Eglises d'Asie

Pékin : dix mille manifestants, adeptes du « Qigong », ont pris les autorités par surprise et semé l’inquiétude dans les cercles dirigeants

Publié le 18/03/2010




A l’aube du 25 avril, dix mille manifestants se sont massés dans un silence impressionnant aux portes du quartier Zhongnanhai, très surveillé, de Pékin où les principaux dirigeants du pays vivent et travaillent. C’est la plus importante manifestation populaire qui ait eu lieu dans la capitale depuis les protestations étudiantes du printemps 1969 qui avaient abouti à la répression sanglante de la place Tiananmen. Le soir venu, les manifestants ont quitté les lieux tout aussi soudainement qu’ils y étaient apparus, sans que les forces de police n’interviennent.

Disciples d’une école de qigong, les manifestants demandaient la reconnaissance officielle de leur groupe. Le qigong est un enseignement traditionnel chinois selon lequel l’énergie humaine peut être cultivée par une discipline comparable à celle du yoga. Cette énergie peut ensuite être dirigée vers la guérison des maladies, les siennes et celles des autres. Quand elle est vraiment maitrisée, elle permettrait même de voler dans les airs.

L’école particulière, dont les disciples ont manifesté à Pékin le 25 avril, dans une discipline inquiétante, a été fondée au début des années 90 par Li Hongzhi, maître de qigong, et se dénomme « La loi bouddhiste ». Le fondateur vit aujourd’hui aux Etats-Unis où il a été obligé de s’exiler en 1998, sous la pression du gouvernement chinois. Les autorités lui reprochaient sa popularité auprès des étudiants qu’il rassemblait quelquefois par milliers. Le groupe revendique aujourd’hui cent millions d’adhérents. Les autorités chinoises parlent plutôt de 70 millions, ce qui de toute façon n’est pas négligeable.

Dans la mesure où une grande majorité de Chinois de toutes affiliations religieuses croit plus ou moins aux vertus du qigong, il est difficile de mesurer l’influence exacte d’une école comme celle de « La loi bouddhiste » qui promet aux adhérents une vie morale, saine et couronnée par l’illumination bouddhiste.

Ce qui semble inquiéter les autorités chinoises, c’est que dix ans après le mouvement étudiant pro-démocratique de Tiananmen, la contestation provienne de milieux dont elles ne l’attendaient pas. Autant le gouvernement est bien préparé à réprimer les nombreux mouvements sociaux, syndicaux ou politiques qui restent strictement sous surveillance, autant il ne l’est guère face à des mouvements populaires d’ordre « spirituel » qui semblent avoir une organisation très informelle, d’autant plus difficile donc à contrôler. La facilité avec laquelle les dix mille manifestants ont réussi à se rassembler, sans qu’apparemment personne ne s’en rende compte jusqu’au dernier moment, dans l’un des lieux les plus surveillés de Chine, est aussi un autre sujet plus immédiat de préoccupation pour les autorités.

Par ailleurs, les dirigeants chinois ne sont pas sans connaître l’histoire de leur pays et se souviennent que, dans le passé, à maintes reprises, des mouvements « mystiques » de cette nature ont proliféré dans les temps de trouble quand les gens étaient perturbés par des changements politiques soudains. Assez souvent, ces mouvements devenaient violents quand le pouvoir essayait de les réprimer.

Le 27 avril, les autorités chinoises ont déclaré qu’elles prendraient en compte les griefs de « La loi bouddhiste ». Un porte-parole du Conseil d’Etat a déclaré : « Le gouvernement n’a jamais interdit les diverses activités liées au qigong. Par conséquent tous les problèmes s’y rapportant peuvent être résolus par les canaux ordinaires