Eglises d'Asie

Vives réactions chez les chrétiens après l’annonce d’un projet de loi visant à imposer la loi islamique au pays

Publié le 18/03/2010




Un projet de loi élaboré par le gouvernement actuel mobilise contre lui les minorités religieuses du pays, les groupes de défense de droits de l’homme et un certain nombre d’associations et personnalités indépendantes ou même appartenant aux milieux islamiques. Chacun de ces groupes a exprimé publiquement son opposition et tous organisent la lutte pour empêcher son adoption. Le 28 août dernier, en effet, un projet d’amendement de la constitution a été soumis au parlement. Il vise à placer le pays sous la loi islamique et à permettre que ce passage à la législation coranique puisse être adopté à la majorité simple par les députés, alors que les autres lois pour être adoptées doivent obtenir les deux tiers du total des voix. Si l’amendement était adopté, il autoriserait le gouvernement à appliquer les lois islamiques sans législation spécifique, aussi bien dans les affaires privées, comme par exemple, la prière obligatoire (spécialement pour les fonctionnaires du gouvernement) que dans les tribunaux islamiques (Qazi). Le port du voile par les femmes était même mentionné dans le projet primitif, mais le passage a été supprimé suite à l’opposition d’une femme, ministre du gouvernement.

Dès l’annonce officielle du projet, les représentants des minorités religieuses, qui jusqu’à présent, pourtant, soutenaient le gouvernement de M. Nawaz Sharif, se sont unis aux partis d’opposition et ont quitté la séance pour protester contre l’initiative gouvernementale. Le 1er septembre, le président de la Conférence épiscopale catholique, l’archevêque de Lahore et Mgr Alexander John Malik de l’Eglise du Pakistan, ont signé une lettre commune au premier ministre demandant le retrait immédiat de l’amendement. Faisant état de l’inquiétude profonde éprouvée par les chrétiens à l’annonce du projet, ils se sont dit convaincus que l’amendement mettrait le pays entre les mains des extrémistes et ne ferait que renforcer la discrimination et les persécutions qui pèsent déjà sur les minorités religieuses. Ils ont cité entre autres les fausses accusations de blasphème, les conversions forcées et les remariages de femmes déjà légalement mariées, les enlèvements et mauvais traitements exercés sur des filles et des jeunes femmes, autant d’injustices que doivent subir les minorités religieuses.

Dans une conférence de presse organisée le 2 septembre par le Forum national d’Action des chrétiens, les deux évêques ont à nouveau exposé leurs arguments pour le retrait immédiat du projet de Sharia. Ils ont, en particulier, fait remarquer que l’amendement donnait au gouvernement le pouvoir exorbitant d’interpréter les lois islamiques à sa manière sans tenir compte des vues divergentes.

Beaucoup d’autres voix se sont élevées contre le projet, y compris dans les milieux étrangers aux religions minoritaires et même au sein de la majorité musulmane. C’est ainsi que Qazi Hussain Ahmed, chef du groupe fondamentaliste Jamaat-i-Islami, a déclaré que le gouvernement de Nawaz Sharif est en train de se couvrir des vêtements de l’islam pour dissimuler son incompétence à gouverner le pays, en pleine crise économique.

L’opposition est aussi déterminée chez les militants des mouvements de défense des droits de l’homme. Un Comité d’action commune a été créé. Il est formé de 200 délégués, des syndicalistes, des universitaires, des membres de mouvements féministes,des juristes. L’avis général des membres de ce comité, c’est que l’application de la sharia dans le pays risque de déclencher une guerre civile, d’autant plus que selon les membres du comité, le premier ministre incite aujourd’hui les militants musulmans à contrer violemment les adversaires du projet. Presque tous pensent que le projet du premier ministre est une manoeuvre politique.

Enfin, deux formations politiques se sont associées pour lutter ensemble contre l’adoption du projet. Il s’agit du Front de libération chrétienne du Pakistan, dirigée par Shahbaz Bhatti, et du parti d’opposition, le parti du peuple pakistanais dont la présidente est l’ancien premier ministre, Benazir Bhutto. Celle-ci qui juge que M. Nawaz Sharif est en train d’employer à mauvais escient le nom sacré de l’islam pour détourner les Pakistanais de leurs problèmes, voudrait que les deux partis alliés luttent aussi pour l’abolition de toutes les lois discriminatoires à l’égard des minorités religieuses.