Eglises d'Asie

Selon un religieux belge, il ne faut pas exagérer les différences entre l’Eglise “ouverte” et l’Eglise souterraine

Publié le 18/03/2010




Religieux scheutiste, le P. Frans De Ridder, qui a déjà effectué six voyages en Chine continentale au cours des cinq dernières années, a animé pendant le mois d’octobre 1998, une session de formation de directeurs spirituels de séminaire à Wuhan, dans la province de Hubei. A son retour de Chine, de passage à Singapour, le prêtre a rendu compte de son expérience à la maison franciscaine de la prière et de la formation, devant un public de religieux et de laïcs.

Le P. De Ridder a brièvement présenté la session de formation à laquelle il avait participé. Elle réunissait 36 participants originaires de plus de 20 séminaires du centre et du sud de la Chine. Tous ont manifesté un sentiment aigu de la responsabilité qu’ils assumaient, en prenant en charge la formation spirituelle du clergé chinois pour le 21ème siècle, un clergé dont le nombre est en très forte progression : depuis la réouverture des séminaires dans les années 1980, déjà plus de 1 000 jeunes prêtres ont été ordonnés et 1 500 séminaristes sont actuellement en formation dans tout le pays.

Le religieux s’est ensuite longuement étendu sur la situation générale de l’Eglise de Chine. A ce sujet, en dehors de Chine, on pose communément cette question : Les catholiques du continent appartiennentils à l’Eglise officielle“, ou à l’Eglise souterraine“? Poser la question dans ces termes laisse penser qu’il y a deux Eglises en Chine, ou qu’il y a une espèce de schisme en son sein. Rien de plus loin de la vérité, a fait remarquer le P. De Ridder. Dans le domaine de la doctrine et de la foi, il n’y a pas le moindre problème. Tous les prêtres et tous les évêques en Chine sont validement ordonnés. Ce qui signifie que tous les catholiques chinois ainsi que les visiteurs peuvent recevoir les sacrements quelle que soit l’église où ils sont, qu’elle soit administrée par des prêtres de l’Eglise officielle ou par une communauté souterraine. Il faut aussi savoir que 80 % des évêques appartenant à l’Eglise officielle ont été reconnus légitimes et sont donc en pleine communion avec le pape. Que peuvent donc signifier alors les appellations “Eglise officielle” ou “Eglise patriotique”, s’est alors demandé le religieux scheutiste. Il a conclu en affirmant que de, nos jours, il est sans doute plus adéquat de parler d’Eglise “ouverte” ou encore d’Eglise “enregistrée auprès du gouvernement”.

Depuis 1978, l’Eglise est autorisée à exercer sa fonction ouvertement et de plus en plus de propriétés et de biens lui sont rendus. Beaucoup de grands séminaires reçoivent une aide substantielle du gouvernement pour la formation des prêtres. Le nombre des catéchumènes est aujourd’hui immense et les bâtiments actuels sont la plupart du temps trop petits pour accueillir la foule des fidèles venant participer aux offices dominicaux.

Pour des raisons historiques, selon le P. De Ridder, un groupe relativement important d’évêques et de prêtres refuse de devenir membre de l’Eglise ouverte. Des craintes, de la suspicion, des souvenirs douloureux les poussent à rester “souterrains”. Quelquefois, le gouvernement connaît ces activités souterraines et s’efforce de les ignorer en fermant les yeux sur elles. Par ailleurs, des opérations de police sont menées contre certains évêques et prêtres : les peines de prison sont alors loin d’être rares. Cependant, a ajouté le religieux, on a parfois l’impression que certains membres de l’Eglise souterraine provoquent le gouvernement dans l’espoir d’être mis en prison et de justifier ainsi leur qualité de clandestin. Mais, dans beaucoup de cas, groupes ouverts et souterrains vivent dans une coexistence pacifique. Ailleurs, il y a rivalité ouverte, hostilité et jalousie, parce qu’un plus grand nombre de fidèles participent aux offices de l’Eglise souterraine.

Le P. De Ridder a ajouté qu’il éprouvait de la peine en entendant certains prêtres de l’Eglise souterraine affirmer aux paroissiens ignorants qu’ils commettaient un péché mortel en allant recevoir les sacrements dans l’Eglise ouverte. D’après lui, cette attitude sape le prestige que l’Eglise souterraine s’est acquise par son long passé de fidélité à l’Eglise et au pape, en dépit de la persécution.

En ce domaine, le Saint-Siège qui, aujourd’hui, préconise la réconciliation des deux groupes a fait un long chemin. Dans le passé, il a ouvertement soutenu l’Eglise souterraine et désapprouvé l’Eglise ouverte. Pourtant, lors de la révolution culturelle (de 1966 à 1976), beaucoup de prêtres et évêques qui avaient opté pour l’Eglise ouverte ont été considérés par les gardes rouges comme des capitalistes et des révisionnistes. Personne aujourd’hui ne peut dire qui a souffert le plus.

Pour certains observateurs interrogés par Eglises d’Asiele P. De Ridder ne prend pas suffisamment en compte les souffrances présentes de l’Eglise clandestine et la répression qui les affecte dans des régions qu’il connaît sans doute moins bien

D’après le religieux scheutiste, c’est un fait qu’aujourd’hui, de plus en plus, prêtres et évêques viennent rejoindre l’Eglise ouverte. Ce n’est plus un secret pour personne qu’un groupe relativement important de séminaristes en formation dans des séminaires “ouverts” où ils bénéficient des aides de l’Etat sont issus de l’Eglise souterraine. Cette formation commune des candidats au sacerdoce des deux groupes, jointe à la prière et à l’eucharistie communes, est selon le P. De Ridder une des meilleures manières de préparer l’avenir de l’Eglise en Chine.

Le P. De Ridder est aussi recteur du Collège chinois à Louvain, où des prêtres et des séminaristes viennent approfondir leur spiritualité et améliorer leurs compétences en matière de pastorale et de gestion.