Eglises d'Asie

Fujian : la division entre Eglises souterraine et officielle a des conséquences fâcheuses sur la vie ecclésiale, sociale et familiale

Publié le 18/03/2010




La division des communautés catholiques en Chine, selon qu’elles appartiennent à l’Eglise officielle ou à l’Eglise clandestine, non seulement constitue un obstacle à l’évangélisation en milieu non chrétien, mais encore affecte fâcheusement la vie sociale et religieuse des familles des fidèles. Cette situation est particulièrement marquée dans la province orientale du Fujian, un des hauts lieux de l’Eglise clandestine, qui y fonctionne en dehors des structures de l’Eglise reconnue par le gouvernement.

Ainsi, Miao, qui habite la ville de Muyang dans le diocèse de Mundong, appartient à l’Eglise officielle, tandis que sa femme et son fils sont membres de l’Eglise clandestine. “Nous appartenons à deux communautés différentes, dit Miao, et nous soutenons chacun la nôtre“. Un autre laïc de cette même ville confirme que, dans la région, il est courant de voir des membres d’un même famille appartenir à deux communautés différentes, comme c’est le cas pour lui et sa femme. A la maison, il faut éviter les discussions religieuses. Les conséquences d’un tel état de choses sont désastreuses : à cause de cette division, les enfants ne vont plus l’église. Par ailleurs, les non-catholiques se moquent des adeptes d’une religion incapable de faire vivre ses fidèles dans la communion.

Les désaccords entre catholiques ont, selon les témoins d’un certain âge, surgi au début des années 80, époque où la vie religieuse a commencé à bénéficier d’une relative libéralisation. Depuis, un peu partout, les responsables pastoraux se plaignent des divisions et des conséquences fâcheuses qu’elles entraînent. Le curé d’une paroisse de Muyang fait remarquer que le divorce entre Eglise officielle et Eglise clandestine empêche la mise en commun de l’ensemble des ressources matérielles, spirituelles et morales des chrétiens en vue de l’action pastorale et de l’évangélisation. Le P. Li Ronghua, de l’Eglise officielle, vivant à Fuzhou, capitale de la province de Fujian, raconte que sa grand-mère et son oncle, appartenant à deux communautés opposées, refusent de se rencontrer depuis des années. Une religieuse, autrefois fidèle de l’Eglise clandestine, aujourd’hui passée à l’Eglise officielle, cite le cas du mariage d’un jeune couple formé de deux partenaires dont l’un est catholique clandestin, l’autre officiel. Des parents des deux familles ont refusé de participer aux cérémonies religieuses et au banquet à cause de la présence de personnes appartenant au parti opposé. Il arrive, ajoute la religieuse, que des familles refusent pour leurs enfants des mariages avec des fidèles d’une Eglise différente de la leur, poussant ainsi leur progéniture à se marier avec un partenaire non catholique. Un catholique de Pékin avoue même qu’il a voulu demander le divorce en apprenant que sa femme fréquentait l’Eglise officielle.

Les catholiques recevant le mariage, la confession, ou d’autres sacrements dans l’Eglise officielle, sont souvent invités à les recevoir une seconde fois dans l’Eglise clandestine s’ils veulent garder l’estime de leurs amis de cette Eglise. Dans le nord-est de la Chine, un catholique, membre de l’Eglise souterraine, n’a pu recevoir les derniers sacrements, ses amis ayant empêché un prêtre de l’Eglise officielle de pénétrer dans la maison.

On peut cependant relever quelques exemples de coopération entre les deux communautés souterraine et officielle dans la province du Fujian. Les catholiques clandestins participent au pèlerinage au sanctuaire du Rosaire de Changle, organisé par l’Eglise reconnue par le gouvernement. Il existe des essais de dialogue entre dirigeants des deux Eglises. Les discussions tournent autour de l’attitude vis-à-vis du pouvoir, qui varie depuis l’opposition totale jusqu’à l’acceptation d’un compromis avec sa politique, lorsqu’elle ne s’oppose pas à la foi chrétienne. Selon un prêtre de l’Eglise officielle, c’est là que se trouve le vrai problème. L’obstacle à l’unification des communautés catholiques n’est pas constitué par une question doctrinale. Il réside dans la différence des rapports entretenus avec le pouvoir.