Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE Du 1er juillet au 31 août 1997Le coup d’Etat
Publié le 18/03/2010
Le 1er juillet, par souci d’apaisement, Ranariddh propose de réduire unilatéralement sa garde personnelle. Le 2 juillet, Hun Sen brandit la menace : « Si c’est nécessaire, nous devrons mener une action contre les forces illégales khmères rouges. Il y a 100 tanks dans le pays, je puis leur donner l’ordre d’entrer en actionPrès de la capitale, on peut observer des mouvements de troupes des deux partis. A Prék Taten, 25 kilomètres au nord de Phnom Penh, 200 soldats du Prachéachon désarment 100 soldats du Funcinpec, accusés d’extorquer de l’argent aux voyageurs sur la route nationale 5. A Dangkao, au sud de Phnom Penh, un accrochage met aux prises les armées des deux partis pendant 20 minutes.
Le même jour, certains députés demandent la levée de l’immunité parlementaire du premier premier ministre, pour importation illégale d’armes, du co-ministre de l’Intérieur, You Hockry (Funcinpec), pour avoir fait disparaître plus d’un kilo d’héroïne saisi l’an dernier, et d’un député de Kompong Cham accusé de violence contre des policiers.
Le 3 juillet, environ 200 soldats du Prachéachon désarment l’escorte du premier premier ministre rentrant de Kompong Cham. Kim Samnang, directeur adjoint de la police nationale qui fait partie du convoi, est lui aussi désarmé. Ranariddh avait rejoint Phnom Penh par hélicoptère.
Alors que la tension est au maximum, le 4 juillet, Ranariddh décide de partir « en visite privée » en France, Hun Sen part « se faire soigner » au Vietnam. Ranariddh dira plus tard que ses conseillers lui ont demandé de partir pour ne pas se compromettre dans un affrontement désormais inévitable, et assurer la survie de son parti.
Le samedi 5 juillet, vers 5h30, des parachutistes du Prachéachon soutenus par 8 tanks encerclent la pagode de Phnéat, à 8 Km au nord de l’aéroport, et y désarment 120 soldats du Funcinpec. A 9h00, Chav Sambath, chef du 2ème bureau du Funcinpec, puis Nhek Bun Chhay, chef d’Etat-major adjoint des FARC (Forces armées royales cambodgiennes) et membre du Funcinpec, demandent à Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, visiblement pris de court, d’intervenir pour éviter de faire couler le sang. « C’est trop tard, je ne sais pas ce que je peux faire« , leur répond le ministre. Vers 10h30, l’artillerie lourde du Prachéachon commence à pilonner la base de Tang Krasaing. A midi, à la télévision, Hun Sen en tenue de combat, fustige le « traître Ranariddh« . Il annonce qu’il a lancé une offensive contre les rebelles et les « forces anarchiques irrégulières« . Quelques heures plus tard, Téa Banh, ministre de la Défense, réunit le corps diplomatique pour lui annoncer que le gouvernement a la situation en main. Pendant la réunion, on entend tonner le canon. Visiblement, le ministre ne sait pas ce qui se passe. Dans l’après-midi, les troupes du Prachéachon encerclent les maisons de Nhek Bun Chhay, de Ho Sok, secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur, de Chav Sambath, et des principaux chefs militaires du Funcinpec. Le calme revient avec la nuit.
Le dimanche 6 juillet, dès le lever du jour, la canonade reprend. Le siège du Funcinpec est attaqué à l’arme lourde, ainsi que la résidence du premier premier ministre. Les combats font rage à l’ouest de la ville, près des villages surpeuplés de Tuol Kork, de Teuk Thla, de Dap Pir Khang, dans la banlieue ouest de Phnom Penh. 423 maisons de bois prennent feu. Des dizaines de milliers de Phnompenhois affolés quittent la ville. Le siège du Funcinpec, qui était vide, tombe sans résistance, vers 14h30, la résidence du premier premier ministre est prise vers 17h30. Vers 18h00, le calme revient, le Funcinpec est en déroute. Somme toute, des combats peu importants, sauf dans la partie ouest de la ville, impressionnants par le bruit, mais la ville n’est pas à feu et à sang comme l’a décrite la télévision française.
Officiellement, on déplore 57 morts et près de 200 blessés. En réalité, le nombre des victimes pourrait être supérieur. Les soldats du Prachéachon ont emmené les morts par camions pour les brûler, sans avertir les familles. 3 335 personnes sont sans abri.
De Pékin, ce même 6 juillet, Sihanouk demande un cessez-le-feu immédiat et invite les responsables politiques du Cambodge à venir le rencontrer. « Trop tard« , répond Hun Sen, montrant par là qu’il est le véritable chef du pays.
Le lundi 7 juillet, l’armée pille l’aéroport : les produits de la boutique « duty free« , les sièges de la salle d’attente, les appareils électroniques d’enregistrement des billets, le matériel de la tour de contrôle, jusqu’aux tubes néons, les cendriers sur pied, et les plaques d’isorel des plafonds… Les pièces de rechange de l’hélicoptère prêté par la France pour les déplacements du premier premier ministre disparaissent. La soldatesque, puis la population, pillent tout ce qui peut être volé dans le secteur : matériel des stations services Caltex, Shell, Total, excavateurs et tracteurs des entreprises de travaux, voitures exposées dans l’agence de vente Toyota, matériel électronique de petites entreprises, d’une usine de confection de vêtements, d’un marché en gros, plus de 11 918 motos dans 28 magasins (chiffre officiel, certainement loin de la réalité). On tentera de faire le bilan des déprédations effectuées par les soldats, mais qui n’ont rien à voir avec les combats : officiellement plus de 75 millions de dollars !
L’aéroport n’a presque pas été touché par les combats. Il faudra attendre plusieurs semaines pour que les compagnies étrangères acceptent de reprendre leurs vols sur Phnom Penh, attendant le remplacement des appareils de guidage au sol volés. Le courrier acheminé par la Thaï Airways demeure en souffrance à Bangkok. Au 1er septembre, six compagnies desservent à nouveau le pays. Dragon Air reprendra ses vols le 16 septembre, la Thaï Airways devrait reprendre ses vols dans un proche avenir. Durant les deux derniers mois, le trafic a enregistré une baisse de 35 % par rapport à la même période de l’an dernier, soit 55 % de voyageurs en moins.
Les familles qui ont perdu un membre toucheront 167 dollars, ceux qui auront perdu leur maison avec un blessé 67 dollars, ceux qui ont perdu leurs biens 10 dollars. Cependant, même ces sommes minimes seront détournées en partie par les fonctionnaires.
Durant le coup d’Etat et les jours qui suient, beaucoup de personnalités du Funcinpec et du PLDB (Parti libéral démocratique bouddhique), de Son Sann, ainsi que de nombreux Cambodgiens de nationalité étrangère et d’étrangers, se réfugient à l’hôtel Cambodiana, attendant le premier avion pour quitter le pays. Près de 6 000 étrangers quittent le pays.
Environ 200 touristes étrangers sont évacués par hélicoptères de l’armée cambodgienne de Siemréap.
La Thaïlande affrête plusieurs avions militaires Hercule C 130, pour rapatrier près de 600 de ses ressortissants. Environ 300 Malaisiens et Singapouriens, 311 Philippins (dont 87 croupiers du casino Naga), 500 Taïwanais, 500 Australiens, Néo-Zélandais, Canadiens, Suédois, 200 Américains quittent le pays. La « Voix de l’Amérique » invite les citoyens américains à quitter le pays. Les membres des ONG internationales de Battambang gagnent la Thaïlande dès le 5 juillet. Rien ne justifie une telle panique ! Si pour les Cambodgiens les combats des 5-6 juillet rappelaient les événements du 17 avril 1975, il n’y avait aucune raison pour les étrangers de quitter le pays. On peut également se poser beaucoup de questions sur le rôle des ONG « humanitaires » qui fuient dès le premier coup de canon au moment où précisément, le pays aurait besoin d’eux! certains paniquent au point de payer 1 500 dollars pour un voyage qui n’en vaut que 150 en temps normal. Les Etats-Unis prévoient de faire venir leurs bateaux de guerre stationnés au Japon pour évacuer leurs 1 500 ressortissants. L’organisation de ces rapatriements massifs semble être un message politique de désapprobation à l’égard de Hun Sen.
Une douzaine de membres de la famille royale, y compris le fils de Ranariddh, 15 députés du Funcinpec et du PLDB s’exilent. Son Soubert, vice-président de l’Assemblée nationale et secrétaire général du PLDB, Khem Sokha et Son Chhay, députés du PLDB, Ahmad Yayha, Pol Ham, Om Radsady, Kann Man, députés du Funcinpec, Ly Tuch, chef de cabinet de Ranariddh, Hong Sun Huot, ministre du Développement rural, Tao Seng Huor, ministre de l’Agriculture, ainsi qu’un certain nombre de personnalités quittent le pays, 10 autres sont absents pour mission à l’étranger. Quels ques soient les motifs personnels légitimes qui les ont poussés à partir, (certains sont allés rejoindre leur compte en banque bien garni après quelques années de pouvoir), ils confirment ainsi l’analyse de Hun Sen : ils partent comme des étrangers, étant peu solidaires du sort de la population. Hun Sen invitera même tous ceux qui ont un passeport étranger à quitter le pays.
Il semble que l’action militaire n’ait pas fait l’unanimité au sein du Prachéachon. Déjà, lors du congrès du parti en janvier dernier, plusieurs membres se seraient opposés à Hun Sen et à sa manie de nommer toutes les écoles à son nom. Dès le 27 mai, après la découverte des importations d’armes par Ranariddh, la majorité des membres du Prachéachon étaient cependant d’accord pour mettre un terme aux préparatifs militaires du Funcinpec. Plusieurs prônaient le dialogue, seuls quelques extrémistes des deux partis préconisaient la manière forte. Plusieurs membres du Prachéachon notamment Chea Sim, chef de l’Etat, et Sar Kheng, ministre de l’Intérieur, Ke Kim Yan, chef d’Etat-major ne prévoyaient une action militaire qu’en dernier recours, et semblent n’avoir pas été avertis de l’opération. Depuis plusieurs semaines, Sar Kheng avait mis en garde contre toute action militaire qui risquait de faire perdre la confiance des investisseurs et hommes d’affaires étrangers. La décision de l’opération aurait été prise par Hun Sen, Hok Lundy, directeur de la Police nationale, Khun Kem, premier vice-gouverneur de la province de Kandal, et Chéa Sophara, premier vice-gouverneur de Phnom Penh. On s’interroge sur les motifs politiques de cette décision catastrophique. Certains estiment que Hun Sen a pris peur devant les accords passés par Ranariddh avec la branche dure des Khmers rouges, et qui devaient être ratifiés solennellement à Préah Vihéar le 6 juillet. C’était la renaissance de la coalition qui s’était opposée au régime de l’Etat du Cambodge de 1982 à 1991. La rencontre entre Khieu Samphan et Ranariddh du 1er juin, a, semble t-il, été le détonateur. D’autres facteurs ont pu intervenir, notamment la parution du rapport du FBI mettant directement en cause Hun Sen dans l’attentat du 30 mars. Il n’était, d’autre part, plus sûr de gagner les élections de mai 1998. Il fallait donc détruire physiquement l’appareil du Funcinpec.
La répression contre le Funcinpec
Dès le 7 juillet au matin, les deux co-ministres de l’Intérieur appellent les fonctionnaires et autres employés à reprendre le travail. La vie reprendra son cours à peu près normal le lendemain. Cependant, la répression s’abat sur les membres dirigeants du Funcinpec. Officiellement, seuls le général Nhek Bun Chhay, premier chef adjoint de l’Etat-major, Ho Sok, secrétaire d’Etat du ministère de l’Intérieur, Serey Kosal, conseiller de Ranariddh pour la sécurité et Chav Sambath, général chargé du 2ème bureau de Ranariddh, sont sous le coup d’un mandat d’arrêt. En fait, Hun Sen se lance dans la décapitation systématique du Funcinpec.
Serey Kosal s’est enfui dès le 5 juillet, et a rejoint Battambang, puis la Thaïlande. Marié à une Thaïlandaise, il est également colonel de l’armée thaïlandaise. Son domicile de Battambang est attaqué puis pillé le 7 juillet.
Ho Sok, réfugié le 6 juillet à l’ambassade de Singapour, est arrêté le 7 alors qu’il sortait de l’ambassade. Conduit dans les locaux du ministère de l’Intérieur, il est froidement abattu par des soldats « en colère contre lui« . Il semble qu’il ait été tué de la main même de Hok Lundy, chef de la police nationale, son ennemi juré. Il était en possession de nombreux renseignements compromettants concernant les trafics de bois et de drogue, et sans doute du rapport du FBI sur l’attentat du 30 mars.
Trois généraux seront déplacés, durant quelques semaines, « pour n’avoir pas assuré sa sécurité
Le général Chauv Sambath, arrêté alors qu’il tentait de s’enfuir en moto, est emmené dans la maison de Hun Sen à Takhmau, torturé et exécuté par le général Him Bun Héang, chef de la sécurité de Hun Sen, ainsi que de sa garde personnelle. On dit que les tortionnaires lui auraient arraché les ongles, puis la langue pour lui faire donner les fréquences-radio des différents chefs du Funcinpec. D’autres disent qu’il a été tué le 9 juillet par une roquette de B 40.
Le général Krauch Yocum, sous-secrétaire d’Etat-major à la Défense, a été tué à bout portant, le 7 juillet.
Le général Ly Seng Hong, adjoint au chef d’Etat-major et le général Men Bunthan, directeur de la logistique et du transport du ministère de la Défense, capturés avec 34 autres personnes le 8 juillet auraient été exécutés après leur arrestation. Le général Som Narin a certainement été exécuté. Le général Chéa Rithychut, gouverneur de Kep, aurait lui aussi été tué.
Même un non-initié ne peut que s’étonner du nombre impressionnant d’officiers supérieurs tués au combat, qui rappelons-le, n’a pas été très violent. 617 personnes ont été arrêtées à Phnom Penh, et 271 dans les provinces. La plupart de ces personnes arrêtées étaient des soldats du Funcinpec. Parmi eux, on ne trouve aucun Khmer rouge. Certains ont été torturés pour avouer qu’ils avaient été enrôlés par Ranariddh pour faire un coup d’Etat contre Hun Sen. D’autres ont suivi une semaine de rééducation, puis ont été renvoyés dans leurs foyers. D’autres ont eu moins de chance : au moins 5 gardes du corps de Nhek Bun Chhay ont eu les yeux arrachés pendant leur interrogatoire, avant d’être exécutés. Les membres d’organisations internationales de défense des droits de l’homme affirment, preuves à l’appui, qu’au moins 36 exécutions sommaires ont eu lieu dans la semaine qui a suivi le coup d’Etat. Elles cherchent à vérifier une douzaine d’autres cas. La recherche est difficile : parfois elles ont découvert des cadavres, les mains liées derrière le dos (près de Tang Krasaing), parfois elles n’ont découvert que des tas de cendres, les victimes ayant été incinérées.
Le 15 juillet, les membres du bureau de l’ONU pour les droits de l’homme découvrent des tas de cendres de cadavres brûlés le 10. Les gens du secteur affirment avoir vu pendant plusieurs jours, une camionnette remplie de personnes les yeux bandés et encadrées de militaires : « Ils étaient une quinzaine la première fois, une vingtaine la secondeSi ces déclarations s’avèrent exactes, plus de 70 personnes auraient été exécutées après le coup d’Etat.
Le 31 juillet on découvre un garde du corps de Ranariddh, nommé Phéap, battu à mort, puis étranglé par les gardes de la base de Tang Krasaing. Les exécutions ne semblent pas s’être arrêtées, contrairement aux déclarations officielles. Hun Sen et les autorités cambodgiennes ne reconnaissent que la mort de Ho Sok, mais nient en bloc toutes les autres exécutions, même quand les preuves sont évidentes. Le 20 août, Hun Sen accusera les organisations de défense des droits de l’homme d’avoir diffusé de fausses nouvelles concernant des arrestations et exécutions et causé la panique qui a fait fuir les étrangers. Il prend prétexte que certains ont avancé que Pen Sovann, ancien premier ministre du RPK (République populaire du Kampuchéa) aurait été tué durant le coup d’Etat, mais qu’il a refait surface et s’est envolé pour Kuala Lumpur. Il oublie cependant de dire que Pen Sovann s’est senti très menacé, et a changé de maison tous les deux jours, qu’il a gagné l’aéroport sous escorte de l’ambassade des Etats-Unis. Hun Sen demandera des excuses de leur part, et le changement de personnel du Centre de l’ONU pour la défense des droits de l’homme au Cambodge.
Depuis le coup d’Etat, le mensonge semble être devenu la règle de la propagande gouvernementale : on a attaqué le siège du Funcinpec parce que Ngoun Pacté, assassin des trois jeunes étrangers, il y a deux ans, y était caché avec 300 des siens. On affirme avoir découvert des plans de coup d’Etat contre Hun Sen. On fait parler des faux Khmers rouges qui affirment que les soldats de Ranariddh étaient des Khmers rouges: on n’en découvre aucun ! Les seuls Khmers rouges sont ceux de Kéo Pongé, alliés à Hun Sen. Le petit peuple ne s’y trompe pas et traite Hun Sen de menteur.
La tactique de Hun Sen reste la même : intenter de faux procès pour expulser ou emprisonner les gens. Après le report de l’entrée du Cambodge dans l’ASEAN, Hun Sen joue les victimes. « Nous avons mis fin à une guerre, et nous sommes blâmés« .
Le 19 juillet, Hun Sen crée un comité de lutte contre la mafia et la criminalité, notamment contre le kidnapping, ce qui fait craindre à beaucoup que des opposants ne soient arrêtés à ce titre. La plupart des personnes arrêtées sont membres du Funcinpec. La police n’hésite pas à tirer sur les personnes qu’elle doit appréhender et qui sont jugées coupables. Le général Sok Chantoeun (Funcinpec) et son épouse sont arrêtés le 25 juillet et accusés d’avoir organisé le meurtre d’un membre du ministère de l’Intérieur. Hor Sim Lang, Australien d’origine cambodgienne, et colonel de son état, (Funcinpec), est arrêté le 31 juillet, puis relâché le 18 août, sur pression de l’ambassade d’Australie. De nombreux officiers du Funcinpec sont rétrogradés au rang de simples soldats. Seize mesures destinées à « renforcer la sécurité » sont présentées le 25 août par Hok Lundy, directeur de la Police nationale, allant de l’interdiction des vitres teintées pour les voitures, à la levée des contrôles illégaux sur les routes et à l’obligation au chef de famille de signaler toute personne venant loger chez lui. Mais rien n’est prévu sur les sanctions à l’encontre des policiers qui utiliseraient ces mesures abusivement. Ces mesures qui enjoignent aux policiers de tout le pays d’enquêter sur « les Khmers rouges extrémistes et leurs alliés« , à repérer les « terroristes« , peuvent conduire à tous les abus. Hun Sen met en balance son poste de second premier ministre si ces décrets ne sont pas appliqués.
Le spectre de la guerre civile
Dès le début des affrontements, Ieng Sary, président du MDUN (Mouvement démocratique d’union nationale), ancien chef khmer rouge rallié au gouvernement en août 1996, et membre du FUN (Front uni national, dirigé par Ranariddh), proclame sa neutralité dans ce combat des chefs, contrairement à ce qu’affirme Ranariddh depuis Paris. La branche dure des Khmers rouges, présidée par Khieu Samphan, fustige les opérations des 5-6 juillet comme un « coup fascisteet demande à l’Asean de ne pas reconnaître le gouvernement de Phnom Penh.
A Siemréap, le 7 juillet, 300 soldats du Funcinpec dirigés par Khann Savoeun, refusent de quitter le siège de la 4ème région qu’ils occupent. Le lendemain, pour éviter les combats, ils se retirent vers l’ouest, à Angkor Chum, puis, après avoir fait sauter les ponts derrrière eux, prennent la route 69 les conduisant vers Samrong et O Smach. D’un côté comme de l’autre, on ne semble pas décidé à s’affronter autrement que par armes lourdes. Les civils font souvent les frais de ces coups aveugles. A Banteay Méan Chhey, le général Lai Viréak du Funcinpec, négocie avec le Prachéachon, pour éviter toute effusion de sang. La base Funcinpec de Samrong est abandonnée par ses défenseurs le 18 juillet. Le village passe plusieurs fois sous le pouvoir des deux armées.
Dans un entretien donné aux rédacteurs de son Bulletin Mensuel de Documentation, de Pékin, le roi fustige tous « ceux qui résistent contre Samdech Hun Sen« , comme ceux qui tentent d’écraser les forces restant fidèles à Ranariddh. Il condamne comme « très immoral d’avoir recours aux Khmers rouges« , il qualifie les combats de « lutte très laide pour le pouvoir« , et demande à « tous les pays étrangers, sans exception, de ne donner aucune aide aux belligérants cambodgiens, odieusement engagés dans cette abominable et injustifiable entreprise de destruction inter-khmère
Le 25 juillet, le général Nhiek Bun Chhay réapparait, après trois semaines. Il a marché pendant 14 jours, de Phnom Penh jusqu’à Pursat, traqué par les soldats du Prachéachon, puis a soudoyé des membres du Prachéachon et a pu rejoindre O Smach. Partis à 70 de Phnom Penh, ils sont arrivés à trois seulement.
C’est dans ce climat de guerre que les Khmers rouges d’Anlong Veng lancent leur opération Pol Pot. Nate Thayer, journaliste du Far Eastern Economic Review, est invité à assister au jugement de Pol Pot, le 25 juillet, à Anlong Veng. Le leader khmer rouge est toujours vivant, vieilli, visiblement malade, il passe au tribunal populaire pour avoir purgé ses camarades en juin dernier, notamment pour avoir tué Son Sen et sa famille. Il est condamné à la prison à perpétuité. Les Khmers rouges proclament renoncer à la politique du passé. Débarrassés de leur mauvaise image, ils peuvent s’allier au Funcinpec sans dommage pour ces derniers. « Nous ne sommes plus Khmers rougesaffirment les nouveaux leaders.
Ce jugement laisse perplexe et ne ressemble pas à la pratique khmère rouge : l’inculpé n’a pas les mains liées derrière le dos, il n’est pas emmené pour l’exécution comme cela se produisait en tels cas. Il semblerait que les Khmers rouges veuillent attirer le soutien international dans leur lutte contre Hun Sen.
Christophe Peschoux, spécialiste des Khmers rouges, est clair: « Les Khmers rouges ne font rien en public s’ils n’attendent pas quelque chose en contrepartie. Ce dont l’alliance anti-Hun Sen a besoin, c’est de l’appui à la fois des Cambodgiens et des étrangers. Personne ne le leur octroyera, s’ils pensent que Pol Pot et ses seconds sont toujours au pouvoir… Personne ne va croire que Pol Pot a été condamné à la prison à vie, mais s’il y a un observateur indépendant, un journaliste par exemple, cela donnera un peu de crédibilité à leur histoire. Je n’y crois pas et je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un d’autre qui y croie, mais c’est ce qu’ils pensent
Curieuse coïncidence, les cinq survivants parmi les négociateurs partis en hélicoptère le 14 février, arrivent à Phnom Penh. Ils déclarent avoir été libérés le 23 juillet, « par d’anonymes Cambodgiens et Thaïlandais en civil
A partir du 24 juillet, les troupes du Funcinpec menées par Lay Viréak, commandant de la 12ème division basée à Nimit prennent la ville frontalière de Poïpet où ils contrôlent le trafic routier avec la Thaïlande. Les troupes du Prachéachon reprennent le contrôle de la ville le 31 juillet. Près de 3 000 civils et 400 militaires du Funcinpec se réfugient en Thaïlande où les militaires sont désarmés. 300 militaires du Funcinpec gagnent la base de O Bey Choan, plus au nord, d’où ils sont à nouveau délogés le 3 août. Ils rejoignent la base d’O Smach, commandée par le général Nhek Bun Chay, et défendue par 2 000 soldats du Funcinpec. La moitié des réfugiés regagnent Poipet le 5 août, une autre partie regagnera O Bey Choan.
Depuis lors, les combats se concentrent sur O Smach, ensemble de collines, jadis base de la résistance du Funcinpec contre l’Etat du Cambodge et la présence vietnamienne. Hun Sen veut interdire à tout prix la création de bases de résistance adossées à la frontière khméro-thaïlandaise. Le 11 août, Hun Sen invite « tous les traîtres fidèles à Ranariddh, même les généraux« , à rejoindre la communauté nationale. Le 13 août, alors que Sam Rainsy est en Australie, Alexander Downer, ministre australien des Affaires étrangères demande aux partisans de Ranariddh de cesser les combats. « Oui, mais« , répond Ranariddh de Bangkok, « c’est Hun Sen qui a déchaîné ses forces contre le gouvernement légal et démocratiquement éluDès son retour de Pékin, le 14 août, Hun Sen, ordonne à Ke Kim Yann, chef d’Etat-major des FARC, de prendre O Smach dans les prochains jours. De nombreux renforts sont acheminés, des canons à longue portée, les terribles orgues de Staline B-21 qui détruisent tout sur 1km .
Après avoir nié, les partisans de Ranariddh reconnaissent que 700 Khmers rouges d’Anlong Veng les aident, en minant les abords des collines. « Nous n’avions pas le choix« , dit Ahmad Yahya. « D’ailleurs, ce ne sont plus des Khmers rouges, puisqu’ils ont abandonné la ligne dure de Pol Pot » ! Le 16 août, Khieu Samphan révèle que les Khmers rouges d’Anlong Veng, ceux de Païlin, de Samlaut et de Malai ont formé un Etat-major commun placé sous les ordres de Nhek Bun Chhay. Ieng Sary dément. Ahmad Yahya affirme que les ex-Khmers rouges de la région de Païlin ont « neutralisé tous les éléments favorables au Prachéachon« . Effectivement, Y Chhien, maire de Païlin et vice-président du MNUD, affirme qu’il vient de déjouer un attentat contre sa personne quelques jours auparavant par des « forces venant d’ailleursOn pointe le doigt vers Hun Sen, qui reproche à Y Chhien sa neutralité. Il réaffirme sa volonté de ne pas être mêlé, avec ses quelques 8 000 combattants, à ces combats. Le Prachéachon nie toute implication dans cette tentative d’attentat, qu’il confirme pourtant. Iem Phan, ex-chef Khmer rouge, commandant de la 36ème division, basée à Samlaut, ainsi que Ta Muth, gendre de Ta Mok, prennent le maquis, avec 300 soldats pour rejoindre O Smach. Un accrochage a lieu avec les FARC près de O Téa et 3 000 civils se réfugient en Thaïlande.
Le 17 août, le président Ramos, président de l’Asean, demande instamment à Ranariddh venu lui rendre visite, de cesser immédiatement la résistance armée. Ranariddh lui répond qu’un cessez-le-feu ne peut pas être unilatéral, mais qu’il préfèrerait personnellement les pressions diplomatiques, politiques et économiques. Le 19 août, près de 30 000 réfugiés gagnent la Thaïlande.
Le 20 août, Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, lance un appel au cessez-le-feu.
Le 26 août, Ranariddh demande qu’un cessez-le-feu soit observé comme cadeau de bienvenue au roi son père qui doit arriver à Siemréap le 28. Pour Hun Sen, il n’y a pas de négociations possibles, il ne peut y avoir que reddition pure et simple. « Il ne peut y avoir deux gouvernements au Cambodge« , dit-il. Après la prise d’O Smach, ce sera le tour d’Anlong Veng, base des Khmers rouges, et le pays sera enfin réunifié en décembre, selon lui. Le 27 août, plusieurs obus tirés par erreur en Thaïlande par les troupes gouvernementales tuent un soldat thaïlandais. L’armée thaïlandaise riposte par une salve de canon. Le gouvernement cambodgien fait ses excuses et doit verser des réparations.
Le 31 août, Sihanouk, de retour au Cambodge, invite les belligérants à une réunion informelle de médiation avec lui à Siemréap. Hun Sen lui répond que le roi ne doit pas s’ingérer dans les affaires gouvernementales.
Le 1er septembre, en dépit des annonces répétées de la prise de la base par les forces gouvernentales, et contre toute attente, les résistants tiennent toujours, apparemment mieux aguerris que leur adversaires, et connaissant le terrain. Les pertes de l’armée gouvernementale semblent énormes.
La résistance anti-gouvernementale, cependant, ne pourra pas tenir encore longtemps contre la supériorité numérique et le matériel de guerre de l’armée de Hun Sen. Aucun pays voisin n’a intérêt à soutenir la résistance et faire durer les combats. Les grandes puissances en ont terminé avec la guerre froide qui les opposait jadis par petits pays interposés. Cependant, l’explosion pourrait venir de l’intérieur.
Hun Sen est détesté par l’ensemble de la population, pour avoir provoqué la guerre. On n’aimait pas Ranariddh, qui n’a pas le charisme de son père, mais on déteste Hun Sen, homme du peuple, au ton arrogant, qui se prend pour le roi, qui utilise un vocabulaire royal pour parler de lui-même. « Si Ranariddh était un traître, pourquoi Hun Sen n’a-t-il pas porté l’affaire devant la communauté internationale entend-on dire. Une grogne sourde de petites gens explose parfois contre les fonctionnaires. Les journaux officiels sont peu lus, on se presse pour lire la presse d’opposition à nouveau autorisée. Hun Sen recommande de ne pas écouter la « Voix de l’Amérique« , « instrument du traître Ranariddh« , seule source d’information indépendante, ce qui renforce encore le désir de beaucoup de l’écouter. Certains rêvent d’un coup d’Etat militaire né d’une division du Prachéachon qui le renverserait. Les mesures prises par Hun Sen pour contrôler la population rappellent le communisme des années 80. Plusieurs étudiants interrogés disent que si ça continue, ils sont prêts à prendre le maquis, sous la direction de Khieu Samphân, devenu un héros national. Mais de la parole à l’acte, la distance est grande, surtout dans une population désormais placée sous étroite surveillance.
Selon le ministère de l’Information, à la date du 3 août, 32 journaux et publications, dont 25 en langue khmère, sont diffusés dans le pays. 19 journaux favorables au Funcinpec ont cessé de paraître, au moins 5 journaux d’opposition continuent d’être publiés. Hun Sen encourage les journaux d’opposition à reprendre leur travail. Mais plusieurs journalistes ont quitté le pays ou se cachent. Certains craignent de se manifester par peur d’être arrêtés dans quelques mois. Pin Samkhon, président de l’Association des journalistes khmers, déclare à Hongkong, que Hun Sen a décimé la presse. Depuis les 5-6 juillet, 44 journalistes se sont réfugiés à Bangkok, 2 aux Etats-Unis.
La nomination d’un nouveau premier ministre
Le 13 juillet, 10 membres du comité provisoire du Funcinpec résidant à Phnom Penh se réunissent pour tenter de sauver ce qui reste du parti. Loy Sim Chhéang, secrétaire général du parti et vice-président de l’Assemblée, et Dany Tan déclarent leur volonté de diriger le pays jusqu’aux prochaines élections nationales. Ils affirment le lendemain que Chéa Sim, chef de l’Etat, et Hun Sen garantissent la sécurité des membres du Funcinpec. Ils émettent toutefois quelques doutes. Par contre, Toan Chhay, gouverneur de Siemréap, et membre dissident du Funcinpec, prétend à la place de premier premier ministre en remplacement de Ranariddh, puisqu’il a été nommé président du Funcinpec par les dissidents. N’étant pas député, sa candidature n’est pas conforme à la constitution. (Il semble qu’étant un chef militaire renommé, il gêne trop Hun Sen). Téa Chamrath, co-ministre de la Défense, puis Loy Sim Chhéang, proposés par Hun Sen, déclinent l’offre. C’est le Funcinpec qui doit désigner son candidat. Sam Rainsy, de l’étranger, dénonce la ruse de Hun Sen qui veut un Funcinpec à ses ordres.
Quelques jours plus tôt, Kong Mony, expulsé le 24 mai dernier du PNK (Parti de la Nation Khmère), dirigé par Sam Rainsy, avait décrété l’expulsion du président et pris sa place, lors d’un congrès extraordinaire tenu le 31 juillet, qui rassemble 1 500 personnes à qui on a promis 5 dollars chacune. Kong Mony salit Sam Rainsy, accusé de tous les maux. Le 3 août, 25 des 35 membres du Comité provisoire du PNK, exilés à l’étranger, réaffirment leur confiance à Sam Rainsy. L’article 41 de la charte du parti stipule que Sam Rainsy demeure président du parti jusqu’aux élections.
A la surprise générale, le 16 juillet, Ung Huot, ministre des Affaires étrangères, rentré d’une mission en France, propose sa candidature comme premier premier ministre, en remplacement de Ranariddh. De nationalité australienne, Ung Huot a été ministre des Transports et Télécommunications (juillet à octobre 1993), de l’Education nationale (1993 à novembre 1994), puis ministre des Affaires étrangères depuis octobre 1994, en remplacement de Norodom Sirivuddh, démissionnaire. Il apparaît comme un homme compétent, diplomate, capable de rassembler les suffrages. Il bénéficie d’une bonne image sur la scène internationale, ce qui permettra au gouvernement de regagner sa sympathie. Cette candidature soulève la réprobation des députés réfugiés à l’étranger, notamment celle de Son Soubert, vice-président de l’Assemblée nationale, dont l’approbation est nécessaire, selon les termes de la Constitution, avant que la candidature ne soit proposée au roi, puis au vote de l’Assemblée. D’autre part, le programme de l’Assemblée nationale doit être fixé par son comité permanent qui ne comprend que 6 membres et n’a donc pas le quorum.
Le 21 juillet, Pou Sothirak, ministre de l’Industrie, est envoyé à Bangkok par Loy Sim Chhéang pour tenter de faire revenir les députés exilés, afin d’obtenir le quorum. Il rentre bredouille. Ranariddh, au nom de l’Union des démocrates cambodgiens (UDC), qui regroupe ses partisans, Sam Rainsy et Son Soubert, demande à la communauté internationale de retirer ses ambassadeurs du pays et de couper toute aide financière, afin de forcer Hun Sen à négocier. « Sans aide, le gouvernement ne tiendra pas plus de trois moisdisent-ils. Il refuse la nomination de Ung Huot, et demande la nomination d’une administration intérimaire jusqu’aux prochaines élections.
Le 27 juillet, Ranariddh expulse Ung Huot du Funcinpec, pensant ainsi l’empêcher de briguer le poste de premier premier ministre. « Comment peut-il expulser Ung Huot du parti ? Il n’est même pas dans le pays« , répond Toan Chhay.
Le 28 juillet, l’Assemblée nationale se réunit pour la première fois depuis sept mois, sous l’oeil vigilant du corps diplomatique au complet. 98 de ses 120 membres sont présents. La nomination du premier ministre n’est pas au programme, car « des choses plus importantes doivent être régléesdit Ung Huot. Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim, lit un livre blanc concernant les événements des 5-6 juillet. Chéa Sim reprend les arguments maintes fois répétés : « Ces événements n’ont rien d’un coup d’Etat, puisque la Constitution, les institutions gouvernementales, les ministres restent en place. Ces événements ont manifesté la volonté du gouvernement d’appliquer la loi contre les forces illégales propageant l’anarchie et menaçant la sécurité nationale, la paix, la loi et l’ordreChéa Sim affirme que la tenue de la 8ème session de l’Assemblée s’inscrit dans la continuité des accords de Paris et du gouvernement issu des élections de 1993. 10 parlementaires exilés écrivent une lettre pour tenter de repousser la tenue de l’Assemblée. Selon la constitution, dix parlementaires peuvent empêcher ou demander un débat. Cette lettre n’est pas lue. Pour sa part, le roi fait savoir qu’il amnistie Sin Sen et les huit autres inculpés dans la tentative de coup d’Etat de 1994, mais met en doute la liberté et la légitimité des travaux de l’Assemblée nationale. Il se refusera de donner du « premier ministre » à Ung Huot, alors que l’Assemblée ne s’est pas encore prononcée.
Le 6 août, les députés, lors d’une séance à huis clos, par un vote à main levée, lèvent l’immunité parlementaire de Ranariddh, afin qu’il soit jugé, mais ne le destituent pas de sa fonction. Seul Thach Reng, remplaçant de Son Sann, s’oppose à la procédure. Vers 10 heures 30, Ung Huot est élu premier premier ministre, par vote à bulletin secret, avec 86 voix sur 99 votants. La majorité des deux tiers de 80, requise par la constitution est atteinte. De Bangkok, Sam Rainsy, au nom de l’UCD, traite cette élection de « parodie de démocratie, et d’élection totalement illégale« Est-ce que le Cambodge doit être l’otage de quatre députés restés à Bangkok ? » s’interroge Ung Huot. 83 % des députés du Funcinpec ont participé au vote.
Le 8 août, Madeleine Albrigh, Secrétaire d’Etat américain, décide la suspension sine die de toute aide au Cambodge, tant que des progrès ne seront pas faits vers des élections « libres et équitables« . Hun Sen répond que « le gel de l’aide américaine tue en premier lieu les institutions démocratiques et les ONG au Cambodge« . Il refuse de recevoir Desaix Anderson, envoyé spécial américain, qui doit rencontrer Ung Huot. Certains voient dans cette visite une reconnaissance pratique de l’élection du nouveau premier premier ministre. Les Etats-Unis ne reconnaissent cependant pas Ung Huot comme librement et démocratiquement élu.
Ce même jour, deux mandats d’arrêt sont lancés par la cour militaire de Phnom Penh contre Ranariddh, pour importation illégale d’armes, et mobilisation de Khmers rouges, ainsi que pour des mouvements de troupes qu’il a ordonnés. La nouvelle loi électorale rend inéligible tout candidat condamné à une peine. Ranariddh est donc exclu. « Discuter avec Ranariddh, c’est perdre son tempsdit Hun Sen. Le 13 août, Ranariddh expulse Loy Sim Chhéang du Funcinpec pour avoir joué un rôle clé dans la reprise des travaux de l’Assemblée nationale et facilité l’élection de Ung Huot.
Chéa Sim, chef de l’Etat, et les deux co-premiers ministres demandent d’être reçus par le roi Sihanouk à Pékin, afin d’obtenir la légitimité. Le roi souffle le chaud et le froid. Il accepte de recevoir la délégation le 12 août en « visite privée« , deux jours après avoir traité Ung Huot de « marionnette« , et affirmé qu’il continuait à reconnaître son fils Ranariddh comme unique premier premier ministre. Cependant, le 7 août, le roi autorise Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim, à signer les décrets royaux, donc approuve indirectement l’élection de Ung Huot. Il annonce qu’il a préparé une lettre d’abdication, si Hun Sen est d’accord. C’est une menace voilée de se libérer de son rôle de roi constitutionnel afin de jouer un rôle plus important dans la politique, et de désavouer la politique de Hun Sen. Les opposants de l’étranger le poussent en ce sens. Beaucoup de pays, dont ceux de l’Asean attendent la visite de Pékin pour prendre position. 45 personnes de la délégation gouvernementale arrivent à Pékin à bord d’un appareil de la « Kampuchéa Airlines », nouvellement recréée par Hun Sen.
Au terme de cinq heures de discussion, aucune déclaration commune n’est publiée. De retour à Phnom Penh, le 13 août, Ung Huot affirme que le roi lui a accordé sa bénédiction, ce que nie le roi : il a simplement levé un toast à la bonne santé de ses invités. Le roi écrit dans son BMD qu’il y a désormais 3 premiers ministres au Cambodge, que Hun Sen a refusé son abdication, qu’il retournera au Cambodge, à Siemréap, à la fin du mois. Li Peng, premier ministre chinois, reconnaît de facto les deux co-premiers ministres cambodgiens.
Dans son bulletin, mensuel, le roi ne ménage pas ses critiques contre le régime de Hun Sen : « Du polpotisme pur sang… Traitement des prisonniers à la Hitler… Manière de Tuol Sleng… Quand on a tout liquidé, tout écrasé, on n’a plus besoin d’utiliser la force. C’est désormais facile de parler de paix… Un bilan catastrophique, des pertes incommensurables dans tous les domaines subis par le Cambodge qui est ruiné, accablé de honte, déserté par les touristes, les investisseurs, les ex-sympathisantsetc. Le roi demande que soit débaptisé le boulevard portant son nom à Phnom Penh, pour lui donner le nom de Christopher Howes, démineur anglais disparu en 1996. C’est une critique indirecte à l’égard de Hun Sen qui a baptisé un jardin public et de multiples écoles à son nom.
Plusieurs délégations se sont rendues à Pékin pour demander au roi de rentrer au Cambodge : le 16 juillet, il reçoit Yukio Imagawa, envoyé spécial du Japon, le lendemain, il reçoit Claude Martin, envoyé de la France ainsi qu’une délégation de l’Asean. Le 18, il reçoit James Sasser, ambassadeur des Etats-Unis à Pékin. Dans une lettre en date du 4 août, Kofi Annan suggérait au roi de jouer un rôle plus actif pour résoudre la crise politique cambodgienne. La Chine, le Japon, les Etats-Unis, les pays de l’Asean ont tous manifesté le désir de voir le roi entrer au pays pour tenter une médiation entre les parties.
Le 28 août, il rentre au Cambodge. Il se rend directement de Pékin à Siemréap, sans passer par Phnom Penh. Il semble ainsi se désolidariser de Phnom Penh qu’il ne reconnaît plus comme sa capitale. Les deux co-premiers ministres vont l’accueillir, mais ostensiblement, devant les caméras de la télévision nationale, le roi n’accorde que quelques mots à Hun Sen. Il félicite chaleureusement l’ambassadeur des Etats-Unis pour ses efforts en vue de ramener la paix au Cambodge. Le refus de Hun Sen d’accepter une réunion informelle de médiation proposée par le roi est considéré comme un affront à la communauté internationale. Pour bien montrer son désaccord avec Hun Sen qui, le 27 août, avait accusé les membres d’organisations de défense des droits de l’homme, le roi remet les plus anciennes décorations royales décernées à des étrangers à neuf personnes travaillant au Centre pour les droits de l’homme de l’ONU et à Amnesty International, tout en les félicitant chaleureusement du bon travail accompli par eux.
L’activité diplomatique
La communauté internationale condamne quasi unanimement les événements des 5-6 juillet. Progressivement cependant, le pragmatisme fera place à la condamnation. L’Australie, la France et surtout les Etats-Unis dénoncent le coup d’Etat.
Dès le 8 juillet, Hun Sen enjoint à la communauté internationale de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures du Cambodge. Il simplifie à outrance : la dite communauté doit choisir entre Ranariddh, soutenu par les Khmers rouges, ou le gouvernement royal qu’il représente. Il se défend d’avoir opéré un coup d’Etat. Les institutions politiques et la constitution demeurent, il a simplement mis de l’ordre dans les « troupes anarchiques ».
Le 9 juillet, Taïwan annonce le report de la réalisation de ses projets au Cambodge portant sur 540 millions de dollars.
Le 10 juillet, les Etats-Unis annoncent la suspension pour 30 jours de leur programme d’assistance au Cambodge, s’élevant à 37 millions de dollars pour 1997. Seules sont maintenues les aides purement humanitaires. Le même jour, l’Allemagne, suspend son aide financière.
Le programme d’assistance des Etats-Unis au Cambodge, s’élève à 37 millions de dollars pour 1997. Seules sont maintenues les aides purement humanitaires. L’USAID reprend son aide humanitaire à hauteur de 250 000 dollars par l’intermédiaire de la « World Vision » dès le 22 juillet. Les programmes concernant la santé sont repris, par contre ceux concernant la reconstruction de routes restent suspendus. 12% des ONG ont aindi perdu 50 % de leurs fonds, 5 % des ONG ont fermé leurs portes.
Le 10 juillet, les ministres des Affaires étrangères de l’Asean réunis à Kuala Lumpur, décident de reporter sine die l’admission du Cambodge dans l’Association prévue pour le 23 juillet, avec celle du Laos et de la Birmanie, à l’occasion du 30ème anniversaire de la création de l’association. Dès le 14 juillet, Hun Sen, vexé, déclare qu’il n’est plus sûr que son gouvernement désire entrer dans l’Asean. Il ne veut plus se rendre dans ces pays. Il fait remarquer, non sans raison, que les Philippines, la Thaïlande, l’Indonésie ont eu à faire face au même genre de problèmes que le Cambodge actuel, que les pays de l’Asean ne sont pas intervenus en Birmanie ! Il ordonne l’arrestation et l’extradition de Ranaridhh. « Si les pays étrangers veulent soutenir un traître, à eux de voirdit-il. L’Asean envoie les ministres des Affaires étrangères de Thaïlande, d’Indonésie et des Philippines auprès de Sihanouk à Pékin, à Bangkok pour rencontrer Ranariddh, et à Phnom Penh pour rencontrer Hun Sen. La Chine salue les efforts de l’Asean, mais met en garde contre une trop grande interférence dans les affaires intérieures du pays. Le 19 juillet, les trois ministres arrivent à Phnom Penh où il se voient répondre par Hun Sen que le Cambodge est capable de résoudre ses problèmes par lui-même, selon sa constitution et ses lois, avec le recours au roi, si besoin est. Le second premier ministre réitère sa menace de ne pas entrer dans l’Asean en cas d’interférence dans les affaires intérieures du pays.
Le 11 juillet, l’Australie déclare supprimer son aide militaire au Cambodge d’un montant de 1,5 millions de dollars, mais se refuse à couper son aide humanitaire en raison des conséquenses désastreuses qui en résulteraient pour le peuple. Selon Tony Kevin, ambassadeur australien au Cambodge, son pays n’a pas « à verser trop de larmes sur le sort de Ranariddhcar le système d’un gouvernement avec deux premiers ministres ne fonctionnait pas. Il demande toutefois que des pressions politiques soient exercées sur Hun Sen pour que soient tenues des élections justes et équitables en 1998. L’Australie reconnaît les Etats, non les gouvernements. L’Australie annule la visite de son ministre des Affaires étrangères au Cambodge prévue pour les 2-4 août.
Pour sa part, le Japon suspend son aide en raison des combats, mais ne cache pas son intention de reconnaître le gouvernement de Hun Sen, en dépit des pressions de la France et des Etats-Unis.
Le 6 août, le Japon reprendra son aide. C’est une reconnaissance de facto de l’élection du nouveau premier premier ministre. Les autorités japonaises refusent de recevoir Son Soubert, second vice-président de l’Assemblée nationale, et lui demandent avec insistance de rentrer au Cambodge. Pour le Japon, il n’y a pas de problème légal à reconnaître Ung Huot.
Le 15 juillet, Sam Rainsy et les députés exilés à Bangkok demandent la suppression de toute aide au Cambodge. Sihanouk, au contraire, demande leur continuation, afin d’éviter la misère du petit peuple.
Do Muoi, secrétaire général du Parti communiste vietnamien, à la veille d’une visite officielle en Chine, tient à rassurer Pékin en affirmant la neutralité du Vietnam dans les affaires cambodgiennes, même si Hun Sen s’est rendu au Vietnam le 4 juillet. Les Khmers rouges, quant à eux, affirment que 2 700 soldats vietnamiens sont venus aider Hun Sen, dans les provinces de l’Est cambodgien. Aucune preuve n’est cependant apportée.
Le 17 juillet, l’Union européenne gèle son aide économique au Cambodge, suite à la violation d’une des clauses des accords de Paris concernant les droits de l’homme.
Le 19 juillet, les Etats-Unis envoient Stephan Solarz, membre influent du Congrès et spécialiste des affaires asiatiques. Il se rend dans les capitales asiatiques et à Phnom Penh. L’envoyé spécial veut faire boycotter Ung Huot mais il ne convainc pas le ministre japonais des Affaires étrangères qui lui répond que Hun Sen a demandé aux députés exilés de rentrer, et « qu’il ne faut pas oublier le peuple cambodgien, le premier concerné par la criseIl a une discussion franche et constructive avec Hun Sen, le 25 juillet, affirmant qu’il « n’était pas dans l’intérêt des Etats-Unis qu’il y ait une nouvelle guerre au CambodgeLes deux côtés s’engagent à la tenue d’élections « libres et équitables« , en mai prochain.
Le Washington Post du 22 juillet accuse Hun Sen d’être entouré de trafiquants de drogue, d’avoir transformé le Cambodge en un centre important de trafic d’héroine vers le sud-est asiatique, de cultiver et d’exporter d’énormes quantités de marijuana.
Teng Bun Ma, alias Teng, le richissime homme d’affaires cambodgien, est soupçonné d’être l’un des principaux trafiquants de drogue. Le département d’Etat lui interdit désormais l’entrée aux Etats-Unis. Ce même Teng Bun Ma se vante publiquement d’avoir versé 1 million de dollars à Hun Sen pour faire son coup d’Etat. Comme il n’avait pas d’argent liquide, il lui a donné l’équivalent avec 100 kilos d’or. Il se vante également d’avoir donné 50 000 dollars à Toan Chhay et aux membres dissidents du Funcinpec.
Ce même 22 juillet, Hun Sen ordonne la fermeture du bureau de la représentation culturelle et économique de Taiwan, l’accusant, « après enquête, d’avoir couvert les terroristes » et d’avoir donné une aide militaire à Ranariddh, par l’intermédiaire d’une secte religieuse basée à Taiwan. Il invite toutefois les investisseurs taiwanais à continuer leur travail au Cambodge. Ces allégations sont formellement démenties par le ministre des Affaires étrangères de Taiwan, mais saluées avec satisfaction par Pékin. Tous les observateurs s’accordent à penser que c’est une façon de faire du chantage, notamment auprès des pays de l’Asean : s’ils refusent leur aide, la Chine y pourvoira ! Taiwan menace de réduire ses investissements qui atteignent actuellement 92,5 millions de dollars, et plus de 200 millions en projets. Hun Sen demande à Pékin de fournir les équipements de son armée, de l’aider à construire des routes et des ponts.
Selon le ministre taiwanais des Affaires étrangères, Hun Sen aurait demandé à Taiwan de rouvrir le bureau de sa représentation économique et culturelle à Phnom Penh. Taipei exige cependant des excuses préalables.
Le 24 août, Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, se rend à Pékin à l’invitation du Conseil d’Etat chinois. Plusieurs accords concernant la sécurité sont signés entre les deux pays.
Le 23 juillet, Ung Huot, ministre cambodgien des Affaires étrangères, se rend à la réunion de l’Asean comme observateur. Il « accueille positivement le fait que l’Asean joue un rôle pour parvenir à la stabilité politique du CambodgeComme on s’y attendait, les pays de l’Asean confirment leurs décisions du 10 juillet. Le 24 juillet, le ministre malaisien des Affaires étrangères demande la poursuite de l’assistance internationale au Cambodge pour assurer la stabilité dans le pays, annonçant par là une inflexion dans la politique de son pays. Le 25 juillet, le cabinet de Hun Sen clarifie la position du gouvernement khmer : « Le Cambodge accueille le rôle de l’Asean pour contribuer à la stabilité et à la paix au Cambodge, sur la base du respect de son indépendance nationale et de sa souveraineté… La communauté internationale ne doit pas encourager une nouvelle guerre en donnant des armes, des munitions, un refuge à l’opposition
Au Forum annuel des pays de l’Asean, réuni le 27 juillet à Kuala Lumpur, et en présence des représentants de vingt pays, notamment de la Chine, de la Russie et du Japon, Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain, déclare qu’il est inacceptable de renverser les résultats des élections de 1993. Cependant, après les propos de Ung Huot qui place comme priorité de son gouvernement de « mettre fin à la peur, à l’intimidation et aux violencesle secrétaire d’Etat n’emporte pas l’adhésion pour former un front commun contre Hun Sen. L’Asean décide même d’envoyer une seconde mission à Phnom Penh.
Cette seconde mission écoute Hun Sen. Les trois heures d’entretien sont qualifiées de « franches et très constructivesLa délégation demande au second premier ministre de faciliter et de garantir le retour sur la scène politique de tous les exilés et de leur permettre de participer librement au processus politique. Hun Sen demande de supprimer toutes relations politiques et militaires avec les Khmers rouges et d’abandonner les partisans de la lutte armée. L’Asean renonce à demander le retour de Ranariddh au Cambodge, mais seulement le retour des membres de son parti. Hun Sen accepte les conditions de l’Asean : un cessez-le-feu, la tenue d’élections générales en temps voulu, et l’autorisation aux membres du Funcinpec de faire campagne. Les députés exilés, quant à eux, refusent l’offre de retour sans garanties internationales, et exigent que Ranariddh revienne au pouvoir. Ils ne tiennent pas à cautionner le coup d’Etat. Hun Sen répond que Ranariddh peut rentrer quant il veut, mais qu’il devra faire face à ses crimes devant un tribunal. Si le roi le désire, il pourra alors amnistier le prince (supposé condamné avant tout jugement).
L’Asean prend désormais ses distances par rapport à Ranariddh. L’organisation déclare reconnaître les Etats et non les gouvernements. Elle reconnaît le remplacement du premier premier ministre s’il est conforme à la constitution du pays, sans s’ingérer dans les affaires intérieures. Ranariddh se rend dans diverses capitales asiatiques pour tenter d’isoler Hun Sen. Il est reçu avec de plus en plus de froideur. « On regrette les événements des 5-6 juilletlui dit-on à Singapour. Force lui est de constater que les affaires priment sur la démocratie. Le 19 août, le Japon demande à Ranariddh de reporter son voyage dans l’archipel à une date ultérieure. Le 11 août, après la nomination de Ung Huot au poste de premier premier ministre, l’Asean propose la tenue d’une réunion informelle rassemblant toutes les parties impliquées dans la crise cambodgienne. Ranariddh se déclare aussitôt prêt à y participer, « si Ung Huot et Hun Sen y participent« . L’Union européenne soutient la démarche de l’Asean dans sa tentative de réunion informelle. Le 20 août, Hun Sen avertit que le Cambodge n’entrera pas dans l’Asean s’il devait attendre l’an prochain. « Si je remporte les élections en 1988, je n’intégrerai pas l’Aseandit-il. Il fustige les pays de l’Asean, les traitant d’hypocrites qui s’ingèrent dans les affaires intérieures du Cambodge, alors qu’ils ont tous des problèmes dans leurs pays : « A chacune des élections dans leurs pays, il y a au moins 300 morts Il s’en prend aux Américains qui parlent des droits de l’homme, mais qui n’ont pas hésité à les violer en 1973, en larguant des bombes sur le Cambodge et en tuant un demi-million de personnes. Le ministère malaisien des Affaires étrangères déclare le 28 août : « La question de la reconnaissance de Ung Huot ne se pose plus, puisque cette décision a été entérinée par l’Assemblée nationale cambodgienne
La dégradation de la situation économique
Hun Sen fait son coup de force quatre jours après la réunion du groupe consultatif des pays pourvoyeurs d’aides au Cambodge, à Paris. Après des séances animées, durant lesquelles les pays donateurs posent des conditions sévères à l’octroi de subsides, on reproche au gouvernement cambodgien de ne pas avoir tenu ses engagements, spécialement pour épurer son administration et son armée, pour appliquer une politique forestière cohérente, la transparence dans la gestion de l’économie, ainsi que le recouvrement des impôts et des taxes, en particulier sur l’exploitation du bois qui devrait générer annuellement plus de 100 millions de dollars. La France, pour sa part, bloque 40 millions de dollars de son aide.
Cependant, le coup des 5-6 juillet, donne un coup de frein aux aides, comme il a été décrit plus haut. Au lieu des 7 % de croissance prévue pour l’année, on prévoit une croissance de 2 à 3 %. En deux mois, l’inflation a augmenté de 10 %, le riel s’échange à 3 000 contre 2 700 (pour un dollar) au début juillet. Il faudra attendre l’an 2000 pour atteindre le niveau de croissance prévu pour cette année. Les recettes fiscales accusent une chute vertigineuse, de moitié, estiment les experts. Cette chute est amplifiée par le gel d’environ 20 % de l’aide internationale. Les exportations pourraient chuter de 30 à 40 %. 40 000 employés dans le secteur tertiaire (hôtels, restauration, personnel de maison) sont sans emploi. Il faudra attendre sans doute après les élections de mai 1998 pour que les investisseurs reprennent confiance en la stabilité du pays.
Nombre d’investisseurs singapouriens rapatrient leurs capitaux, qui s’élèvent à 330 millions de dollars. Le 19 juillet, Hun Sen tient à rassurer les investisseurs étrangers : « Il n’y aura absolument plus de combat, à l’exception peut-être de la région d’Anlong VengIl s’engage à simplifier les formalités d’obtention de contrats d’investissement. « Attendons pour voir si ces paroles se transforment en actesdisent les investisseurs.