Eglises d'Asie

Un groupe de dirigeants musulmans et chrétiens demandent l’abrogation de la loi sur le blasphème

Publié le 18/03/2010




Le 18 mai 1998, le président pakistanais, Muhammad Rafiq Tarar, a reçu un groupe de huit dirigeants religieux, musulmans et chrétiens, qui lui ont demandé d’abroger les articles du code pénal concernant le blasphème, et de faire libérer les chrétiens détenus à la suite de la manifestation du 15 mai (7). Dans sa réponse, le président a tracé un portrait très flatteur de la communauté chrétienne du Pakistan, citant en particulier les services rendus au pays par A.R. Cornelius qui fut, en son temps, président de la cour suprême du Pakistan. La réunion s’est déroulée en présence de Raja Zafarul Haq, ministre des minorités et des affaires religieuses.

« Les chrétiens sont nos frères et sont un peuple du Livre, mais quelques personnes, au nom d’intérêts masqués, créent des tensions entre les musulmans et euxont déclaré Allama Zubair Ahmed Zaheer et le maulana Abdul Qadir Azad, représentant l’islam pakistanais. Ils faisaient allusion aux petits groupes fondamentalistes musulmans qui ne cessent de jeter de l’huile sur le feu des relations interreligieuses, en utilisant la loi sur le blasphème.

Julius Salik, ancien ministre catholique du gouvernement fédéral, et le Rév. Sardar F.M. Good Sudhan, ont rappelé au président que la loi sur le blasphème était habituellement utilisée par des musulmans pour régler des querelles personnelles avec des chrétiens.

Tous ensemble, les membres de la délégation ont demandé au président de faire libérer sans conditions et immédiatement les chrétiens arrêtés au cours de la manifestation du 15 mai précédent, ainsi que ceux qui avaient été arrêtés au lendemain de la mort de Mgr John Joseph, évêque catholique de Faisalabad.

Le P. James Channan, dominicain, a rappelé au président que, même si les trois premiers chrétiens condamnés à mort pour blasphème, Gul Masih, Rehmat Masih et Salamat Masih, avaient été acquittés par la suite, ils avaient été obligés de quitter le pays à cause des menaces de mort proférées à leur encontre par certains groupes. Cinq personnes, dont trois de religion chrétienne, ont déjà été assassinées après avoir été accusés de blasphème, trois d’entre eux alors qu’ils se trouvaient en garde à vue dans un commissariat de police, et un autre, alors qu’il retournait chez lui après une session du tribunal.

Le lendemain de cette rencontre avec le président pakistanais, le 19 mai 1998, cinquante intellectuels musulmans et chrétiens ont décidé de travailler ensemble pour promouvoir la paix et la tolérance religieuse au Pakistan, et pour apaiser les tensions interreligieuses qui semblent dominer à l’heure actuelle. Le maulana Azad qui dirige la plus importante mosquée de Lahore, et préside aussi la conférence nationale des oulémas, a affirmé que les musulmans doivent prendre conscience de l’obligation religieuse qui leur est faite de protéger les minorités. Il a aussi estimé que quiconque était convaincu d’avoir proféré une fausse accusation de blasphème devrait être passible de la peine de mort.

Un autre intellectuel musulman, Shaibzada Faizul Qadri, a lui aussi condamné l’utilisation malhonnête qui était faite de la loi sur le blasphème, et il a mis l’accent sur le nécessaire esprit de coopération qui devait animer chrétiens et musulmans. Faisant allusion aux fondamentalistes musulmans, il a déclaré que chrétiens et musulmans avaient cohabité paisiblement depuis la naissance du Pakistan en 1947, jusqu’à ce qu’un certain nombre de groupes, au nom d’intérêts masqués, commencent, depuis quelques années, à semer la discorde : « Nous devons nous méfier d’eux et ne pas les laisser faire du tort à l’esprit d’amour et d’unité qui nous anime. Quand il y a un malentendu, nous devons le clarifier aussitôt

Beaucoup de journalistes étaient présents à cette réunion du 19 mai, organisée par le maulana Azad et Julius Salik.