Eglises d'Asie

LE DEFI DU FONDAMENTALISME RELIGIEUX Violence à l’encontre de l’harmonie sociale

Publié le 18/03/2010




Introduction

(…) Les circonstances m’empêchent de participer au séminaire organisé par le Sedos. Un chrétien, Anwar Masih, accusé de blasphème, a été innocenté par un tribunal, mais un groupe terroriste musulman, SipaheSahaba, a annoncé qu’il l’assassinerait. C’est ce groupe qui était à l’origine de la procédure judiciaire contre lui. Je dois donc le cacher jusqu’à ce que nous trouvions un lieu sûr pour lui, sa femme et ses enfants. Il est âgé d’environ trente-cinq ans.

Hier, 27 avril 1998, Ayub Masih (le nom Masih indique que la personne est chrétienne, ce n’est pas un nom de famille) a été condamné à la pendaison par le cou jusqu’à ce que mort s’ensuive, ainsi qu’à une amende de 100 000 roupies, juste parce que, lors d’une discussion avec un « ami » musulman, il est supposé avoir dit : « Si tu lis le livre de Salman Rushdie (Les Versets sataniques) tu verras la figure réelle de l’islam et de son prophèteC’est le fondamentalisme religieux à son extrême. (…) Quel que soit le lieu où nous vivions aujourd’hui, nous sommes affectés par les activités des fondamentalistes. Les gens sont choqués par les crimes de ces personnes qui sont formées et manipulées pour tuer, et qui n’ont pas non plus peur de la mort. Afin de semer la terreur dans la population, elles utilisent librement la violence. Elles n’ont pas peur des extrêmes.

Principaux traits des fondamentalistes religieux

1- Rejet absolu de la rationalité; les fondamentalistes essaient de populariser leurs croyances en en appelant aux émotions des gens.

2- Ne croyant pas en la raison humaine, ils font confiance à la puissance divine pour amener l’humanité à suivre le droit chemin.

3- Ils ne sont prêts à aucun compromis en ce qui concerne leurs croyances.

4- Ils se considèrent comme étant dans la vérité et des disciples religieux authentiques. Ils traitent par conséquent tous les autres comme des ennemis.

5- Ils sont prêts à sacrifier leur vie pour leurs croyances. Ils sont aussi prêts à tuer leurs opposants religieux qui ne sont pas sur le bon chemin.

6- Comme ils monopolisent la vérité et déclarent tous les autres pécheurs, ils ont perdu tout respect pour les institutions démocratiques, les droits de l’homme, les valeurs humaines, et ils essaient, de manière fanatique, d’imposer aux autres leurs idées religieuses, même en utilisant des méthodes violentes.

Selon Mme Asma Jahangir, avocat célèbre des droits de l’homme et présidente de la commission pakistanaise des droits de l’homme, « les fondamentalistes islamiques ne sont rien d’autre que des affamés de pouvoir, impitoyables et violents. Ils savent qu’il y a ici, chez beaucoup de fidèles, une certaine peur de la modernisation, une peur du sécularismeIls exploitent ce sentiment pour grossir leurs rangs » (Charles M. Sennott in « Pakistanis underclass targets

Comme dans beaucoup d’autres pays musulmans, au Pakistan aussi c’est cette forme de terrorisme qui fait le plus peur. En janvier de cette année, un rapport préparé par un département de la police secrète a envoyé un avertissement inquiétant au gouvernement. Le rapport mettait l’accent sur l’activité d’un certain nombre de groupes religieux extrémistes qui défendent des idées sectaires virulentes. Ces organisations ont la capacité de devenir la plus importante mafia du crime que le Pakistan ait connue. Composée d’éléments criminels et de commanditaires cachés, cette mafia provoque la crainte que sa croissance incontrôlée ne plonge le Pakistan dans une violence d’une ampleur inégalée.

A ce rapport de police, j’ajouterai que la croissance hors de tout contrôle du terrorisme religieux est déjà en train de se produire au Pakistan. Le gouvernement en a peur ou bien laisse faire pour d’autres motifs. Par exemple, une des raisons qui font que le gouvernement a peur d’agir est son ambition aveugle et compulsive de rester au pouvoir. Il est donc vulnérable au chantage exercé par ces groupes. Le gouvernement refuse de voir ces écoles où les jeunes garçons, dès l’âge de cinq ans, sont formés à la haine religieuse et au maniement des armes. Ces jeunes enfants se promènent avec des turbans serrés autour de la tête : c’est le signe qu’ils ne progresseront jamais intellectuellement. Dans quelques-unes de ces écoles, les enfants sont gardés dans des chaînes de fer. Les premiers fruits de ces centres de formation terroriste sont visibles et évidents aujourd’hui. Un enseignant chrétien, Nemat Ahmar, a été assassiné brutalement d’un coup de couteau, après avoir été accusé de blasphème, par un étudiant âgé de 24 ans. Un autre chrétien, Gul Masih, condamné à mort pour blasphème, était accusé par un étudiant âgé de 25 ans. Un autre étudiant, âgé de 23 ans, enturbanné et barbu, est entré dans une de nos églises, le 3 avril 1996, pendant les cérémonies du Vendredi Saint, pour crier : « La Bible n’est pas un livre saint. Le Christ n’est pas un prophète

En général, la population a peur de réagir, parce que si quelqu’un parle ou agit contre eux, le châtiment infligé par les terroristes religieux est immédiat et terrible. Quelquefois, toute la famille est brutalement massacrée. On crée la terreur. Même nous, prêtres et religieux, sommes intimidés et nous préférons fermer les yeux en espérant que l’horreur passera.

Les fondamentalistes veulent ressusciter un passé glorieux et retourner à l’enseignement de l’islam. Ils appellent les autres musulmans à se joindre à cette cause. Très souvent, leur appel est entendu; Ceci amène à un militantisme religieux significatif. Cependant, c’est aussi un fait que, à cause de leurs appels et revendications pour l’enseignement du véritable islam, il y a des divisions parmi eux. Différents groupes revendiquent toute la vérité et il en résulte des batailles rangées au sein de la maison de l’islam. Beaucoup d’énergie est dépensée dans ces duels domestiques. Ceci affecte aussi le domaine politique.

L’islam reconnaît le domaine politique comme un champ légitime d’entreprise humaine. Pour le musulman, l’Etat et la religion vont de pair et ne peuvent être séparés. L’islam impose ses propres règles dans le jeu politique.

Pour l’islam, le vingtième siècle a commencé avec l’espérance du « sécularisme ». Il se termine dans la peur du fondamentalisme. En 1924, Kamal Ataturk avait aboli la loi islamique dans les tribunaux et « sécularisé » le plus grand empire musulman de l’époque, la Turquie ottomane. En 1979, l’Ayatollah Khomeiny a mené la révolution iranienne au triomphe, inspirant différents courants fondamentalistes dans le monde musulman. Le monde islamique regarde avec nostalgie vers le Moyen-Age, époque où sa religion et sa culture étaient des soeurs jumelles aux pieds desquelles étudiait l’Occident chrétien. Le monde islamique perçoit, dans la frustration, que les idéaux occidentaux de nationalisme, socialisme ou capitalisme, introduits dans les sociétés musulmanes, n’offrent pas de solution aux divers et nombreux problèmes que l’islam affronte dans un monde technologique. Avec des slogans comme ‘l’islam est la solution’, ou ‘Allah est la réponse’, les fondamentalistes placent leurs espoirs dans une utopie de restauration d’une communauté musulmane ancienne idéalisée.

Un autre élément qui a aidé les partis fondamentalistes à augmenter leur influence est le nombre répété des défaites subies par les musulmans, en Egypte, en Jordanie, au Liban et en Syrie, des mains d’Israel, la défaite du Pakistan par l’Inde, l’indépendance du Bangladesh, et la récente défaite de l’Irak dans la guerre du Golfe.

Ces défaites et ces humiliations ont créé un profond sentiment de désespoir passif chez les musulmans. L’Occident est apparu comme l’ennemi du monde musulman, ce qui a encouragé les partis fondamentalistes à rejeter tout ce qui en venait, et à présenter l’islam comme la seule alternative pour sauver les musulmans du désastre. Les partis fondamentalistes musulmans estiment que c’est seulement en suivant les enseignements islamiques que les musulmans du monde entier peuvent s’unir pour prendre leur revanche sur l’Occident et leurs autres ennemis.

La foule ignorante des pauvres gens sympathise avec ces partis religieux qui éveillent leurs sentiments sur les questions religieuses. Au Pakistan, SiapeSahaba et le MajlisikhatmiNabuwat sont des partis de ce type. De temps en temps, ils soulèvent quelques questions religieuses et en font une affaire de vie et de mort. Dans les conflits sectaires en particulier, ils trouvent un terreau suffisamment riche pour créer des troubles religieux. Ils ont déjà provoqué bien des conflits et des tensions au Pakistan. Plusieurs conflits armés se sont produits et des centaines de personnes ont été tuées. Il y a quelques groupes militants au Pakistan, qui jettent des bombes dans les mosquées, les écoles, les gares ferroviaires, les arrêts de bus, les centres commerciaux et autres lieux publics. Ceci génère un sentiment de terreur chez les gens. Ici, il arrive quelquefois qu’une secte musulmane en accuse une autre, par exemple entre chiites et sunnites. Quelquefois, quand un incident se produit dans une ville, la tension augmente dans une autre et une contre-attaque est organisée dans une autre encore.

L’Iran a joué un rôle important dans le développement de l’islam fondamentaliste. Beaucoup de gouvernements africains, par exemple, ont peur de l’Iran et ils savent que l’Iran aide les fondamentalistes de leurs pays respectifs. Dans un discours à l’occasion de l’ouverture d’un séminaire à Téhéran sur le développement et la coopération en Afrique, le président de la chambre des députés, Ali Akbar Netegh Nouri, a dit ouvertement que son pays mettrait l’accent sur le renouveau de l’islam : « Le renouveau de l’islam est l’un des objectifs les plus importants de la politique internationale iranienne. Nous devons aider l’Afrique à regagner son identitéNouri était cité par le journal iranien Keyhan. (…)

Le 27 mars 1993, l’Algérie a rompu les relations diplomatiques avec l’Iran en l’accusant d’interférence et de soutien aux terroristes. En même temps, l’Algérie a rappelé son ambassadeur du Soudan, en accusant les deux pays d’« interférence dans les affaires intérieures algérienneset en disant que « les deux pays avaient déclaré leur soutien au terrorisme

Les victimes du fondamentalisme

Les premières victimes des partis fondamentalistes sont les minorités religieuses. Ils dirigent leur colère sur ces minorités et les accusent d’être dangereuses pour la société et le pays. Par exemple, au Pakistan, les chrétiens et les Ahmadis (une secte musulmane qui n’accepte pas Mahomet comme le dernier prophète). En Iran, après la révolution islamique de 1979, les Bahais furent brutalement persécutés et exclus de tout emploi dans l’administration. En Egypte, ce sont les coptes qui sont les victimes.

En deuxième position, parmi les victimes, viennent les femmes. Les groupes fondamentalistes croient que les femmes sont inférieures aux hommes, qu’elles sont les causes du mal, faibles et stupides, et qu’elles ne comprennent rien aux affaires du monde.

En troisième position, les gens qui professent des idées séculières, libérales et éclairées, spécialement les intellectuels et les militants des droits de l’homme.

Les groupes fondamentalistes sont opposés à l’Occident et observent soigneusement son progrès et ses activités. Chaque fois qu’il est possible, ils perpètrent des actes de terrorisme pour attirer l’attention des médias mondiaux. Pour eux, tout citoyen d’un pays occidental est un ennemi de l’islam et donc, ils soutiennent toutes sortes d’activités violentes ou non violentes pour lutter contre leurs ennemis non musulmans ou musulmans occidentalisés.

Pour populariser leur politique, ils utilisent la méthode du « tabligh« , c’est-à-dire la prédication. Leur deuxième méthode est la violence. Ils croient que ceux qui s’opposent à eux sont les ennemis de Dieu. D’abord, ils les terrorisent pour les forcer au silence. Dans un deuxième temps, ils les éliminent, ce qui sert aussi d’avertissement pour les autres.

Ceux qui adoptent des idées « séculières » sont considérés comme des apostats « murtadet donc punis de mort. Pour légitimer ceci, une « fatwa » (jugement religieux) est rendue publique, ce qui oblige tout musulman à tuer la personne en question. En Iran, du temps du régime du Shah, un avocat libéral, Khusrau, fut assassiné quand les chefs religieux ordonnèrent son meurtre. De manière similaire, l’imam Khomeiny a rendu publique une fatwa pour faire tuer Salman Rushdie.

Au Pakistan, des fatwas sont très souvent lancées contre des chrétiens. C’est arrivé dans le cas de Salamat Masih, un adolescent, de Manzoor Masih et Rehmat Masih, des paysans du Gujwanrala. Gul Masih, un petit commerçant de Sargodha; et Nemat Ahmer, un enseignant de Faisalabad. Nemat Ahmer a été assassiné, ainsi que Manzoor Masih. Salamat Masih, Gul Masih et Rehmat Masih ont été condamnés à mort par des tribunaux, puis libérés par la suite par des cours d’appel de Lahore. Très souvent, les lois islamiques, particulièrement les lois sur le blasphème, sont utilisées contre des chrétiens, pour des raisons de vengeance personnelle. Ceci crée un sentiment de peur chez les chrétiens.

Avec l’influence fondamentaliste, la publication de livres religieux augmente et la littérature profane est en recul. Le fondamentalisme affecte aussi beaucoup la musique, la peinture, la sculpture et la danse, et, généralement, la société perd de son lustre, le violent et le terne règnent en maîtres. C’est ce qui arrive aujourd’hui au Pakistan.

Pour l’archevêque sud-africain, Desmond Tutu, « la vraie question est de prendre le fondamentalisme islamique comme un défi, et la manière la plus efficace d’y répondre est d’approfondir la foi du peuple » (L’islam en Afrique, « World Mission », janvier 1993.

Notre réponse à ce défi

Dans notre monde d’aujourd’hui, l’Eglise sera aussi pertinente et vibrante que la réponse qu’elle donnera à cette question essentielle du fondamentalisme religieux et de la violence. Je suis désolé de devoir dire que nous, évêques et autres dirigeants ecclésiastiques, nous abandonnons quelquefois à eux-mêmes les blessés et les mourants, pour procéder à notre devoir « religieux », comme le lévite et le prêtre dans l’épisode du bon Samaritain. Nous fermons les yeux et nous pensons que le tigre assoiffé de sang de la violence religieuse s’éloignera de lui-même. Non, chacun de nous doit s’engager et jouer son rôle.

S’engager :

Chacun de nous a cette obligation. Chaque chrétien, qu’il soit simple laïc ou cardinal, entend le Seigneur Jésus lui dire de ne pas passer à côté de la personne blessée (physiquement, moralement, psychologiquement, socialement ou financièrement). S’engager même quand cela peut être dangereux. Combien de fois, le Seigneur Jésus nous a-t-il dit de ne pas avoir peur ? Les lâches, selon les Saintes Ecritures, n’entreront pas dans le Royaume de Dieu (Révélation, 21,8).

Après que des mandats d’amener furent délivrés contre moi par la police d’Islamabad, pour avoir conduit une manifestation il y a trois ans, l’un de mes grands frères ecclésiastiques me dit que tout cela était de ma faute. Il disait que nous devons être satisfaits de la liberté dont nous jouissons au Pakistan… « Regarde quelquesuns des pays musulmans comme l’Algérie, le Soudan, l’Egypte etcLes fondamentalistes extrémistes sont très puissants et très organisés sur le plan internationalNous ne pouvons pas les défierC’est trop dangereuxLa minorité chrétienne au Pakistan est trop petite et trop faibleJe lui ai répondu : « Je suis peutêtre très faible, mais si nous nous unissons au nom de Notre Seigneur Jésus, nous sommes très fortsJe lui ai dit aussi : « Nous sommes des êtres de chair, bien sûr, mais les muscles avec lesquels nous nous battons ne sont pas de chair. Notre guerre ne se combat pas avec des armes de chair, et pourtant elles sont assez puissantes, pour la cause de Dieu, pour démolir des fortersses » (2 Cor. 10, 3-4). A ceci, sa réponse, en présence de cinq personnes fut : « Oh, c’est seulement de la théorie

S’organiser

Notre réponse à la violence doit être oecuménique et interreligieuse. Bien que nous, catholiques, soyions la majorité parmi les chrétiens du Pakistan, nous ne songerions pas à organiser une manifestation ou une protestation sans la présence officielle et pleine des autres confessions chrétiennes du Pakistan. Les représentants de toutes les confessions préparent, décident et agissent ensemble. Il est beau de voir les majors et les brigadiers de l’Armée du salut marcher en uniforme et monter la garde quand nous nous couchons par terre pour une grève de la faim. Il est merveilleux d’entendre un pasteur protestant dire après les mandats d’amener contre moi : « Monseigneur, si vous allez en prison, une partie de nousmême sera aussi en prison, parce que tous ensemble nous formons le Corps du Christ

Il y a beaucoup de musulmans qui sont convaincus que chaque être humain doit contribuer personnellement à la lutte contre la violence et le terrorisme pour les éradiquer. Ce sont des avocats, des professeurs, des docteurs et des journalistes. Nous devons les accueillir en pleine confiance. Ensuite, il y a aussi des groupes musulmans de défense des droits de l’homme. Nous devons les approcher et travailler en pleine coopération avec eux. C’est un des secrets des succès que nous avons connus jusqu’à présent.

Nous ne devons oublier aucun secteur de la société. Les dirigeants locaux appellent les chefs de section, les femmes et la jeunesse. Avant de commencer une action majeure contre l’injustice, nous consultons sérieusement non seulement les chefs religieux, mais aussi les laïcs.

L’organisation ne doit pas être seulement au niveau local, régional ou national, mais elle doit avoir des liens forts avec des agences internationales engagées dans la lutte contre toutes les formes de violence. Nous, chrétiens du Pakistan, avons des liens étroits avec Amnesty International, la British Broadcasting Corporation (BBC) à Londres, Media Watch à New York, les commissions des droits de l’homme du Canada, d’Australie, de Suisse, de Hollande, d’Allemagne, avec Missio, et Misereor, avec Solidarité chrétienne d’Autriche, et maintenant le Sedos à Rome. Les gouvernements du tiers monde peuvent ne pas écouter les cris de leurs peuples, mais ils sont extrêmement attentifs aux opinions publiques des pays du premier monde.

Le 5 avril 1994, quatre chrétiens accusés de blasphème ont été les cibles d’attentats. L’un d’eux a été tué sur le coup, les autres grièvement blessés, parmi eux un garçon de douze ans. Les évêques protestants et catholiques voulaient être reçus par le président ou le premier ministre du Pakistan, mais ils n’avaient pas de temps pour nous. Alors, nous avons organisé une manifestation massive du clergé, des laïcs, des femmes et de la jeunesse. On nous a tiré dessus à plusieurs reprises, mais nous avons continué à travers les rues de Faisalabad. La BBC de Londres en a parlé, et c’est seulement à ce moment-là que le président du Pakistan a trouvé du temps pour nous. Les ambassades étrangères sont d’un grand secours, quelquefois ouvertement, mais la plupart du temps discrètement.

Notre réponse doit être absolument non violente

Si, à partir de nos manifestations, une seule pierre est lancée contre une fenêtre, nous ne sommes pas chrétiens et nous perdons tout droit de manifester contre la violence. Des injures sont publiquement et nommément hurlées contre nous au cours des manifestations fondamentalistes. Nos gens viennent nous le dire. Nous les calmons en leur disant que ces injures que nous subissons parce que nous travaillons pour les droits de l’homme et la paix sont comme des médailles d’or pour nous. Jésus disait : « Bienheureux êtesvous quand on vous insulte en mon nomEn aucune circonstance que ce soit, nous ne permettons de vengeance.

La veille d’une manifestation, nous réunissons tous les organisateurs et, au cours d’une réunion de prières, nous promettons au Seigneur Jésus que nous demeurerons paisibles, et que nous garderons les manifestants dans la sérénité. Cette promesse faite à l’église est importante pour la jeunesse qui a un penchant à chercher une revanche. Ce penchant doit être contrôlé par la motivation, une longue formation et un engagement chrétien. Nous prenons des photos de la cérémonie au cours de laquelle, mains levées, les organisateurs promettent de rester calmes et de surveiller la discipline de la manifestation, afin de nous rappeler de façon permanente de cette promesse très importante.

Coordination et coopération avec les différentes organisations non gouvernementales

Les organisations non gouvernementales peuvent jouer un rôle très positif dans notre apostolat pour la paix, particulièrement celles qui travaillent pour les droits des enfants, des femmes, des travailleurs en servage, des travailleurs des briquetteries, des ouvriers agricoles etc. De même, les groupes qui travaillent contre la torture policière, les décès en garde à vue et l’emprisonnement sans jugement.

Conclusion

Pour conclure, je cite les mots forts et encourageants du Saint-Père, le pape Jean-Paul II. Je suis un grand admirateur du courage avec lequel il proclame la vraie doctrine de l’Eglise et le vrai message de Jésus-Christ, notre sauveur. Il n’a pas peur de ce que les nations du tiers monde penseront de la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Aucun président de ce monde n’a le courage d’aller rendre visite au pape en uniforme. Les dictateurs de ce monde ont peur de cet homme de paix et d’égalité.

Si nous, dirigeants de l’Eglise et leaders laïcs, avions la moitié du courage du Saint-Père, le salut du Sauveur atteindrait aujourd’hui beaucoup plus de gens dans le monde. Dans son message pour la paix de 1985, qui était adressé à la jeunesse mais qui reste valide pour chacun d’entre nous, le Saint-Père écrit : « L’appel que je veux vous adresser, jeunes hommes et femmes d’aujourd’hui, est le suivant : n’ayez pas peur ! Quand je vous regarde, je ressens de

la gratitude et de l’espoirDans cette situation, quelquesuns d’entre vous pourraient être tentés d’échapper à vos responsabilités (Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 1985).

Enfin, j’en appelle à tous mes frères et soeurs dans le Christ : quittons nos lieux de repaire et de confort et allons vers le peuple. Récemment, nous, commmunauté chrétienne du Pakistan, avons eu à combattre une loi injuste introduite contre les minorités. Moi-même, évêque catholique de l’Eglise universelle, en compagnie de beaucoup de chrétiens dans beaucoup de villes du Pakistan, je me suis couché dans une allée pour faire la grève de la faim face aux bureaux du gouvernement de Faisalabad. L’un des plus magnifiques événements de notre histoire nationale s’est alors produit : presque tous les évêques du Pakistan sont venus et se sont assis avec nous pendant quelques heures, les évêques catholiques en soutane blanche, les évêques protestants en soutane violette. La presse fut très impressionnée, le gouvernement aussi, et, naturellement, cette solidarité a gagné. Le gouvernement a annoncé qu’il n’introduirait pas le projet de loi, qui consistait à vouloir ajouter la mention de la religion sur les cartes d’identité, ce qui aurait rendu la discrimination religieuse officielle et aurait fait des membres des minorités des citoyens de seconde zone. L’annonce du gouvernement vint le jour de Noël 1992. Jésus, notre Sauveur, avait brisé les barrières de l’hostilité et de la discrimination en offrant son propre corps (Ephésiens 2, 13-17). Il est notre Paix, par sa crucifixion, mort et résurrection, il a accompli la mission pour laquelle il était venu, à savoir que « tous soient un » (Jean 17, 21).

Je me considérerai comme très heureux si, dans cette mission de destruction des barrières, Notre Seigneur accepte le sacrifice de mon sang pour son peuple. Comme l’écrivait St Paul : « Je suis heureux de souffrir pour vous, comme je souffre maintenant, et dans mon propre corps de faire ce que je peux pour faire ce qui doit être fait par le Christ pour son corps, l’Eglise » (Colossiens 1, 24).

C’est la seule réponse efficace à ce phénomène croissant de la violence autour de nous. Sommes-nous prêts à soutenir ce défi et à Le suivre, portant la croix sur ses épaules (Mathieu 16,24)? Sommes-nous prêts à boire la coupe de la souffrance jusqu’à la lie, comme Jésus le fit (Mat. 20, 22) ? Chacun de nous doit formuler sa propre réponse. Que le Seigneur crucifié et ressuscité nous donne le courage de le faire. Amen.