Eglises d'Asie – Chine
Hongkong : deux affaires mettent en relief les menaces qui pèsent sur l’indépendance du pouvoir judiciaire
Publié le 18/03/2010
La seconde affaire avait en réalité commencé le 29 janvier avec la décision de la Cour de dernier appel de Hongkong considérant que tout enfant chinois ayant un parent résidant légalement à Hongkong avait également le droit de résider sur le territoire. Cette décision était surtout destinée à régler la situation d’enfants nés en Chine avant que leurs parents n’aient obtenu une carte de résidence à Hongkong, ou nés hors du mariage. La législation précédente réservait ce droit de résidence aux enfants nés de parents qui, au moment de leur naissance, bénéficiaient d’un statut de résidant à Hongkong. La sentence du tribunal, qui pourrait permettre à 320 000 enfants du continent de rejoindre Hongkong, a particulièrement irrité les autorités chinoises car elle entend se placer au-dessus des lois votées par le parlement chinois, en particulier, celle qui prévoit l’obligation de demander un visa de sortie pour immigrer à Hongkong, disposition dénoncée explicitement par le tribunal comme non conforme à la loi fondamentale, cette sorte de mini-constitution de Hongkong.
Cette manifestation d’indépendance du pouvoir judiciaire de Hongkong a été aussitôt exaltée par les démocrates du territoire, comme Martin Lee, qui y voit une magnifique occasion de tester la possibilité de réalisation du principe « un pays, deux systèmes« . La réaction des autorités du continent a été foncièrement différente. Le 8 février, le directeur du bureau d’information du Conseil d’Etat chinois, Zhao Qizheng, a qualifié le jugement du tribunal de Hongkong, d’erreur allant à l’encontre de la Loi fondamentale. Plus tard, il a encore souligné : « C’est une affaire très grave. Cette décision doit être modifiéeLe 9 février, le « China Daily » commentait la décision des juges de Hongkong en disant qu’elle défiait gravement l’autorité de l’Assemblée nationale populaire, le parlement chinois.
Depuis, la controverse se poursuit et les déclarations se succèdent. Emily Lau, dirigeante d’un parti de l’opposition, reconnaît qu’il s’agit là de la crise la plus importante survenue à Hongkong depuis la rétrocession et appelle les deux parties au calme. Elle soutient cependant qu’il ne faut pas permettre que soit affaibli le pouvoir du tribunal de dernier appel. C’est avec beaucoup plus de prudence que réagit le chef de l’exécutif, Tung Chee-hwa, qui, dans un communiqué, s’affirme confiant, persuadé que l’affaire sera réglée sans attenter à l’indépendance accordée à Hongkong par la loi fondamentale.
L’autre affaire avait précédé les critiques du Conseil d’Etat chinois contre la décision du tribunal de Hongkong. La controverse avait été lancée le 4 février par une décision prise par la secrétaire à la Justice, Elsie Leung. Celle-ci arrêtait les poursuites judiciaires engagées contre une propriétaire de médias de la zone administrative spéciale, Sally Aw Sian, impliquée comme complice dans une affaire de fraude. La secrétaire à la Justice après avoir fait état de l’absence de preuve contre Mme Aw, avait ajouté qu’il n’était pas de l’intérêt public de poursuivre en justice la présidente d’une entreprise de telle importance. Ces poursuites, selon elle, risqueraient d’entraîner une perte de confiance pour la compagnie dont Sally Aw est propriétaire, et pourraient même provoquer la faillite de l’entreprise déjà très endettée, avec comme conséquence la perte de 1 400 emplois à Hongkong et 500 dans les environs.
La décision, et la justification qui en a été donnée, ont aussitôt provoqué une tempête de protestations dans les milieux libéraux. Beaucoup se sont dits sidérés par une décision qui fragilise la loi, pierre de touche d’une société libre et ouverte. Beaucoup qui s’étaient réjouis de l’indépendance affichée par le pouvoir judiciaire lors de la décision concernant les enfants nés de parents chinois, ont vu dans cette grossière intervention de l’administration, un retour en arrière et une menace nouvelle contre l’indépendance de la justice. Un professeur de droit à l’université de Hongkong a même suspecté le département de la justice d’avoir subi des pressions de l’administration et d’y avoir cédé.