Eglises d'Asie

Les principaux dirigeants des Eglises protestantes dites “domestiques” ont lancé un appel solennel au gouvernement pour que la persécution religieuse cesse

Publié le 18/03/2010




Dans un document sans précédent, daté du 22 août 1998, les principaux dirigeants de dix grandes Eglises protestantes dites “domestiques” lancent un appel solennel au gouvernement chinois et lui demandent de faire cesser la persécution dont elles sont les victimes. Le document a été préparé et publié dans la province du Henan qui est, depuis longtemps, le centre du mouvement des Eglises “domestiques” qui se mutiplient aujourd’hui dans toutes les provinces de Chine.

Les Eglises dites “domestiques” refusent l’autorité du Mouvement des trois autonomies et du Conseil chrétien de Chine qu’elles estiment être à la solde du Parti communiste chinois. N’étant donc pas officiellement enregistrées, ces Eglises, d’origine évangélique pour la plupart, organisent leurs rassemblements dans des maisons privées. Le Mouvement des trois autonomies est l’équivalent protestant de l’Association patriotique des catholiques chinois. Les Eglises “domestiques” protestantes sont depuis trois ans, avec l’Eglise catholique “clandestine”, les cibles privilégiées de la répression religieuse du régime (1).

L’appel lancé par leurs principaux dirigeants demande l’abrogation des règlements religieux répressifs et la libération de tous les chrétiens détenus dans les camps de travail. Le document demande aussi aux autorités gouvernementales d’accepter la réalité: selon eux, en effet, les membres des Eglises “domestiques” sont huit fois plus nombreux que ceux qui acceptent la tutelle du Mouvement des trois autonomies. Ces derniers sont au nombre de dix millions selon les statistiques officielles. Même si les chiffres donnés par les dirigeants des Eglises “domestiques” sont artificiellement gonflés (2), beaucoup d’observateurs estiment cependant que les chrétiens “domestiques” sont beaucoup plus nombreux que les chrétiens protestants “officiels”.

Les Eglises “domestiques” signataires de l’appel sont nommées dans le document. On y trouve les Eglises charismatique, pentecôtiste, luthérienne et baptiste, en même temps que des groupes plus récents d’origine chinoise comme “Le petit troupeau” et les “Re-nés”.

Le document demande encore au gouvernement de clarifier officiellement ce qu’il entend par “culte”. Les autorités s’en prennent en effet souvent à des groupes évangéliques orthodoxes qui refusent de se faire enregistrer sous l’autorité du Mouvement des trois autonomies, sous prétexte qu’ils seraient extrémistes et dangereux pour la société. Les dirigeants des Eglises “domestiques” demandent donc aux chefs du Parti communiste d’entrer en dialogue avec eux afin de rechercher la réconciliation et de diminuer la confrontation.

Cet appel solennel apparaît comme une initiative importante destinée à attirer l’attention internationale sur la sévère répression sublie par les Eglises “domestiques” au cours de ces dernières années. Il manifeste aussi le degré de maturité atteint par le mouvement des Eglises “domestiques” qui couvre un large éventail d’options théologiques. Jusqu’à présent, et depuis de nombreuses années, les divisions et les querelles théologiques du mouvement l’avaient empêché de s’organiser face à la volonté répressive de l’Etat. Aujourd’hui, le mouvement des Eglises “domestiques” semble déterminé à acquérir une plus grande visibilité tant en Chine que sur la scène internationale afin de mieux se défendre contre la persécution.

Il faut noter aussi un certain changement d’attitude des dirigeants des Eglises “domestiques” en ce qui concerne le Mouvement des trois autonomies. Jusqu’à présent, ils étaient vigoureusement hostiles à l’Eglise reconnue par l’Etat. Le document qui vient de paraître semble prendre une attitude plus pragmatique. Tout en maintenant que les Eglises du Mouvement des trois autonomies sont coupables de déviations sérieuses en matière spirituelleet que le Mouvement des trois autonomies n’a aucun titre pour représenter les Eglises chrétiennes de Chine, les auteurs du document reconnaissent que les Eglises sous la tutelle du Mouvement des trois autonomies constituent une “confession chrétienne” et sont donc toutes, avec les Eglises “domestiques”, membres du courant principal du christianisme chinois

Il n’est pas sûr que ce début d’ouverture provoque une réaction positive de la part du gouvernement ou du Mouvement des trois autonomies. Depuis trois ans, les autorités ont intensifié une campagne pour obliger les Eglises “domestiques” à se faire enregistrer et à s’aligner derrière le Mouvement des trois autonomies. Celles qui refusent sont fermées de force. Il est possible que ce soit le désespoir qui ait amené les dirigeants des Eglises “domestiques” à rendre publique cette initiative audacieuse et sans précédent. En Chine même, les Eglises “domestiques” indépendantes ont le dos au mur, et, à l’étranger, certaines organisations évangéliques sont devenues de plus en plus favorables au Mouvement des trois autonomies. On peut estimer que la stratégie gouvernementale du Front uni, destinée à isoler les Eglises “domestiques” et à diviser les organisations évangéliques de l’étranger, a été un succès remarquable.

On peut espérer tout de même que les autorités chinoises écouteront cet appel des chrétiens “domestiques”. En dépit des pressions qu’ils continuent de subir en Chine, leurs dirigeants manifestent une grande maturité dans leur réflexion chrétienne. Leur document se termine par une profession de foi : Le mouvement chinois des Eglises domestiques est le canal par lequel la bénédiction divine arrive en Chine. La persécution des enfants de Dieu obstrue ce canal de bénédictions. Nous espérons que le gouvernement répondra positivement à cette déclaration des Eglises domestiques