Eglises d'Asie

Des dirigeants musulmans fondamentalistes rencontrent des responsables catholiques au sujet de la loi sur le blasphème

Publié le 18/03/2010




Pour la première fois, le 4 juin dernier, des dirigeants musulmans fondamentalistes et des hauts responsables chrétiens se sont rencontrés à Faisalabad, au sein d’un organisme mis en place par le pouvoir local pour y débattre des questions divisant leurs communautés (14). Tout le monde a été surpris de la modération dont ont fait preuve les participants. Il y avait pourtant là, du côté musulman, les plus militants des “maulanas” (dirigeants musulmans), y compris le responsable du parti politico-religieux extrémiste, “l’armée des compagnons du prophèteLes chrétiens étaient représentés par un parlementaire chrétien, des pasteurs protestants et neuf prêtres catholiques. Parmi eux se trouvait le nouvel administrateur du diocèse, le P. Bashir Francis, tout récemment nommé pour remplacer Mgr John Joseph, qui a sacrifié sa vie le 6 mai dernier pour protester contre le traitement réservé aux minorités religieuses dans le pays et, plus spécialement, contre la loi sur le blasphème.

Les sources chrétiennes affirment que, même si les dirigeants musulmans sont restés fermes sur leurs positions et ont déclaré ne vouloir rien changer à la loi sur le blasphème, ils ont, cependant, écouté avec attention le point de vue des chrétiens. Ceux-ci ont fait valoir qu’en demandant un amendement à la loi imposant la peine de mort à quiconque serait reconnu coupable d’injure au prophète, ils n’avaient pas l’intention de mettre en cause un abus de l’islam mais bien plutôt d’en appeler au respect et à la tolérance pour toutes les religions. La partie chrétienne a aussi demandé la création d’un organisme composé de “maulanas” et de membres du clergé chrétien pour vérifier les accusations de blasphème avant qu’elles ne soient enregistrées par la police. Une telle procédure serait susceptible de mettre un terme au mauvais usage de cette loi sur le blasphème, souvent utilisée pour dissimuler d’autres motifs non religieux.

Le même jour, un certain nombre de juristes fondamentalistes ont tenu une conférence de presse demandant que l’actuelle disposition de l’article 295-C du code pénal punissant le blasphème contre le prophète soit garantie par la constitution. En 1986 lors du vote de la loi, celle-ci prévoyait l’emprisonnement à vie ou la condamnation à mort comme châtiment du blasphème contre le prophète. Ce n’est que plus tard que la cour islamique suprême avait stipulé que les coupables encourraient obligatoirement la condamnation à mort.

Les trois premiers chrétiens à avoir été reconnus coupables de blasphème contre le prophète et condamnés à mort pour ce motif ont, tous, été acquittés par la Haute Cour de Lahore. Cependant, menacés de mort, ils ont dû quitter le pays. Un quatrième accusé, Ayub Masih, condamné en première instance est actuellement en appel. Quelques autres ont été assassinés avant que leurs procès ne soient achevés. En ce moment même, un chrétien, Shafique Masih, inculpé au nom de l’article 295-C est aujourd’hui incarcéré à Faisalabad, depuis son arrestation le 31 mai (15). Selon les dirigeants des minorités, ce sont des commerçants qui lui devaient de l’argent qui ont inventé cette accusation contre lui.