Eglises d'Asie

Après le sacrifice de Mgr John Joseph, de nouvelles plaintes pour blasphème ont été déposées et les incidents violents se multiplient

Publié le 18/03/2010




Un mois à peine s’est écoulé depuis que Mgr John Joseph a sacrifié sa vie en protestation contre la loi sur le blasphème (6), et déjà deux chrétiens ont été accusés de blasphème au nom de cette même loi tandis que beaucoup d’autres ont été victimes de la violence populaire.

Le 31 mai, le jour-même où a été célébré, à Faisalabad, un service national à la mémoire de l’évêque décédé, un catholique de la ville, Shafique Masih, a été accusé d’avoir commis un blasphème contre le prophète, accusation passible de condamnation à mort. Selon l’instruction publique, un passant aurait frappé brutalement le catholique, identifiable grâce au terme “Masih” accolé à son nom, après l’avoir entendu prononcer des paroles outrageantes pour le prophète. Cependant, un rapport rédigé par la Commission épiscopale de “Justice et Paix” affirme que, comme dans beaucoup d’autres cas analogues, la dispute s’est engagée au départ sur un sujet profane, en l’occurrence sur une question d’approvisionnement en électricité. Ce n’est qu’ensuite que la partie adverse a engagé Shafique dans un débat religieux et a ouvertement injurié sa religion. Selon la police, des manifestants auraient mis le feu à la maison de Shafique et auraient essayé de lapider celui-ci, qui n’a échappé à la mort que grâce à la protection du pouvoir judiciaire.

C’était là le sixième incident violent de ce type survenu depuis la mort de l’évêque de Faisalabad et la seconde plainte pour blasphème enregistrée. Peu de temps avant, en effet, une plainte en justice avait été déposée contre Ranjha Masih, accusé d’avoir brisé un panneau comportant une proclamation de foi islamique durant les troubles qui ont accompagné l’arrivée du corps de l’évêque à Faisalabad, troubles au cours desquels la police a utilisé des gaz lacrymogènes.

Pendant le mois de mai, des incidents se sont multipliés en divers endroits du Pakistan, témoignant du trouble actuel des esprits. Le 15 mai, à Lahore, la police a brutalement réprimé aux gaz et à la matraque une manifestation de quelques milliers de chrétiens. Une bagarre générale s’en est suivie et des plaintes ont été déposées contre 600 chrétiens protestataires. La veille à Karachi, un policier a ouvert le feu au AK-47 dans un établissement chrétien, tuant quatre jeunes chrétiens. Le 10 mai, déjà, 12 maisons et quatre boutiques appartenant à des chrétiens avaient été brûlées et détruites.

A Gojra, près de Faisalabad, un dirigeant religieux local a conduit une manifestation d’environ 10 000 personnes à l’assaut d’un pensionnat de filles géré par l’Eglise du Pakistan. Des classes ont été brûlées, des pierres ont été jetées contre l’église. L’évêque de l’Eglise du Pakistan à Faisalabad qui était domicilié près de l’église a réussi à faire évacuer les jeunes pensionnaires avant l’arrivée des émeutiers qui se sont aussi heurtés aux forces de police. Deux jours plus tard, un nouvel appel à une manifestation anti-chrétienne a été lancé par le même dirigeant musulman. Mais celle-ci a été réprimée aussitôt par la police renforcée par les militaires. Le chrétiens de Gojra ont demandé à la Haute-Cour une enquête sur ces incidents, un châtiment pour les organisateurs et une compensation pour les biens détruits.

C’est dans cette ambiance que, le 31 mai, date fixée par le “Forum national d’action chrétienne oecuménique”, un service à la mémoire de Mgr John Joseph a été célébré dans tous les diocèses catholiques du pays et dans les autres communautés chrétiennes. La principale célébration catholique a eu lieu à la cathédrale catholique de Lahore. Elle était présidée par l’archevêque du lieu, Mgr Armando Trindade. Partout, les chrétiens ont prié pour que soit poursuivie la lutte menée par Mgr John Joseph en faveur de l’abrogation de la loi sur le blasphème.