Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUEdu 1er mars au 30 avril 1999
Publié le 18/03/2010
Le 14 avril, à 11 heures 12, la déesse Montéar Dévi, chevauchant le Lapin, a pris possession du pays. Contrairement aux habitudes, presqu’aucun coup de feu n’a été tiré pour saluer l’arrivée de la divinité tutélaire de l’année, ce qui est une réelle victoire des autorités dans le contrôle de la population. Cette divinité aimant le lait de vache, l’année s’annonce donc sous de très bons auspices. Acceptons-en l’augure. Les fêtes du Nouvel an Cambodgien (14-17 avril), qui correspondent un peu, sur le plan affectif, à Noël pour des Occidentaux, a été fêté avec une liesse inhabituelle. Trois jours d’insouciance, durant lesquels la population a pu flâner où elle voulait, notamment à Angkor, au Phnom Kulen, à Sihanoukville et ailleurs, sans crainte de la guerre. De nombreux accidents de circulation, nouveau fléau rançon du développement, ont endeuillé pour certains, les festivités. La Nina, phénomène météorologique parallèle au Nino de l’an passé, fait ressentir ses effets au Cambodge par les pluies diluviennes qui s’abattent sur le pays avec deux mois d’avance.
Même si beaucoup de choses vont mal au Cambodge (corruption, violations répétées des droits de l’homme par l’armée et la police, impunité des puissants, absence presque totale de système judiciaire, exploitation des pauvres par les capitaux étrangers, pas ou peu d’accès des pauvres à l’éducation et à la santé, etc.), on commence cependant à voir apparaître des frémissements de signes d’espoir. Depuis cinq mois, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions qui vont dans le bon sens : arrêt de la déforestation, projets de lois sur la propriété foncière, re-collectivisation des lots de pêche, perspective de jugement pour les chefs khmers rouges, etc.
Mais Hun Sen a-t-il les moyens de sa politique, a-t-il le contrôle sur les tout-puissants seigneurs de guerre? L’évolution du pays durant les prochains mois répondra à cette question. Certes, les autorités cambodgiennes sont sérieusement invitées à mettre en pratique les réformes votées. Les instances internationales, réunies à Tokyo les 25-26 février dernier, ont établi un « mécanisme de contrôle » chargé de vérifier tous les trois mois l’avancée des réformes. C’est un sérieux motif d’espoir, à condition que les pays donateurs respectent leurs engagements.
L’activité politique
C’est dans le sillage de la réunion du « Groupe consultatif » et de l’installation du « mécanisme de contrôle » que doit se lire une grande partie de l’activité politique du Cambodge durant les deux derniers mois. Le premier ministre Hun Sen affirme qu’il démissionnera si les réformes ne sont pas réalisées dans les deux ans à venir. Il fait de la lutte contre la corruption sa nouvelle priorité. Pour montrer sa bonne foi, dès son retour à Phnom Penh, il ordonne la fermeture immédiate du casino illégal installé dans l’hôtel Intercontinental, propriété du milliardaire Teng Bunma (pourtant un de ses fidèles), il enjoint au général Ke Kim Yan, commandant en chef des FARC (Forces armées royales du Cambodge), de mettre un terme à l’exploitation forestière illégale par les militaires dans les trois mois.
La vie parlementaire
Lentement, mais progressivement, les structures d’un Etat de droit se mettent en place.
Création du sénat
Suite aux accords passés en novembre dernier pour débloquer la crise politique, et préalable nécessaire à l’entrée du Cambodge dans l’Asean, le sénat voit officiellement le jour le 4 mars 1999 par un vote de l’Assemblée nationale, avec 106 voix sur 111 (5 contre, 11 absents). 10 des 14 chapitres de la constitution ont dû être amendés, un nouveau chapitre ajouté. Le 9 mars, le roi incorpore officiellement la loi sur le sénat dans la constitution du royaume. Les sénateurs seront au nombre de 59, ils devront avoir plus de quarante ans, bénéficieront de l’immunité parlementaire, seront élus selon un mode de scrutin indirect pour un terme de 5 ans (les premiers sénateurs seront nommés par les partis représentés à l’Assemblée nationale pour 6 ans). Le sénat examinera en deuxième lecture les textes approuvés par l’Assemblée nationale, assurera la coordination entre le gouvernement et l’Assemblée, et devra approuver les conventions internationales et les traités. 31 sénateurs sont membres du PPC (Prachéachun, ou Parti du Peuple Cambodgien, ex communiste), 21 du Funcinpec (Front uni national pour un Cambodge indépendant neutre pacifique et coopératif, royaliste), 7 du PSR (parti de Sam Rainsy, opposition). 2 sont nommés par le roi. Chéa Sim, président du PPC, nommé président du sénat (avant même sa création, dès le 11 novembre 1998), sera chef de l’Etat par intérim durant l’absence du roi. Le général Nhiek Bun Chhay, qui avait pris les armes contre Hun Sen en 1997, est nommé vice-président. Dans une ultime tentative pour bloquer la création du sénat, le PSR retarde la nomination de ses membres, puis cède sur l’injonction du roi.
Le 9 mars, Vietnam, dans un geste symbolique, donne 4 ordinateurs, 62 tables et 62 chaises, un photocopieur, mobilier qui représentent une valeur de 45 000 dollars, pour équiper le sénat. Bon nombre de sénateurs sont des députés qui n’ont pas réussi à être réélus, ou des corrompus pour lesquels on a trouvé un placard juteux, tel le général Soy Kéo, ancien commandant de la région militaire n° 1 (Stung Treng), grand trafiquant en bois. Les membres du sénat se rassemblent au palais pour la première fois le 25 mars afin de prêter serment. Le roi leur demande de justifier la dépense d’un million de dollars par an que représente l’institution pour le budget national. Le 8 avril, le nouveau sénat tient sa première séance de travail au palais de Chamcar Mon dont une salle a été rénovée aux frais de la Chine à cet effet, pour la somme de 250 000 dollars. Il adopte 12 des 16 articles de son règlement intérieur. L’absence de 17 membres bloque le vote de l’unique question importante, celle de la rémunération des sénateurs.
Assemblée nationale
La vie parlementaire s’installe peu à peu. Le 8 avril, pour la première fois, Sâr Kheng, vice-premier ministre, répond à une question écrite par les députés du PSR, concernant la sécurité. Même si l’exposé long et fastidieux n’a pas répondu aux attentes, et même si Ranariddh, président de l’Assemblée, s’est comporté comme l’allié objectif du gouvernement, c’est un premier pas vers une vie parlementaire normale. Le PSR s’insurge contre l’obligation désormais imposée aux députés par le gouvernement de déposer les questions au moins 15 jours avant la séance, et de n’aborder que trois thèmes : la sécurité, la déforestation et les problèmes économiques. Or l’article 96 de la constitution stipule que le gouvernement doit répondre dans les sept jours. Le PSR a posé 17 questions écrites toutes restées sans réponses.
Le prince Chakrapong, jadis membre du PPC, exilé en France après la tentative de sécession de 1993, amnistié par le roi en 1998, rentre au Cambodge au mois de mars, et rejoint le Funcinpec. Le prince Sirivuddh, demi-frère du roi, exilé en France sur accusation d’avoir voulu assassiner Hun Sen, rentre également au Cambodge. Il est nommé conseiller spécial du roi. C’est lui qui présidera la cérémonie du sillon sacré à la place du roi, le 3 mai.
Nouveaux gouverneurs
Le 10 mars, est rendue publique la liste des nouveaux gouverneurs de province. Pour les membres du PPC, il s’agit plus d’une rotation que d’un véritable changement de personnel. Pour les membres du Funcinpec, on constate la nomination des amis de longue date du prince-président, tradition féodale oblige. Un compromis est intervenu entre le PPC et le Funcinpec pour la répartition des postes administratifs : le parti royaliste recevrait 25 % des quelques 180 postes de chefs de srok (districts). Ces attributions sont avant tout d’ordre politique, et ne tiennent pas compte des compétences professionnelles, ignorant les diplômés sortant de l’école d’administration.
Le mars, 110 des 180 diplômés de la 3ème promotion de la faculté de droit et de sciences économiques protestent devant le Conseil des ministres pour réclamer un poste dans l’administration, comme Sok An, ministre du Conseil des Ministres, leur aurait promis le 2 juillet 1998, avant la tenue des élections. Le porte-parole du gouvernement leur a annoncé qu’après un examen, 130 d’entre eux seraient employés. Rien n’est fixé pour les 50 autres diplômés.
Le 9 avril, le Conseil des Ministres décide de confier le développement des hauts plateaux au ministère du Développement rural. Ce ministère est autorisé à créer un département spécial pour s’occuper des tribus montagnardes.
Démobilisation
Le 19 avril, le premier ministre Hun Sen ordonne à 300 officiers venus de tout le pays, d’épurer les listes de leurs effectifs truffées de « soldats fantômessous peine de sévères sanctions. Sont à éliminer les soldats qui ont abandonné leur unité, les militaires non disciplinés, ceux dont le nom ne figure pas sur les listes, ceux qui ont acheté le nom d’un militaire avant le 1er janvier 1999, ceux qui ont pris plus de 15 jours de congé, ceux qui n’ont revêtu l’uniforme que pour percevoir la solde, etc… Ils ont 10 jours pour épurer ces listes. Les militaires évincés auront dix jours pour faire appel, puis à partir du 16 mai, commencera la vérification. L’existence de ces soldats fantômes, qui permet d’arrondir la solde des officiers supérieurs, est un secret de polichinelle depuis plus de trente ans, mais c’est la première fois qu’on ose aborder le problème de front. Cependant, la région militaire n° 4 (Battambang), qui compterait 33 258 hommes, obtient jusqu’au 25 août pour expulser ses « fantômes ». Celle de Siemréap qui en compterait 40 164, se voit accorder un délai jusqu’au 7 août. On estime entre 15 000 et 50 000 le nombre des soldats fantômes.
Selon Téa Banh, ministre de la Défense, la démobilisation représente un coût de 103 millions de dollars, chaque démobilisé devant recevoir 1 200 dollars. La Banque Mondiale, la Chine et 10 autres pays se sont engagés à soutenir cette réduction des effectifs militaires, pour les faire passer officiellement de 148 000 à 79 000. En février, la Chine s’est engagée à accorder 1,5 millions de dollars pour la fourniture de matériel de construction, mais contrairement aux attentes des deux co-ministres de la Défense qui ont fait le voyage en Chine au mois d’avril, la Chine ne fournira pas d’argent. Un certain nombre d’ONG, ainsi que le roi, craignent cependant qu’une démobilisation mal contrôlée ne vienne gonfler les rangs des diverses maffias asiatiques.
Procès des Khmers rouges
Le 6 mars, officiellement, des déserteurs khmers rouges intégrés aux FARC arrêtent Ta Mok, près de Choam, le long de la frontière khméro-thaïlandaise, où il demeure avec quelques-uns de ses enfants et petits-enfants et deux ou trois hommes en armes. Il est conduit à Phnom Penh en hélicoptère et incarcéré dans une prison militaire.
Ta Mok est né en 1926 à Trapéang Thom (Takéo). Il se nomme Ek Chhoeun de son vrai nom. Il a été éduqué à la pagode, puis est devenu combattant issarak contre l’armée française depuis 1949. Il n’a jamais étudié à l’étranger, contrairement aux autres chefs khmers rouges. En 1963 il entre au comité central du PPC, où il occupe la neuvième position. Depuis la purge interne des Khmers rouges en 1973, il est craint comme « le tueurIl est directement responsable de la mort de plus de 100 000 personnes en 1977-78. Il a évincé Pol Pot en juillet 1997, déclarant sans sourciller, que ce dernier était un « agent vietnamien ».
Il semble bien que, comme dans le cas du « ralliement » de Khieu Samphan et de Nuon Chéa, le 22 décembre 1998, ce soit l’armée thaïlandaise qui ait remis l’encombrant Ta Mok, « le boucher du Cambodge », aux FARC. (On parle pudiquement de « coopération entre les autorités thaïlandaises et le gouvernement cambodgienOn croit même savoir que les Thaïlandais avaient proposé la livraison des trois hommes en décembre 1998, mais que Hun Sen, premier ministre, n’aurait pas accepté Ta Mok, afin d’en faire un cas exemplaire ou un bouc émissaire. Dans cette perspective, on comprend mieux les propos de Ranariddh qui déclarait en janvier que l’arrestation de Ta Mok n’était qu’une « affaire de volonté politique » et qu’il pouvait être arrêté à tout moment.
L’arrestation de Ta Mok relance la polémique concernant la création d’un tribunal international pour juger les chefs khmers rouges. Les experts de l’ONU et bon nombre d’associations (Amnesty International, Human Rights Watch, entre autres) estiment que la justice cambodgienne est incapable d’assurer un jugement équitable à cause de la corruption des juges, de leur soumission au pouvoir politique, et de leur manque de professionnalisme. Ils estiment que la cour militaire de Phnom Penh est, de plus, incompétente. Le 10 mars, le président des juristes cambodgiens a fait siennes ces critiques. Par contre, le gouvernement par la voix d’Om Yen Tieng, conseiller de Hun Sen, défend ses prérogatives : « Nous sommes un pays souverain, nous avons une constitution, nous avons des lois et des tribunaux. Ta Mok sera jugé par un tribunal à l’intérieur du pays ». On annonce également que Ta Mok ne sera pas nécessairement le seul chef khmer rouge à comparaître en justice, mais « c’est à la cour de décider
Ta Mok est mis en accusation par le tribunal militaire le 9 mars, pour infraction à la loi de 1994 déclarant les Khmers rouges « hors-la-loi ». Selon un porte-parole du ministère de la Défense, il pourrait également tomber sous le coup d’accusations pour crimes contre l’humanité. Le gouvernement promet un jugement « public et transparent ». Plusieurs craignent que le jugement de Ta Mok ne soit qu’un « procès-spectacle », pour enterrer toute action de justice contre les autres responsables khmers rouges et renforcer la popularité de Hun Sen. Le 12 mars, Hor Nam Hong, ministre des Affaires étrangères, se rend en visite officielle auprès de Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, pour défendre la position du gouvernement : les Khmers rouges seront jugés par une cour nationale, mais il demande une aide pour le jugement. « Les crimes ont été commis au Cambodge, par des Cambodgiens, les victimes sont des Cambodgiens », dit le ministre. Les experts de l’ONU estiment que 20 à 30 chefs khmers rouges devraient passer en jugement.
Les Etats-Unis font pression pour la création d’un tribunal international, le Japon et la France sont plus conciliants. La France assure le gouvernement cambodgien de son aide pour qu’un jugement au Cambodge se fasse selon les normes internationales. Raph Boyce, vice sous-secrétaire d’Etat pour l’Asie du Sud-Est, déclare, le 10 mars, que les Etats-Unis menacent de lier l’aide bilatérale américaine au jugement des Khmers rouges. Le 30 mars, le sénateur Mitch McConnell, président du sous-comité du Sénat américain pour les affaires étrangères, lie également ces aides bilatérales américaines au respect des droits de l’homme et au procès des Khmers rouges.
Cette année, cette aide américaine s’élève à 12 millions de dollars et elle devrait être de 20 millions l’an prochain, (elle était de 40 millions avant le coup d’Etat de 1997), en plus de toutes les aides accordées par des ONG, s’élevant à environ 22 millions par an.
Le 10 avril, devant l’état de misère qu’il a découvert dans les campagnes cambodgiennes, Tony Hall, député démocrate de l’Ohio, refuse que les aides humanitaires des Etats-Unis au Cambodge soient liées au procès des chefs Khmers rougesVous pénalisez le peuple que vous voulez aider « , dit-il, non sans raison.
Le 12 mars, Hun Sen laisse entendre que d’autres Khmers rouges pourraient être convoqués devant un tribunal national, mais c’est à la cour de statuer. Ranariddh soutient le gouvernement dans sa volonté de juger Ta Mok à l’intérieur du Cambodge, mais demande une coopération de juristes étrangers. Il craint que le procès des Khmers rouges ne soit « une mascarade », comme son propre procès en 1998. Il ne s’oppose pas cependant à la tenue d’un tribunal international à l’extérieur du pays pour juger les crimes contre l’humanité. Thomas Hammarberg, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme au Cambodge, se rend à Phnom Penh pour la 13ème fois, le 13 mars, afin de faire le point avec les autorités. A priori, il ne rejette pas la tenue d’un procès au Cambodge. Hun Sen de son côté, n’exclut pas l’assistance de juristes étrangers, même s’il doit modifier la loi cambodgienne pour cela, mais seulement pour « assisternon pour juger à la place des juges cambodgiens. Le 18 mars, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies à qui il a remis officiellement le rapport de 72 pages rédigé par ses experts envoyés au Cambodge en novembre 1998, Kofi Annan se place en retrait par rapport aux recommandations de ces experts. Il recommande un tribunal « ni national, ni international, mais à caractère international ». Hun Sen réaffirme que tant qu’il sera premier ministre, il n’y aura pas de tribunal international. La cour refuse de commettre un avocat d’office à Ta Mok, estimant qu’il a beaucoup d’argent en Thaïlande. Ta Mok répond qu’il a tout perdu. Après le refus de plusieurs cabinets d’avocats de défendre Ta Mok, le 1er avril, maître Chiv Song Hak, du cabinet « Cambodian International Law« , âgé d’une trentaine d’années, se propose de défendre le chef khmer rouge. Mais le prévenu préfère Benson Samay, 56 ans, plus âgé, proche du PPC. Parti aux Etats-Unis en 1970, l’avocat n’a donc pas connu le régime khmer rouge, mais sa femme et sa fille sont mortes en 1978. Il réaffirme les positions du gouvernement : « Un procès mené à l’étranger irait à l’encontre de l’intégrité du Cambodge. C’est une insulte à la souveraineté nationale », dit-il, se faisant ainsi montrer du doigt comme un « avocat du PPC ».Le 7 avril Hun Sen affirme au sénateur américain John Kerry, qu’il accepte que des juges étrangers travaillent de concert avec des juges khmers pour le jugement des Khmers rouges. Selon le sénateur, « un jugement légitime et acceptable » permettrait la reprise de l’aide directe des Etats-Unis au Cambodge. Le 21 avril, il demande à la Russie d’envoyer un expert. La cour militaire, par contre, affirme n’avoir besoin de personne, les textes de la constitution n’autorisant pas le travail de magistrats étrangers. « Nous sommes compétents. Nous ne sommes pas stupidesrépète Ney Thol, son président.
Le mercredi 21 avril, Thomas Hammarberg rend public un mémorandum dans lequel il affirme que « seul un tribunal international peut garantir les normes internationales de justice, l’équité et assurer la garantie suffisante du droit ». Cependant, il n’exclut pas la tenue du procès au Cambodge. Il y voit même l’avantage de permettre à la population cambodgienne d’observer étroitement la procédure, et de voir clairement que la justice est rendue. Il insiste cependant pour que ce tribunal ait un caractère international. Le 23 avril, Hun Sen interviewé par la chaîne américaine CBS n’exclut pas que Khieu Samphan et Noun Chéa soient traduits devant une cour de justice pour leur rôle dans le génocide. « Nous les avons uniquement autorisés à rejoindre la communauté nationale, nous ne leur avons pas garanti l’impunitédit le premier ministre. « Nous n’aurons pas besoins d’utiliser la force pour les amenerdit-il, estimant que les anciens soldats khmers rouges enrôlés dans l’armée nationale à Païlin les arrêteront, contredisant par là ses déclarations précédentes. Il réaffirme toutefois que la tenue d’un tribunal international aurait pour effet de pousser les cadres khmers rouges à reprendre le maquis. Le même jour, le procureur de la cour militaire chargée de juger Ta Mok, déclare qu’il est sur le point de convoquer les deux anciens responsables khmers rouges pour clarifier certains points dans l’instruction du procès. Il prépare même un dossier accusant les anciens chefs de la guérilla de « conspiration et meurtres entre 1975 et 1979, de génocide, trahison et …destruction de la propriété privéeLa cour militaire exempterait Ieng Sary, car il a été le premier à enclencher le processus de réconciliation, et il a été grâcié par le roi Sihanouk. Quoi qu’il en soit de toutes les déclarations du premier ministre, à la fin du mois d’avril, aucune décision concrète n’a été prise pour permettre le travail de juristes étrangers dans un jugement des Khmers rouges.
Le 28 avril, la Far Easter Economic Review, de Hongkong, publie une interview de Deutch, alias Kaing Khek Iev, chef de la sinistre prison de Tuol Sleng où ont été torturés et exécutés près de 17 000 cadres khmers rouges et leurs familles, dont 7 personnes seulement ont survécu. Il se dit prêt à comparaître devant un tribunal international. Ce serait un élément important pour connaître les responsabilités des chefs khmers rouges dans les assassinats.
L’exemple du procès Pinochet donnant des idées, le 4 février, 17 Belges d’origine cambodgienne, portent plainte contre les responsables khmers rouges pour l’assassinat de membres de leurs familles. Le 4 avril, Thioulong Antonya, belle-soeur de Sam Rainsy, et Hervé Son, Français d’origine cambodgienne, portent plainte contre les chefs khmers rouges. Mais la France n’a pas de traité d’extradition avec le Cambodge, et n’a pas l’habitude d’extrader ses ressortissants. Le 15 avril, Y Phandara, de France, fait la même démarche, mais devant une cour belge, car la loi belge s’étend aux crimes contre l’humanité, sans considération du pays de résidence.
L’économie
La Banque asiatique de développement (BAD) prévoit une croissance de 4% de l’économie cambodgienne en 1999 et de 6% en l’an 2000. L’inflation de 13 % en 1998, de 10 % en 1999, devrait se situer vers 6 %.
Riz
Selon le rapport de la FAO et du Programme alimentaire mondial (PAM), la récolte de riz non décortiqué de 1998-1999 s’élèvera à 3,52 millions de tonnes, soit 3 % de plus que l’an dernier. Il y aurait donc un surplus de 30 000 tonnes. Cependant, 30,2 % des familles se sont endettées durant les trois derniers mois pour satisfaire leurs besoins quotidiens en nourriture. La présence des mines a fait diminuer la superficie des terres ensemencées de 2,5 millions en 1967 à 1,9 millions actuellement. Le riz représente 81 % des cultures vivrières, et 60% de la production agricole, soit presque 14% du PIB. L’an dernier l’Unicef a dépensé 10 millions de dollars pour nourrir au moins 1,4 millions de personnes, soit 10 % de la population globale du pays. Selon Ly Tuch, secrétaire d’Etat pour le ministère du Développement rural, de 1993 à 1997, la pauvreté n’a été réduite que de 3 %.
Pêche
Le 9 avril, le gouvernement prend des mesures pour faire cesser la pêche illégale et enrayer l’inéluctable disparition des poissons dans les eaux cambodgiennes. Il interdit les quelque 100 remorqueurs qui pêchent illégalement dans les eaux du Mékong. Leurs patrons payaient 400 dollars quotidiens en pots de vin pour pêcher avec des chaluts de 100m de profondeur, d’une ouverture de 50 à 60 m de diamètre. Entre 300 000 et 500 000 dollars annuels étaient empochés par des fonctionnaires peu scrupuleux. La vente des concessions de pêche sur rivières et étangs, qui vont souvent à l’encontre des intérêts des populations riveraines, est suspendue. Sont interdits la pêche à l’explosif, à l’électricité, les barrages faits avec de vieux pneus, la pêche en période de reproduction, la capture des petits poissons, etc. Le ministère de l’Agriculture sera le seul juge pour arbitrer les conflits, pour autoriser la construction de digues ou le déboisement des forêts inondées.
Bois
Le 29 janvier, le premier ministre Hun Sen avait donné trois mois au général Ke Kim Yan pour faire cesser le trafic de bois par l’armée. Le général reconnaît que « l’exploitation illégale du bois est bien le problème de l’arméeIl emploie donc 3 000 soldats et des commandos parachutistes avec deux hélicoptères pour supprimer cette exploitation illégale. Dans le cadre de cette lutte contre l’exploitation illégale des forêts cambodgiennes, l’Etat-major a muté plusieurs chefs de région, dont le général Soy Kéo, commandant militaire de la région 1 et son adjoint. L’association anglaise « Global Witness » n’est pas surprise de la difficulté de la tâche : « Il est irréaliste pour Hun Sen d’arrêter une masse de mauvais officiers, ce serait probablement la révolte
Le 11 mars, Global Witness rend public un rapport selon lequel des exportations illégales de bois continuent vers le Laos, en provenance de Siempang et de Stung Treng, d’autres vers la Thaïlande et le Vietnam, depuis la région de Mondolkiri. De grandes barges ont été aperçues sur le Mékong, en aval de Kratié. Le général Ke Kim Yan reconnaît les faits. La suppression draconienne du trafic illégal du bois a conduit à la fermeture des petites scieries travaillant pour les besoins locaux, et fait augmenter le prix du bois de 150 à 300 dollars le m3. Dans la région de Kompong Speu, on coupe désormais les palmiers à sucre pour en envoyer le bois dans la province de Svay Rieng afin de construire les maisons. Pour remédier à la situation, le 29 mars, le premier ministre décide que les concessions qui exploitent légalement le bois devront fournir 20% du volume traité pour les besoins de la consommation locale. Durant les trois derniers mois, des progrès notables sont enregistrés Cependant, le 19 avril, Mok Mareth, ministre de l’Environnement, révèle avoir reçu un document « top secret », affirmant que des grumes étaient acheminées de nuit vers le Vietnam depuis la province de Kratié, mais il affirme que le trafic a pris fin immédiatement après la réception du rapport. Le gouvernement nie avoir accordé une concession de 315 hectares de bois à la société chinoise « China International Marine Container« , pour 25 ans, pour la somme de 17,39 millions de dollars. A la date du 28 avril, il semble que les militaires font une dernière tentative pour exporter illégalement le bois, avant la date butoir du 29 avril. 784 scieries non autorisées ont été fermées, affirme Ty Sokhum, directeur de l’Office des forêts. « Global Witness » confirme que le trafic du bois à grande échelle a effectivement cessé, mais fait remarquer que beaucoup d’individus et de sociétés compromis dans ces activités illégales demeurent sur place. Si les coupes de bois du Phnom Kulen semblent avoir effectivement cessé, l’association« considère que le parc a d’ores et déjà perdu toutes ses essences commercialement valables
Caoutchouc
L’Agence française de développement accorde un don de 3 millions de francs pour le développement d’un projet pilote pour le développement de l’hévéaculture familiale dans la plantation de Chup. 500 familles s’installeront progressivement sur 1 500 hectares. 200 hectares seront plantés en juin 1999, 500 autres en 2000 et 800 en 2001. Dans l’avenir, 25 à 30 000 hectares pourraient être ainsi transformés en plantations familiales.
Les investisseurs étrangers ne se précipitent pas pour acquérir des parts de plantations en voie de privatisation. Les plantations cambodgiennes sont vieilles de 70 ans, les infrastructures vétustes. Suite à la crise asiatique, le prix du caoutchouc est à son niveau le plus bas depuis des décennies : alors que la tonne se vendait 1 600 dollars il y a trois ans, elle n’en vaut plus que 500 actuellement. Mong Rethy, homme d’affaires proche de Hun Sen, détient l’exclusivité de l’exportation du caoutchouc, et fixe donc ses prix. Le volume de production du Cambodge est trop faible (40 000 tonnes par an avant 1970) pour intéresser réellement des actionnaires, alors que la Thaïlande voisine en exporte annuellement 2 millions. Environ 17 000 personnes sont employées dans l’industrie du caoutchouc.
Rentrée des taxes et impôts
Durant le premier trimestre, le gouvernement a recouvré pour 22 millions de dollars de TVA, soit près de 6,7 de plus que prévu (7,7 en janvier, 5,8 en février, 8,4 en mars), ce qui laisse prévoir une entrée annuelle de plus de 61 millions. 60 % de ces revenues seront affectées à l’augmentation aux salaires des militaires (toujours !), et 40 % à ceux des fonctionnaires. Le salaire des fonctionnaires sera augmenté de 30 %, soit 3 à 4 dollars supplémentaires, à compter du 1er mai. Cela coûtera 4,5 millions de dollars chaque année à l’Etat.
Le ministère des Finances fixe au 30 avril la date butoir à laquelle les quelques 300 ONG travaillant au Cambodge doivent fournir leurs comptes de 1998 afin qu’il perçoive les taxes sur salaires. La circulaire stipulant le paiement des taxes par les ONG existe depuis 1995, mais n’avait pas été mise en pratique. Une taxe de 5 % sera prélevée sur les salaires mensuels de plus de 132 dollars, s’élevant par seuils de 5 % pour atteindre jusqu’à 20 % sur les salaires de plus de 658 dollars. Un projet de loi prévoit que tous les fonds reçus par les ONG devront passer par le ministère des finances. Un certain nombre d’ONG s’insurgent contre ces mesures, somme toute habituelles dans tous pays, et préparent un recours devant le mécanisme de contrôle trimestriel institué par le groupe consultatif de Tokyo.
Durant la dernière semaine d’avril, la Sokimex, compagnie pétrolière cambodgienne, dont le directeur n’est autre que Sook Kong, nouveau président de la chambre de commerce, a obtenu la concession de la billetterie de Angkor pour 5 ans. La société devra verser 1 million de dollars durant la première année, puis accroître sa redevance de 15 % chaque année. 80% des revenus iront à Apsara, autorité chargée de la protection du site d’Angkor, 15 % au ministère du Tourisme, et 5% au ministère de la Culture. Jusqu’à présent, un trafic de faux billets a fait perdre 1,5 millions de dollars à l’Etat. L’avance qu’a fait la Sokimex au gouvernement est sans doute la raison déterminante qui a fait attribuer ce contrat à la société. Sam Rainsy s’insurge de ce que cette société, proche du PPC, ait raflé plusieurs contrats importants.
Entrée dans l’Asean
Après plusieurs reports de dates, la cérémonie d’entrée du Cambodge dans l’Asean a eu lieu le 30 avril à Hanoi, date anniversaire (fixée uniquement pour raisons de convenances, paraît-il) de la victoire des révolutionnaires vietnamiens en 1975. C’est incontestablement une victoire diplomatique du Vietnam qui couronne son occupation manquée de 1979-1989. En célébrant l’entrée du Cambodge à Hanoi, alors que le Vietnam n’est pas président de l’association, il veut montrer que c’est son affaire, et qu’il joue sur son terrain. Nul doute que cette entrée dans le groupe régional aura des conséquences sérieuses dans l’évolution du pays : « L’Asean nous forcera à être plus compétitifs et plus disciplinésdit un sous-secrétaire d’Etat. Le Cambodge aura libre accès à ses exportations (principalement agricoles, si l’agriculture cambodgienne se réforme en profondeur), sur un marché de plus de 480 millions de personnes, les investisseurs pourront bénéficier de la place géographique centrale du Cambodge au sein de l’association. Le Cambodge s’engage à diminuer ses tarifs douaniers (qui représentent 70 % de ses revenus) sur 7 000 produits, dont 3 500 à partir du 1er janvier 2000, et les autres progressivement jusqu’en 2008. Cette entrée coûte au Cambodge, dans l’immédiat, environ 2,38 millions de dollars, puis coûtera environ 2,6 millions annuellement.
Le Cambodge espère attirer les investisseurs étrangers qui se retirent du Vietnam pour des raisons de difficultés administratives. Cependant, le manque d’infrastructures économiques et le faible niveau des ressources humaines sont un frein à l’investissement.
Selon un rapport de l’ONU rendu public le 21 avril, environ 500 000 enfants âgés entre 6 et 11 ans ne vont pas à l’école. 50 % des enfants cessent leur scolarité après un an d’école. En dépit des efforts immenses fournis par les ONG internationales, les problèmes de l’éducation nationale ne sont pas pris sérieusement en compte par le gouvernement. Or 45 % de la population a moins de 15 ans. Il s’agit de l’avenir du pays. En 1998 12 % du budget national était consacré à l’éducation, contre 52 au ministère de la Défense. Selon le rapport de la BAD, 42 % des Cambodgiens ne sont jamais allés à l’école, 32 % sont illettrés. 9 habitants de Phnom Penh sur 10 peuvent lire et écrire, mais seulement 6 sur 10 en province. La mauvaise qualité des ressources humaines est un handicap sérieux au développement économique.
Le Cambodge ouvre 5 ambassades dans les pays de l’Asean où il n’en avait pas encore: Birmanie, Brunei, Singapour, Philippines et Malaisie. La Birmanie ouvre une ambassade au Cambodge.
Société
Lutte contre la violence
La criminalité et la violence sont des fléaux auxquels le gouvernement tente de faire face. Selon Sâr Kheng, vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur, 11 crimes sont commis chaque jour sur l’ensemble du pays depuis le début de l’année, ayant causé la mort de 272 personnes et 500 blessés; 63 personnes ont été kidnappées, dont 5 ont été assassinées par les ravisseurs. Néanmoins, Sâr Kheng estime que la criminalité a diminué de 20 %. Durant le premier trimestre 1998 on a enregistré 1 769 crimes, contre 1 413 cette année. A Phnom Penh, la brigade des « Tigres volants » motorisés, fait la chasse aux armes détenues illégalement et contre la criminalité. Dans leurs interventions, ces « tigres volants » se trouvent souvent en face d’anciens collègues policiers ou militaires. Chéa Sophara, premier adjoint de la mairie de Phnom Penh, lie une partie de la violence à l’existence de casinos. Plusieurs fois, Teng Bunma a reçu l’ordre, non suivi d’effets, de fermer son casino de l’Hôtel Intercontinental. C’est chose faite (en principe) depuis le 28 février. Officiellement, deux casinos restent ouverts à Phnom Penh : le Holiday Club et le Naga Resort, qui devront fermer leurs portes à la fin du mois de juin. Chéa Sophara a fait placer des gardes pour en interdire l’entrée aux citoyens khmers. A Koh Kong, l’International and Resort Co, appartenant à des partenaires thaïlandais, singapouriens, cambodgiens et hongkongais, reçoit 300 visiteurs par jour, et 500 chaque jour du week-end, en grande partie venant de Thaïlande. 27 établissements de jeux ont été fermés durant les mois précédents. Le 10 mars, pour la seconde fois, un groupe de 18 policiers se sont vus récompenser pour leur action contre la corruption et pour leur dur travail. Ils ont reçu chacun une moto d’une valeur de 1 300 dollars. Le 25 mars, le Conseil des ministres fait fermer les stands de tir privés, interdit le port d’armes à ses fonctionnaires et militaires en dehors du temps de travail, la vente des armes et des uniformes. Seul le premier ministre a désormais le droit de commander des armes de l’étranger, sur demande du ministère de la Défense. Le gouvernement déclare illégales les licences de port d’armes délivrées jusqu’à présent, excepté celles qui respectent les conditions d’un sous-décret de juillet 1995. Les pensions et hôtels devront désormais demander l’identité de leurs locataires. Le Conseil des ministres veut réglementer les chaînes câblées et interdire la diffusion de films violents ou pornographiques. Depuis le 7 avril, un nouveau dispositif de collecte d’armes est lancé, avec 300 agents qui établissent des contrôles aux points d’entrée dans la ville de Phnom Penh, des barrages fixes, etc. Les autorités municipales désirent faire de Phnom Penh « une ville sans armes ». Selon Chea Sophara, environ 3 000 armes auraient été rendues par la population aux autorités durant le mois d’avril. Cependant, on estime qu’il existe encore 10 000 armes à feu détenues sans autorisation dans la capitale. On continue à trouver des armes en vente au marché de Teuk Thla. Les armes recueillies seront détruite dans le stade de Phnom Penh le 5 mai, lors d’une cérémonie présidée par Hun Sen.
Kun Kim, général de police, proche collaborateur de Hun Sen, s’est fait arrêter par la police de l’aéroport de Singapour, le 8 avril, au moment où il allait prendre l’avion pour le Cambodge. Retenu par la police, il s’est vu signifier l’interdiction de rentrer sur le territoire de l’île-Etat.
Droits de l’homme
La suppression de la violence passe en grande partie par le respect des droits de l’homme par ceux dont ce doit être la profession. Lors de la 55ème session de la commission de l’ONU sur les droits de l’homme, à Genève, Thomas Hammarberg présente un rapport qui accuse « de puissants éléments » dans la police et l’armée de bloquer toute enquête sur les violences politiques au Cambodge. Il accuse les forces de sécurité de tortures, d’exécutions sommaires, de vols et de kidnappings. « Malgré la documentation précise fournie sur au moins 30 cas de tortures, aucun officier n’a été poursuivi ni sanctionné ». Yen tieng, conseiller de Hun Sen et président de la commission cambodgienne sur les droits de l’homme, convoqué pour répondre devant la commission de l’ONU, à Phnom Penh, n’est pas apparu le 8 avril, car il était « tombé malade ». Le 29 mars, le général Kieng Savuth, commandant de la gendarmerie royale, accusé de très nombreuses exactions depuis des années, a été remplacé par son adjoint, le général Sao Sokha. C’est une mesure importante pour la normalisation de la gendarmerie et le respect des droits de l’Homme. Thomas Hammarberg déplore une nouvelle fois l’aggravation des conditions carcérales au Cambodge: 2 850 personnes ont été emprisonnées en 1998, soit une augmentation de 20% par rapport à l’année précédente. La coopération australienne construit ou rénove 5 établissements pénitenciers, le CICR rénove 17 prisons provinciales. En 1998, il y a eu 85 évasions ou tentatives d’évasion. Hammarberg continue de dénoncer la culture d’impunité qui règne dans le pays. « La justice est un instrument dans les mains du pouvoir politique ». Il demande à ce que soit aboli l’article 51 qui stipule que la justice doit obtenir l’accord des supérieurs hiérarchiques pour toute action contre un fonctionnaire ou militaire. Le 28 avril, une nouvelle fois, la Commission demande au gouvernement cambodgien de mettre en place un système judiciaire indépendant et efficace. La réforme de la justice est l’un des engagements pris par le gouvernement cambodgien lors de la réunion de Tokyo.
Le 25 mars, un membre du PSR qui avait protesté contre les irrégularités dans le décompte des voix lors de la dernière élection est assassiné à Trapéang Tuol (Ang Snuol). Plusieurs fois, on a voulu faire porter au PSR la responsabiulité des attentats à la grenade survenus contre des Vietnamiens.
Le 1er avril, le Cambodge accepte de participer aux efforts de l’UN Fondation pour mettre fin au trafic de femmes et d’enfants en Asie. On estime que 300 000 femmes et enfants sont vendus chaque année en Asie, dont 10 000 Cambodgiens.
Pour tenter de faire diminuer le nombre des accidents de la circulation, tous les véhicules devront avoir une plaque d’immatriculation. Les voitures dont le volant est à droite ne seront plus autorisés à circuler au Cambodge à partir du 1er janvier 2001.
Conflits sociaux
Durant les mois de mars et d’avril, plusieurs centaines d’ouvriers sont licenciés sans préavis ni indemnités. Les employeurs rendent la mise en place des quotas de 12 produits par les Etats-Unis responsable de ces licenciements. Le 25 février, le gouvernement a cependant établi une formule de répartition des quotas entre les 150 usines de confection, attribuant à chacune au moins 80% du volume de la production de 1998. Une seconde répartition a lieu le 18 mars, attribuant, en principe, le travail aux entreprises « assurant de bonnes conditions de travailCertains entrepreneurs s’en prennent au système de répartition des quotas, plus qu’aux quotas eux-mêmes, accusant les membres du gouvernement de corruption et de favoritisme. Mais le gouvernement répond qu’ils connaissaient ces quotas, et qu’ils pleurent parce qu’ils ne font pas assez de bénéfices immédiats. Le SIORC (Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge) a tenu son deuxième congrès le 7 mars. Chéa Vichéa a été élu président, en remplacement de Melle Ou Mary, qui n’a obtenu que 96 voix sur 1038. Oum Navy et Kim Cham Samnéang sont réélues comme vice-présidente et secrétaire générale. 26 membres du comité exécutif sont également élus. Avec 3 061 membres, principalement dans le textile, mais également dans l’industrie, le SIORC est l’une des trois principales formations syndicales du pays. Il souhaite devenir statutairement l’interlocuteur du ministère des Affaires sociales. Les objectifs du syndicat sont de faire appliquer la loi existante sur le travail, l’augmentation du salaire mensuel de 40 à 60 dollars, la diminution du temps de travail de 48 à 44 heures hebdomadaires. Le SIORC met en place un système de mutuelle volontaire pour aider les ouvriers en cas de maladie, décès ou licenciement. On signale de très nombreux conflits entre employés et employeurs, qui montrent que les lois sociales sont encore à l’état embryonnaire.
Le 10 mars, une usine textile est saccagée par les ouvriers furieux de n’avoir pas été payés depuis 3 mois.
Le 11 mars, les travailleurs de quatre usines se mettent en grève pour protester contre le retard du paiement de leur salaire.
Le 15 mars, les 350 ouvriers de Ykhang Garnment et ceux de Blue Bird Garnment se mettent en grève pour réclamer le paiement de leur salaire de février. Ykhang Garnment projetait de licencier la moitié des ouvrières sans explication. Elles ont alors jeté des pierres sur les bâtiments, les forces de gardiennage ont répondu par des coups de feu. Après négociations, la direction a diminué le nombre des licenciements à 50. Finalement ce seront 300 ouvriers qui seront licenciés sans indemnités.
Le 23 mars, 500 ouvriers de l’usine C7 se mettent en grêve pour dénoncer les licenciements abusifs et les retards dans le paiement des salaires.
Le 5 avril, 70 ouvriers de l’usine Cambodia Embroidery Ldt, licenciés le 24 mars, plaident leur cause devant le ministère de l’Action sociale. Ils ont perdu leur emploi pour avoir protesté contre le renvoi de 7 délégués syndicaux licenciés abusivement la semaine précédente. Ils se plaignent de ne pas avoir reçu leur salaire de mars et de n’avoir pas été indemnisés. Le SIORC alerte l’ambassade des Etats-Unis.
Le 9 avril, 400 ouvriers de l’usine Mobin, se mettent en grève pour réclamer leur salaire de mars.
Le 10 avril, 500 ouvriers de la San Garnment Co se mettent en grève pour protester contre le retard de leur salaire et les mauvaises conditions de travail. 3 d’entre eux sont été licenciés pour avoir donné une interview sur la radio privée « Nid d’Abeilles« , dénonçant leurs mauvaises conditions de travail. Ils ont été réembauchés après avoir dû signer une lettre d’excuses, déclarant leurs déclarations comme des faux.
Le 20 avril, environ, 70 ouvriers de l’usine Grace Sun Garnment, refusent d’être payés à la pièce. Ils touchaient 40 dollars par jour, pour 100 à 150 pantalons cousus quotidiennement. Le patron voudrait leur donner 1 dollar pour 200 pantalons.
Le 20 avril, une cinquantaine d’ouvriers de la Sun Jiang Industrial Co, qui avait suspendu sa production en mars, manifestent devant le ministère des Affaires sociales et obtiennent que leur soit payée leur solde du mois de mars.
Le 21 avril, la direction de l’usine de confection KK Group Cambodia interdit l’accès à 60 ouvriers qui avaient demandé de meilleures conditions salariales (40 dollars par mois au lieu de 30). Grâce à l’intervention du ministère de l’Action sociale, l’usine accepte de réintégrer les ouvriers et de payer à temps le salaire de ses 200 employés.
Le 23 avril, environ 200 ouvriers de la Wintter Knitting Factory Ltd, protestent devant le ministère du Travail contre le renvoi d’un syndicaliste de leur usine, le 21 avril. Cette société avait tenté de licencier 200 ouvriers le mois dernier.
Le 26 avril, le SIORC dénonce le licenciement de trois ouvriers de l’usine Jian Chiang pour avoir participé à l’organisation d’une grève en protestation de licenciements abusifs !
Le 28 avril environ 300 ouvriers de Trinongal Kamara manifestent devant l’Assemblée nationale en solidarité envers un de leurs délégués syndicaux renvoyé arbitrairement.
Le syndicat SIORC n’est pas autorisé à faire un défilé dans les rues de Phnom Penh pour le 1er mai.
Expropriations de terres
En province, 75 % des terres agricoles ne sont pas enregistrées. Selon la loi, les paysans peuvent demander un titre de propriété sur les parcelles qu’ils cultivent depuis au moins trois ans. Le titre de propriété est délivré par le chef de srok (district). Les terrains sur lesquels vivaient et travaillaient des familles depuis des générations ont été donnés par les autorités gouvernementales à des unités militaires, ou confisquées par les militaires durant les trente ans de guerre écoulés. On enregistre plus de 8 000 cas de disputes liées à des affaires de terrains, dont 3 200, soit 4 sur 10, mettent aux prises des familles avec des militaires. Les tribunaux, par sécurité, rendent généralement un verdict favorable à l’armée. « Seule une solution politique peut résoudre cette situation », observe un diplomate. Les manifestations se succèdent. En dépit des bonnes paroles, aucune mesure concrète n’a été suivie d’effet. Une loi est en préparation par le Conseil des ministres pour fixer les titres de propriété. La révision de la loi de 1992 sur la propriété est une condition mise par la BAD pour recevoir la seconde partie d’un prêt de 30 millions de dollars.
Le 4 mars, 237 familles de Takéo manifestent devant l’Assemblée nationale pour protester contre la confiscation de 572 hectares de terres qu’ils occupent depuis 1987.
Le 15 mars, une cinquantaine de villageois de Svay Chek (Prey Veng), manifestent devant l’Assemblée nationale pour protester contre l’extorsion de leur 60 hectares de terres par des représentants d’une ONG chargée de développement, qui ne serait, de fait, que des militaires. Un groupe venant de Saang (Kandal) viennent protester contre une décision du tribunal qui a donné leurs terres, abandonnées temporairement, à des Vietnamiens.
Le 16 mars une délégation représentant 372 familles de Mong Russey (province de Battambang), manifeste devant l’Assemblée nationale contre l’expropriation de 1 000 hectares par les officiers de la 5ème région, dont 240 ont été vendus à un homme d’affaires.
Le 18 mars, l’association de défense des droits de l’homme ADHOC révèle que 53 villageois de la région de Péam Chor ont été torturés par la police de Prey Veng, suite à une dispute concernant 60 hectares de terrains.
Le 22 mars, 77 personnes, représentant 154 familles, manifestent devant l’Assemblée nationale contre la confiscation de 500 hectares de leurs terres par les militaires. D’autres viennent de Roka Krau pour les mêmes raisons (Takéo).
A Kompong Speu, le général Chum Tong Heng, refuse pour la troisième fois, de se rendre devant la cour pour répondre de l’expropriation de 300 hectares où vivent 386 familles. Le 30 mars, en toute impunité, il brûle une maison et en détruit deux en cours de construction.
Le 22 avril, une centaine de paysans manifestent devant l’Assemblée nationale, se plaignant de la vente de leur terrain (10 hectares) par le gouverneur de Samrong Thom (province de Kompong Speu) qui s’en serait approprié personnellement la moitié et vendu l’autre moitié pour la somme de 17 000 dollars. Le roi se dit incapable de résoudre le problème, il ne lui reste que « la possibilité de prier ». En réponse à la demande du roi lui demandant de se pencher sur la question des expropriations abusives, Hun Sen l’assure qu’il a transmis les plaintes aux ministères concernés. Lors de l’installation des nouveaux gouverneurs, le premier ministre leur a intimé l’ordre de se saisir du dossier, et avait menacé de punir les gouverneurs dont la population viendrait se plaindre à Phnom Penh. Le 30 mars, une délégation du barreau cambodgien et plusieurs ONG se rendent au Conseil des ministres pour proposer des modifications au cadre légal qui régit la propriété foncière. Ils font remarquer que les minorités ethniques se déplaçant fréquemment pour leurs cultures sur brûlis, ils ne peuvent donc pas satisfaire à la loi de cinq ans de résidence sur la même parcelle pour les rendre propriétaires. Ils demandent de réduire d’urgence la puissance des militaires. Plus de 150 experts réunis pour un séminaire de trois jours demandent au gouvernement de reconnaître la propriété collective des tribus montagnardes du Nord-Est. Il y aurait, au Cambodge, 26 ethnies différentes, comprenant au total une population de 300 000 personnes.
Le 20 avril Hun Sen déclare que la politique de propriété foncière détermine la production alimentaire. L’endettement et la pauvreté amènent les paysans à vendre leur rizière.
Santé
La France accorde un don de 3 millions de francs pour la lutte contre le sida et les maladies sexuellement transmissibles (9 millions depuis 1995). La première pierre du centre de cardiologie de l’hôpital Calmette est posée le 5 avril, jour de l’inauguration du nouveau bâtiment central, rénové par la France, pour une somme de 2 millions de dollars. Le Centre de cardiologie, dont l’initiative est due à « la Chaîne de l’espoir« , coûtera la modique somme de 5 millions de dollars, dont 660 000 fournis par le gouvernement. 100 000 enfants seraient atteints de cardiopathie, dont 20 000 necessiteraient une opération. Une opération à l’étranger coûterait entre 5 000 et 50 000 dollars, alors que la même opération coûtera entre 1 000 et 2 000 dollars au Cambodge.
Le 24 mars, le gouvernement japonais signe un don de 3 millions de dollars à l’Unicef pour des projets de santé au bénéfice des enfants pendant trois ans: vaccinations, distribution de vitamine A et autres produits.
Grâce à l’activité de l’OMS, la polio serait en voie d’éradication totale au Cambodge. Le gouvernement cambodgien prévoit de consacrer 90 millions de dollars en dix ans pour lutter contre les déficits alimentaires. 20 % des enfants de moins de 5 ans montrent des signes de malnutrition, qui serait d’ailleurs la cause de 77 % des décès d’enfants de moins de 5 ans. Près des deux tiers d’entre eux ne pèsent pas le poids normal. 3 % des enfants de 24 à 59 mois souffrent d’un affaiblissement de la vue ou perte de vision en lumière peu importante. Seulement 3 % des familles utilisent du sel iodé, d’où la présence de très nombreux goîtres.
Durant la première semaine du mois d’avril, la police a saisi 6 tonnes de médicaments périmés ou sans marque de fabrique, entrées en contrebande du Vietnam.
Le 23 avril 4,7 tonnes de marijuana sont saisies à Sihanoukville dans un contenair destiné à l’Angleterre. Un suspect est arrêté. Selon le rapport gouvernemental des Etats-Unis, de 1998, « une importante quantité de marijuana est cultivée pour l’exportationA cause de l’instabilité politique des années dernières, de la dissension entre les services de police et ceux de la brigade de lutte contre la drogue, peu de trafiquants ont été arrêtés cette année. Tep Darong est nommé secrétaire général de l’Autorité de lutte contre la drogue.
Divers
A Phnom Penh, le jardin public reliant la gare au Tonlé Sap, avec ses deux allées parallèles, est en voie de restauration. Ces travaux, d’un coût de 14 000 dollars, sont financés par le patron de la gare routière du Phsar Daeum Kor.
Une équipe d’archéologues américains de l’université de Hawai découvre des charbons attestant la présence d’une agglomération sur le site d’Angkor Borei 400 ans avant Jésus-Christ. Des restes humains ont été retrouvés datant de l’an 600 de l’ère chrétienne. Ce serait le premier cimetière cambodgien.
Le gouvernement veut revoir les réglementations qui encadrent les adoptions des orphelins, « pour éviter qu’ils ne soient vendus à des réseaux de prostitution à l’étranger
Religion
A partir du 22 avril, environ 900 moines et laïcs ont quitté Siemréap, sous la direction du vénérable Moha Ghossanda pour une marche de 263 km à travers les territoires tenus ces années dernières par les Khmers rouges, qui les conduira au temple de Préah Vihéar, le 5 mai prochain. Ce sera la 8ème marche organisée par le moine.