Eglises d'Asie

L’opposition garde bon espoir que le sénat repoussera le projet de renforcement de la loi islamique, malgré les pressions exercées sur lui

Publié le 18/03/2010




Le 9 octobre dernier, le projet d’amendement constitutionnel qui devrait permettre au gouvernement de faire appliquer la Sharia dans tout le pays a facilement recueilli les deux tiers des voix du parlement. Cependant l’adoption par le sénat de ce 15ème amendement à la constitution de 1973 s’annonce beaucoup plus ardue. Beaucoup d’observateurs pensent même que, selon toute probabilité, il devrait être repoussé, si aucun élément nouveau n’entrait en ligne de compte.

C’est sans doute la raison pour laquelle, depuis quelque temps, le premier ministre, Nawaz Sharif, se déplace un peu partout dans le pays et, avec beaucoup de chaleur, encourage la population à faire pression sur le corps sénatorial pour obtenir de lui un vote favorable à ses desseins. Le 8 novembre dernier, dans un meeting qui a eu lieu à Swat Valley, dans la province de la frontière du nord-ouest, le chef de l’exécutif s’est même exclamé devant la foule : « Si les sénateurs votent contre le projet, vous les punirez. Vous devez les forcer à l’accepterIl a réitéré la même invitation quelques jours plus tard, le 13 novembre, à Abottabbad, à 60 km au nord d’Islamabad où il a affirmé publiquement que des mesures seraient prises contre les sénateurs récalcitrants. Ailleurs, à Issakhel, il a déclaré que le Sénat ne pouvait se soustraire à l’obligation de faire sienne l’exigence unanime des 140 millions d’habitants du Pakistan.

Les appels du premier ministre ont trouvé un écho très favorable au sein de certains mouvements religieux intégristes, en particulier chez les dirigeants du « Jamat Ahle Sunnat Pakistan » (JASP). Ce sont eux qui ont organisé la manifestation qui a eu lieu le 18 novembre à Islamabad, la première depuis l’adoption du projet de loi par les députés. Des milliers de personnes, transportées en voiture depuis Rawalpindi, selon des témoins, ont marché sur le parlement, réclamant l’application de la Sharia. Dans leurs discours, les dirigeants de la JASP ont affirmé que le sénat devrait être aboli s’il n’adoptait pas la loi d’islamisation du Pakistan. La police s’est montrée particulièrement discrète et les manifestants se sont finalement dispersés sans désordre.

Du côté de l’opposition, on a pourtant bon espoir que la sérénité du Sénat ne se laissera pas entamer par les pressions et menaces exercées sur elle. C’est ce que pense par exemple Shebaz Bhatti, dirigeant du Front de libération chrétienne, qui a confié : « Nous sommes sûrs que le premier ministre ne pourra obtenir les deux tiers des voix du sénat dont il a besoinDans un communiqué publié le 22 novembre, il s’est déclaré convaincu que quarante des 87 sénateurs de la chambre haute du pays avaient décidé de s’opposer à l’adoption de la loi proclamant le Coran et la Sunna, lois suprêmes du pays. Il avait acquis cette conviction, a-t-il ajouté, à la lecture des réponses des sénateurs aux lettres qu’il leur avait adressées pour leur demander leurs opinions.

Aujourd’hui, l’opposition au projet dépasse largement les milieux des minorités religieuses. Dans ses rangs, on trouve aussi des militants des droits de l’homme, des médias privés, des partis de l’opposition politique, et même des dirigeants d’associations musulmanes fondamentalistes. L’un d’entre eux, Gulzar, principal de lycée, a ainsi résumé la position des parties en présence après la manifestation de Swat Valley : « Le premier ministre utilise toutes sortes de manigances pour forcer la population à faire pression sur les sénateurs ; mais celleci ne donne aucun signe qu’elle est convaincue par ses paroles. En réalité elle ne s’intéresse pas à ce projet ; son souci est la hausse des prix. Mais le premier ministre n’a pas de solution pour ce problème« .