Eglises d'Asie – Pakistan
La loi appliquant la Sharia à tout le pays a été adoptée par l’Assemblée nationale
Publié le 18/03/2010
L’opposition qui est constituée de représentants des minorités ethniques et religieuses ainsi que des organisations de défense des droits de l’homme escompte que le projet de loi ne réunira pas le nombre de bulletins de vote requis. Cependant, selon la constitution, il existe une autre possibilité qui serait plus favorable au gouvernement : la confirmation de la loi par un vote conjoint des deux chambres au cours d’une session extraordinaire.
Le texte de la loi institue la Sharia comme référence suprême et, en quelque sorte, place le gouvernement sous son autorité. Celui-ci devra prescrire le bien, interdire le mal, promouvoir la vertu, éradiquer la corruption, assurer la justice sociale et organiser les cinq prières musulmanes quotidiennes. Selon le texte de l’amendement, la loi coranique devra être appliquée “quelles que soient les autres dispositions de la constitution, les autres lois ou jugements en cours de justice” et aucune autre loi ne pourra être en contradiction avec elle. Mais, selon l’argumentation de l’opposition, cette apparente soumission à la loi religieuse pourrait bien être, pour le premier ministre, une façon de vider de leur substance le pouvoir législatif et judiciaire et d’instaurer plus facilement un pouvoir dictatorial.
Bien qu’avant le vote, le premier ministre ait supprimé du projet deux mesures prévoyant, l’une la possibilité de légiférer par ordonnance, l’autre la faculté de modifier la constitution à la majorité simple, la lutte des opposants a été extrêmement vigoureuse jusqu’au dernier moment. Lors du vote final, ces derniers scandaient ensemble les cris “Honte ! Honte Un certain nombre de partis politiques avaient rejoint les représentants des minorités dans leur résistance. Khurshid Ali Shah, membre du Parti du peuple pakistanais (PPP) de l’ancien premier ministre Benazir Bhutto, a affirmé que cet amendement allait “détruire” la “base même” de la constitution et donner au gouvernement des pouvoirs “dictatoriaux“. Même le parti islamique, Jamiat Ulema Islam, a exprimé des “réserves” sur l’amendement tout en soulignant qu’il était pour l’application de la Sharia. En général, l’opposition politique insiste sur le caractère rétrograde et anti-démocratique de la nouvelle loi.
Beaucoup d’observateurs pensent que cette loi va encore faire grandir l’insécurité dans laquelle vivent les minorités religieuses. Elles sont déjà sous la menace permanente de la loi anti-blasphème punissant de mort quiconque est convaincu d’avoir blasphémé le prophète ou le coran, loi très souvent utilisée dans les disputes personnelles entre musulmans et non-musulmans. L’avocate Asma Jahangir prévoit, par exemple, que “cette loi donnera licence aux extrémistes d’exploiter et d’asservir les minorités“.
Dans un communiqué publié le 10 octobre, la commission épiscopale “Justice et paix” s’est vivement élevée contre la loi qui, selon elle, “provoquera surement la mort du système politique actuel“. Le texte de la commission fait cependant remarquer que, déjà, beaucoup de dispositions d’inspiration islamique existaient dans la constitution et les lois actuelles. Après les 14 amendements qui l’ont corrigée, la constitution stipule que l’islam est la religion d’Etat, que le chef d’Etat doit être un musulman, qu’aucune loi contraire à l’islam ne peut être appliquée et qu’un tribunal fédéral de la Sharia est habilité à invalider de telles lois. Le communiqué fait même remarquer qu’une loi de 1991 avait déjà fait de la Sharia, la loi suprême du pays.