Eglises d'Asie

COMMUNIQUE DES EVEQUES PAKISTANAIS PRESENTS AU SYNODE A la suite du suicide de Mgr Joseph John, évêque de Faisalabad

Publié le 18/03/2010




Nous, archevêque de Lahore, évêque d’Islamabad-Rawalpindi et évêque d’Hyderabad, aujourd’hui à Rome à l’occasion du synode d’Asie, ainsi que tous les chrétiens pakistanais de Rome, avons été profondément émus par les circonstances tragiques de la mort de Mgr John Joseph. Ce fut l’extinction soudaine et cruelle “d’une lumière brillante” (Jean 5, 35).

Pour nous tous, il était un homme envoyé par Dieu (Jean 1, 6). Il fut l’un des plus brillants étudiants du séminaire national du Christ-Roi, à Karachi. Après son ordination sacerdotale en 1960, il obtint un doctorat de théologie à Rome et, plus tard, il compléta des études de liturgie. Il devint doyen de la faculté académique de son Alma Mater et fut ensuite nommé évêque de Faisalabad, devenant ainsi le premier Pakistanais à diriger le diocèse et le premier Pendjabi à devenir évêque catholique.

Il était un membre important et reconnu de la hiérarchie et, récemment, il avait été élu vice-président de la conférence épiscopale du Pakistan. Il était déjà président de la commission épiscopale “Justice et paix”. Jusqu’au mois d’avril de cette année, il dirigeait aussi la commission pour le dialogue interreligieux. Il était le traducteur du Missel romain dont une deuxième édition a été publiée le mois dernier. Il avait commencé la traduction du catéchisme de l’Eglise catholique et, grâce à ses qualités intellectuelles, il était en train de prendre la direction d’une équipe pour la traduction de la Bible en langue ourdou, la langue nationale.

Il était engagé avec passion dans la lutte pour les droits de l’homme des pauvres et des victimes de l’injustice. Dans ce travail, il rejoignait des personnes de toutes religions et de bonne volonté, soucieux de défendre ceux qui n’ont pas de voix ni de pouvoir. Le caractère vague de la loi sur le blasphème et les abus commis en son nom à cause d’une formulation imprécise, ont provoqué la mort de beaucoup de personnes innocentes. Mgr John a fait campagne de manière continue pour corriger les défauts de cette loi, et, en dépit de sa persistance et de la vigueur de ses efforts, il a toujours cru dans une non-violence militante. Il était préparé à offrir sa vie pour l’abolition des lois injustement utilisées de manière répétée contre des minorités innocentes.

Auparavant, il avait dirigé avec succès la campagne contre l’introduction d’une rubrique ‘religion’ sur la carte d’identité nationale. A deux reprises, il s’était mis en grève de la faim pour forcer l’abolition des lois discriminatoires qui provoquaient inévitablement la violence.

Le 6 mai 1998, il était allé à Sahiwal et il avait conduit les fidèles au cours d’une journée de prières et de jeûne pour Ayub Masih, condamné à mort, le 27 avril 1998, au nom de la loi sur le blasphème. Il avait aussi rendu visite à la famille du condamné pour la consoler et l’encourager.

Un peu auparavant, il avait envoyé une lettre à un important journal de langue anglaise, dans laquelle il demandait à ses frères évêques, aux parlementaires, aux organisations non gouvernementales, aux chrétiens et à tous les secteurs de la société, d’agir dans l’unité, non seulement pour obtenir la suspension de la condamnation à mort d’Ayub Masih, mais aussi l’abolition des sections 295 B et C, de la loi sur le blasphème, sans nous inquiéter des sacrifices que nous aurons à offrir; les personnes engagées ne prêtent pas attention au prix à payerIl avait aussi envoyé un message par fax disant qu’il y avait un besoin urgent pour un signe de protestation fort contre la condamnation à mort d’Ayub, à cause, disait-il, de la manière dont le procès avait été conduit. Il disait que le cas était essentiellement fondé sur la parole d’un homme contre celle d’un autre. Il disait que le juge avait accordé deux fois plus d’importance à la parole de l’un qu’à celle de l’autre, parce que l’un était musulman.

Les rapports indiquent que, le soir du 6 mai, Mgr John est allé au tribunal de Sahiwal où Ayub Masih avait été condamné quelques jours plus tôt, et qu’il s’y est suicidé. Nous prions pour que ce sacrifice ne soit pas inutile, et pour qu’il éveille la conscience de tous nos frères et soeurs au Pakistan, afin que toutes les lois qui provoquent la violence soient abolies une fois pour toutes.

Au moment où la messe des funérailles sera célébrée dans son village, le 8 mai, les évêques du Pakistan et les fidèles présents à Rome offriront l’Eucharistie pour le repos de son âme. Nous croyons que le Seigneur qu’il recherchait si héroïquement lui manifestera maintenant sa compassion et lui donnera la récompense qu’il mérite.

Nous appelons tous nos chrétiens du Pakistan à rester calmes en cette heure de deuil. C’est un temps d’épreuve pour toute l’Eglise et rien ne doit être fait pour aller contre la non-violence militante dont Mgr John Joseph était l’ardent promoteur.

A tous ceux qui lui étaient proches et qu’il aimait, particulièrement au clergé aux religieux et aux laïcs de son diocèse, nous exprimons notre très profonde sympathie. Puisse Dieu nous consoler et nous guider dans ce temps d’épreuve et de peine. Que Dieu vous bénisse tous.

Mgr Armando Trindade, président de la Conférence épiscopale

Mgr Anthony Lobo, secrétaire général

Mgr Joseph Coutts, président de la commission

pour le dialogue interreligieux