Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE Du 1er novembre au 31 décembre 1997
Publié le 18/03/2010
Retour de Ranariddh comme préalable aux élections “libres, équitables et crédibles”
Plusieurs pays donateurs d’aides au Cambodge, notamment les EtatsUnis et le Japon, posent le retour du prince Ranariddh, premierpremier ministre, renversé par la force les 56 juillet 1997, comme préalable de la garantie d’élections “libres et équitables”, qualificatifs auxquels les EtatsUnis ajoutent “crédibles”. Ils insistent pour qu’il puisse rentrer librement au pays, sans crainte d’y être incarcéré, pour participer à la campagne électorale. Hun Sen, secondpremier ministre, continue à réclamer le jugement du prince. La communauté internationale demande également que tous les parlementaires qui on fui le pays après les événements des 56 juillet 1997, puissent rentrer sans être inquiétés, et participer aux prochaines élections. Ce long bras de fer, dont on ne peut encore prévoir l’issue, constitue le premier volet de notre dossier.
Le 31 octobre, lors d’une interview télévisée, Hun Sen réitère sa détermination de ne pas subir des choix dictés par la communauté internationale: “Nous ne voulons pas être les otages des pays donateurs… Pouvonsnous accepter qu’un étranger soit notre président? On doit adapter la chaussure au pied, non le pied à la chaussure
Le 2 novembre, le président de la cour militaire qui doit juger Ranariddh annonce que les charges retenues contre le prince (importation illégale d’armes, lien avec les Khmers rouges, mouvements de troupes proches de la capitale) pourraient être levées “dans l’intérêt de la nationLe prince Sirirath, ambassadeur du Cambodge auprès de l’ONU, annonce qu’un accord pourrait être conclu entre les deux parties, grâce aux bons offices de Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU. Plusieurs observateurs notent le ton plutôt conciliant de Hun Sen.
A Tokyo, le 6 novembre, Hun Sen fait savoir que le cas Ranariddh pourrait être réglé par une amnistie accordée par le roi, mais le prince doit être jugé d’abord. “Je voudrais en parler avec le roi après les décisions de la cour“, ditil. Ranariddh refuse la proposition, s’estimant non coupable. Il estime que la cour devant laquelle il devrait se présenter n’est pas impartiale, de l’aveu même de Thomas Hammarberg, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’observation des droits de l’homme au Cambodge. Le système judiciaire cambodgien n’est “ni neutre ni indépendant
Le 11 novembre, Ranariddh s’en prend avec virulence à la France, à qui il reproche sa politique “provietnamienneet qui pense avant tout à ses propres intérêts économiques et culturels, plus qu’à le défendre. Il s’en prend au Japon qu’il accuse de “néoimpérialisme économiqueIl déplore l’attitude de la Chine accusée d’avoir des vues économiques sur le Cambodge. “L’attitude de conciliation avec Hun Sen est antidémocratique, contre les droits de l’homme, et constitue un obstacle majeur pour la résolution de la crise par des moyens pacifiquesdéclare le prince déchu. Le prince parle d'”affront” pour stigmatiser l’invitation de Hun Sen et de Ung Huot au sommet de la francophonie à Hanoi, le 14 novembre. (Les autorités françaises ont supplié le roi Sihanouk d’y participer, mais ce dernier en a décliné l’offre, ndlr.). Le prince demande à la BAD de refuser toute aide au Cambodge, par crainte que Hun Sen ne détourne les fonds. (Ndlr. Le prince oublie l’existence de son “Monsieur 20%” de beaufrère. “Plusieurs Occidentaux préfèrent l’efficace Hun Sen au corrompu Ranariddhécrit le New York Time, cité dans la presse cambodgienne).
Le 13 novembre, 9 députés en exil à Bangkok, écrivent à Lakhan Mehrotra, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’observation des droits de l’homme au Cambodge, pour lui demander une entrevue, afin de fixer “les conditions et modalités de leur retourLa rencontre a lieu le 16 novembre.
Le 14 novembre, le prince déchu déclare accepter de rentrer au Cambodge sans revendiquer de retrouver sa fonction de premierpremier ministre, à condition que soient retirées les charges qui pèsent contre lui. Il accuse Hun Sen d’avoir fait venir 30 conteneurs d’armes en provenance de Chine. Hun Sen refuse son offre, et se propose d’aller le visiter en prison.
Son Chhay, député du PLBD, décide de rentrer au pays le 19 novembre, sans attendre les autres parlementaires. Il déclare que Ranariddh est en train de perdre l’appui de l’UDC, qui considère que “le prince ne peut les mener nulle part. Ranariddh n’est pas un démocrate. ll prend ses décisions seul, sans consulter personneC’est en partie à cause de Ranariddh que le Funcinpec a connu la sécession de Toan Chhay.
A la suite de la rencontre avec Lakhan Mehrotra à Bangkok, et une autre avec le secrétaire japonais des Affaires étrangères, le 21 novembre à Tokyo, Sam Rainsy décide de se dissocier de l’Union des démocrates cambodgiens (UDC) qu’il a luimême fondée, pour agir seul. Il annonce un peu bruyamment son retour. 12 autres parlementaires décident d’envoyer une mission exploratoire le 1er décembre. Sept officiers de police cambodgiens et une équipe des Nations Unies sont chargés de la protection des députés désirant rentrer au pays. Par souci d’apaisement, Hun Sen suspend une décision malencontreuse du ministère cambodgien des Affaires étrangères, prise le 31 octobre, qui supprimait le passeport diplomatique de Sam Rainsy et de 13 autres députés.
Le 23 novembre, 4 députés en exil perdent leurs postes ministériels (Ly Tuch, Marina Pok, May Sam Oeun, Ysma El Usman), lors de la nomination de 19 soussecrétaires d’Etat, par décret signé par Chéa Sim, en date du 12 octobre, mis en application le 23 novembre. Ce remaniement vise à renforcer l’efficacité du gouvernement.
Les membres de l’APEC (Coopération Economique dans la zone AsiePacifique), réunis le 25 novembre à Vancouver, regroupant particulier les pays du Pacifique et les EtatsUnis, réitèrent leur position commune pour permettre au Cambodge de sortir de son impasse: assurer la tenue d’élections libres et équitables, assurées par la présence de Ranariddh et le retour de tous les parlementaires réfugiés à l’étranger.
Le 26 novembre, Sihanouk réaffirme que le jugement de son fils Ranariddh ne serait pas équitable, car les assassins d’une centaine de ses supporters entre juillet et octobre restent impunis. ll y a un manque évident d’égalité. On croit savoir que Sihanouk voudrait éviter d’avoir à gracier son fils, et tiendrait à éviter un procès. Ranariddh demande que Hun Sen soit traîné en justice, pour les mêmes raisons que Ranariddh, dont les charges sont bien moindres, et surtout moins dangereuses pour l’avenir. On y ajouterait l’assassinat d’une centaine de militants du Funcinpec et autres.
Le prince Sirirath, fils de Sirik Matak et ambassadeur du Cambodge à l’ONU, retourne au Cambodge le 26 novembre, “en visite privée”, au cours de laquelle il rencontre Hun Sen. Il veut chercher une formule d’union nationale sans interférence des étrangers et se considère comme un pont pour faire rentrer les autres députés au pays.
Sam Rainsy rentre le 27 novembre. Il prend un bain de foule à l’aéroport de Pochentong où sont venus l’accueillir ses supporters, puis se rend immédiatement fleurir l’endroit où a eu lieu l’attentat du 30 mars 1997. La police laisse faire.
Le 1er décembre, arrive la délégation des députés réfugiés. Le 2 décembre, Hun Sen rencontre la délégation parlementaire qui pose 15 conditions à un retour définitif: le cessezlefeu au nord et à l’ouest du pays, la formation d’une commission électorale indépendante, le retour sans conditions de Ranariddh, l’usage des postes émetteurs de télévision et de radio appartenant au Funcinpec, la compensation des biens perdus dans les pillages, etc. Hun Sen accorde la propriété et l’usage des studios de TV et de radio, mais tout est à réinstaller. A l’issue de la réunion, Hun Sen annonce qu’il autorise le retour de Nhiek Bun Chhay, général chef de la résistance proRanariddh, en toute impunité, à la condition qu’il témoigne contre Ranariddh. Condition que refuse immédiatement le général.
Après 10 jours d’enquête, la délégation fait un rapport totalement négatif sur la situation au Cambodge: “Il n’y a aucune sécurité, ni liberté de mouvement, ni liberté d’expression. Les meurtres et le harcèlement de l’opposition continuentCependant, en s’exilant volontairement, ces membres de l’opposition perdent tout crédit. La liberté se conquiert, personne ne la donne gratuitement, l’attendre de la communauté internationale est un leurre.
Pen Sovann, fondateur du Parti du soutien à la nation khmère, rentre le 3 décembre.
Ce même 3 décembre, le roi Sihanouk rentre à son tour à Phnom Penh, sans avoir averti personne de sa décison soudaine. Officiellement, il rentre pour que le reine Monique puisse participer à un gala de la Croix Rouge cambodgienne. Il semble que le roi ait été poussé par les autorités de Pékin qui veulent qu’il récupère la résidence royale, et surtout qu’il joue son rôle de monarque constitutionnel, garant des libertés individuelles, spécialement celle des politiciens de retour au pays. Il est possible que, constatant l’emprise inéluctable de Hun Sen sur le pouvoir, le progrès dans le vote de la loi électorale, l’opposition croissante à la monarchie, il tente d’assurer la succession monarchique. Pour Hun Sen, dont le régime était boycotté depuis juillet, ce retour peut apparaître comme une caution. Sihanouk prévoit de retourner à Pékin au mois de février 1998. Un observateur commente : “Ranariddh est de plus en plus isolé: après avoir perdu le soutien de Sam Rainsy, il perd celui de son pèreEn réalité, toutes les interprétations sont possibles.
Le 17 décembre, un premier groupe de 57 membres des familles de politiciens qui avaient fui le Cambodge après les événements de juillet, rentre à Phnom Penh sous protection de l’ONU. Le 22 décembre, Marina Pok, exsoussecrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Chap Nalyvuddh, vicegouverneur de Phnom Penh, font à leur tour le voyage de Phnom Penh pour évaluer la situation.
Sam Rainsy, seul leader crédible de l’opposition, dès son retour, se lance immédiatement dans la campagne, en organisant, le dimanche 30 novembre, une marche qui rassemble plus de 3 000 personnes: 400 moines, des militaires, des ouvriers. Des militaires ont dû faire le mur pour participer à cette manifestation, des ouvriers ont été enfermés à clef dans leur usine pour leur interdire d’y participer. Cette manifestation est un succès dont s’inquiètent les détenteurs du pouvoir.
Hun Sen demande à recevoir Sam Rainsy. Abandonnant la politique de confrontation dont il sait qu’il ne pourra sortir vainqueur, celui-ci mise sur le dialogue et accepte cette invitation pour le 8 décembre, à la résidence du second premier ministre à Takhmau. On ne sait pas ce que se sont dit les deux hommes pendant trois heures et demi de discussion. Officiellement ils n’ont parlé que de la préparation des élections. Certains y voient un changement d’attitude des deux responsables politiques pour éliminer Ranariddh. Le 11 décembre, Sam Rainsy rend visite à Srun Von Vannak, son garde du corps, condamné à 13 ans de prison au cours d’un procès inique. Il espère une libération prochaine. Il rencontre le Roi Sihanouk, puis tente de négocier un cessezlefeu entre Hun Sen et la résistance.
Cette nouvelle politique étonne les politiciens, même ceux de son parti. Thach Reng, seul député du Parti libéral démocratique bouddhique (PLDB) de Sonn Sann, l’accuse de traîtrise pour avoir rencontré Hun Sen.
Le 12 décembre, lors de la visite que lui rend Sam Rainsy, le roi annonce qu’il graciera son fils, comme il en a le droit, dès que le procès aura eu lieu, sans attendre que quiconque lui en fasse la demande. Ranariddh, qui avait jusqu’alors refusé l’idée d’une amnistie, se doit d’accepter l’idée de son royal père. La promesse d’amnistie faite avant la tenue du procès rend assez ridicule la tenue du procès ! C’est supposer que l’accusé ne peut être déclaré que coupable, violant ainsi la présomption d’innocence !
Le roi refuse d’accorder une grâce semblable à son demi-frère Norodom Sirivuddh, exilé après le soidisant complot d’assassinat du second premier ministre en 1996.
Le 27 décembre, Hun Sen s’en prend violemment à l’idée du roi d’amnistier son fils, sans que le second premier ministre lui en ait fait la demande. Il faut d’abord que “le prince déchu reconnaisse ses fautes, pour ne pas lui permettre d’en commettre à l’avenir, sans quoi il n’y pas de justice, pas de loi au CambodgeIl ajoute qu’il ne répond pas de ce qui pourra arriver au Cambodge si le prince est gracié. Le même jour, des tracts sont distribués à Phnom Penh, près du monument de l’indépendance, signés par “Le peuple qui veut la paix et le bonheur”, prédisant que le retour de Ranariddh entrainerait la “terreur”,” une guerre sanglante”, qu’il veut “détruire la nation”, etc. Durant les jours suivants, plusieurs émissions télévisées et radiophoniques reprennent en choeur et lisent deux lettres du président de l’Association des étudiants de l’Institut de technologie, traitant Ranariddh d’être “assoiffé de sang” et félicitant le secondpremier ministre. Hun Sen s’oppose désormais à l’amnistie éventuelle du roi, donnée sans sa demande, même si ses conseillers disent qu’il accepte, mais à contre coeur.
Les Partis
Le 21 novembre, Tep Ngoy lance son parti du Développement républicain libre, à Ta Khmau, par une réunion de 400 personnes. Tep Ngoy, nommé par les deux copremiers ministres au mois de juillet dernier comme “conseiller et envoyé spécial pour les affaires internationales”, prend Nixon comme modèle politique. Le but du parti est d’augmenter le niveau de vie des pauvres, de promouvoir les relations internationales, l’éducation, de lutter contre la corruption. Tep Ngoy espère obtenir une douzaine de sièges à la prochaine Assemblée.
Le 14 décembre, Son Chhay, membre du PLDP, quitte son mouvement pour rejoindre les 3 500 membres du Parti de la nation khmère (PNK) de Sam Rainsy réunis en congrès. Dans une résolution articulée en 10 points, les participants expriment leur volonté de prouver que “le PNK a gagné du terrain et est plus fort que jamaisIl est vrai que Sam Rainsy représente pour beaucoup l’honnêteté, le sérieux dans le travail et l’action, celui qui se met effectivement au service des pauvres. 300 opposants à Sam Rainsy, menés par Kong Moni, dissident du PNK, le brûlent en effigie au stade olympique, en présence de 300 manifestants. Kong Moni en avait annoncé 10 000.
Le Funcinpec reste divisé, malgré les tentatives de réconciliation. Un certain nombre de membres du parti accusent Ranariddh d’être responsable de la tension croissante avec Hun Sen, qui a causé les événements des 56 juillet. Les députés exclus du parti par Ranariddh pour compromission avec Hun Sen, ne sont pas très favorables au prince. Ils se demandent s’ils peuvent travailler sous son autoritarisme. Le 2 décembre, Ranariddh fait savoir qu’il est prêt à réintégrer les membres du parti qu’il a expulsés. Le 6 décembre, une réunion rassemble les représentants des deux branches rivales pour tenter de réunifier le Funcinpec.
La loi sur les élections
Dans une lettre datée du 29 octobre, 10 parlementaires exilés demandent à Loy Sim Chhéang, président par intérim de l’Assemblée nationale, la suspension des travaux de l’Assemblée, arguant de l’article 54 de son règlement interne, qui stipule que 10 parlementaires peuvent suspendre les travaux de l’assemblée. Pareille demande avait déjà été présentée, et refusée, en juillet dernier, l’assemblée ne tenant pas à être prise en otage par un petit groupe de parlementaires exilés, qui ne vivent pas la solidarité avec le peuple du Cambodge. L’Assemblée nationale examine la loi sur les élections, capitale pour l’avenir.
Le 10 novembre, huit ambassadeurs (Japon, EtatsUnis, France, Grande-Bretagne, Belgique, Philippines, Indonésie, Thaïlande) sont reçus par Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim, pour lui présenter 17 principes qu’ils estiment indispensables pour la tenue d'”élections libres et équitablescréation d’un environnement propice à la liberté de choix, que la machine de l’Etat ne serve pas à certains partis, acceptation des résultats du vote, observation de la loi électorale, etc. La liste de ces recommandations est révélée au public le 26 novembre.
Le 3 décembre, le Conseil suprême de la magistrature (CSM) se réunit pour la première fois, et nomme 42 juges. Le fonctionnement du CSM avait été bloqué, comme toutes les institutions du royaume, par la rivalité entre Ranariddh et Hun Sen, Ranariddh exigeant la moitié des postes. Le CSM est donc dans les mains du PPC. Même s’il n’est pas politiquement indépendant, on s’accorde à penser que sa création est préférable au vide. Il doit nommer 3 membres du Conseil constitutionnel, qui devra superviser l’application de la constitution. Il donnera du dynamisme et des directives aux 170 juges du pays. Seuls 6 juges sur les 42 nommés par le CSM appartiennent au Funcinpec.
Le 19 décembre, par 73 voix sur 86, l’Assemblée nationale fixe la date des élections au 26 juillet 1998. Les élections étaient initialement prévues pour le 23 mai, date défendue énergiquement par Hun Sen, qui a besoin d’être légitimé rapidement dans son pouvoir et qui a aussi besoin de l’argent des investisseurs qui ne feront rien avant les élections. Sur Kheng, ministre de l’Intérieur, pour des raisons techniques, notamment l’enregistrement des 4,3 millions de votants, envisageait de les repousser au 22 novembre. Les principaux pays donateurs des 29 millions de dollars nécessaires à l’organisation de ces élections (Japon, France, Grande-Bretagne, Allemagne) ainsi que le secrétaire général des Nations Unies, ont été consultés avant la décision finale.
Le 19 décembre également, par 77 voix sur 87, l’Assemblee nationale vote l’ensemble de la loi sur les élections. Les Cambodgiens d’outremer ne sont pas autorisés à voter dans leur pays d’adoption, ils devront venir voter au Cambodge, après y avoir résidé au moins 6 mois pour avoir le droit de vote, un an pour être éligibles. Les voix seront comptées au niveau des souspréfectures (srok).
L’Assemblée fixe également la composition de la Commission électorale nationale (CEN), longtemps controversée. Cette commission détient un rôle capital dans l’organisation et la supervision des élections: elle est chargée notamment de l’enregistrement des partis, de déterminer l’éligibilité des candidats, de la proclamation des résultats. La commission comprendra 11 membres: un représentant des quatre partis représentés à l’Assemblée, 2 représentants du peuple, un des ONG locales, 2 du ministère de l’Intérieur, ainsi qu’un président et viceprésident élus par les députés. 22 comités électoraux seront implantés au niveau des provinces et de villes importantes. L’Assemblée nationale comprendra 122 députés, soit 2 de plus que par le passé pour Phnom Penh et Païlin.
Le président de la commission électorale n’a pas encore été choisi. On avance le nom de Phon, ancien ministre PPC. Les quatre partis représentés à l’Assemblée doivent présenter chacun un délégué, mais deux d’entre eux, le Funcinpec et le BLDP, sont divisés en deux branches rivales, dont l’une est affilliée au PPC, ce qui fait craindre la domination complète du PPC sur la commission.
Le 29 décembre, les représentants de 156 ONG locales élisent Chéa Cham Reun, président de l’Organisation pour le développement de la jeunesse khmère, à la CEN, par 84 voix. L’ONG de l’élu est financée par Teng Booma, proche de Hun Sen. Le Comité pour des élections libres et équitables (CEIE) critique cette élection, car on n’a procédé à aucune vérification des délégations des électeurs.
Rôle de la Chine
En marge de la préparation directe aux élections, on se doit de signaler l’arrivée, le 9 décembre, d’un lot de 136 véhicules militaires au Cambodge. Ces véhicules seront utilisés pour acheminer les soldats et munitions au cours de la prochaine offensive de saison sèche contre la résistance.
Le 14 novembre, Ranariddh accuse Hun Sen d’avoir fait venir 30 conteneurs d’armes en provenance de Chine. Les diplomates confirment cette importation et s’en inquiètent. Avant les élections, Hun Sen prépare ses propres troupes qui pourront éventuellement en contester les résultats. Toute l’agitation politique, les travaux de l’Assemblée nationale ne semblent être que rideau de fumée, en comparaison des ces arguments frappants. Ces véhicules et ces armes font partie d’un prêt de 10 millions de dollars, au taux inhabituellement élevé de 5%, signé par Sok An, du cabinet du conseil des ministres, qui n’avait aucune autorité pour le faire. En octobre, Kéat Chhon, ministre des Finances, écrit personnellement à Hun Sen pour exprimer son désaccord sur cet emprunt. Cet emprunt ne paraît pas dans le budget national. Sam Rainsy dénonce également cet emprunt. L’ambassade de Chine dément.
Les pays de l’Asean dénoncent le rôle de la Chine qui veut pêcher en eaux troubles, en cherchant à empêcher le Cambodge d’entrer dans l’Asean. La Chine, irritée par les contacts de Ranariddh avec Taïwan, a choisi son camp. Depuis les accords de Paris, en 1991, elle changé de politique, refusant officiellement toute aide aux Khmers rouges. Ce changement est apparu à l’évidence après les cinq jours que Hun Sen a passés en Chine en juillet 1996: il a rencontré le président Jiang Zemin et le premier ministre Li Peng, des accords ont été passés de parti à parti. Un mois après, Ieng Sary faisait sécession du mouvement Khmer rouge. Certains accusent la Chine d’avoir aidé Hun Sen dans son coup d’Etat de juillet.
Hun Sen a besoin d’investisseurs étrangers, mais après la crise des monnaies des différents pays d’Asie, peu ont les moyens d’investir. Reste la Chine.
Résistance armée
Durant les deux derniers mois, on parle souvent d’escarmouches, de désertions massives d’un camp à un autre, les bilans sont contradictoires. Il est difficile de savoir avec précision sur le terrain où en est le conflit entre les FARC (Forces armées royales cambodgienne) et la résistance antiHun Sen.
Selon les services de renseignement des FARC, la résistance vise le contrôle des 5 provinces du nord : Oddar Meanchhey, Siemréap, Préah Vihear, Battambang, Koh Kong. Le 23 novembre, les chefs de la résistance confirment que des combats ont lieu dans 7 des 21 provinces du Cambodge. Sam Rainsy demande la médiation du Japon pour obtenir un cessezlefeu.
Dans la région de Samlaut, où les résistants sont dirigés par Serey Kosal, Iem Pham et Ta Muth, neveu de Ta Muth, les escarmouches sont fréquentes. 20% de la région demeurent sous contrôle des Khmers rouges.
Le 29 décembre, des combats sont signalés près des villages de Piem Tha et de Sen Chao. Ces deux villages sont le verrou du commerce de pierres précieuses et du bois vers la Thaïlande. En deux semaines d’attaques, plus de 100 membres des FARC ont été atteints de malaria, 30 ont été tués ou blessés par des mines antipersonnel. Les résistants seraient armés de nouvelles armes permettant de causer des dégâts considérables.
Les combats les plus violents ont lieu pour la prise d’O Smach, bastion des forces fidèles à Ranariddh, installées sur un piton rocheux adossé à la frontière thaïlandaise. On estime que 300 soldats défendent le site. Le 29 octobre éclatent de violents combats. le 27 novembre, 160 soldats de la résistance, auraient déserté vers les FARC, à Samrong, dans la région proche d’O Smach. La résistance ne reconnaît que 51 défections. Ce seraient d’anciens Khmers rouges récemment ralliés. Le 4 décembre, de sources gouvernementales, on confirme que 200 à 300 soldats des FARC désertent pour la résistance, un tank est détruit, un autre capturé par 50 à 60 résistants. (Les Khmers rouges parlent de 600 déserteurs, 200 tués, 54 tanks détruits).
Le 15 décembre, les FARC lancent une attaque contre O Smach, menée par 600 hommes, et appuyée par sept tanks et des canons de 155. Le 18, un général gouvernemental assure que la place est prise et que les résistants sont passés en Thaïlande. La Thaïlande dément. Les FARC essuyent de lourdes pertes, on parle de 48 morts, au moins deux tanks sont détruits. “Vu le nombre incalculable de mines, et le nombre de tireurs isolés khmers rouges, lancer une attaque relève du suicideconstate un officier thaïlandais. “Il n’y a pas de solution militaire à la guérillaLe 25 décembre, 1 000 hommes des FARC sont acheminés près de O Smach. La “victoire” d’O Smach prend des allures de débâcle. Selon les FARC, O Smach aurait été pris le 31 décembre.
Le 29 décembre, la résistance attaque un poste des FARC à O Bey Choan, prés de Poipet, à 1km de la frontière thaïlandaise. Cette localité avait déjà été prise par la résistance le 14 novembre, puis reprise par les FARC. Le poste est repris le 30 décembre.
On parle de mise en place de postes de contrôle “Khmers rouges” sur la route qui conduit de Kratié à Stung Treng, et d’un regain d’activité de leur part dans ces deux provinces depuis le début du mois de novembre. Certains demandent une rançon de 10 000 dollars aux compagnies forestières. Le combat n’est plus idéologique mais bassement crapuleux, et beaucoup de gens, en l’occurence, sont classés sous le dénominatif facile de “Khmers rouges”.
Le 25 décembre, un Antonov 24 des FARC, se préparant à décoller de l’aéroport de Koh Kong, heurte une mine et est à moitié détruit. Cette mine aurait été posée par la résistance anti-gouvernementale, qui, dix jours auparavant, avait annoncé la pose de 5 mines sur l’aéroport. L’avion transportait une délégation de la Croix Rouge, ainsi que Nhim Vanda, secrétaire d’Etat pour la prévention des catastrophes naturelles. C’est le quatrième appareil des FARC détruit en quatre ans. Le 12 décembre, l’un des 6 L39 Albatross de fabrication russe s’est écrasé dans la province de Kandal.
Les négociations pour un cessezlefeu sont difficiles. Le 17 décembre, quelques jours après sa rencontre avec Hun Sen, avec qui il a parlé du cessezlefeu, Sam Rainy se rend à Bangkok, où il rencontre des autorités thaïlandaises, puis les 18 et 19 décembre il va à Samlaut où il rencontre Serey Kosal et les autres chefs de la résistance, ainsi qu’à O Smach, où il rencontre Nhiek Bun Chhay. Le 20 décembre, Sam Rainsy annonce que Hun Sen, ainsi que Ranariddh et ses chefs militaires, ont accepté les conditions du cessezle feu. Le 21 décembre, il écrit une lettre en français à Lakkan Mehrotra, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Cambodge, lui disant qu’il a bon espoir que le cessezlefeu soit effectif le 31 décembre. Il propose six points pour un cessezlefeu, d’abord provisoire, limité à un mois : Les résistants devraient signaler toutes leurs positions aux FARC et les FARC feraient de même. Chaque partie s’engagerait à ne pas attaquer l’autre pendant un minimum d’un mois et ne rechercherait aucun renforcement territorial ni militaire. Nhek Bun Chhay, chef militaire de la résistance, demande que le cessezlefeu soit supervisé par l’ONU.
Cependant, pendant ces négociations, les combats redoublent d’intensité. Sam Rainsy y voit la tentative de gagner du terrain avant le cessezlefeu. Le 20 décembre, un officier thaïlandais confirme que les FARC ont subi de lourdes pertes à O Smach, dont celle de quatre officiers de haut rang. Deux tanks auraient été détruits.
Le 22 décembre, Téa Banh, ministre de la Défense, dénonce ces pourparlers: les FARC agissent en état de légitime défense. “C’est Ranariddh qui a ordonné le combat, c’est à lui d’en ordonner l’arrêtdit un conseiller de Hun Sen. Hun Sen pose six conditions à un cessezle feu : que Ranariddh annule les ordres donnés à ses troupes de se battre, qu’il abroge les nominations des commandants de la résistance, qu’il se débarrasse de ses troupes s’il veut participer aux élections. Il demande aux résistants de déposer les armes, d’informer le gouvernement sur leurs positions, et de couper tout lien avec les Khmers rouges. Autrement dit, Hun Sen exige une capitulation sans condition. Les résistants accusent Hun Sen de tricherie. De Paris, Sam Rainsy lui envoie une lettre ouverte, rappelant ses engagements: “Le plus grand honneur pour un dirigeant politique est de passer dans l’histoire comme un homme de paixrappelletil. Le 30 décembre, “déçu, mais pas découragé“, Rainsy lance un appel à la communauté internationale, spécialement aux Nations Unies et à la Thaïlande de tenter une médiation de cessezlefeu. Il demande notamment à la Thaïlande d’accepter les “combattants malgré eux” comme réfugiés, jusqu’aux prochaines élections. Les soldats se battent non par idéologie, mais à cause de la misère.
Le Cambodge n’est pas en état de guerre civile généralisée. Seul l’extrême-nord et l’ouest du pays sont touchés. Cependant, les actions de la résistance gênent le gouvernement, freinent le développement en faisant affecter des fonds à l’armée, montrent ouvertement qu’une partie de la population est prête à se battre contre Hun Sen. C’est plutôt un état d’anarchie qui s’installe dans les régions périphériques du pays: “En premier, les soldats du Funcinpec sont venus et ont pillé nos maisons. Ensuite ce sont les soldats de Hun Sen, et ils en ont pris encore davantagedit une paysanne.
Réfugiés
L’UNHCR cherche 6 millions de dollars pour les soixante-quatre mille réfugiés qui ont quitté le Cambodge suite à la guerre. L’Australie s’est engagée à verser 350 000 dollars, le Japon accorde 800 000 dollars d’aide à l’UNHCR. Près de trois mille (sur un total de 15 000) réfugiés de Kap Chhoeung étaient retournés au Cambodge à la minovembre. Les combats et l’insécurité dans leur province d’origine, et surtout la misère, retiennent le plus grand nombre en Thaïlande.
Mouvements sociaux
Le 30 novembre, soit 3 jours après le retour de Sam Rainsy, 300 syndicalistes du Syndicat libre des travailleurs du royaume du Cambodge, tiennent leur première réunion depuis 4 mois. Inscrit au barreau de Phnom Penh, Sam Rainsy promet de défendre les travailleurs.
Le 16 décembre, 332 employés de la société taiwanaise Yukon Garnement, qui en compte un total de 500, se sont rendus chez Sam Rainsy, pour lui demander de les aider à organiser leur lutte. Ils travaillent 7 jours sur 7, 12 heures par jour, pour un salaire mensuel de 30 dollars (environ 180 FF), soit 10 de moins que les accords prévus sur le plan national. Avec l’aide de Sam Rainsy, ils élisent 7 délégués qui négocient avec les employeurs.
Le 22 décembre, les employés de l’Emperor Garnement Industry, entreprise taïwanaise située à Takhmau, ont repris le travail après trois jours de grève. Les grévistes se plaignent d’être payés entre 15 et 20 dollars par mois, sans dimanche ni jours de congés, d’être forcés d’effectuer des heures supplémentaires, de ne pas être payés pendant un mois d’apprentisage, d’avoir des retenues sur salaires à la moindre faute, etc. Grâce à l’aide de Son Chhay, allié au PNK de Sam Rainsy, les employés ont élu 14 délégués et ont obtenu que les nouveaux employés soient payés 30 dollars, les anciens 45 dollars par mois. Il semble que les négociations soient relativement faciles avec les employeurs qui savent bien qu’ils sont en violation avec toutes les lois du travail, et qu’ils gardent une très large marge bénéficiaire. “Nous sommes les champions des travailleurs, nous devons les encourager dans leur luttesdit Rainsy.
Les 200 employés de l’Assemblée nationale ont découvert qu’il devaient être payés 52 dollars par mois, mais qu’ils n’en avaient reçu que 32 depuis 1994. Les “excellences grasses“, comme les appelait Bodard, reçoivent un salaire mensuel de 1 142 dollars qui, cumulés avec certaines primes de fonctionnement, s’élève à 2 300.
Droits de l’homme
Les exécutions sommaires continuent: les corps de Po Penh et Mao Bun Thoeun, deux officiers du Funcinpec, sont découverts dans la province de Siemréap. Ils auraient été exécutés le 25 septembre, après avoir été torturés. Le 1er octobre, trois militaires et deux militants du Funcinpec sont tués dans la province de Takéo, sur les ordres d’un chef local du PPC). Deux autres corps sont découverts dans la province de Kompong Cham. Le 27 octobre, un jeune juge de Pursat se plaint d’avoir été battu et incarcéré par la police militaire. Le 2 novembre, un homme de 40 ans est tué par la police militaire, à Phnom Penh, pour avoir violé un feu rouge.
Le 13 novembre, Thommas Hammarberg, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’observation des droits de l’homme au Cambodge, présente un rapport de 52 pages concernant les violations des droits de l’homme au Cambodge, devant la 52ème assemblée générale de l’ONU: quatre mois après les exécutions et les disparitions de plus d’une centaine de membres du FUNCINPEC, 6 mois après l’attentat du 30 mars, aucune recherche des coupables n’a été menée. Les actes de violence politique jouissent de l’impunité la plus complète. Le manque d’indépendance du système judiciaire est un point capital d’inquiétude. Selon Hammarberg, 60% des crimes contre des individus sont imputables à des militaires. Pour Hammarberg, la recherche et le châtiment des auteurs de crimes politiques depuis le 30 mars est la condition de la tenue d’élections véritablement “libres et équitables”.
Le 18 novembre, les deux copremiers ministres répondent violemment au rapport Hammarberg en l’accusant de manquer de preuves, d’avoir des informations incomplètes, etc. Les événements des 56 juillet ont sauvé le pays d’un coup d’Etat, disent-ils. Ils arguent de tout ce qu’ils ont fait de bien dans le pays, de l’ordre dans l’administration et les affaires: suppression des postes de contrôle sur les routes, saisie d’armes illégales, code de bonne conduite pour les soldats, etc. La presse est plus libre au Cambodge que dans aucun autre pays d’Asie.
Le 30 novembre, les deux copremiers ministres accusent les EtatsUnis qui ont supprimé leur aide pour 1988, de violer leurs propres lois, en aidant les Khmers rouges, qui font partie des 30 groupes mis hors la loi par les EtatsUnis. Le 8 décembre, John Shattuck, secrétaire adjoint au secrétaire d’Etat pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail, déclare au retour d’un voyage à Phnom Penh que les EtatsUnis ne reprendront leur aide directe que lorsque la démocratie sera rétablie au Cambodge. Le 23 décembre, Hun Sen fustige à nouveau les EtatsUnis, grand donateur de conseils sur la démocratie, qui ont déversé 500 000 tonnes de bombes sur le pays. “A Singapour, les manifestants sont mis en prison, et aucun journal n’accuse le gouvernement
e 16 décembre, l’organisation Amnesty International reproche au gouvernement de n’avoir entrepris aucune poursuite concernant les responsables des quelques 45 assassinats politiques qui ont suivi les événements de juillet, ni sur l’attentat à la grenade du 30 mars, qui a fait près de 20 morts. “Les engagements du gouvernement royal ne sont que promesses videsdit le représentant de l’organisation. Sihanouk, le même jour, parle de “culture de l’impunité” qui s’installe dans le pays. Pour cette raison, il décide de gracier son fils Ranariddh, non coupable, alors que les meurtriers (connus de tous), ne sont pas inquiétés.
Liberté de la presse
La presse nationale, et surtout internationale, devient la cible du gouvernmenent.
Le 7 novembre, le journal en langue khmère “Néak Prayuth” (Le Combattant”) est suspendu pour avoir annoncé une guerre prochaine, due au soutien du Vietnam à Hun Sen. Ce genre d’information ne peut être toléré, car il cause une peur inconsidérée dans la population.
Le ministre de l’Information exige que les journaux nationaux et internationaux relatant les questions de sécurité, citent chaque fois au moins deux sources gouvernementales: l’une du ministère de la Défense, l’autre de celui de l’Intérieur. La chaîne américaine CNN, le New York Times, le Washington Post sont fustigés pour diffuser une image négative du Cambodge à l’étranger, freinant ainsi les investissements étrangers. En novembre, la Voix de l’Amérique, la radio Free Asia avaient déjà été la cible des autorités gouvernementales.
Quelques jours avant la fin de l’année, Ed Fidgerald, journaliste canadien de la chaîne de télévision ABN (Asian Business News) est menacé d’expulsion et d’interdiction de séjour à vie au Cambodge, pour avoir diffusé un reportage de 30 minutes sur l’année écoulée. Il a osé rappeler les événements des 56 juillet, dénoncé, entre autres, l’absence de système judiciaire indépendant du pouvoir politique, la vente par Hun Sen et Ranariddh des forêts cambodgiennes pour se constituer une armée personnelle, l’absence de toute action en justice contre l’importation de 2 tonnes d’armes faites par Ranariddh, etc. Khieu Khanarith, secrétaire d’Etat à l’Information, demande que le journaliste présente des excuses, ce qui est refusé par l’intéressé. Le roi Sihanouk, l’association “Reporters sans frontières”, basée à Paris, dénoncent cette menace d’expulsion comme pratique en complète contradiction avec les déclarations gouvernementales sur le retour aux pratiques démocratiques dans la vie du pays. La mesure est suspendue. On propose de ne pas lui renouveler son visa.
Ung Huot, premier premier ministre, accuse les journaux en langue khmère de détruire l’unité nationale et de l’attaquer personnellement, menaçant ainsi la sécurité nationale.
Santé
Depuis le coup d’Etat, les hôpitaux cambodgiens font face à la pénurie de médicaments, car l’Allemagne et le Japon, ainsi que les pays anglosaxons ont bloqué leur aide humanitaire. Ainsi le magasin central de la médecine, qui alimente les hôpitaux, n’est plus approvisionné. “Médecins sans frontières” a fait un appel à la cellule humanitaire de la Communauté européenne (ECHO). Le 20 novembre, l’Allemagne a confirmé la reprise de son aide de 8 millions de dollars au ministère de la Santé, pour un programme s’étalant sur deux ans. 4 millions sont destinés à l’achat de contraceptifs et de médicaments contre la malaria ainsi que la tuberculose pour les centres de province. Cette aide représente environ 1/3 du budget annuel du ministère de la Santé pour l’achat de médicaments. Le ministère de la Santé a d’autre part reçu 3,5 du budget national. Le budget total du ministère pour 1998 est de 9 millions de dollars.
Le 1er décembre, le ministère de la Santé fait savoir que les EtatsUnis vont reprendre leur aide de 5 millions de dollars pour soutenir les ONG locales travaillant dans ce domaine. Par contre, les Britaniques répondent négativement à la demande du ministère de la Santé, qui demandait une aide de 1,4 millions de dollars.
Le Cambodge possède 53 hôpitaux, dont seulement 20 ont la possibilité de pratiquer des opérations chirurgicales d’urgence. Selon la direction générale des hôpitaux, si les remboursements de frais étaient effectués correctement, ils recouvriraient 20% de leur budget. On estime qu’il faudrait 12 dollars par personne et par an pour assurer une bonne couverture médicale des 10 millions d’habitants, mais 2 ont été budgétés en 1997, et seulement 1 a été versé par le ministère des Finances. Les médecins payés officiellement 20 dollars par mois sont contraints de faire payer leurs services.
Un rapport de l’OMS signale que la moitié de la population cambodgienne est susceptible de souffrir du manque d’iode, ce qui occasionne notamment l’apparition de maladies de la thyroïde (notamment l’apparition de goîtres), et le retard mental des enfants. Actuellement, 10% de la population, soit 1,7 millions de personnes en souffrent. L’UNICEF a fourni 5 machines pour l’ionisation du sel de Kampot.
Trafic humain
On compte environ 20 000 enfants abandonnés ou orphelins au Cambodge. 600 000 prostituées, dont 50% sont séropositives (58% dans la province de Koh Kong), 40% sont âgés entre 12 et 18 ans. 3,2 % des femmes enceintes du pays sont séropositives (16% dans la province de Koh Kong), 7% des militaires, 6% des policiers le sont aussi.
Le 6 novembre, la municipalité a décidé de s’en prendre aux maisons closes. On en compte 245 à Phnom Penh. Depuis le début de l’année, 15 propriétaires de maisons closes ont été jugés, 3 mis en prison. Du début du mois de novembre au 8 décembre, la force chargée de réprimer la prostitution a arrêté 19 trafiquants, 189 prostituées. Souvent, cette campagne se traduit par des descentes de police dans ces maisons qui réclament entre 500 et 1 000 dollars aux tenancières, et 50 à 100 dollars par prostituée pour leur libération.
Un réseau de trafic de 100 à 1 000 cambodgiens est découvert à Koh Kong par des ONG travaillant pour la défense des droits de l’homme. Ces jeunes gens sont appâtés par des rabatteurs, qui leur demandent une forte somme pour aller travailler en Thaïlande. Arrivés à la frontière, ils sont souvent drogués et vendus à des patrons qui les font travailler comme de véritables esclaves, en les droguant, et en les livrant à la police lors de la paie. Les autorités des deux côtés de la frontière semblent mêlés à ce trafic humain.
200 jeunes femmes, âgées de 20 à 30 ans, seront envoyées en Malaisie comme personnel de maison, dès les premiers mois de 1998. Elles bénéficieront d’un contrat de 2 ans, et seront payées 120 dollars par mois. Elles devront connaître des rudiments d’anglais et de chinois.
Drogue
Selon Skadavy Math Ly roum, chef d’interpol pour le Cambodge, le Cambodge est devenu le second pays pour le trafic de marijuana après la Colombie. La Guinée arrive en 3ème position. En 1996, 26, 952 tonnes de marijuana ont été saisies au Cambodge, soit 200 kg de moins qu’en Colombie. Le pays sert de place de transit pour l’opium et l’héroïne produits dans le triangle d’or.
Le 2 novembre, deux membres de la police militaire sont arrêtés par les agents du ministère de l’Intérieur, en possession de 2,165 kg d’héroïne au marché de Phnom Penh. Le lendemain, quatre Cambodgiens
sont arrêtés en possession de 56 250 dollars en fausse monnaie. Le 7 novembre, deux femmes sont arrêtées avec 750 gr d’héroïne. Le 25 novembre, à Phnom Penh, 3 femmes sont arrêtées en possession de 1,7 kilo d’héroïne. Le 28 décembre, 8 kilos d’opium noir sont saisis à Tuol Kork, 1,650 kg d’héroïne sont saisies à Russey Kéo. Le 11 décembe 1,050 kg d’héroïne sont saisies sur un militaire à Phnom Penh.
Divers
Le 1er décembre, Hun Sen annonce la création d’un fonds de 285 000 dollars pour permettre aux pauvres et handicapés de faire des petits emprunts.
Les égouts de la municipalité de Phnom Penh sont en réfection, grâce à don de 18,5 millions de dollars, accordé par le Japon le 25 juin. 60 à 70 km de tuyauterie, sur 270 que comporte le réseau des égouts de la capitale, seront changés. Une vaste opération de curetage des canaux d’égouts est en cours. La rue entourant le marché central vient d’être regoudronnée. D’autres rues suivront. La route nationale Phnom Penh Kompong Cham est en rénovation accélérée.
Phnom Penh arrive à la 31ème place parmi les 40 principales villes d’Asie, en ce qui concerne les conditions de vie, avec 45 points. Bombay est en dernier avec 35 Bangkok et Ho Chi Min-Ville sont juste avant avec 46 points.
Il resterait entre 40 et 60 dauphins dans le Mékong, au nord de Kratié. Avant 1970, ils étaient des milliers.