et considéré comme un modèle possible pour l’hôpital « Chrétiens unis » lors de l’élaboration du projet.

C’est grâce la prise en charge par les Eglises chrétiennes de Hongkong d’une grande partie de l’oeuvre d’assistance, que le flot de réfugiés a pu continuer à se déverser sur le territoire durant les années 1960. En fournissant ainsi des services de bienfaisance sociale pour les pauvres, les Eglises ont joué un rôle de premier plan pour alléger les immenses souffrance humaines de cette époque. Lorsqu’en 1967, l’exode approcha de sa fin et que le courant des réfugiés se calma quelque peu, la ville entra alors dans une étape plus calme de son existence. A partir de ce moment, les Eglises commencèrent à adopter une approche plus occidentale pour régler les problèmes d’assistance sociale spécialement chez les jeunes. Elles se firent alors les partisans du changement, apportant des méthodes plus nouvelles et plus efficaces, mettant à jour et renouvelant les services sociaux existants. Aujourd’hui, les Eglises et les organisations qui en dépendent sont à la tête de plus de 60 % des services d’assistance sociale fonctionnant sur le territoire, avec, en tête, Caritas et le Service chrétien de Hongkong.

Il est indubitable que les Eglises chrétiennes ont apporté dans le passé et continuent d’apporter aujourd’hui une grande contribution au bien-être de la société de Hongkong. Il est difficile d’imaginer que l’actuelle situation économique et sociale de la ville ait pu avoir lieu sans elles. Lorsque nous considérons nos contributions passées, plus particulièrement celles des trois dernières décennies, époque où les services sociaux rendus semblaient constituer notre principal rôle et notre fonction essentielle, époque qui arrive aujourd’hui à sa fin, il y a pour nous matière à réfléchir.

Il est important de nous souvenir qu’avant les années 1960, la plus grande partie de nos services sociaux ne provenaient pas de nos Eglises locales mais des sociétés missionnaires étrangères. Alors que celles-ci travaillaient dans notre société comme représentantes des nos Eglises locales, leurs membres, eux venaient en fait de l’étranger. Ils sont venus, en grande partie, en réponse aux appels des Eglises locales de Hongkong, avec le soutien financier, non seulement de leurs Eglises d’origine, mais, parfois aussi, du gouvernement de leur pays. Quand l’économie de la ville eut pris son essor et que la population eut joui d’une plus grande aisance, alors les contributions envoyées par les sociétés missionnaires ont diminué et beaucoup de missionnaires se sont retirés de leur propre gré. Cependant dans les années 1970, le situation de l’assistance sociale a changé du tout au tout. Les réseaux d’assistance sont devenus de plus en plus chers. Ils ont été, en quelque sorte, victimes de leur succès. Leurs charges financières augmentant, ils sont devenus d’un trop grand poids pour que les société missionnaires ou leurs soeurs, les Eglises locales, puissent les supporter, aussi bien individuellement que collectivement.

Même si les Eglises locales sont finalement devenues auto-suffisantes durant cette période, il ne leur restait que peu de choses et elles durent faire appel aux subsides du gouvernement et aux fonds des organisations charitables, contrôlées par les hautes classes de Hongkong.

On peut dire que depuis longtemps, les vrais pourvoyeurs de services sociaux à la population de Hongkong ne sont pas les Eglises locales, mais plutôt les sociétés missionnaires étrangères dans le passé et, aujourd’hui, le gouvernement et les bienfaiteurs de la région. Durant toutes ces années, l’investissement réel de l’Eglise locale en finances et en personnel dans les services sociaux a été relativement peu élevé.

Aujourd’hui, les Eglises chrétiennes de Hongkong administrent environ 200 écoles secondaires, 300 écoles primaires et un nombre égal de jardins d’enfants, près de 1 000 centres de services sociaux et plus d’une dizaine d’hôpitaux. Ces effectifs impressionnants ont fait grandir la réputation des Eglises chrétiennes à l’intérieur du territoire et à l’extérieur. Ils leur ont attiré les éloges et l’admiration de leurs Eglises soeurs de la Chine continentale. Cependant, il faut garder à l’esprit que pour ce qui est des finances et du personnel, la contribution réelle des Eglises locales est minime en comparaison de ce qui est nécessaire pour faire fonctionner ces services. En dehors de leur participation à des réunions où sont discutés des sujets peu importants comme des questions de personnel ou de promotion, en dehors de la signature de chèques, les représentants d’Eglise ne prennent que peu de décisions influant sur les affaires quotidiennes. Les proviseurs des écoles où les responsables des centres sociaux sont les véritables administrateurs: ils sont responsables non pas devant les Eglises mais bien plutôt devant le service de l’Education ou le département de l’Assistance sociale du gouvernement, qui ont, effectivement, le dernier mot en toutes choses.

Les dirigeants d’Eglises ont longtemps répugné à offrir à la masse du laïcat des postes de responsables dans les organismes de services sociaux. Leur échec à attirer une plus grande participation du laïcat et à former des dirigeants issus de son sein est, pour les Eglises, une grande défaillance. C’est aussi une des raisons pour lesquelles, les laïcs manquent du sens de la mission et du service.

L’accent placé pendant quarante ans sur les services sociaux à conduit à négliger de rechercher les causes profondes des problèmes sociaux. Les groupes chrétiens qui essaient d’aller jusqu’à la source des problèmes, la plupart du temps, ne bénéficient que de peu de reconnaissance et de soutien de la part de l’ensemble des membres de l’Eglise. Ils sont ignorés ou écartés. Une des raisons de ce phénomène est que nous sommes devenus dépendants du soutien gouvernemental et du financement privé des riches de Hongkong qui n’acceptent ni n’accueillent ce genre de critique.

Ayant beaucoup reçu du gouvernement et des riches pour l’administration des services sociaux, les Eglises trouvent maintenant qu’il est impossible de se dégager des liens qu’elles ont contractés. Cela empiète sur leur liberté. Elles ont un prix élevé à payer pour cette participation, particulièrement lorsqu’elles manquent à leur devoir, qui consiste à donner à l’étranger une belle image des des riches et des puissants de notre société.

Les services sociaux se multipliant et les possibilités d’engagement s’élargissant, Les Eglises n’eurent plus que peu d’énergie à consacrer aux affaires d’Eglise. Par suite, le caractère chrétien qui aurait dû marquer ces services s’est estompé. Les missionnaires étrangers qui fournissaient la direction et un service de qualité dans les années précédentes se sont faits très rares, alors que les chrétiens locaux qui leur ont succédé, pour une raison ou pour une autre, sont considérés comme des remplaçants de moindre valeur. Une des raisons en est que ce qui était autrefois considéré comme une fonction charismatique à l’intérieur de la société en crise est maintenant devenu un travail comme les autres, tenu par un professionnel.

Une relation intime

En Angle terre, l’Eglise anglicane est l’Eglise institutionnelle. En Ecosse, c’est l’Eglise presbytérienne. Tous les rois britanniques sont choisis dans ces deux Eglises. Ainsi, traditionnellement, il existe des liens intimes entre la croix et la couronne. Beaucoup d’évêques titulaires, comme ceux de Canterbury et d’York sont membres d’office du Parlement britannique, et, en tant que tels, exercent une grande influence dans la société britannique. Ce lien intime entre l’Eglise et l’Etat a été introduit à Hongkong dès le début de l’ère coloniale en 1848. Depuis plus d’un siècle, l’évêque anglican et, à un degré moindre, l’évêque catholique, ont bénéficié d’un très haut statut social. Selon le protocole, les évêques, lorsqu’ils assistent aux cérémonies officielles, prennent place juste après le gouverneur, le Chef des forces armées, le Secrétaire de l’exécutif et le Chef de la justice.

Les Eglises anglicanes ont joui de la faveur spéciale du gouvernement de Hongkong puisqu’elles ont été placées sous le contrôle direct du gouvernement britannique à Londres. Les privilèges spéciaux qui leur ont été accordés ont aussi été étendus à la Société missionnaire de Londres, à l’Eglise baptiste anglaise et la Mission germano-suisse de Bâle, qui, toutes, ont établi des centres d’évangélisation à Hongkong dans les premiers jours de la colonie.

Le résultat le plus marquant de ce traitement préférentiel accordé aux Eglises est visible dans l’extension des terrains concédés. L’emplacement occupé par la cathédrale anglicane St John reste le seul terrain du territoire qui n’est soumis à aucune restriction territoriale et n’est contraint à aucun renouvellement de bail à date fixe. Dans les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, le gouvernement a souvent vendu l’usage du terrain aux Eglises à un très bas prix. Après la guerre, la valeur des terrains est montée en flèche, à tel point que beaucoup d’Eglises aujourd’hui sont devenues riches grâce à la propriété de ces terrains. Le Conseil missionnaire mondial (autrefois le Conseil missionnaire de Londres) a vendu des locaux de l’Hôpital Nethersole au prix de 1 600 000 000 dollars de Hongkong. En 1994, les baptistes d’Amérique du Sud ont vendu six immeubles de Kowloon Tong pour 4 600 000 000 dollars HK. Au début, le gouvernement avait autorisé les Eglises à acheter des terrains dans des zones qui par la suite sont devenues des ères immobilières de premier plan. Cependant, les contrats de ventes consignaient de nombreuses conditions concernant l’utilisation du terrain, conditions qui doivent encore être respectées. Ainsi, les écoles comme le collège de filles St Etienne et l’école St Etienne de Stanley conservent de vastes et magnifiques campus que lui envient les autres écoles de Hongkong. Les Eglises occupent aujourd’hui encore un nombre non négligeable de terrains et de résidences à Kowloon Town, devenu aujourd’hui le quartier résidentiel le plus cher du territoire. Une grande partie des terrains situés le long de la « Waterloo road » forment ce que l’on appelle la « Sainte montagne », lieu où l’on trouve le plus d’institutions d’Eglise, comme le collège Wah Yan, le collège baptiste, le collège de filles de la Vraie lumière, le centre de service social se Yangzhen, l’Eglise luthérienne de la vraie lumière et bien d’autres.

En 1979, le besoin de davantage de terrains au service du développement des Eglises se fit sentir d’une manière aiguë. Les évêques anglican et catholique, le Secrétaire général du Conseil chrétien de Hongkong rencontrèrent le Secrétaire général de l’exécutif, Jack Carter, et élaborèrent un accord qui fut ratifié par le Conseil législatif en mai 1981. Il contient les dispositions suivantes:

1 – Sur les terrains du gouvernement donnés aux Eglises pour y développer des services sociaux, le premier étage des locaux peut être utilisé comme lieu de culte public

ou comme résidence du personnel d’Eglise, sous réserve que ce soit sur une superficie qui ne dépasse pas 100 mètres carrés. Dans ces deux cas, les locaux seront exemptés d’impôts.

2 – Les autres parties des locaux peuvent être utilisés par les Eglises pour des réunions d’Eglise, pour l’Ecole du dimanche, des liturgies ou des rassemblements informels, à condition qu’un tel usage des locaux n’interfère pas avec les fonctions normales auxquelles on les a destinés.

Avec le pouvoir, viennent les privilèges et avec les privilèges, la responsabilité. Les Eglises ont vécu à l’ombre tutélaire du gouvernement colonial pendant de nombreuses années, bénéficiant du pouvoir et des privilèges qui l’accompagnent. En retour, elles furent tenues à une certaine obéissance à l’égard du gouvernement. En faisait partie le soutien qu’elles étaient censées apporter à l’ensemble du système colonial représenté par le gouvernement. Souvent ce soutien a été donné par les Eglises d’une manière inconsciente, mais les relations entre l’Eglise et l’Etat sont telles qu’il n’est pas toujours facile de se faire une idée claire de leurs motivations et actions.

On peut trouver un exemple de cette difficulté dans l’observation des écoles administrées par les Eglises. A première vue, les Eglises fournissent un service éducatif aux communautés et visent à former des dirigeants pour la société. Néanmoins beaucoup de personnes dans l’Eglise ne s’aperçoivent pas que l’éducation dispensée dans leurs écoles de haut niveau favorise une forme d’éducation qui, sans avoir conscience, renforce l’ensemble du système élitiste de la société de Hongkong.

Avant 1960, les écoles animées par les Eglises jouissaient d’une très haute réputation, et les élèves qui fréquentaient les treize écoles de renom étaient considérés comme privilégiés socialement. ( Cela a changé après les années 1960, lorsque les écoles ouvertes par l’Eglise furent de plus en plus subventionnées par l’Etat). Les parents étaient avant tout préoccupés de voir leurs enfants fréquenter des écoles de renom,mais la majorité des places étaient attribués à des enfants de la classe aisée. Avant 1962, il n’y avait qu’une université à Hongkong, où la plus grand partie des étudiants provenaient de ces collèges de l’élite. Après l’acquisition de diplômes, ce groupe sélectionné était presque entièrement embauché par le gouvernement ou les grandes entreprises commerciales. Historiquement, le gouvernement et les grands intérêts commerciaux, à quelques exceptions près, ont, la plupart du temps, marché la main dans la main avec le système colonial. On peut dire aussi que le Eglises, directement ou indirectement, ont, par l’intermédiaire de leurs réseaux éducatifs, collaboré avec le système colonial pour soutenir le « statu quo ».

Le nombre de dirigeants d’Eglise qui se sont introduits dans la haute société ou qui ont bénéficié de privilèges spéciaux est en réalité, très peu élevé. Comment, peut-on dire alors que ce sont les dirigeants d’Eglise eux mêmes qui ont donné le ton et créé les tendances qui ont renforcé l’élitisme dans les communautés. La réponse est qu’ils ne l’ont pas fait.

A l’exception de l’évêque catholique, les dirigeants d’Eglise de Hongkong ont été choisis à travers des procédures qui d’ordinaire, reflètent l’attitude fondamentale de leur communauté. Les communautés chrétiennes à Hongkong appartiennent à la classe moyenne et sont conservatrices. Leurs membres engagés dans l’Education tendent à faire de l’école l’unique préoccupation de leur vie. Il est naturel pour eux de soutenir les dirigeants d’Eglise qui consacrent leurs forces à la préservation du statu quo. Par ailleurs, il y a certaines raisons de voir dans les enseignements de l’Eglise, eux-mêmes, un facteur de perpétuation de la situation actuelle.

Les Eglise de Hongkong reflètent , de plus, le dualisme philosophique occidentales qu’elles ont reçu de leurs parents, les missionnaires. Le point central de cette doctrine du dualisme que l’ensemble de la réalité est divisée en deux principes fondamentaux: le matériel et le spirituel. Le monde matériel appartient au présent et au tangible; il est temporaire et passager. Le spirituel, quant à lui, est le monde éternel qui est encore à achever pleinement, mais que toute la création aspire à devenir. Dans cette vision du monde, les croyants sont appelés à poursuivre le spirituel et l’éternel et à accorder peu d’importance à ce qui est matériel et temporel. En termes simples, cette attitude conduit à un progressif désengagement du coeur et de l’esprit hors du monde matériel, l’attention du croyant se limitant bientôt au paradis seulement. La foi devient individualiste et privé, en divorce avec les luttes ordinaires de la communauté humaine ordinaire. Il va sans dire qu’une foi de ce type s’accorde difficilement avec le monde d’aujourd’hui, orienté vers la poursuite de valeurs matérielles. En conséquence de cette attitude, les croyants modernes ont tendance à mener une double vie. Le dimanche, ils vont à l’église pour s’efforcer de s’améliorer spirituellement, mais du lundi au samedi, ils se plongent dans les soucis du monde matériel, travaillant dur pour gagner de l’argent et progresser.

Au début des années 1970, les Eglises évangéliques connurent un extraordinaire développement. Elles reçurent beaucoup de soutien et d’encouragement du gouvernement colonial, obtenant de lui terres et exemptions d’impôts pour promouvoir leur expansion. A leur tour, elles se montrèrent particulièrement aptes à répondre aux demandes du marché. Elle procuraient aux jeunes gens venant juste de commencer à s’élever dans l’échelle sociale un lieu où l’on se préoccupait véritablement de leurs problèmes individuels, où ils pouvaient nouer des contacts sains avec les autres et entretenir des relations qui pouvaient se transformer en amitiés durables. Les Eglises offraient aux jeunes des repères spirituels, un soutien et un réconfort pour leur vie. Le style Chrétien, cette manière d’être « Eglise », a grandi et s’est développé rapidement au cours de ces dernières années. Les congrégations chrétiennes avaient moins de cent organisations ecclésiales à la fin de la seconde guerre mondiale; elles en ont plus de 1 100 aujourd’hui. Les organismes évangéliques et d’autres dénominations chrétiennes animent plus de 200 associations bibliques, parmi lesquelles 17 écoles bibliques et séminaires théologiques, avec aussi 12 maisons d’édition chrétiennes.

En résumé, il faut savoir que même si les Eglises ont apporté une série de bienfaits avec la société, même si elles ont été conscientes des fautes et des défaillances du système colonial, cependant, en maintenant les droits acquis et les privilèges sociaux, elles ont joué un rôle dans la préservation et le maintien du « statu quo ». . Pour beaucoup, l’injonction « Ne secouez pas le bateau! » est devenue le onzième commandement. En beaucoup d’Eglises, les jeunes gens ne sont pas encouragés à discuter de questions trop délicates comme la politique, les droits de l’homme, de justice sociale et de démocratie; quelques églises vont encore plus loin en interdisant au clergé et aux laïcs de participer à des événements qui pourraient être considérés comme mettant en question les institutions. Des prêtres qui s’étaient profondément engagés dans le militantisme social ont été transférés dans des régions moins concernées. Il leur a même été demandé de de s’en aller temporairement ou encore de se retirer.

Un esprit critique et prophétique

Hongkong est resté sous régime colonial pendant 150 ans. Occupé d’abord en 1841 par les forces britanniques et devenu un centre commercial, le territoire fut alors donné à perpétuité par la Chine en vertu d’une clause des traités inégaux qui mirent fin à la guerre de l’opium. A cette époque, l’île était relativement déserte et ne contenaient que quelques villages éparpillés, habités par des pécheurs et des paysans. Elle offrait cependant un magnifique port aux eaux profondes qui devint rapidement un comptoir pour le commerce avec la Chine. Les britanniques employèrent des chinois, compradores ou hommes d’affaires, qui servaient d’intermédiaires et facilitaient les activités commerciales. Ces hommes devinrent très riches et gagnèrent ainsi le respect de la population. Les Anglais, de leur côté, leur donnèrent, à eux et à leurs familles, des privilèges et des bénéfices spéciaux. Un autre groupe de dirigeants chinois furent formés par les sociétés missionnaires dans leurs écoles. On les prépara et on les encouragea à obtenir des diplômes. Beaucoup d’entre eux se convertirent au christianisme et continuèrent leurs études dans des universités anglaises. A leur retour à Hongkong, ils trouvèrent d’excellents postes dans le commerce, l’éducation ou l’administration. Avec le temps, les riches marchands et les diplômés assumèrent peu à peu le contrôle de l’industrie et de l’économie du territoire. A la fin des années 1970, ils avaient le monopole sur les produits et les services, les transports et l’électricité. Ils étaient capables d’exercer une influence déterminante sur la définition des lignes politiques gouvernementales (un résultat de cette influence est l’actuel bas niveau des impôts à Hongkong). Les principaux bénéficiaires de ce système fut avant tout les riches hommes d’affaires, dont l’existence repose, d’une façon non négligeable, sur l’exploitation des classes humbles. Alors que Hongkong est devenu, sans conteste, une métropole internationale et moderne, ses citoyens ne bénéficient pas encore des droits de l’homme fondamentaux en matière civile, politique, économique, sociale ou culturelle. Alors qu’il a amassé une confortable cagnotte de 320 000 000 000 de dollars (HK), Hongkong doit encore promulguer un projet de retraite pour ses citoyens. Pour un travailleur ou une travailleuse ordinaire, à Hongkong, il n’existe ni sécurité de l’emploi, ni sécurité sociale.

Alors que Hongkong est une des places les plus riches du monde avec un produit national brut par tête qui devrait cette année, selon les prévisions, surpasser celui du Japon et de l’Allemagne, et se tenir tout juste derrière les Etats-Unis et la Suisse, le citoyen moyen reçoit peu de bénéfice de toutes ses années de labeur et de sacrifice. Environ 50 % de la valeur des réserves sur le très profitable marché financier de Hongkong sont entre les mains d’une dizaine de groupes richissimes. Selon des estimations dignes de confiance, il y a plus de 600 000 personnes dont le revenu mensuel n’excède pas 1 400 dollars (H.K.), beaucoup moins que le minimum nécessaire à la survie. Hongkong peut se vanter de détenir le plus grand écart du monde entre les riches et les pauvres, un écart qui continue de s’agrandir.

Tels sont les quelques faits qui, avec l’héritage d’un régime colonial qui a duré 150 ans, expliquent les conditions actuelles de Hongkong. Cependant, la grande majorité des habitants de Hongkong, lors de leurs insomnies nocturnes, pensent peu aux privations du passé, à leur pauvreté ou richesse actuelles. Ils songent seulement comment s’élever encore plus haut sur ce marché financier le plus compétitif du monde. L’éducation coloniale a contribué à installer le conformisme au sein de la population. Des enfants, on attend qu’ils soient appliqués et dociles. Le système préfère la mémorisation à la réflexion ou à la pensée indépendante. Il récompense la soumission et décourage les questions. Des années d’une telle formation ont engendré des citoyens soumis et une population qui hésite à faire face à l’autorité ou à mettre en question les structures existantes. Malheureusement, les Eglises de Hongkong ont été formées par le même système. Nous ne pouvons pas entretenir l’illusion que les Eglises montreraient le chemin d’une société plus humaine et plus équitable pour Hongkong.

En toute honnêteté, nous devons aussi nous souvenir que nos Eglises locales n’ont jamais eu la chance de devenir pleinement indépendantes et autonomes. Avant les années 1970, les Eglises locales dépendaient largement des groupes missionnaires étrangers, qui non seulement amenaient l’argent et le personnel mais aussi la théologie, comme la liturgie et le style pastoral. Le rythme rapide du développement social ne laissait que peu de temps aux dirigeants locaux pour assimiler, avant qu’il ne soit trop tard, ce qui était en train d’arriver aux Eglises locales. Au cours des années 1970, les Eglises locales ont pris des mesures pour devenir autonomes dans les domaines du gouvernement, du financement et de la propagation. Les groupes missionnaires ont commencé à retirer graduellement leur argent et leur personnel, mais les vieilles habitudes de dépendance sont restées. Le programme des « trois autonomies » a réussi non pas à les supprimer mais à les diriger vers d’autres sources : le gouvernement et les riches qui, à présent, tenaient le pouvoir politique et économique à Hongkong.

Les milieux d’affaires et le gouvernement ont toujours essayé de cultiver de bonnes relations avec les Eglises. L’approbation de l’Eglise donnait une certaine caution morale à leurs activités. Dès la fin des années 70, le gouvernement nommait des représentants de l’Eglise aux conseils exécutif et législatif. L’opinion des dirigeants d’Eglise de Hongkong a toujours été que l’Eglise devait travailler de l’intérieur du système comme « lumière et selpour transformer effectivement les choses. On peut observer avec tristesse qu’au cours des 150 années passées elle n’a eu que peu d’influence dans l’avancement du progrès social, que ce soit dans la vie quotidienne du peuple, dans le mouvement vers la démocratisation, ou encore dans une réforme radicale du système social. Dans la résolution finale des questions politiques et sociales majeures, l’opinion des Eglises compte peu. En fait les Eglises ne se sont jamais engagées dans un débat raisonnable, et encore moins dans une polémique, avec le gouvernement sur ce qui est bien ou mal, juste et injuste, moral et immoral dans notre société. Plus décourageant encore est le fait que, dans certains cas, ce sont des dirigeants d’Eglise qui tiennent des positions d’influence au sein du gouvernement et ont peur de perdre leurs prestigieuses places au lieu de jouer un rôle prophétique contre ce qu’ils savent être mal. De cette manière, ils acquiescent aux activités d’autorités politiques corrompues.

Le cas typique a été la question de la participation de l’Eglise au Comité de sélection. Les membres du comité étaient choisis par la Chine et chargés à leur tour de choisir les représentants pour un conseil législatif provisoire qui allait mettre en place le régime post-1997. En dépit du fait que ce conseil n’avait aucun statut légal à Hongkong, beaucoup de responsables d’Eglise ont répondu chaleureusement à l’invitation. Ils avaient le sentiment que leur refus éventuel de participation serait un affront fait aux autorités chinoises. Pour n’offenser personne, ils ont accepté de jouer un rôle actif dans le déroulement de ce drame politique. Plus important encore pour eux, cela leur donnait une chance de devenir membres du conseil législatif provisoire et sauvegarder ainsi leur capital politique pour l’avenir.

Alors que le débat était en cours pour savoir s’il fallait ou non que les dirigeants d’Eglise participent au Comité de sélection ou quelque structure de pouvoir de ce type, quelques-uns d’entre eux se sont laissé aller à des sophismes, disant qu’ils y participeraient en tant que personnes privées et non en tant que dirigeants d’Eglise. La réalité évidemment, c’est que le gouvernement chinois avait proposé le nom de l’évêque anglican, non en sa qualité de citoyen privé, mais en sa qualité d’évêque de l’Eglise anglicane, qui avait déjà été membre du comité d’élaboration de la Loi fondamentale, du comité consultatif, du comité préparatoire et conseiller pour les affaires de Hongkong. De même, le président du Conseil chrétien était davantage connu pour sa position dans l’Eglise que par sa réputation personnelle en Chine.

La masse des chrétiens et des citoyens de Hongkong espère qu’une voix parlera pour le peuple dans la nouvelle société. Défenseurs de la justice sociale, des pauvres et de ceux qui sont dans le besoin, les Eglises ont le devoir en principe de servir les autres sans penser à elles-mêmes. Elles ne doivent pas avoir peur, mais doivent se prononcer courageusement pour ce qui est juste, plutôt que de se cacher dans la sécurité des structures politiques. Toutes les autorités politiques, tous les systèmes de gouvernement ont besoin qu’on leur demande des comptes. Cela doit servir à diminuer les abus de pouvoir et à freiner un appétit naturel pour le pouvoir, l’influence, les privilèges, les bénéfices personnels. « Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument

Les Eglises et leurs dirigeants en particulier doivent se méfier d’être trop impliqués dans l’organisation du gouvernement. Ils doivent se maintenir à une saine distance des structures de pouvoir. Ils seront ainsi toujours alertes et prêts à offrir une critique objective à ceux qui détiennent le pouvoir dans la société.

C’est seulement dans une société où la critique est libre que le progrès est possible. Aujourd’hui, Hongkong joue un rôle de pivot en tant que centre financier international, tout en opérant dans un système colonial archaïque. Les Eglises chrétiennes peuvent-elles se renouveler comme elles l’ont déjà fait à travers les âges en temps de crise ? Peuvent-elles s’adresser à la société avec un esprit critique qui amène une réforme sociale positive et un renouvellement de ce qu’il y a de meilleur dans la société et en elles-mêmes ? C’était l’esprit des prophètes de l’Ancien Testament, dont la critique sociale était fondée sur leur amour du peuple et le souci de son bien-être. Ils avaient foi dans la capacité de leur peuple à accomplir pleinement son potentiel en devenant l’instrument d’une paix durable et juste dans la nation et dans le monde.

Aujourd’hui, plus qu’à tout autre moment de l’histoire, Hongkong a besoin de cette voix prophétique. L’âge colonial arrive à son terme. Les classes travailleuses espèrent s’en sortir mieux sous le régime communiste, mais les choses ne se passent pas toujours comme on l’espérait. Nous pourrions connaître des jours encore plus sombres, particulièrement si les droits fondamentaux et les libertés civiles des citoyens ordinaires sont mis en cause. Le gouvernement colonial, en dépit de tous ses défauts, avait réussi à se garder à une certaine distance des milieux d’affaires du grand commerce et de la grand industrie, et cela lui avait permis de tempérer l’avidité de certains par une certaine justice, mais le gouvernement de la Région administrative spéciale sera dominé précisément par ces mêmes hommes d’affaires. Le gouvernement chinois se prépare à leur donner davantage encore de responsabilités qu’ils n’en ont jamais eues du temps des Britanniques. Beaucoup de personnes disent aujourd’hui que le peuple de Hongkong craint l’implication du Parti communiste dans les affaires internes du gouvernement de Hongkong. Elles disent aussi que ce que l’on veut dire, quand on déclare que « le peuple de Hongkong gouvernera Hongkongc’est que seuls les hommes d’affaires riches auront accès au pouvoir. Si cette évolution se confirme, les libertés personnelles et la qualité de la vie en souffriront. Dans ce scénario, les Eglises, qui prêchent un souci spécial des pauvres et des faibles, peuvent-elles rester indifférentes à leurs souffrances ?

Il est temps que les Eglises chrétiennes « sortent de leur sommeil« . Depuis plus d’un siècle, elles ont commis l’erreur de trop se fier aux pouvoirs politiques en place, et le résultat en a été qu’elles ont aidé le système colonial à survivre. Les Eglises doivent aujourd’hui agir pour rejeter toute

tentation d’établir un royaume pour elles-mêmes en ce monde. Nous ne devons pas continuer à mettre notre foi dans nos écoles et nos centres de services sociaux, mais devenir plutôt les humbles serviteurs des pauvres. Nous ne disposons que de peu de force et de puissance selon le monde. Nous devons plutôt construire sur notre force morale et sur nos ressources humaines. Mettant de côté notre rôle historique au service du rang et du privilège, faisons face à l’ordre nouveau, désencombrés du passé qui nous englue dans le marécage des conflits d’intérêts. C’est ainsi que nous pourrons nous soumettre à la raison et aux principes, et, renouvelés dans l’Esprit, construire l’avenir.