Eglises d'Asie

La junte militaire met en oeuvre de nouvelles tactiques contre les minorités karen et karenni

Publié le 18/03/2010




Au retour d’une visite à la frontière thaïlandaise avec la Birmanie, du 26 avril au 1er mai, la baronne Caroline Cox, représentante du CSW (Christian Solidarity Worldwide) (1), a confirmé que les peuples Karen et Karenni continuent de subir de graves violations de leurs droits fondamentaux de la part de la junte militaire au pouvoir à Rangoun. Destructions de villages, incendies des récoltes, abattages de bétail, installations de mines anti-personnel dans les champs et près des maisons, assassinats de civils innocents sont plus que jamais à l’ordre du jour. Un garçon, âgé de seize ans, a déclaré avoir vu toute sa famille mourir dans l’incendie de leur maison. Par ailleurs, des villageois chrétiens sont aujourd’hui forcés de payer et de travailler à la construction de temples bouddhistes. Ils ont peur qu’à terme ils soient aussi obligés sous menace de torture et de mort de les fréquenter.

Une nouvelle unité spécialisée de l’armée birmane, le « Sone-san Sit-hsay-yay » ou « Sa-Sa-Sa« , a commencé d’utiliser de nouvelles tactiques de terreur contre les Karens. Des réfugiés ont donné des détails sur les opérations menées par ces unités spécialisées dans l’assassinat et la terreur, et dont le quartier général est installé dans les villes de Kyaukkyi et Shwe Kyin, Division de Bago, à l’est de Rangoun. Opérant par petits groupes de cinq à sept personnes, ils sont surnommés « les soldats en pantalons courts » par les Karens parce qu’ils portent une tenue de camouflage, des pantalons courts et quelquefois le « sarong » traditionnel. Quand leurs activités ont commencé, en octobre 1998, ils ont annoncé aux villageois qu’ils avaient la permission de tuer dix personnes par mois. Quand ils entrent dans un village, ils commencent par exiger que tous les chiens soient abattus, de manière à ce que leurs déplacements nocturnes ne soient pas gênés. Quand les villageois refusent d’abattre les chiens, les soldats le font eux-mêmes et font payer la balle aux propriétaires à raison de 500 kyats l’unité (trois francs environ).

Ces unités spécialisées ne se déplacent jamais avec leurs propres rations : les villageois sont forcés de leur fournir le riz, la viande et de l’argent liquide. Ils ont aujourd’hui des camps dans tous les villages aux alentours des villes de Kyaukkyi et de Shwe Kym. Les rapports sur les atrocités commises par ces militaires sont très nombreux et parlent habituellement de tortures, d’assassinats et de mariages « forcés ». L’une de ces unités, commandée par un certain Shan Pu, a arrêté deux hommes (Saw Aye et Kazer Ko Po, respectivement âgés de 40 et 36 ans) dans le camp de réfugiés de Yan Myo Aung, les a exécutés et décapités avant d’exposer leurs têtes à l’entrée du village de Thit Chart Seik. On a ensuite obligé les villageois, y compris les enfants de l’école primaire, à venir regarder le spectacle. Les villageois surpris à écouter la BBC (British Broadcasting Corporation) ou d’autres programmes de radios étrangères sont susceptibles d’être mis à mort.

Dans l’Etat karenni voisin, presque toute la population des villages a été déplacée par la force. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été obligées de se réfugier dans des camps de Thaïlande. Plusieurs dizaines de milliers d’autres continuent de vivre dans des conditions très dures à l’intérieur des camps dits de « replacement » où beaucoup meurent de maladies ou de faim. Enfin, un certain nombre de Karennis ont fui leurs villages et se cachent dans la jungle. S’ils sont découverts, ils sont exécutés. Il leur est donc très difficile de survivre en s’adonnant à un peu de culture. Les autres Karennis vivent sous surveillance très stricte dans les villes.

Autant les Karennis que les Karens subissent plus que tout le monde la politique de travail forcé et de portage militaire imposée par les troupes birmanes. Beaucoup meurent de malnutrition et de maladie. Ils sont exécutés quand ils deviennent trop faibles pour travailler. Dans un rapport de 900 pages, soumis à l’Organisation internationale du travail, la Confédération internationale des syndicats libres vient récemment de stigmatiser une fois encore la politique de travail forcé appliquée par la junte militaire depuis plusieurs années. Le rapport identifie plusieurs responsables militaires coupables d’imposer cette nouvelle forme d’esclavage dans les territoires qu’ils contrôlent. Il estime aussi que 800 000 personnes sont affectées en Birmanie par cette politique : « En permettant au travail forcé de s’étendre sans fin, la clique militaire du Myanmar continue de traiter toute la population du pays comme un réservoir inépuisable de main d’oeuvre gratuite. En ce faisant, elle traite l’Organisation internationale du travail et ses conventions avec le mépris le plus totalL’organisation appelle donc ses membres des pays de l’Asean à demander que l’on boycotte une réunion des ministres du Travail qui devait avoir lieu à Rangoun à la mi-mai.