Eglises d'Asie

Les délits de blasphème pourraient être jugés dans des tribunaux d’exception

Publié le 18/03/2010




De nombreux militants des droits de l’homme ainsi que divers groupes religieux ont élevé des protestations publiques après l’annonce, par un haut magistrat du Punjab, que les délits de blasphème seraient désormais jugés par les tribunaux anti-terroristes. Ces cours d’exception ont été créées en vertu d’une loi contre le terrorisme, adoptée le 13 août dernier. Elles siègent dans chaque chef-lieu de district et sont soumises à l’obligation de fournir leur verdict durant la semaine où le procès a été entamé.

Les chrétiens craignent que cette nouvelle disposition les rendent encore plus vulnérables aux fausses accusations de blasphème, portées contre eux par des dénonciateurs mal intentionnés, spécialement pour des délits tombant sous l’article 295-C du code pénal pakistanais, à savoir l’article réprimant les insultes à Mahomet. Johnson Shaid, un catholique, militant des droits de l’homme, pense qu’il va devenir plus difficile aux personnes accusées de tel type de crime d’assurer leur défense dans l’enceinte de ces tribunaux d’exception. Un militant musulman des droits de l’homme, l’avocat Mujahid A. Nasar, insiste sur ce même point. Selon lui, un délit aussi sérieux que celui du blasphème ne peut être jugé à la sauvette dans des tribunaux d’exception. Cet avis est même partagé par des membres de partis politiques islamiques. Eux aussi estiment que seuls les tribunaux civils peuvent porter un verdict équitable et garantir à l’accusé la possibilité de se défendre.

La presse et diverses personnalités bien connues continuent à critiquer sévèrement la loi anti-terroriste récemment adoptée, qui non seulement à mis en place les tribunaux d’exception, mais, en même temps, a donné des pouvoirs exorbitants à la police, à savoir le droit de pénétrer sans mandat dans les maisons et le droit d’abattre les terroristes suspects. Le président de la commission officielle des droits de l’homme, Asma Jahangir, a déclaré que cette loi est encore pire que la déclaration de l’état d’urgence. Le journal de langue anglaise «  »Newsline Karachi » est allé même jusqu’à dire que « l’ombre de la loi » adoptée le 13 août par les deux chambres « a obscurci le 50ème anniversaire de l’indépendance du payscélébré le lendemain 14 août.

Les avis sont, cependant, fort différents au sein des organisations islamiques de tendance fondamentaliste de même qu’au Conseil des Maîtres musulmans (Jamiat Ullam-e-Pakistan). Divers membres de ces associations ont qualifié de judicieuses la promulgation de la loi contre le terrorisme et son application aux délits de blasphème. Ces derniers revêtiraient un caractère d’urgence et devraient être jugés dans les plus brefs délais.

Jusqu’ici trois chrétiens ont été accusés et condamnés à la peine de mort pour blasphème à l’égard du prophète Mahomet. Mais la sentence et la condamnation ont été annulées par la haute cour de Lahore (8). Aucun n’a été exécuté pour ce crime. Quelques-uns, par contre, ont été tués alors qu’ils allaient passer en jugement (9).