Eglises d'Asie

L’agitation socio-politique qui fait suite à l’arrestation du vice-premier ministre pourrait renforcer le mouvement islamiste

Publié le 18/03/2010




La crise politique et sociale ouverte en Malaisie sur fond de crise économique par la démission forcée, puis l’arrestation du vice-premier ministre Anwar Ibrahim, a pris une tournure dramatique le 27 septembre, quand Anwar Ibrahim a été présenté devant le tribunal fédéral de Kuala Lumpur, manifestant des traces de mauvais traitements physiques. La crédibilité du gouvernement de Mohammad Mahathir, le premier ministre, en est sortie très affaiblie.

Jusque-là, les observateurs estimaient que le mouvement de « reformasi » (réforme) lancé par Anwar Ibrahim avant son arrestation ne résisterait pas à son éloignement de la scène politique, et à celui de la plupart des dirigeants arrêtés en même temps que lui. Ce mouvement est soutenu en effet par des groupes disparates aux intérêts divergents dont le seul point commun est l’opposition farouche à l’administration de Mahathir. Contrairement aux prévisions des observateurs, le mouvement de « reformasi » ne s’est pas défait et les manifestations populaires continuent dans la capitale, Kuala Lumpur, et dans d’autres grandes villes de Malaisie.

Il n’est pas certain pour autant que les groupes militants rassemblés par Anwar Ibrahim, y compris ses fidèles, membres de l’UMNO (United Malays National Organisationsoient en mesure de tirer profit des sentiments anti-gouvernementaux qui s’expriment de plus en plus ouvertement dans la société malaisienne. Ceux qui militent à l’UMNO ont été marginalisés à la suite de l’arrestation de leur chef, et les autres groupes militants comme SUARAM, un groupe de défense des droits de l’homme, n’ont que peu d’impact sur la communauté malaise, musulmane et rurale. Ils recrutent plutôt leurs partisans dans les classes moyennes des villes.

Paradoxalement, le groupe le mieux placé pour profiter de la crise politique présente et du mouvement de « reformasi » pourrait être le PAS (Parti Islam), islamiste et conservateur, dont le but avoué est d’instaurer en Malaisie un Etat islamique. Ce parti d’opposition possède en effet la structure et l’organisation nécessaires qui manquent aux amis d’Anwar Ibrahim. Avec deux autres partis politiques, le Parti Rakyat, laïque et multiracial, le DAP (Democratic Action Party) à dominante chinoise, et une douzaine d’organisations non gouvernementales, musulmanes pour la plupart, il a formé le Mouvement populaire malaisien pour la justice. Le 27 septembre, devant le quartier général du PAS, ce mouvement a organisé une manifestation rassemblant 20 000 personnes. L’un après l’autre, les orateurs ont dénoncé la loi de sécurité interne qui a permis l’arrestation d’Anwar Ibrahim, sous les cris de « Allahhu Akbar » (Dieu est grand). Selon un observateur politique de Kuala Lumpur, « il est clair que la très grande majorité des personnes présentes à la manifestation étaient des militants du PASIl ajoute : « Cette crise va apporter au parti un soutien populaire qu’il n’avait pas imaginé au départ

L’itinéraire personnel et politique d’Anwar Ibrahim depuis vingt ans le rend certainement plus sympathique aux conservateurs musulmans que le premier ministre Mohammad Mahathir. Anwar Ibrahim a commencé sa vie publique en devenant, dans les années 70, le dirigeant le plus en vue d’ABIM, organisation musulmane de jeunesse. Il a ensuite longtemps fréquenté les cercles politiques proches du PAS, avant de se laisser convaincre d’entrer dans l’UMNO, parti malais au pouvoir depuis l’indépendance. Aujourd’hui encore, tout en défendant des idées démocratiques et libérales, il apparaît comme un musulman pieux, et ses appels à la réforme trouvent du répondant dans la communauté islamique. En contraste, le premier ministre Mahathir irrite depuis longtemps les musulmans. A plusieurs reprises au cours de ces dernières années, au nom de la modernité, il s’en est pris au conservatisme musulman et à une certaine forme de pratique islamique qu’il juge extrémiste et hypocrite.

Apparemment conscient du danger, le gouvernement a prévenu les amis d’Anwar Ibrahim contre la tentation d’utiliser les mosquées pour faire passer leur message anti-gouvernemental. De son côté, un quotidien proche du gouvernement, « Utusan Malaysiase lamente sur le danger de division « qu’un groupe de théologiens fait peser sur la communauté malaise musulmane en jetant de l’huile sur le feu

Les dirigeants de l’UMNO rejettent la possibilité d’une division profonde parmi les adhérents du parti gouvernemental et l’éventualité d’un succès du PAS aux prochaines élections qui doivent se dérouler avant avril 2000. Une récente défaite de l’UMNO dans une circonscription qui lui avait toujours été favorable, à Arau dans l’Etat du Perlis, entretient cependant le doute.

Depuis l’indépendance, le soutien de la communauté musulmane malaise qui forme 50% de la population a toujours été crucial pour les gouvernements qui se sont succédé. La Malaisie a 21 millions d’habitants. 50% sont musulmans et d’origine malaise, 34% d’origine chinoise, 7% d’origine indienne, 9% d’origine aborigène, eurasienne ou autre. Les chrétiens appartiennent essentiellement aux minorités chinoise, indienne et aborigène.