Eglises d'Asie

Assassinat du juge qui avait acquitté deux chrétiens accusés de blasphème

Publié le 18/03/2010




Le 10 octobre 1997, plus de deux ans et demi après avoir acquitté deux chrétiens accusés de blasphème à l’égard du prophète Mahomet, un magistrat de la cour suprême de Lahore, Arif Iqbal Bhatti, a été assassiné. Le criminel qui n’a pu être identifié était barbu et portait une capuche noire. Il est entré dans le bureau du magistrat, à quelque cent mètres de la cour suprême, lui a tiré trois coups de feu à la tête et s’est échappé. Le magistrat est décédé alors qu’on le transportait à l’hôpital.

Depuis février 1995, date où, en compagnie du juge Khurshid Ahmed, il avait rendu ce jugement contesté, Bhatti avait reçu un grand nombre de lettres de menace de mort, parmi lesquelles un certain nombre faisait allusion à l’acquittement des chrétiens. Pendant un certain temps, deux gardes privés avaient veillé sur sa sécurité. Selon son fils, depuis longtemps, le juge à la retraite n’informait plus la police des menaces qui pesaient sur lui, étant persuadé que sa mort était certaine.

C’est au mois de mai 1993 que trois jeunes chrétiens, Salamat, Rehmat et Manzoor Masih, avaient été accusés d’être les auteurs de propos blasphématoires contre le prophète, inscrits sur des morceaux de papier qui avaient été jetés dans les locaux de la mosquée de Gujranwala, à 40 km de Lahore. Alors que se déroulait un premier procès en avril 1994, l’un des accusés, Manzoor, fut assassiné dans les locaux mêmes du tribunal de Lahore. Le 9 février 1995, un tribunal condamnait à mort les deux autres accusés en vertu d’une loi contre le blasphème adoptée durant la présidence du général Zia ul-Haq’s, prévoyant la peine de mort pour quiconque blasphémerait le nom du prophète, et l’emprisonnement à vie pour ceux qui blasphémeraient contre le Coran. La sévérité de la condamnation alliée au jeune âge des accusés – ils avaient 12 ans au moment des faits – avaient ému l’opinion bien au-delà des milieux catholiques. Un recours fut adressé à la haute cour. Le 23 février 1995, celle-ci cassait le précédent verdict et ordonnait la libération des deux accusés (12).

Après leur acquittement, les deux jeunes chrétiens furent envoyés secrètement en Allemagne pour les soustraire aux menaces de mort pesant sur eux. La vie des deux juges ayant prononcé l’acquittement fut, elle aussi menacée. Khurshid Ahmed, fut obligé de prendre une retraite anticipée. Arif Iqbal Bhatti, qui avait continué d’exercer ses fonctions jusqu’à l’âge légal de cessation d’activités, n’a donc pu échapper aux intentions criminelles des fanatiques musulmans, qui ne lui ont jamais pardonné sa décision.