Eglises d'Asie

Le projet visant à imposer la loi islamique à tout le pays rencontre l’opposition du parti de la majorité, la ligue musulmane du Pakistan

Publié le 18/03/2010




Le projet d’amendement de la constitution, destiné à faire du Coran et de la Sunnah (les traditions du prophète) la loi suprême du pays, rencontre une forte opposition au sein même des milieux de la majorité dont il est issu. En effet, le projet proposé au vote des parlementaires le 28 août dernier (11) à l’initiative du premier ministre Nawaz Sharif, est non seulement dénoncé par les représentants des minorités religieuses qui y voient une menace pour leur avenir, par les partis d’opposition qui le considèrent comme un essai du gouvernement pour reconquérir une popularité déclinante, mais aussi à l’intérieur même du parti majoritaire, la Ligue musulmane du Pakistan. Une dissension à ce sujet s’est en effet manifestée dans les rangs de ce parti et, le 9 septembre, on a dû ajourner la discussion du projet à la chambre basse où la ligue musulmane détient pourtant la majorité des deux tiers, requise pour l’adoption des lois. Plus encore, au cours d’une réunion qui a eu lieu le 17 septembre suivant, 25 membres de la coalition au pouvoir ont menacé de démissionner si leurs avis n’étaient pas pris en compte.

L’embarras du parti politique majoritaire a même eu des échos au cours d’une conférence de presse organisée, le lendemain du débat au sénat, par la commission épiscopale pour les relations interreligieuses, conférence au cours de laquelle les porte-paroles des milieux religieux minoritaires, bahai, chrétien, hindou, parsi et sikh se sont fait entendre. Le chef d’une tendance de la Ligue musulmane du Pakistan, Syed Kabir Ali Wati, avait voulu y participer. Il a soutenu les revendications des minorités et énuméré les nombreuses raisons s’opposant à la transformation de l’Etat pakistanais en Etat islamique. Il a, en particulier, évoqué le souvenir du « Père de la nation », Mohammad Ali Jinnah, qui avait oeuvré pour que le Pakistan soit un Etat laïque et non religieux. Les propos tenus plus tard par le secrétaire de la commission épiscopale, le P. Channan, sont restés dans la même ligne. Pour lui, l’amendement proposé priverait les minorités de leurs droits et établirait sur elles une dictature de fait. Contrairement à l’accoutumée, les points de vue soutenus durant cette conférence de presse ont été largement repris par la presse, aussi bien de langue anglaise que ourdou.

Les adversaires politiques du premier ministre portent des critiques de fond contre son projet de loi. Selon eux, certaines clauses seraient destinées à lui donner un pouvoir absolu et à supprimer le rôle du parlement et du pouvoir judiciaire. En effet, elles permettent au gouvernement fédéral de « prescrire ce qui est bon et d’interdire ce qui est mauvais » selon la loi islamique, et à prendre des mesures tendant à « islamiser » la société. Le premier ministre se défend en affirmant qu’en dernier ressort ce renforcement de la sharia est dans la ligne de la lutte qu’il mène, depuis février 1997, date de sa prise de pouvoir, contre la corruption, la mauvaise administration, l’injustice qui sévissent dans le pays.

Pour beaucoup, l’initiative du premier ministre doit se comprendre dans le contexte de la crise économique pakistanaise, consécutive aux sanctions internationales prises après les essais nucléaires réalisés au mois de mai dernier.