Eglises d'Asie

La conversion au catholicisme d’une musulmane provoque un mouvement de colère chez ses compatriotes malais

Publié le 18/03/2010




Ce fut au début une histoire fort ordinaire. Nur’aishah Bokhari, une jeune Malaise musulmane de 25 ans, cadre dans une banque, s’est éprise de son collègue Joseph Lee, un catholique issu de parents indien et chinois. L’histoire serait resté ordinaire et se serait terminé par un mariage si comme c’est la règle pour les couples mixtes en Malaisie, la partie catholique, en l’occurrence Joseph Lee, s’était convertie à l’islam. Mais c’est le contraire qui s’est passé : en octobre 1997, Nur’aishah a abandonné l’islam et s’est convertie au christianisme, démarche qu’elle a confirmée par une déclaration écrite sur son changement de religion, déposée auprès du tribunal, le 16 janvier 1998.

La déposition écrite de Nur’aishah au tribunal inclut une lette de vingt pages qui relate les diverses péripéties de son affaire. Elle y raconte que, sa famille n’acceptant pas sa conversion, elle est allé se réfugier dans la famille de Joseph Lee, qu’elle n’a pas voulu quitter malgré les essais de ses parents pour la faire revenir chez eux. Le 20 novembre 1997, à sa demande, une entrevue a eu lieu avec sa famille dans le bureau de son avocat, Leonard Teoh. Nur’aishah soutient que, de là, elle a été ramenée de force au domicile de sa famille avec l’appui de la police. Le 30 décembre, selon la déposition qu’elle a déposée au tribunal, elle s’est échappée à nouveau du domicile de sa famille avec Joseph Lee. La famille de Nur’aishah a déposé une plainte pour l’enlèvement de son enfant. L’avocat Teoh, soupçonné de complicité, a été arrêté quelques jours, puis relâché faute de charges suffisantes contre lui.

Depuis, la conversion de Nur’aishah est devenue une affaire nationale qui inquiète d’autant plus les autorités qu’elle a lieu en pleine période de crise économique. Cette affaire peut enflammer toute la communautéa déclaré l’inspecteur-général de la police nationale, Rahim Noor, qui a ajouté : Nous n’avons pas besoin de ce genre d’incidents“. La décision de la jeune fille a, en effet, provoqué colère et scandale dans les milieux musulmans qui y ont vu une violation d’un accord non écrit destiné à garantir la paix sociale dans cette société multiraciale : les non-musulmans ne doivent pas faire de prosélytisme auprès des adeptes de l’islam. Certes la constitution malaysienne garantit la liberté religieuse, mais cette disposition est généralement comprise comme ne s’appliquant pas aux malais, tous musulmans. Leur vie familiale est régie par la loi musulmane qui, si elle était strictement observée comme en Iran, pourrait condamner à mort par lapidation celui qui se rend coupable du délit d’apostasie.

Etant donné le caractère explosif de l’affaire, aucun groupe non-musulman ou parti de l’opposition ne l’a commentée en public. La presse en langue anglaise, surtout destinée aux lecteurs non-malais, s’est bien gardé d’aborder cette histoire. Cela n’a pas été le cas dans les milieux malais où elle a bénéficié d’une grande publicité. Quelques associations musulmanes ont même proposé un changement constitutionnel qui empêcherait le renouvellement de telles histoires. L’organe de l’opposition islamique, le “Harakah” est allé jusqu’à proposer que les “apostats” soient arrêtés au titre de l’Acte de sécurité interne, qui rend possible la détention sans jugement.

Le couple a alors choisi de vivre dans la clandestinité. On pense que les deux jeunes gens sont aujourd’hui à Singapour. Vraisemblablement, ils ne pourront jamais revenir en Malaisie.