Eglises d'Asie

La mort volontaire de Mgr John Joseph, évêque de Faisalabad, projette une lumière crue sur les lois iniques utilisées pour persécuter les minorités religieuses

Publié le 18/03/2010




Dans la soirée du 6 mai 1998, Mgr John Joseph, évêque de Faisalabad et figure de proue du mouvement pakistanais pour les droits de l’homme, s’est suicidé devant le tribunal de Sahiwal, près de Faisalabad, pour protester contre le jugement porté par la cour contre un chrétien, Ayub Masih, le 27 avril précédent. Celui-ci avait été condamné à “la pendaison par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuiveen vertu de l’article 295-C du code pénal pakistanais qui prévoit la mort pour tout homme convaincu de blasphème à l’encontre du prophète Mahomet.

Cette loi, édictée en 1985 au moment de la dictature militaire, a été abusivement utilisée à de nombreuses reprises par des musulmans pour régler des conflits personnels avec des chrétiens et des membres de la secte ahmadi (4). Dans un passé récent, quatre chrétiens ont été condamnés à mort dans ces conditions, puis ils ont été acquittés par les tribunaux d’appel au grand scandale des organisations islamiques extrémistes. Celles-ci ont immédiatement fait savoir qu’ils seraient exécutés. Les quatre hommes ont dû fuir à l’étranger. L’un des juges de la cour d’appel de Lahore, qui avait participé à l’acquittement de l’un d’entre eux, a, lui, été assassiné par les terroristes. Un autre chrétien a été froidement exécuté alors même que son jugement était en cours.

Quelques jours avant sa mort volontaire, Mgr John Joseph avait envoyé à Rome le texte de la conférence qu’il comptait donner, le 5 mai, au séminaire du Sedos, organisé en parallèle au synode des évêques d’Asie. Dans sa lettre, il annonçait qu’il ne pourrait être présent à Rome pour sa conférence, car il devait rester à Faisalabad jusqu’à ce qu’il trouve un lieu sûr pour cacher un chrétien, Anwar Masih, et sa famille, menacés de mort par les terroristes musulmans(5). Dans la même lettre, il exposait brièvement le cas d’Ayub Masih, condamné à mort parce que le tribunal a estimé que la parole d’un chrétien ne valait pas celle d’un musulman. Ayub Masih et un groupe de chrétiens sans terre étaient en conflit avec un propriétaire terrien musulman à propos d’allocation de terrains constructibles dans un village du Pendjab. Celui-ci avait accusé Ayub Masih d’avoir parlé positivement du livre de Salman Rushdie, “Les versets sataniques”.

Depuis un certain temps, Mgr John Joseph avait exprimé ressentir la nécessité de poser un geste fortafin de faire prendre conscience à l’opinion publique pakistanaise et internationale des graves injustices perpétrées contre les minorités du Pakistan sous le couvert des lois iniques sur la blasphème. Dans le passé, le prélat avait mené deux campagnes nationales pour les droits de l’homme, l’une en 1992 qui avait obligé le gouvernement à retirer un projet de loi prévoyant la mention de l’appartenance religieuse sur les cartes d’identité, l’autre en 1994 après l’assassinat de Manzoor Masih, exécuté par des terroristes alors qu’il passait en jugement.

Mgr John Joseph était le premier évêque pendjabi à accéder à l’épiscopat. Vice-président de la Conférence épiscopale pakistanaise, il était aussi président de la commission nationale “Justice et paix”. Depuis quelques mois, il ne cachait pas son amertume vis-à-vis de certains de ses confrères évêques qui estimaient que son action était trop dangereuse.