Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE

Publié le 18/03/2010




Du 1er mai au 1er juillet 1997

I LA REDDITION DE POL POT

Durant les dernières semaines du mois de juin, I’attention de la communauté internationale s’est focalisée sur le sort de Pol Pot et des derniers Khmers rouges. Ces événements s’incrivent dans la lutte acharnée que se livrent les deux partis au pouvoir. Depuis plus d’un an, le prince Ranariddh, premier premier ministre, chef du FUNCINPEC, et Hun Sen, second premier ministre, chef du Prachéachon (PPC, parti ex-communiste), se disputent les « dissidents » khmers rouges : c’est à celui qui leur fera les offres les plus alléchantes pour les attirer dans son camp, car ces Khmers rouges représentent une importante force de frappe, au sens premier du terme. En cas d’affrontement armé entre les deux partis, toujours à craindre, cette force militaire serait un atout de poids!

On se souvient que le 27 février, Ranariddh, pour le FUNCINPEC, Sam Rainsy, pour le Parti de la nation khmère (PNK), la faction du Parti libéral boudhique démocrate, fidèle à Son Sann (PLBD), et le Parti neutraliste (PN), ont fondé le Front Uni National (FUN) en vue de préparer les prochaines élections. Le 19 mars, Khieu Samphan, premier ministre du « gouvernement » khmer rouge, a apporté son soutien aux 14 points de la plateforme du FUN (EDA 243, mai 1997).

En février, près de 200 soldats khmers rouges de la base d’Anlong Veng, dernier réduit des Khmers rouges qui compte environ 1 800 combattants, rejoignent les troupes gouvernementales à Siemréap. Le 30 avril, 56 familles d’Anlong Veng regagnent leur village de Svay Leu, dans la province de Siemréap, se plaignant du manque de nourriture, des travaux forcés imposés par Ta Mok, chef khmer rouge. L’attaque des Forces armées royales cambodgiennes (FARC) contre la base d’Anlong Veng a été stoppée le 20 avril en raison des dissensions politiques survenues à Phnom Penh. Les troupes du FUNCINPEC stationnent à l’ouest d’Anlong Veng, celles du PPC au sud et à l’est.

Le 12 mai, Khieu Samphan annonce l’élection d’un « parlement » dans les zones « libérées » et les zones de « combat ». Il invite les électeurs à renverser le gouvernement de Phnom Penh. Ces élections auront lieu pendant une période de 45 jours. La radio khmère rouge annonce également la création d’un « Parti des paysans khmers ». Le même jour, Y Chhien, ancien chef khmer rouge, lieutenant de Ieng Sary, promu général de brigade et « maire » de Païlin, répète que son « aîné » (Ieng Sary) gardera une stricte neutralité dans le conflit qui oppose les deux partis du gouvernement de Phnom Penh.

Le 23 mai, Ranariddh cause la surprise dans les milieux politiques cambodgiens, en saluant la décision de Khieu Samphan, « premier ministre du Kampuchéa démocratique », de former le « Parti de la solidarité khmère » (PSK), dont il exclut Pol Pot, Ta Mok et Son Sen. Le PSK « soutient les 14 points de la chartre du FUN ». Om Yentieng, conseiller de Hun Sen, estime que Ranariddh manifeste ainsi sa faiblesse. « Si Khieu Samphan se joint au FUN, le FUN va s’effondrer, en ternissant sa réputation ». Hun Sen, pour sa part, prévient toute tentative des sanguinaires Khmers rouges de revenir au pouvoir, « non plus par des moyens militaires mais politiques ». Khieu Samphan apporte effectivement son soutien au FUN, le 21 mai.

Le 2 juin, le général Nhiek Bun Chhay (FUNCINPEC), qui négocie depuis des années avec les Khmers rouges, et qui se serait rendu plusieurs fois à Anlong Veng durant les dernières semaines, déclare être arrivé à un accord avec Khieu Samphan, prévoyant que Pol Pot, Son Sen et Ta Mok quitteront le pays, et permettront à leurs troupes de rejoindre les FARC. Khieu Samphan, n’étant pas impliqué dans les massacres khmers rouges, devrait être autorisé à rejoindre la société civile et le combat politique. Le général Ke Kim Yan, chef d’étatmajor des FARC, prend tout cela pour des « mensonges ». Le 4 juin, Nhiek Bun Chhay annonce que les trois chefs khmers rouges ont déjà quitté le pays, en passant par la Thaïlande. « C’est un accord historique », dit le général, précisant que les 6 000 soldats khmers rouges d’Anlong Veng, de Mondolkiri, Ratanakiri, Kompong Thom et Stung Treng vont être intégrés dans les FARC. Ces déclarations sont accueillies avec scepticisme par le commandement des FARC. Le lendemain, Hun Sen réitère sa mise en garde et précise que Khieu Samphan ne peut entrer en politique, car il est « horslaloi », selon la loi passée en 1994 et toujours en vigueur. Il accuse Ranariddh de vouloir redonner vie à des Khmers rouges moribonds. Khieu Samphan ne peut obtenir l’amnistie parce qu’il n’a pas rompu de lui-même avec Pol Pot.

Le 7 juin, la radio khmère rouge, au nom de Khieu Samphan, dément toute négociation ou tentative de désertion.

Le 9 juin, le roi Sihanouk déclare refuser l’amnistie à Pol Pot et à Ta Mok. Il l’accordera à Khieu Samphan seulement si les deux copremiers ministres insistent, en lui écrivant ensemble une lettre. Le 10 juin, Hun Sen suggère que Khieu Samphan, Son Sen, Nuon Chéa pourraient peutêtre obtenir l’amnistie, s’ils rompaient avec Pol Pot et luttaient conte les soldats d’Anlong Veng. Selon ses espions, Pol Pot est toujours au Cambodge.

Le 11 juin, Khieu Samphan annonce que Son Sen, ministre de la Défense khmer rouge, sa femme Yun Yat, ministre de la Propagande et de l’Education, ont été arrêtés comme espions du Vietnam. Ny Khorn, frère de Son Sen, a « été rallié de force » en septembre dernier à Samlaut. Son Chhun, un autre frère, est ambassadeur en Corée du Nord. « Je pense que c’est une ruse », dit Hun Sen. Le « Bangkok Post » annonce que Pol Pot, Ta Mok et Son Sen sont en Thaïlande, en route vers un exil en Chine. Le ministre des Affaires étrangères chinois dément. A partir du 13 juin, la radio khmère rouge cesse ses émissions.

Le 14 juin, Nhiek Bun Chhay annonce que Pol Pot a exécuté Son Sen et son épouse, le 10 juin, à 2 heures de l’aprèsmidi, ainsi que leur fils et 8 gardes du corps. II distribue la photo des cadavres. Il annonce que 95% des forces d’Anlong Veng ont rompu avec Pol Pot, à qui il ne reste que la division 801. Hun Sen interdit de livrer des armes aux Khmers rouges dissidents qui en demandent pour lutter contre Pol Pot : « Laissonsles se battre entre eux », ditil. Selon le général, Pol Pot, malade, se serait enfui en retenant Khieu Samphan, Thep Kunnal, Mak Ben, Kao Bunheng, Chuon Choeun, Nuon Chéa, Chan Youran et Ta Mok en otages, soit tous les membres du « gouvernement » khmer rouge.

Le 16 juin, Nhiek Bun Chhay annonce que des Khmers rouges dissidents ont intercepté 6 des 10 camions du convoi qui emmenait Pol Pot et ses fidèles, et réussi à libérer les otages. Mais Khieu Samphan est toujours prisonnier, Ta Mok a disparu. Hun Sen fait monter le ton, disant que toutes négociations et rencontres avec les Khmers rouges sont « illégales » : Ranariddh rétorque que Hun Sen était, lui aussi, en négociation avec Son Sen, et que c’est pour cette raison que le chef khmer rouge a été exécuté.

Le 17 juin, la radio khmère rouge reprend ses émissions, et dénonce violement Pol Pot pour avoir « trahi le mouvement khmer rouge entre le 9 et le 14 juin ». Les Khmers rouges dissidents se rallient à Khieu Samphan qui soutient le FUN. Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, refuse catégoriquement tout retour de Khieu Samphan et des autres chefs khmers rouges en politique.

Le 18 juin, Hun Sen accuse Ranariddh de trahison, et le somme de choisir entre lui et Khieu Samphan. Ranariddh répond qu’il a choisi de travailler avec lui depuis les élections de 1993! Nhiek Bun Chhay annonce que « Pol Pot s’est rendu » avec son épouse et 15 de ses hommes. La radio khmère rouge, pour sa part, annonce que « Pol Pot a confessé ses erreurs ». Hun Sen prend cela pour une « ruse ». Ta Mok commanderait Anlong Veng. Le 20 juin, le secrétaire personnel de Pol Pot rallie les gouvernementaux.

Le 21 juin, les deux coPremiers ministres cambodgiens signent une lettre adressée à Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, pour lui demander de les aider à créer un tribunal afin de juger Pol Pot. Chavalit Yongcaiyudh, premier ministre thaïlandais, très proche des Khmers rouges depuis 1975, se rend en visite officielle au Cambodge, visite prévue de longue date. Le lendemain, 22 juin, Hun Sen annonce que Pol Pot serait mort. Ranariddh annonce pour sa part, que Pol Pot est gravement malade, sous perfusion et tente à oxygène. Les Thaïlandais auraient été présents lors de sa capture. Ta Mok, commandant Anlong Veng, refuserait de rendre les 5 survivants de l’hélicoptère pris en otage le 14 février, pour mieux négocier son retour à la vie civile.

Nhiek Bun Chhay avait promis que Khieu Samphan annoncerait, le 23 juin, la dissolution de son « gouvernement  » et la reconnaissance de la constitution. Cependant, ce même jour ainsi que le lendemain 24 juin, la radio khmère rouge n’en dit rien et continue ses attaques contre Hun Sen et le Prachéachon, traités de « valets du Vietnam ». Ranariddh estime que Khieu Samphan se donne ainsi du temps pour stabiliser la situation à Anlong Veng.

Le 26 juin, des officiers thaïlandais confirment que Pol Pot a été capturé par Ta Mok, le 20 juin, à Chang Ma Cha, près d’Anlong Veng, mais qu’il est très malade.

Le 28 juin, Khieu Samphan devait faire une conférence de presse à Préah Vihéar, au cours de laquelle il devait déclarer la fin du mouvement khmer rouge, sa rupture définitive avec Pol Pot, son soutien sans condition au gouvernement, à la constitution et au roi. Cependant, Hun Sen s’oppose à la tenue de cette conférence de presse, et refuse de fournir des hélicoptères pour le transport des journalistes. Il exige une reddition sans condition, le démantèlement de son parti, et que Pol Pot, (qu’il croit encore vivant), soit livré au gouvernement. Il doute en effet de la reddition de Pol Pot et de son acceptation de passer devant un tribunal international. Ranariddh prend de la distance par rapport à Khieu Samphan, mais ne s’opposerait pas à le voir revenir en politique. Les 500 soldats khmers rouges qui devaient rejoindre le gouvernement ne se montrent pas, puisque « Hun Sen n’accepte pas Khieu Samphân ».

Jusqu’à plus ample informé, aucun observateur indépendant n’a pu se rendre à Anlong Veng, théâtre des « événements »! Sans doute aucun membre du gouvernement, même pas Nhiek Bun Chhay, ne s’y est rendu. Par contre, les Thaïlandais y sont, et règlent leurs affaires, notamment les contrats concernant le bois.

Tout ce sinistre feuilleton autour de Pol Pot semble relever de la désinformation et de la manipulation, menées depuis la Thaïlande, pas forcément par le gouvernement thaïlandais, bien que Chavalit Yongcaiyudh, premier ministre, soit en contact permanent avec les Khmers rouges depuis 1975. La Thaïlande conserve plusieurs fers au feu, et négocie le retour de Khieu Samphân en politique, sans doute pour regagner le terrain perdu sur le plan économique à l’intérieur du Cambodge, et qui a été gagné par les investisseurs malaisiens. Pour se refaire une virginité, Khieu Samphan devait se révolter contre Pol Pot et en débarasser le Cambodge. Il I’a fait ! « Pot Pot lave plus blanc », affirme un ambassadeur occidental. Les contradictions, même minimes, dans les dates, les lieux, sont significatives et n’échappent pas aux observateurs quelque peu avertis.

Il semblerait que Pol Pot soit effectivement mort l’an dernier, comme cela a été annoncé, ou même depuis plusieurs années. Depuis, la guerre des chefs a éclaté entre Khieu Samphan et son « gouvernement » d’une part, et Ieng Sary, d’autre part, pour le partage du magot khmer rouge. Ieng Sary, avec l’aide de la Thaïlande, a fait sécession le 8 août dernier, et a bien tiré ses marrons du feu. Khieu Samphan, tient à faire payer chèrement à Hun Sen de l’avoir chassé du pouvoir, en 1979, puis humilié en 1991, en l’attaquant à Phnom Penh. En voulant tirer parti de la dislocation des Khmers rouges, Ranariddh a sans doute fait une erreur majeure, qui le déconsidère, lui et son pays, aux yeux de la presse internationale.

La vraie ou fausse arrestation de Pol Pot a posé la question d’un tribunal international pour juger les chefs khmers rouges et non pas uniquement leur chef nominal. Au delà des condamnations verbales de pure forme, la question embarrasse tout le monde. Ieng Sary, pourtant criminel reconnu, a été amnistié l’an dernier, pour des raisons de politique intérieure khmère. Un tribunal cambodgien jugeant les chefs khmers rouges augmenterait les dissensions entre les deux partis, dont certains membres étaient des Khmers rouges notoires. Si le Conseil de sécurité de l’ONU décide de créer un tribunal, un veto de la Chine, longtemps patron des Khmers rouges, est à prévoir. La Chine, fidèle à sa tradition, considère l’histoire des Khmers rouges comme une affaire interne. L’ONU se verrait reprocher d’avoir accepté un Khmer rouge comme représentant du peuple khmer jusqu’en juillet 1991. Les EtatsUnis n’ont pas d’appareil légal pour un tel tribunal, et risqueraient de se voir condamnés pour avoir plongé le Cambodge dans une guerre qui n’était pas la sienne, d’avoir bombardé sauvagement le Cambodge en 1973 (plus de bombes que sur l’Allemagne nazie, sur un pays qui ne leur avait rien fait!), d’avoir réarmé les Khmers rouges en 1979 pour faire pièce à l’hégémonisme soviétique au Vietnam. La Communauté européenne serait accusée, elle aussi, d’avoir soutenu les Khmers rouges, à partir de 1982, pour les mêmes raisons. La Thaïlande est mouillée jusqu’au cou avec les Khmers rouges. Seul le Canada a une législation permettant de juger des crimes contre l’humanité, mais seulement si ces crimes ont été commis au Canada ou si le présumé coupable réside au Canada. On ne voit pas comment le Canada pourrait demander l’extradition d’un citoyen étranger! Le Danemark, les Pays Bas et l’Australie ont été contactés pour être le siège d’un tel tribunal. La mort de Pol Pot enterrera bien des scrupules politiques.

II L’IMPASSE POLITIQUE

Le problème principal du Cambodge actuel n’est plus Pol Pot, mais la tension grandissante entre les deux partis de la coalition, qui risque à tout instant de dégénérer en affrontement armé. Si les journalistes et la presse internationale se sont intéressés au premier, le G8 se préoccupe davantage du second.

On s’en souvient, le 15 avril, plusieurs membres du FUNCINPEC, dirigés par Ung Phan, ministre d’Etat, et Toan Chhay, gouverneur de Siemréap, avaient demandé la démission du prince Ranariddh, président du mouvement. Les dissidents ont été exclus du FUNCINPEC, qui demande également le remplacement de huit d’entre eux, députés à l’Assemblée nationale, pour ne pas donner la majorité parlementaire à Hun Sen. Les 19 et 20 avril, des escarmouches et des déplacements d’unités avaient fait craindre le pire. Le 29 avril, une commision mixte pour la résolution des conflits (CMRC) a été créée pour tenter de prévenir d’autres affrontements (EDA 243, mai 1997).

L’Assemblée nationale « dans le coma »

Suite aux événements d’avril, I’ouverture de la session parlementaire de l’Assembée nationale, initialement prévue le 21 avril, et qui devait durer trois mois, a été annulée sine die. Tous les importants travaux législatifs notamment ceux concernant l’entrée du Cambodge dans l’Asean, prévue pour le 17 juillet, et ceux concernant les élections législatives sont donc totalement paralysés.

Le FUNCINPEC considère que les 58 sièges qui lui ont été attribués à la proportionnelle lors des élections de 1993 lui appartiennent, et que les huits députés dissidents doivent être remplacés par ses soins. La cour de Phnom Penh ayant cependant refusé d’entériner leur expulsion du parti, (ce qui fait dire à Sam Rainsy, expulsé lui aussi en 1995, qu’elle est au pouvoir du PPC), en toute logique, la question ne se pose plus. Le comité permanent de l’Assemblée comprend 12 membres, dont le président de l’Assemblée, les 2 viceprésidents, et les présidents de 9 commissions; 5 membres appartiennent au FUNCINPEC et 2 au PLBD, 5 au PPC. Le comité est chargé de préparer l’ordre du jour des séances parlementaires. Réuni le 22 mai, le comité ne demande pas que l’expulsion des dissidents soit inscrite sur l’ordre du jour de la prochaine séance, les parlementaires du FUNCINPEC craignant que les députés du PPC ne boycottent les sessions de l’Assemblée nationale, et en bloquent ainsi son fonctionnement par manque de quorum (84 membres sont nécessaires pour prononcer l’expulsion). Le PPC, pour sa part, ne tient pas à ce que l’Assemblée nationale soit présidée par Loy Sim Chhéang, FUNCINPEC, puisque Chéa Sim, président de l’Assemblée nationale, en l’absence du roi Sihanouk, est chef d’Etat par intérim. Il faut attendre le retour du roi.

Le 23 mai, Ranariddh et un certain nombre de parlementaires FUNCINPEC demandent la dissolution de l’Assemblée, et que des élections se tiennent avant l’entrée du Cambodge dans l’Asean ! Mais il n’y a ni recensement, ni loi électorale! Le PPC, avec le soutien des dissidents du FUNCINPEC, vote le remplacement de deux présidents de commissions parlementaires des Affaires étrangères et des Affaires économiques, de l’agriculture et de l’environnement, appartenant au FUNCINPEC. On accuse le PPC de vouloir prendre le pouvoir dans les commissions. « L’Assemblée nationale est dans une situation de coma », constate l’un des deux présidents de commission révoqué. Loy Sim Chhéang, président de l’Assemblée par intérim, refuse le changement des deux présidents de commission. Le PPC lui en dénie le droit, car il doit en référer à Chéa Sim, qui normalement préside le comité permanent. L’Assemblée nationale n’a pas repris ses travaux. Ranariddh demande aux dissidents de regagner le parti, mais ils s’y opposent : « Quand ça lui chante, il nous exclut. Quand il a besoin de nous, il demande notre retour », dit Kong Sophat, le 28 juin.

Le 12 mai, Sam Rainsy, constatant que les deux partis au pouvoir ne peuvent travailler ensemble, propose que soit formé un gouvernement de transition.

Le 12 mai, le secrétariat de l’Asean, réuni à Jakarta, demande à l’Assemblée nationale cambodgienne de ratifier les 19 textes concernant l’entrée du Cambodge dans l’Asean, avant la réunion interministérielle des membres de l’association, le 31 mai. Cependant, le 23 mai, Hun Sen fait savoir, après une entrevue avec le viceministre des Affaires étrangères thaïlandais, qu’il n’est pas nécessaire que les textes soient signés par l’Assemblée, puisque le Cambodge a déjà ratifié le Traité d’amitié et de coopération de l’Asean. Effectivement, le 31 mai, les ministres de l’Asean confirment l’acceptation du Cambodge dans l’Association.

Les élections

Le 19 mai, lors d’une réunion à huis clos, les représentants des pays donateurs d’aides expriment leur consternation de constater qu’aucun texte juridique n’est en place pour les prochaines élections. Le Conseil constitutionnel qui doit arbitrer en cas de litige n’est pas encore formé.

12 petits partis ont passé des acords de coopération avec le PPC.

Le 26 mai, Y Chhien, maire de Païlin, déclare que si le perdant aux prochaines élections n’abandonne pas le pouvoir, il utilisera ses troupes, estimées à 10 000 hommes, pour faire respecter le résultats des urnes. On estime que c’est une prise de position en faveur du FUNCINPEC, même si Y Chhien refuse de faire partie du FUN. Cependant, il met en garde : si Khieu Samphan forme un parti politique, il invitera Pol Pot, Ta Mok, Son Sen et les autres partisans de la branche dure dnas le bureau politique. Selon lui, Khieu Samphan n’a pas les moyens de former son propre parti.

Le 1er juin, le général Toan Chhay, gouverneur de Siemréap, chef de file des dissidents du FUNCINPEC, tient le congrès de son groupe à la salle Chatomuk, très fortement gardée par les soldats du PPC. Il obtient la présidence du groupe.

Le 3 juin, devant un parterre de membres du FUNCINPEC, Pen Sovann a révélé le nom de son propre parti: « le Parti national de soutien au Cambodge ». Pen Sovann, premier ministre de la République démocratique du Kampuchéa, a été emprisonné par l’armée vietnamienne, en décembre 1981, pendant 10 ans. Il accuse Hun Sen d’avoir facilité son arrestation. Il ne s’oppose pas au retour de Khieu Samphan dans l’arène politique. Il demande aux membres du PPC d’exclure Hun Sen de leur parti! Selon lui, Hun Sen est assoiffé de pouvoir, et risque de finir comme Ceaucescu.

La violence organisée

Devant la montée de la violence opposant les deux premiers ministres, Khem Sokha, dans une lettre du 30 avril, leur demande de procéder à une diminution des forces affectées à leur sécurité, et de transférer le contrôle des tanks, de l’artillerie et autres armements lourds au ministère de la Défense ou de l’Intérieur. Initialement, la constitution prévoyait que les deux premiers ministres avaient droit à 300 hommes pour leur protection (le roi Sihanouk n’en a que 30 !). Ranariddh se déclare prêt à diminuer le nombre de ses gardes du corps, si Hun Sen en fait autant. Cependant au moi de mai, Hun Sen augmente ses troupes de 283 hommes et porte les effectifs de sa garde personnelle à 1 500. Le 2 juin, Ranariddh ajoute 400 hommes à la sienne, la portant à plus de 1 000. Des effectifs aussi nombreux et des moyens aussi lourds suggèrent qu’ils ne sont pas simplement destinés à la garde des premiers ministres.

Selon l’association ADHOC, organisation cambodgienne de défense des droits de l’homme, on a pu relever en avril 24 cas de violations des droits : 12 personnes ont été tuées, 7 ont été battues, 5 autres menacées de mort par un parti politique.

Le 4 mai, des hommes masqués attaquent une station de la télévison gouvernementale TVK à la roquette et au fusil d’assault. La station a refusé de diffuser un communiqué violent de Sérey Kosal, ancien vicegouverneur de Battambang limogé en février (FUNCINPEC) contre le second premier ministre, Hun Sen. Un technicien est tué, la station détruite. On soupçonne le FUNCINPEC d’être à l’origine de l’attentat.

Le 11 mai, environ 400 Jarais de Bokéo, près de Banlung, armés de couteaux, d’arcs et de bâtons, détruisent un bureau du FUNCINPEC. Il s’agirait d’un acte dirigé contre la personne de Ting Sout, représentant du FUNCINPEC, ivrogne et maltraitant le peuple. En avril, deux bureaux du FUNCINPEC de la province de Kompong Cham avaient également subi des dommages.

Le 28 juin, deux gardes d’un restaurant et deux mendiants sont tués par une grenade lancée d’une moto par deux personnes. Sans doute une vengeance!

Le 8 mai, les 8 membres de la Commission mixte pour la résolution des conflits (CMRC), créée le 29 avril, interdisent tout déplacement de troupes sans autorisation. L’ordre de mobilisation ne peut émaner que du chef d’état-major. Même les deux premiers ministres n’en ont pas le droit, et ne peuvent ordonner un déplacement de troupes.

Le 15 mai, les huit membres de la CMRC décident de créer un comité spécial pour faire le décompte exact des Khmers rouges ralliés, spécialement des « Khmers rouges souterrains », infiltrés à Phnom Penh pour subvertir le gouvernement. Chaque parti est soupçonné en effet d’en avoir recruté un certain nombre.

Le 23 mai, deux tonnes d’armement, désignées comme « pièces détachées », et destinées au premier premier ministre sont saisies par les autorités militaires du port de Sihanoukville, déchargées du bateau danois Panther. Le chargement comprend 78 caisses, dont des douzaines de missiles antitank, 60 fusils d’assault AK47, des pistolets et des munitions. Le prince Ranariddh a importé ces armes pour équiper les troupes de sa garde personnelle. Ces armes son transportées sous bonne garde à Pochentong. Le PPC menace d’intenter un procès à Ranariddh pour importation illégale d’armes. Serey Kosal, ancien vicegouverneur de Battambang, accuse Hok Lundy, directeur de la Police nationale, PPC, d’avoir procédé, lui aussi, à des achats d’armes suspects entre 1995 et 1997. Le 29 mai, le prince se défend, disant avoir agi au grand jour par les voies normales, en tant que premier ministre et commandant en chef des armées. Le même jour, on apprend que 24 armes sont importées illégalement par Pochentong, avec une lettre signée de Hok Lundy, chef de la Police nationale, pour sa garde personnelle. Un général du FUNCINPEC accuse même Hok Lundy d’avoir importé de l’artillerie lourde sans l’approbation de Ranariddh et de l’avoir stockée dans la résidence personnelle de Hun Sen, à Takmau, après la prétendue tentative d’assassinat par le prince Sirivuddh en 1995. Un général du PPC reconnaît les faits, mais fait remonter le stockage des armes à 1994, après le supposé « coup d’Etat » attribué à Sin Sen et Song. Le FUNCINPEC accuse à son tour Hun Sen d’avoir reçu 19 missiles antichar de l’armée nationale.

Le 26 mai, beaucoup craignent des affrontements devant le siège des membres dissidents du FUNCINPEC fortement gardé par les troupes du PPC.

Le 29 mai, Hun Sen affirme avoir été victime d’un attentat, alors qu’il se rendait à une réception. Personne n’est dupe. Par contre, le même jour, le Centre d’action contre les mines (CMAC) fait exploser un stock de mines désamorcées près de Phnom Penh. Explosion de routine, mais qui cause de fortes détonations en série, faisant croire à une attaque. La panique s’empare de la population de Phnom Penh : fermeture des écoles, coupure d’électricité, engorgement des téléphones, embouteillages monstres… Plus que le fait divers, cette panique est révélatrice du climat de tension qui règne dans la capitale.

Ce même 29 mai, les membres de la CMRC accusent le FUNCINPEC d’avoir amené 559 exsoldats khmers rouges de la région de Païlin, de Phnom Malai et de Samlot près de l’aéroport Pochentong pour renforcer sa force de frappe. Selon Nhiek Bun Chhay, il ne s’agit que de « Khmers rouges souterrains », qui ont rejoint le gouvernement le 29 janvier. La CMRC délègue une commission d’enquête sur place. Le 5 juin, ces soldats font mouvement près de la pagode de Taing Krasaing, et campent près de la base où sont stationnés les fidèles de Ranariddh. « La division 3 n’a rien à voir avec le conflit entre les deux premiers ministres », se doit de préciser le commandant d’unité !

10 soldats de Tan Krasain, dont le chef d’unité, déserteront le 21 juin, et déclareront lors d’une conférence de presse présidée par Hun Sen, le 24 juin, que les négociations avec les Khmers rouges ne sont pas menées dans le but de la réconciliation nationale, mais pour renforcer le pouvoir du FUNCINPEC dans la capitale, en faisant venir des soldats. Ils auraient déserté pour ne plus subir les mauvais traitement d’un certain « Brasil », soupçonné d’être l’un des auteurs de l’attaque à la grenade du 30 mars, et travaillant pour le FUNCINPEC !

Khieu Khanarith, secrétaire d’Etat à l’Information, prétendra, le 25 juin, que de nombreux soldats khmers rouges, dont des très proches de Pol Pot, ont été amenés à Phnom Penh par hélicoptère durant les dernières semaines, et y vivent déguisés en conducteurs de mototaxis.

Le 10 juin, des coups de feu sont tirés près de la résidence de Hok Lundy, PPC, directeur de la Police nationale. Suite au transfert de troupes effectué par Hok Lundy, les gardes du FUNCINPEC sont venus l’intimider dans sa résidence. En réponse, durant deux nuits de suite, Hok Lundy tente en vain de désarmer les gardes du corps de Ranariddh. Dans la nuit du 17 juin, des gardes du corps du PPC tuent deux gardes du corps devant la résidence de Rannaridh, et les deux camps s’affrontent pendant près de deux heures en plein Phnom penh. Un dizaine de roquettes sont tirées, dont l’une explose dans le jardin de la résidence de l’ambassadeur des EtatsUnis, fêtant son anniversaire en famille. Hun Sen fait placer des unités de police militaire aux points stratégiques de la ville. La même nuit, des perquisitions sont effectuées par les soldats du PPC chez les vicegouverneurs FUNCINPEC de Kratié et de Kompong Cham qui sont retenus jusqu’au matin. Le correspondant de l’Agence France Presse est blessé.

La version officielle fait état d’une querelle entre gardes du corps des deux coPremiers ministres. La réalité semble plus complexe et s’inscrit dans le bras de fer extrêmement dangereux auquel se livrent les deux hommes dans tous les domaines. « La violence est l’agonie et la disgrâce des Forces armées royales cambodgiennes », constatent les deux ministres de l’Intérieur. La CMRC demande aux deux copremiers ministres de prendre des distances par rapport à leurs gardes du corps. La situation est redevenue calme, mais si rien n’est entrepris, elle pourrait à nouveau dégénérer. Pour le moment, seule la CMRC semble pouvoir garder un minimum d’autorité.

Le 19 juin, Madeleine Albright, sécrétaire d’Etat américaine, fait savoir qu’elle pourrait annuler sa visite au Cambodge prévue les 2728 juin, pour raisons de sécurité. Le premier ministre japonais, dont le pays est le plus grand donateur d’aide au Cambodge, invite les deux premiers ministres cambodgiens à se réconcilier, ce qui est plus important que le sort de Pol Pot, et à surmonter leurs différences dans « le calme et la coopération ». La Malaisie exprime sa crainte de voir le Cambodge dérailler vers la guerre civile, à la veille de son entrée dans l’Asean. La France condamne cet acte de violence. Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur promet de « tout faire pour éviter le renouvellement de tels incidents ».

Le dimanche 22 juin, le groupe du G8, les huit pays les plus industrialisés, se déclare préoccupé par la montée de la violence au Cambodge, et demande un engagement concret pour la tenue d’élections « libres et équitables » en 1998. La France, second donateur d’aide au Cambodge, décide d’envoyer Claude Martin, secrétaire général-adjoint du Quai d’Orsay, principal artisan des Accords de Paris de 1991, et le Japon envoie de son côté Yukio Imagawa, ancien ambassadeur japonais au Cambodge, expert des questions cambodgiennes. Tous deux arrivent au Cambodge le 25 juin, et ont de longs entretiens séparés avec les deux copremiers ministres, ainsi qu’avec Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim. Tous deux parlent non seulement au nom de leur propre gouvernement, mais au nom du G8. Ils insistent auprès des deux copremiers ministres pour qu’ils stabilisent la situation politique du pays, et s’engagent à la tenue d’élections justes et équitable en 1998.

Juste avant leur arrivée, suite à la déclaration du G8, les deux copremiers ministres s’étaient engagés à prévoir des élections législatives pour le mois de juin 1998, reportant les élections municipales à une date ultérieure. Ranariddh demande une aide technique et financière, l’envoi d’observateurs pour établir les listes électorales, le contrôle des bureaux de vote, le décompte des votes et la proclamation des résultats.

Le 24 juin, Ranariddh réitère son appel à une diminution des effectifs des gardes du corps, et propose de désarmer unilatéralement.

Le 28 juin, Hun Sen accuse Ranariddh d’avoir fait venir des centaines de Khmers rouges d’Anlong Veng dans la capitale pour accomplir des actes terroristes. Nhiek Bun Chhay répond que 1 000 soldats stationnés à Taing Krasaing, comme le prétend Hun Sen, ça se verrait. Ranariddh s’étonne: il n’a pas besoin des Khmers rouges d’Anlong Veng, les troupes de l’exFNLPK de Son Sann et les siennes suffiraient en cas de besoin ! Il se plaint de ce qu’une centaine de gardes de Hun Sen soient venus le « garder », lors d’une partie de golf, le 28 juin. Nhiek Bun Chhay, pour sa part, accuse Hun Sen d’avoir fait venir, durant les derniers jours, des soldats de Kompong Cham, de Svay Rieng, de Kompong Speu et de Takéo, qui serainet cantonnés dans les environs de Phnom Penh.

Madeleine Albright, après avoir annulé son voyage au Cambodge, avait proposé de recevoir les deux premiers ministres dans un salon de l’aéroport de Pochentong. C’était en fait un signal non équivoque d’absence de confiance à l’égard du gouvernement cambodgien. Les deux copremiers ministres ne s’y sont pas trompés, et ont estimé que ce ne serait pas « respecter le protocole et la souveraineté du pays ». Ils ont donc refusé ce compromis. En réalité, la sécurité n’est qu’un prétexte. Le Wall Street Journal du 19 juin exprime sans doute les vraies raisons : « Le réel danger de la visite de Madeleine Albright au Cambodge serait de prendre à son compte d’une manière tragique, I’échec de la politique initiée par les Nations Unies, perpétuée par les EtatsUnis, et dont l’Asean est sur le point d’hériter… Les EtatsUnis ont grossièrement masqué leur préférence pour le léniniste Hun Sen, dépeint comme le seul homme capable (d’être premier ministre), de préférence au faible Ranariddh ». Washington délivre ainsi, à sa manière, un message peu cordial aux Khmers, leur demandant instamment l’établissement de la démocratie au Cambodge. Un proche conseiller de Sâr Kheng, rentrant des EtatsUnis, a pu constater avec tristesse, que son pays n’intéressait plus personne.

L’enquête sur l’attentat du 30 mars, qui a causé la mort de 17 personnes et en a blessé 142, menée conjointement par le FBI et la police nationale khmère a fourni trois portraits robots. Sam Rainsy affirme être en posession du rapport accablant du FBI, accusant Hun Sen d’être l’instigateur de l’attentat. En des termes d’une extrême violence, il met en demeure le second premier ministre de venir se défendre de cette accusation devant un tribunal français ! Les 3 portraits robots sont diffusés dans la presse, longtemps après avoir été établis. Les responsables de l’attentat ne seront jamais inquiétés. Hun Sen dira que des membres du FUNCINPEC ont proposé de soudoyer ses gardes du corps pour affirmer qu’ils étaient auteurs du coup. Le 28 juin, le Washington Post accuse les gardes du corps de Hun Sen d’avoir fait le coup sous ses ordres, d’avoir protégé les tueurs, et empêché les ambulances de sauver les blessés. Il cite le rapport du FBI dont les agents on été menacés de mort durant leur travail à Phnom Penh. « Ridicule… Nous ne pouvons croire que le FBI ait fait un tel rapport », diton dans l’entourage de Hun Sen. Ces fuites sont sans doute à mettre en rapport avec la visite annulée de Madeleine Albright et de la tenue de la réunion du « Groupe Consultatif ».

Les 1er et 2 juillet, se tient à Paris la réunion du « Groupe consultatif » des pays donateurs. Les deux co-premiers ministres, qui par le passé assistaient à ce genre de réunion, n’y participent pas, craignant sans doute un autre message « vigoureux » de la part de la communauté internationale.

Cependant, dans le même temps, les EtatsUnis et le Japon donnent d’autres signaux encourageants. C’est

sans doute la politique de la carotte et du bâton:

Le 24 juin, l’ambassadeur des EtatsUnis signe 5 accords avec le ministre des Affaires étrangères cambodgien, portant sur une aide totale de 35 millions de dollars, spécialement pour la promotion de la démocratie et la tenue des élections législatives, des programmes de développement rural, I’éducation primaire, la lutte contre le Sida. Les EtatsUnis ont accordé plus de 226 millions de dollars depuis 1992.

Le 25 juin, le jour même de l’arrivée de Yukio Imagawa, I’ambassadeur du Japon promet un don de 100 millions de dollars pour des projets d’infrastructure, soulignant que l’agenda des versements du don correspondra à l’établissement de la paix et de la reconstruction.

De Pékin, le roi Sihanouk « se condamne à l’exil ». Très vexé par un article d’un journal en langue khmère insinuant que luimême ou la famille royale aurait subtilisé l’épée sacrée, insigne du Royaume, après sa destitution de 1970. Il demande à Ranariddh de poursuivre l’auteur pour diffamation, puis accorde son pardon. Dans des fax en date des 29 et 31 mai, il déplore les « injustices, les meurtres » qui le rendent malade. Il accuse certains « grands du régime  » de vouloir l’assassiner. « La situation est plus que mauvaise », dit-il. Dans son Bulletin Mensuel d’Information du 25 juin, il estime qu’il serait de son devoir « d’aider à résoudre certains problèmes tels que la mise sur rail du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel », mais qu’il en est empêché par les « hommes forts » de Phnom Penh. Il déclare « avoir honte de voir sa patrie glisser, sans redressement possible, sur la pente de la ruine, de la dégénérescence, et même de la désintégration… En définitive, je ne sais plus quoi faire. Le résultat est que je prolonge sine die mon séjour à Pékin ».

III ECONOMIE

Le gouvernement cambodgien attend 1 milliard 450 millions de dollars en aides pour les 3 prochaines années, soit près de 40 % du budget national. C’est dire l’enjeu de la réunion du « Groupe Consultatif » de Paris des 1er et 2 juillet, qui doit déterminer le volume et les conditions de l’aide apportée au Cambodge. Les pays donateurs s’interrogent sur le trafic illégal du bois, le peu de progrès pour la mise en place des élections et l’absence de mécanismes démocratiques au Cambodge. Ils demandent avec insistance que soit diminué le nombre de fonctionnaires et de militaires du pays. Plusieurs pays commencent à demander des garanties pour que l’argent donné soit bien utilisé.

Le personnel de l’administration cambodgienne est passé de 143 855 à 153 372 en 1996. Le 19 mai, Sok An, au nom du Conseil des ministres, déclare aux pays donateurs que 7 669 noms ont été rayés des listes, et que l’Etat prévoit d’en éliminer encore 7 300 d’ici la fin de l’année. Cependant les diplomates affirment que les soldes du personnel rayé des cadres sont toujours déboursées.

Pour Téa Banh, coministre de la Défense, se pose un dilemme: réduire le nombre des soldats des FARC, selonles demandes répétées des instances internationales, ou accepter les « ralliés ». D’ici l’an 2 000, le nombre des soldats devrait être ramené de 145 000 à 87 000. Le programme de réintégration dans la vie civile est estimé par les autorités cambodgiennes à 72,7 millions de dollars, et ne commencera pas avant avril 1998. Il faut d’abord recenser les soldats et officiers, leur donner des cartes d’identité infalsifiables. Ce travail durera sept mois. Cependant, aucun observateur sérieux ne croit aux chiffres avancés par le ministre de la Défense! Près de la moitié des soldats sont des « fantômes », dont les noms sont sur les rôles de l’armée, et permettent aux officiers de toucher leur solde. La réintégration est un moyen comme un autre, de se faire de l’argent… L’armée compte plus de 400 généraux.

Durant l’année 1996, les investissements privés au Cambodge ont été de 45% supérieurs au total des précédentes années : 209 millions de dollars en 1996 contre 44,8 en 1995. Durant les 4 premiers mois de 1997, les investissements privés se montent à 360,3 millions de dollars, soit le double de ceux de la même période de 1996. Les investisseurs sont attirés par le bas prix de la main d’oeuvre et par l’espoir que le Cambodge entre dans l’Asean. L’octroi de la clause de la nation la plus favorisée par les EtatsUnis a fait baisser les coûts à l’exportation.

On peut aussi penser que les contrats d’investissements permettent l’importation sans droits de douanes de matériel pour construire les usines. Aucune vérification n’est opérée par le gouvernement. Bon nombre de produits importés sont revendus sur le marché, au bénéfice des investisseurs.

En 1996, le gouvernement a accordé 23 millions d’exemptions de taxes, soit 15 % du total des droits de douane. Ces exemptions concernent surtout du matériel pour l’exploitation du caoutchouc, et des véhicules. Pour le premier trimestre de l’année, les revenus des douanes se sont élevés à 75 millions de dollars, soit 14 % de moins que prévu. Or, les douanes représentent 70 % des ressources du pays. Le FMI demande la fin des exemptions, comme priorité dans la réforme des finances du pays. Selon le ministre des Finances, les 400 généraux et les 120 députés, qui ont un salaire mensuel de 2 300 dollars, ont acheté des voitures détaxées en grand nombre. (Un fonctionnaire moyen gagne 25 à 30 dollars par mois, une ouvrière d’usine, de 40 à 50 dollars). 2,5 millions de dollars d’exonérations ont été accordés à l’exportation du caoutchouc, dont aucun mention n’est faite dans les ressources du pays ! Or, après le bois, ce devrait être le plus gros poste d’apport de devises!

Réalisations

Une étude sur le Tonlé Sap menée par l’Institut de technologie du Cambodge lance un cri d’alarme concernant la production future du riz et la pisciculture, qui se trouveront rapidement en danger : « La politique de déforestation peut être qualifiée d’irresponsable, voire de criminelle », affirme-t-elle.

Depuis 1992, 820 km de routes nationales ont été reconstruites ou réparées, représentant une dépense de 146 millions de dollars, dont 118 fournis par l’aide internationale. De 1998 à 2000 on prévoit 224 millions pour la réfection du réseau.

Un parcours de golf a été construit prés de Kompong Speu, pour une valeur de 7 millions de dollars.

Le Laos et le Cambodge ont signé un traité concernant la délimitation de leurs frontières communes. Le 30 mai, après deux jours de discussions, le Cambodge et la Thaïlande signent un accord pour l’ouverture de 5 « points de passage » entre les deux pays : Phnom Dei, Païlin, O Rodcross, Véal Veng, Kom Rieng. Le 21 juin, la Thaïlande et le Cambodge passent un accord concernant les postes frontières de Poipet et de Cham Yeam, dans la province de Koh Kong, autorisant l’entrée et la sortie officielle des marchandises et des personnes, par des postes de douanes et d’immigration.

Aides

Le 30 avril, le Canada signe un accord portant sur la somme de 3,7 millions de dollars pour financer 16 ONG dans le cadre de programmes alimentaires, de santé, de développement des ressources humaines dans la province de Pursat.

Le 8 mai, la société malaisienne HVED signe un contrat de 50 millions de dollars pour la construction d’un studio en vue de la production de films et de vidéos. 80 % du capital appartient à la dite société.

La société pétrolière Caltex sponsorise une campagne de prévention routière à la télévision pour un montant de 60 000 dollars. En 1996, 90 personnes sont mortes d’accident de moto à Phnom Penh, et il y a eu 708 blessés.

Le 15 mai, la Corée du Sud fait un don de 2 millions de dollars à l’occasion du premier anniversaire de l’installation de sa mission au Cambodge.

Le 3 juin, le gouvernement signe un mémorandum portant sur des prêts d’une valeur de 42 millions de dollars pour la formation professionnelle. L’Asian Developpement Bank (ADB) prête 20 millions, l’USAID 4,5 millions; 10 millions proviennent de la Corée du Sud. Le Cambodge apportera sa part de 7,5 millions. Ainsi on espère créer 1 400 emplois, former 2 000 jeunes, accorder des crédits à 6 000 entreprises.

Le 6 juin, le ministre des Postes et télécommunication signe un accord pour la création d’une société mixte avec la société suédoise Royal Millicom, qui verse 30 millions de dollars. Il met fin ainsi au monopole de la société australienne Telstra dont le contrat expire en l’an 2000.

L’Union des Assurances d’Indochine, I’association ADM de Rhones Alpes et Médecins du Monde, font une donation aux hôpitaux de Phnom Penh.

Depuis 1994, la France a investi 7,5 millions de francs en trois ans dans le cadre de sa coopération militaire, pour la formation des cadres de l’armée cambodgienne.

Les ONG représentent un apport de 64 millions de dollars en 1996 et 73 en 1997. 56 % des fonds sont des fonds propres aux associations. On mesure donc leur poids. 30 % travaillent dans le domaine de l’éducation, 20 % dans celui de la santé, 13 % dans le développement rural, 10 % dans l’agriculture. Elles sont concentrées à Phnom Penh (15 %), à Battambang (10%). La tendance générale des ONG est de se techniciser, de se transformer en PME faisant des projets pour justifier leur présence afin de survivre.

IV FAITS DE SOCIETE

Le rapport de L’ONU pour le Développement Humain place le Cambodge au 73ème rang des 78 pays développés au 153ème rang sur 175 selon les critères de développement en ce qui concerne l’espérance de vie, l’éducation, le produit intérieur brut. Il a gravi 3 places depuis l’an dernier. Parmi les pays des environs, le Cambodge tient le dernier rang dans plusieurs domaines : 53 % des Cambodgiens vivent dans une « extrême pauvreté », 35 % sont illettrés, et il y a 17,4 % de mortalité infantile. La moyenne de vie est de 52,4 ans (l’avant dernier, devant le Laos: 51,7). 36 % de la population ont accès à de l’eau potable, 53 % ont accès aux soins médicaux, les deux plus mauvais taux de la région. Le Produit Intérieur Brut est de 1 084 dollars par habitant, avant celui de la Birmanie qui est de 1 051 dollars. Pourtant, le Cambodge ne manque pas d’argent ! La politique détestable et la rapacité des dirigeants sont seules responsables de cet état de fait ! L’argent apporté par les ONG et les aides bilatérales a fait plus de mal que de bien au pays.

Neuf syndicats affiliés politiquement au PPC sont reconnus par le gouvernement. Par contre, ceux qui sont proches de Sam Rainsy sont toujours interdits. Le 6 juin, lors de la Conférence internationale du BIT, les représentant du Syndicat Libre des Ouvriers du Cambodge (SLOC) s’insurgent contre cette manipulation gouvernementale et demandent au président Clinton de refuser l’octroi du Système de Préférence Généralisée (GSP) au Cambodge. Les 120 juges et procureurs réunis pour deux jours de séminaire à Phnom Penh ont décidé de créer un syndicat qui leur permettra peut être de gagner leur indépendance par rapport au pouvoir politique et militaire.

Le 20 mai, comme chaque année, à l’initiative du PPC, un millier de personnes célèbrent « la journée de la haine », pour commémorer la collectivisation décrétée le 20 mai 1976 par Pol Pot. Sam Rainsy, pour sa part, organise « la journée du Pardon », le 22 mai, en souvenir de Thun Bunly, journaliste du PNK, assassiné le 18 mai 1996.

Dans la nuit du 31 mai, des inconnus font sauter le monument érigé à Sihanoukville à la mémoire des soldats vietnamiens tombés au Cambodge. L’Agence de presse vietnamienne VNA dénonce cet acte qui « blesse les sentiments profonds entre les deux peuples ». Le 26 mai, la radio khmère rouge avait invité à la destruction de tous les monuments de ce type, notamment celui construit à Phnom Penh devant la Vat Botum. Ranariddh affirme pour sa part que si le FUNCINPEC gagne les élections de 1998, il fera détruire ce monument. Sihanouk, plus réaliste, appelle au calme, et demande le maintien de tous ces monuments. Il est fort probable que les prochains mois soient marqués par une surenchère antivietnamienne, procédé habituel des

responsables politiques khmers pour gagner la sympathie nationale.

Durant les deux derniers mois, la radio khmère rouge a revendiqué plusieurs assassinats de civils vietnamiens, sans que la réalité des faits ait pu être confirmée de sources indépendantes. Le 17 juin, trois Vietnamiens ont été tués dans la province de Kompong Chnang. On connaît le nom des assassins: ce sont des membres de la milice locale. Le 25 juin, quatre Vietnamiens sont tués à la mitrailleuse à Phnom Penh, suite à un conflit d’ordre privé. « Depuis 1993, personne n’a été arrêté pour avoir tué un Vietnamien « , dit un fonctionnaire.

Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU a nommé l’Indien Lakhan Mehrotra comme son représentant personnel au Cambodge pour la surveillance du respect des droits de l’homme, en remplacement de l’Indonésien Benny Widyono, en fin de mandat, et dont Ranariddh refusait la prolongation, l’accusant d’être favorable à Hun Sen. Lakhan Mehrotra a participé à la Conférence de Paris de 1991, aux conférences ministérielles pour la réhabilitation et la reconstruction du Cambodge tenues à Tokyo en 1992, et a été membre de la mission de l’ONU pour la réforme des services publics du Cambodge en 1993.

Alors que le climat politique était en effervescence au Cambodge, Ranariddh s’est rendu à Aix en Provence, le 9 mai, pour donner des cours de droits à l’université. Se rendant peut être compte du ridicule, il a affirmé qu’il n’assurerait plus ces cours à l’avenir. « C’est dommage pour les étudiants », s’est exclamé, sans ironie, son plus proche conseiller.

Prasat Banteay Thom, temple de la région d’Angkor, a été redécouvert et débroussaillé. Il était jusqu’alors en zone contrôlée par les Khmers rouges.

Drogue

Le 15 mai, un suspect arrêté avec 500 kg de marijuana accuse le général Po Lyda, PPC, directeur de la division contre la drogue au ministère de l’Intérieur, d’organiser la vente de marijuana à des hommes d’affaires thaïlandais.

Le 17 mai, 4 929 kg de marijuana fraîchement coupée sont saisis à Kompong Cham.

Le 3 juin, 13,5 tonnes de cannabis sont saisies dans la région de Kieng Svay, près de Phnom Penh.

Le 19 juin, 6,5 tonnes de cannabis sont saisies au port de Sihanoukville, dans des conteneurs de vêtement. Le général Po Lyda (PPC) est soupçonné d’être l’un des commanditaires.