Eglises d'Asie

Le “Livre blanc” du gouvernement chinois sur la liberté religieuse a été diversement accueilli à l’étranger dans les milieux d’Eglise

Publié le 18/03/2010




Le “Livre blanc” sur la liberté religieuse, publié par le gouvernement chinois juste avant le voyage du président Jiang Zemin aux Etats-Unis (1), a été diversement commenté à Hongkong et, à l’étranger, dans les milieux d’Eglise qui s’intéressent à la Chine. La plupart des observateurs ont estimé qu’il s’agissait d’un document incomplet, qui ne reflète pas la réalité.

Interrogé au cours de son passage à Hongkong, au mois de novembre, un missionnaire européen, dont la congrégation a travaillé en Chine jusqu’en 1950, mais qui préfère garder son anonymat, n’a pas caché sa grande déceptionà la lecture du document : Il n’est pas réaliste de parler de complète liberté religieuse en Chine; c’est de la propagande pureIl s’est élevé contre l’analyse faite de l’activité des missionnaires en Chine avant 1949 : Il n’est pas vrai que les missionnaires étaient des collaborateurs de la colonisation comme le dit le chapitre IV. Tout au contraire, ce sont eux qui ont été les pionniers des échanges scientifiques et culturels entre l’Occident et la Chine. Les missionnaires étaient arrivés dans le pays bien avant les puissances colonialesIl ajoute : Si le gouvernement chinois était honnête dans ses rappels historiques, il aurait inclus dans le Livre blanc une description de la manière dont les religions ont été dévastées en Chine au cours de la révolution culturelle alors qu’il n’y avait dans le pays ni missionnaire étranger ni puissance coloniale

De son côté, un diplomate du Vatican, parlant lui aussi sous le couvert de l’anonymat, a déclaré à la presse américaine que la liberté de religion, telle qu’elle est décrite dans le “Livre blanc” ne correspond pas complètement à la réalitéIl a cependant admis que cette liberté de religion avait fait des progrès en Chine depuis la fin de la révolution culturelle en 1976, tout en ajoutant : Le Livre blanc dit que personne dans le pays n’est puni pour ses convictions religieuses; j’aimerais bien que cela soit vraiIl a aussi réfuté les accusations contenues dans le document contre les missionnaires étrangers qui auraient été instrumentalisés par les puissances coloniales, et il a nié que le Vatican ait jamais reconnu le régime japonais du Manchoukouo, comme le prétend le “Livre blanc” (2).

Le diplomate du Vatican a pris acte de la volonté exprimée par le gouvernement chinois d’améliorer ses relations avec le Saint-Siège, tout en remarquant qu’aucune proposition concrète de dialogue n’était formulée dans le texte. Précisant que la nomination des évêques était une affaire religieuse et non politique, comme le prétend le gouvernement chinois, le diplomate a ajouté que si un processus de normalisation des relations entre la Chine et le Vatican était mis en route, le Saint-Siège n’insisterait pas dans l’immédiat pour imposer ses choix pour les nominations d’évêques : Je ne suis pas d’accord pour que les autorités chinoises nomment leurs propres évêques, mais je préfère laisser la porte ouverte dans ce domaine pour le moment

A Hongkong, le P. Anthony Chang Sang-loi, éditorialiste de “YiChina Messageexprime un point de vue assez différent. Il estime en effet qu’un certain nombre d’affirmations du “Livre blanc” pourraient fournir la base d’un dialogue constructif. Tout en reconnaissant que la liberté religieuse n’est pas complète en Chine, et qu’il comprend les missionnaires étrangers qui estiment que leur contribution n’a pas été correctement appréciée, il estime positive l’attitude du gouvernement, reconnaissant que les diverses religions sont devenues parties prenantes de la pensée et de la culture traditionnelles chinoises et qu’elles veulent servir la société et promouvoir son bienêtrePar ailleurs, le P. Chang note que beaucoup de missionnaires étrangers n’aiment pas reconnaître les erreurs commises dans le passé et sont donc incapables de comprendre les sentiments profonds des Chinois.

Pour le P. Chang, l’utilisation du terme “indépendant” pour qualifier l’Eglise catholique chinoise ne signifie pas que les autorités chinoises refusent au pape un rôle religieux dans la vie des catholiques chinois. Ce terme, selon lui, se réfère seulement à un passé de domination coloniale de la part des puissances étrangères.

Dans le numéro de décembre de la revue Zhonglian(3), le P. Jean Charbonnier (mep) se livre, quant à lui, à une analyse détaillée et subtile du “Livre blanc” sous le titre Tâches noires dans le Livre blancIl note en particulier un certain nombre de contradictions internes du document, tout en remarquant que c’est la première fois que le gouvernement chinois consacre un document entièrement à la question des religions en ChineIl estime aussi que notre sentiment chrétien de fraternité avec les chrétiens de Chine ne nous autorise pas à nous mêler outremesure de ce que les Chinois considèrent être leurs affaires intérieures. Nous n’avons pas à leur donner des leçons en ce qui concerne le respect des droits de l’homme car nous sommes loin d’être innocents en la matièreIl regrette cependant que le Livre blanc soit inutilement noirci par des rappels historiques grossièrement partiaux