Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE Du 1er mai au 30 juin 1999

Publié le 18/03/2010




Introduction

Le comité international qui gère le mécanisme de contrôle de l’usage des aides débloquées à Tokyo le 26 février dernier s’est réuni à Phnom Penh le 14 juin. Les représentants des 16 pays donateurs et des organisations internationales se sont, semble-t-il, contenté d’écouter les rapports des fonctionnaires du gouvernement cambodgien, et ont été impressionnés, voire éblouis, par la performance d’un premier ministre, Hun Sen, connaissant les dossiers jusque dans les moindres détails, parfois même mieux que les ministres concernés. Cependant, la question des droits de l’homme n’a pas été abordée. Une seconde évaluation est prévue en octobre prochain.

Beaucoup de lois et de décrets de ces deux derniers mois vont dans le bon sens et témoignent d’une volonté officielle de changement pour plus de justice, de démocratie, de transparence dans les comptes de la nation. Cependant, il y a encore loin des paroles aux actes. Même sans vouloir systématiquement critiquer un régime en place depuis plus de vingt ans, on se doit de constater que le pays reste aux mains d’un petit groupe de prédateurs qui continuent à le spolier de toutes ses richesses, laissant le petit peuple dans la misère la plus noire. La justice reste toujours sous le contrôle des intérêts politiques et financiers, le droit est du côté du riche. L’armée se montre de plus en plus arrogante, dépossédant sans scrupules les paysans de leurs terres. Les entrepreneurs étrangers exploitent sans vergogne, en tous domaines, y compris celui du sexe, les travailleuses du textile. N’en déplaise à un certain nombre de représentants d’ONG et de gouvernements adeptes de la langue de bois, le Cambodge est encore loin d’être devenu un Etat de droit. En dépit de petits progrès, y règne toujours la loi de la jungle. La seule valeur-refuge est celle de l’argent-roi.

Le mécanisme de contrôle pourrait apparaître comme un signe d’espoir. Mais, à nouveau, bon nombre d’observateurs lucides sont déçus. On pourrait rêver, avec les deux organisations cambodgiennes de défense des droits de l’homme, que l’octroi de l’assistance nécessaire soit lié au respect des droit fondamentaux de la personne humaine. La marche vers la création d’un Etat de droit est une longue marche, elle ne vient que de s’ébranler…

COMPTE-RENDU AUX PAYS DONATEURS

Plusieurs grilles d’analyse sont possibles pour rapporter l’activité du Cambodge durant les deux derniers mois. La mise en place des promesses faites à Tokyo les 25-26 février derniers, en échange de l’obtention d’un don de 470 millions de dollars, en est une parmi d’autres. Le gouvernement s’était alors engagé à revoir sa politique forestière, à s’engager dans des réformes administratives et financières, ainsi que dans la démobilisation de sa pléthorique armée.

Le 14 juin, les représentants des 16 pays donateurs et des grandes organisations internationales ont écouté le rapport des ministres cambodgiens sur leurs réalisations. La plupart des assistants se sont montrés impressionnés. L’ambassadeur du Canada déclare qu’« on ne pouvait attendre mieux. La réunion était extrêmement bien préparée. Je n’ai jamais vu cela en aucun paysL’ambassadeur d’Allemagne juge la rencontre « vraiment positiveLakhan Mehrotra, représentant personnel du secrétaire général de l’ONU estime « qu’en un court laps de temps, le gouvernement a montré beaucoup de sincéritéUne autre rencontre est prévue pour octobre prochain. En examinant de près ces réalisations, on a le droit d’être moins optimiste que les déclarations officielles.

Politique forestière

Un rapport du ministère de l’Agriculture présenté le 14 juin, note que 13 721 M3 de bois ont été saisis, 43 camions et tracteurs démolis, 798 scieries fermées ou détruites, 154 procès-verbaux dressés, récoltant un total de 147 979 dollars en amendes, 328 dépôts de bois fermés, 48 fours de charbon de bois détruits, 95 % du trafic illégal supprimé. Les observateurs estiment cependant ces chiffres nettement exagérés et sans fondement réel.

Selon le journal pro-gouvernemental « Réasmey Kampuchéa » du 10 mai, trois fonctionnaires de la province de Stung Treng continuent les exportations illégales de bois vers le Laos, d’autres vers le Vietnam. Selon l’association britannique « Global Witness », le gouvernement n’a atteint que 50 % de ses objectifs. Il s’est attaqué effectivement aux petites et moyennes entreprises, mais toute l’infrastructure de corruption favorisant le trafic illégal du bois reste en place.

Le prix du mètre cube de bois, jadis fixé à 300 dollars, est désormais de 450 dollars, la taxe du gouvernement passant de 14 à 54 dollars par mètre cube. La compagnie malaisienne « Samling » proteste, et refuse de verser 3 millions de TVA dûs au gouvernement, prétextant de son ancienneté et de l’ampleur de ses investissements, ainsi que de la décision unilatérale des autorités cambodgiennes, sans consultation préalable. La « Samling » détient une concession de 457 466 hectares situés dans les provinces de Mondolkiri, Kratié et Kompong Cham, et une autre de 347 943 hectares dans les provinces de Kompong Speu et Koh Kong. Deux autres sociétés suspendent leurs activités à cause de l’augmentation des taxes.

Selon « Global Witness », les mesures prises ont rendu l’achat du bois inaccessible à la population cambodgienne. Le pays a besoin d’environ 170 000 M3 de bois transformé par an. Le gouvernement a demandé aux sociétés forestières de réserver 20 % de leur production pour les besoins de la population locale.

Réformes administratives et financières

Le ministère des Finances fait le bilan du premier trimestre 1999 : le taux de croissance du PIB pourrait être de 4 % pour l’ensemble de l’année, l’inflation se situant à 7,97 %. Durant le premier trimestre, les ressources de l’Etat ont augmenté de 39 %, alors que les dépenses n’augmentaient que de 9 %. Grâce à l’introduction de la TVA, les recettes fiscales ont fait un bond de 52 %, représentant à elles seules 61% des recettes. La part des recettes dans le budget est ainsi passée de 32 à 45%, celle des recettes douanières ayant chuté de 40 à 34 %. L’impôt sur les salaires s’est accru de 30 % et celui sur les bénéfices de 22 %. Par contre, les recettes liées à l’exploitation du bois n’atteignent que 4 % au lieu des 25% prévus. Les revenus générés par la mise en place des quotas dans le textile se sont élevés à 24 millions de dollars. La part allouée pour le traitement des fonctionnaires a augmenté de 19 %, les investissements publics ont augmenté de 26 %. La part du budget réservé à la Défense a augmenté de 13%, dont les deux tiers réservés au versement des soldes.

Un sous-décret, signé par Hun Sen le 18 mai, oblige des milliers de fonctionnaires, militaires et policiers, âgés de plus de 55 ans, à prendre leur retraite à la fin de l’année. Cette mesure ne s’applique pas aux secrétaires et sous-secrétaires d’Etat, si ce sont des élus. Cette mesure vise à ouvrir des emplois administratifs aux jeunes diplômés. 2 000 fonctionnaires et 3 000 instituteurs devraient ainsi prendre leur retraite en 1999.

L’introduction des taxes et de la TVA, la suppression des exemptions d’impôts étaient quelques-unes des exigences des donateurs.

La plantation de palmiers à huile, appartenant à Mong Rethy, proche de Hun Sen, s’étendant sur près de 20 000 hectares, est exonérée de TVA sur ses importations de pesticides, engrais, etc. Mong Rethy se justifie en affirmant qu’il y a investi 6 millions de dollars et n’a encore récolté aucun bénéfice. Il y a installé 3 000 familles, dont un certain nombre de squatters de Phnom Penh. Sok Kong, président de la Chambre de commerce et directeur de la société pétrolière cambodgienne Sokhimex se félicite de cette exemption de TVA, contraire pourtant aux engagements pris à Tokyo.

Le 14 mai, un nouveau ministère est créé, celui des relations entre le Sénat, le Parlement et les Inspections.

Démobilisation

Le 21 mai, le ministère de la Défense révèle que, depuis le 19 avril, début de l’opération de vérification des effectifs de l’armée, 12 868 soldats « fantômes » et 105 234 enfants et autres « dépendants » ont été rayés des effectifs de l’armée. Les chefs d’unités disposent jusqu’au 15 juillet pour établir la liste des soldats handicapés.

On est encore loin du compte. Les observateurs estiment généralement qu’il reste encore au moins 40 000 soldats « fantômes

237 000 dollars destinés à payer les pensions des anciens combattants auraient été détournés par d’anciens fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, du Travail et des Anciens combattants, depuis le coup d’Etat de 1997, par l’établissement de fausses listes. 44 000 soldats décédés, 108 000 enfants et 65 000 veuves étaient autant de « fantômes » dont les émoluments tombaient dans la poche de fonctionnaires du ministère. 79 000 dollars on été récupérés par le gouvernement.

Faut-il établir une relation de cause à effet entre la future démobilisation et la confiscation de plus en plus fréquente de terres par les autorités militaires, comme en témoignent les nombreux faits suivants :

Le 4 mai, en signe de solidarité avec les 300 villageois dépouillés de leurs terres par les militaires, qui manifestent devant l’Assemblée nationale, les députés du PSR quittent l’hémicycle pour protester contre l’inaction de la chambre devant les exactions des militaires.

Le 6 mai, le roi Sihanouk transmet au gouvernement la plainte d’habitants de Oudong qui accusent deux chefs de leur commune d’avoir volé leurs terres pour les revendre à des militaires de la capitale. Il transmet également une plainte des habitants de la province de Prey Veng contre un officier de police qui leur aurait enlevé des lots de pêche.

Le 10 mai, 300 paysans, venus des provinces de Battambang, Bantéay Méan Chhey, Kompong Cham, Kompong Speu, Koh Kong manifestent devant l’Assemblée nationale. Ranariddh, président de l’Assemblée, demande que les responsables de chaque province viennent lui exposer leur situation. Il critique l’action de Sam Rainsy. Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, promet de se rendre en province pour examiner la situation. Le 13 mai, le roi s’adresse aux deux co-ministres de la Défense et au commandant en chef de l’armée pour leur exposer le cas de 460 familles de Samrong Thom, dans la province de Bantéay Méan Chhey qui ont été expropriés par des militaires. Le 21 mai, 78 manifestants, représentant 258 familles de Kbal Spéan, (Bantéay Méan Chhey), qui protestent depuis 8 jours contre la spoliation de 120 hectares de terres leur appartenant, cessent leur manifestation, suite aux promesses des autorités locales de les rencontrer pour trouver une solution.

Le 12 mai, Sam Rainsy écrit au roi pour solliciter son intervention dans un nouveau conflit entre militaires et agriculteurs dans le district de Mimot, qui a commencé le 6 avril dernier.

Le 24 mai, 65 villageois de la région de Kampot (Dang Tong) et une centaine de Kompong Speu (Dang Tong) manifestent contre la confiscation de plus de 1 000 hectares par les militaires.

Le 25 mai, un groupe de villageois représentant 225 familles de Kampot, Koh Kong, Kompong Cham, campent devant l’Assemblée nationale. Ils demandent au roi Sihanouk d’intervenir pour régler leur problème. Le roi leur donne 20 kg de riz et 20 000 riels (env. 35 FF) à chacun.

Le 4 juin, une centaine de paysans spoliés de Prey Veng, Svay Rieng et de deux villages de Kandal viennent chercher de l’aide.

Le 14 juin, 300 habitants de Prey Veng, Kompong Chhnang et Svay Rieng sont rassemblés devant l’Assemblée nationale. D’autres venant de Thmr Eth (Kompong Chhnang) se plaignent de ce que les villageois d’un bourg voisin, aidés par la police, aient confisqué leurs terres. Un groupe de 57 personnes vient de Poipet, représentant 250 familles, pour protester contre la confiscation de leurs terres par les militaires qui ont même ouvert le feu sur les paysans.

Le 24 juin, 58 représentants de 250 familles du village de Kbal Spéan (Bantéay Méan Chhey) viennent pour la 5ème fois manifester contre la spoliation de leurs terres. Comme mesure positive, on peut signaler, le 27 mai, l’intervention personnelle du premier ministre Hun Sen dans une affaire de 2 000 hectares de terres confisquées par les militaires dans la région de Kompong Cham, qu’il rend aux anciens propriétaires. Le 19 mai, il avait écrit un mémorandum de quatre pages au gouverneur de la province. Plus de 300 familles de Rokar Popram (district de Tbong Khum), se plaignaient d’avoir été dépossédées de leurs terres par les autorités locales en 1997. L’ancien gouverneur de la province, frère de Hun Sen, avait tranché en ne redonnant que 70% des terres aux anciens propriétaires.

JUGEMENT DES KHMERS ROUGES

La polémique concernant la mise en accusation des anciens chefs khmers rouges continue: le 29 avril, Y Chhien, gouverneur de Païlin, accorde son « soutien à 100% » à la déclaration du premier ministre Hun Sen, concernant la tenue d’un « tribunal national qui inclurait des juristes étrangersIl reprend également la thèse de Hun Sen demandant que les soldats américains qui ont bombardé le Cambodge passent aussi en jugement. En contradiction avec ses déclarations précédentes, Y Chhien se déclare prêt à arrêter ses anciens chefs, si le gouvernement le lui demande. D’autres ex-chefs khmers rouges acceptent eux aussi de participer à l’arrestation de leurs anciens dirigeants.

Le même jour, Khieu Samphan déclare à la radio « La Voix de l’Amériquequ’il se présentera à un tribunal, si le gouvernement le lui demande. Nuon Chéa, deuxième personnage de l’Angkar khmère rouge, déclare ne rien craindre d’un tel tribunal.

Le 6 mai, « Duch », alias Ta Pin, de son vrai nom, Kaing Khek Iev, ancien responsable de la prison politique de Tuol Sleng, et qui a ordonné personnellement l’exécution d’au moins 17 000 personnes, donne une interview à la FEER (Far Eastern Economic Review), dans laquelle il dénonce la responsabilité de Nuon Chéa, Ta Mok et de Pol Pot, et innocente Khieu Samphan, dans ces assassinats. Converti au christianisme, et même devenu pasteur de l’église adventiste du Septième jour, en 1993, puis directeur du lycée de Samlaut, métier qu’il exerçait avant la révolution, Ta Pin jouit d’une excellente réputation auprès de ceux qui le rencontrent. Hun Sen donne des ordres pour qu’il soit protégé, mais après cette déclaration, on perd sa trace. Le 9 mai, trahi par un de ses amis, ex-chef khmer rouge rallié aux FARC, Duch est cueilli dans un hôtel de Battambang où il se cachait, et amené en hélicoptère à Phnom Penh par Hok Lundi, directeur de la police nationale, puis incarcéré dans la même prison militaire de Phnom Penh que Ta Mok. Bien qu’il affirme avoir rompu avec les Khmers rouges depuis 1992, il est inculpé en vertu de la loi de 1994 mettant les derniers « horslaloi« . Le 18 mai, l’avocat Kâr Savuth est commis d’office pour le défendre devant la cour militaire de Phnom Penh.

Le 10 mai, Thomas Hammarberg, représentant spécial pour les droits de l’homme au Cambodge, du secrétaire général de l’ONU, se rend de nouveau à Phnom Penh pour recueillir des clarifications sur l’aide étrangère à apporter dans le procès des Khmers rouges. Hun Sen donne son accord à l’envoi de juges et juristes étrangers à tous les niveaux, non seulement de la part des Nations Unies, mais également de plusieurs pays. Il faudra pour cela voter une loi spéciale instituant un tribunal dans lequel siégeront des juges cambodgiens et étrangers. Pour défendre la souveraineté nationale, le premier ministre a obtenu que le procès se passe au Cambodge, tout en respectant les normes internationales.

Le 18 juin, le premier ministre Hun Sen écrit une lettre à Thomas Hammarberg lui demandant de faire diligence dans l’envoi des juristes internationaux promis, afin de mettre au point avec eux le projet de loi leur permettant de travailler au Cambodge. Il est agacé par les lenteurs onusiennes. Il met l’ONU, si prompt à donner des leçons, au défi de tenir ses promesses. Il espère que le procès débutera avant l’an 2 000, car Ta Mok et Duch sont vieux et en mauvaise santé. Thomas Hammarberg s’excuse en déclarant devoir encore obtenir le feu vert de Koffi Annan, la guerre du Kosovo et d’autres conflits ayant retardé la décision.

Le 24 juin, Hun Sen déclare devant le corps diplomatique qu’il pourrait y avoir deux procès pour Ta Mok : l’un avant le 6 septembre, date d’expiration des quatre mois de détention provisoire, pour violation de la loi de 1994 déclarant les Khmers rouges « hors-la-loi », un autre ensuite, pour crime contre l’humanité. Il pourrait en être de même pour Duch.

Le 25 juin, en termes peu diplomatiques, le ministre chinois des Affaires étrangères fait savoir à Ranariddh, président de l’Assemblée nationale cambodgienne, en visite en Chine à la tête d’une importante délégation pour demander des investissements chinois, que les étrangers n’avaient pas à interférer dans les affaires cambodgiennes.

Le 22 juin, l’ambassade de Grande-Bretagne accorde un don de 61 700 dollars pour mener une étude sur le sort des enfants et des minorités montagnardes durant la période khmère rouge.

Exemples de justice cambodgienne

Si la communauté internationale critique volontiers la justice cambodgienne pour son manque de professionnalisme et sa soumission au pouvoir politique, quelques exemples significatifs survenus ces derniers mois semblent expliquer les réticences étrangères.

Le 10 mai, suite au verdict déboutant trois familles qui disputent la propriété d’un terrain à un commerçant phnom penhois, une centaine de policiers, de gendarmes et de gardes du corps démolissent les maisons des trois familles. L’avocat des familles qui tentait de s’interposer est placé en détention pendant deux jours, provocant les protestations du président du Barreau cambodgien, d’associations cambodgiennes et internationale de défense des droits de l’homme.

Jugement de Nuon Paet : le 7 juin, Nuon Paet, ex-commandant khmer rouge, arrêté au lendemain des élections de 1998, présumé responsable du meurtre de trois Occidentaux en 1994, au Phnom Voar, dont le français Jean-Michel Braquet, est condamné à la perpétuité, après une demi-journée de procès bâclé. Si certains se réjouissent de cette condamnation, la plupart des observateurs parlent d’une parodie de justice. Les témoins à charge et à décharge n’ont pas été confrontés, il ne semble pas que l’on ait cherché à connaître la vérité des faits reprochés, mais qu’on a appliqué une sentence préparée avant le jugement, selon la tradition communiste. Cependant, après le jugement, Sam Bith, supérieur hiérarchique de Nuon Paet lors des faits, et actuellement général des FARC, ainsi que Chouk Rin, alors subordonné de Nuon Paet, sont poursuivis par la justice sous les mêmes chefs d’inculpation que Nuon Paet. Selon Paet, Sam Bith aurait donné l’ordre à Vith Von, de tuer les trois jeunes gens. Mais, selon Paet, Vith Von a été exécuté par des hommes à la solde de Sam Bith. Dix autres personnes devraient être inculpées dans le cadre de cette même affaire. Les 13 victimes cambodgiennes sont à peine mentionnées durant le procès.

Hun Sen serait favorable à la condamnation de Chouk Rin qui lui est opposé politiquement, parce que partisan du PSR, mais il s’opposera à l’emprisonnement de Sam Bith, son allié. L’affaire de l’assassinat des trois Occidentaux semble relever d’une histoire politico-financière plus que de la responsabilité des Khmers rouges.

Jugement concernant les déchets toxiques de Sihanoukville: le 16 juin les responsables de la décharge illégale des 3 000 tonnes de produits toxiques à Sihanoukville en décembre dernier sont jugés. Les trois responsables gouvernementaux inculpés (chef de Camcontrol, le directeur des douanes et le douanier en chef), n’ont pas daigné se déplacer, opportunément « malades ». Ils ont été acquittés. Seuls les deux intermédiaires civils sont condamnés. On ne parle plus des 3 millions de dollars versés aux autorités cambodgiennes par la compagnie taïwanaise pour importer ses produits.

Par contre, les deux membres de l’association cambodgienne de défense des droits de l’homme, LICADHO, restent inculpés pour avoir poussé les habitants de Sihanoukville à la révolte et brûlé la maison du gouverneur (soupçonné, à juste titre, d’avoir empoché l’argent). Devant l’indignation d’associations internationales de défense des droits de l’homme, les charges émises contre ces deux personnes ont été allégées. Il est possible que l’on aille vers l’acquittement lors de leur procès, le 8 juillet.

Dans un rapport de 35 pages, en date du 28 mai, l’association « Human Rights Watch » demande que les deux membres de LICADHO soient relâchés faute de preuves.

Dans une lettre datée du 18 juin, un groupe représentant 180 élus du Congrès américain, toutes tendances politiques confondues, prient le premier ministre Hun Sen de lever les charges à l’encontre des membres de la LICADHO.

SOCIETE

Lutte contre la criminalité

Depuis plusieurs mois, le gouvernement tente de faire diminuer la criminalité en régularisant puis en interdisant le port d’armes tant par les civils que par les militaires. De très nombreux délits étant commis par les policiers et militaires, la levée progressive de leur immunité de fait est un signe encourageant.

Le 30 avril, le conseil des ministres adopte un sous-décret concernant la gestion, le contrôle de l’importation, la fabrication, la vente, l’achat et la distribution des armes et des munitions. L’importation des armes ne relèvera désormais que du seul gouvernement. Seuls les fonctionnaires ayant rang de sous-secrétaire d’Etat pourront obtenir un permis de port d’arme, les stands de tir pour amateurs seront fermés. Les particuliers n’auront plus le droit de posséder d’armes de quelque type que ce soit. Le Conseil des ministres donne ordre à la police et aux soldats de ne pas porter d’armes en dehors du temps de service. Les officiers, à partir du grade de colonel et au dessus, seront seuls en droit de porter une arme, à condition qu’ils soient en mission. Les hommes d’affaires devront diminuer le nombre de leurs gardes armés.

Des collectes et la destruction spectaculaire d’armes sont organisées régulièrement : le 30 avril, le premier ministre Hun Sen, aux commandes d’un bulldozer, écrase 4 005 armes disposées sur un rail, dans le stade olympique de Phnom Penh comble. Lui-même a remis un pistolet en or, don d’un fonctionnaire indonésien, au musée du ministère de la Défense. Une cérémonie analogue a lieu à Kompong Cham, le 2 juin : Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur, broie de la même façon 3 878 armes sur les 10 000 recueillies dans la province. « Nous voulons faire savoir à la communauté internationale ainsi qu’aux pays de l’Asean que le Cambodge est désormais en sécurité à 100 %. Les touristes et les investisseurs peuvent venir au Cambodge sans craintedisent les autorités. Cependant, après un contrôle de 15 000 maisons de la capitale, deux maisons sur trois possèdent encore des armes. On n’est qu’au début d’un long processus.

Le 24 juin, Sâr Kheng estime à 100 000 le nombre d’armes récupérées. Il envisage de mettre en place dans les villages des groupes « d’autodéfensecalqués sur le modèle américain, reposant sur la surveillance mutuelle par groupes de cinq familles.

Après de multiples demandes et pressions de la part des organismes internationaux et des organisations de défense des droits de l’homme, le Conseil des ministres a modifié l’article 51 de la loi concernant les fonctionnaires. Selon cet article, un juge devait obtenir l’accord du Conseil des ministres ou du ministre de tutelle pour mettre en accusation un fonctionnaire. Cet article assurait de fait, l’impunité des fonctionnaires. Désormais, avant de poursuivre un fonctionnaire nommé par sous-décret ou décret, le juge devra informer le chef du gouvernement 48 heures à l’avance. Pour les simples fonctionnaires, le juge devra alerter son supérieur 72 heures à l’avance. La modification, même imparfaite, de cet article, (elle permet notamment la fuite du fonctionnaire inculpé), est un premier pas vers la suppression de l’immunité.

Un petit groupe de 33 anciens soldats khmers rouges de la division 902 de Kratié ont refusé de se rallier au gouvernement l’an dernier. Ils continuent à razzier la région, tuant 11 civils, 2 soldats et 1 policier au cours de divers accrochages. Les autorités gouvernementales en ont tué 8. Deux d’entre eux se sont ralliés aux autorités la semaine suivante.

Divers

Le 14 mai, la municipalité de Phnom Penh lance une nouvelle campagne de suppression des maisons closes de la ville. 12 des 80 maisons sont fermées, comprenant 129 chambres, 11 prostituées arrêtées. Il y aurait 12 000 prostituées vietnamiennes, qui composeraient 40% de l’ensemble des prostituées du pays.

Selon le Comité cambodgien de « Global March » qui milite en faveur de l’abolition du travail des enfants, 600 000 enfants travailleraient au Cambodge, soit 18 % des jeunes de 5 à 17 ans. Ils commenceraient à être actifs vers l’âge de dix ans. Selon le BIT, 72% ne seraient pas scolarisés. Selon l’Unicef, il y aurait entre 10 et 15 000 enfants des rues.

Problèmes sociaux

En dépit de nombreuses difficultés dressées par les autorités gouvernementales et municipales, le premier mai, environ un millier d’ouvriers défilent du stade olympique à l’Assemblée nationale. Chéa Vichéa, président du SIORC (Syndicat indépendant des ouvriers du Royaume du Cambodge), rappelle les dix revendications que le syndicat entend promouvoir, entre autres l’augmentation du salaire mensuel minimum de 40 à 60 dollars, la baisse de la durée hebdomadaire de 48 à 44 heures, la mise en place d’une juridiction spéciale pour régler les conflits entre ouvriers et employeurs, et une véritable lutte contre la corruption. Les syndicalistes osent braver le gouvernement, forts de l’appui de l’opinion internationale, comme les en a assurés Sam Rainsy : « Si jamais il nous arrivait quelque chose, les EtatsUnis, la GrandeBretagne, la Suède, la France et les pays qui soutiennent les ouvriers condamneraient le gouvernement

Si l’amélioration des conditions de travail dans les usines et l’application du code de travail faisaient partie des engagements pris à Tokyo, de très nombreux conflits sociaux survenus spécialement dans les 165 usines de textile cambodgiennes démontrent à l’évidence que la justice sociale ne fait pas partie des priorités de l’Etat.

Le 27 avril, des ouvriers en grève de l’usine Jin Chiang Garment Factory, marchent sur l’Assemblée nationale et le Palais royal. Le roi Sihanouk en personne demande au ministre attaché au palais d’intervenir pour trouver une solution dans une dispute opposant à leur patron 6 ouvriers licenciés à la suite d’une grève le 22 avril. Le 4 mai, 600 ouvriers de l’usine se mettent à nouveau en grève, et après rupture des négociations, lancent des pierres qui brisent les vitres de l’usine, endommageant un véhicule.

Le 4 mai, grâce à l’intervention de 4 députés du Parti Sam Rainsy (PSR), un compromis est trouvé dans un conflit social de l’usine Forum Garment.

Le 5 mai, suite à la perte de connaissance d’un travailleur de l’usine de fabrication de chaussures Great Dragon Shoe, 700 travailleurs se mettent en grève. Ils dénoncent la durée excessive du travail : plus de 12, voire 20 heures par jour, sans supplément de salaire.

Le 11 mai, quatre entreprises de textile sont en grève (C-One, Bloomex, Wing Hua Garment, Gennon Garment). Les grévistes demandent soit une amélioration des conditions de travail et de salaire, soit le départ de deux directeurs qui maltraitaient les ouvriers.

Le 16 mai, grâce à la médiation d’une délégation parlementaire du comité des affaires sociales, comprenant 1 membre du PPC, 1 membre du Funcinpec et 1 membre du PSR, les ouvriers de l’usine KK Group Ldt mettent fin à quatre jours de grève. C’est la première fois qu’intervient ce comité. Les ouvriers demandaient que leur salaire soit de 40 dollars et que leurs heures supplémentaires d’avril et de mars leur soient payées.

Le 30 mai, 27 ouvrières de l’usine Zheng Yong manifestent devant l’Assemblée nationale contre leur licenciement. Le directeur leur avait demandé de faire des heures supplémentaires, mais suite à une coupure de courant, elles avaient été dans l’impossibilité de travailler dans la chaleur insoutenable de l’usine. Elles ont été chassées sans préavis et sans indemnités.

Le 3 juin, 700 ouvriers et ouvrières de l’usine textile Grace Sun Garment manifestent devant l’Assemblée nationale pour protester contre leurs conditions de travail. Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, leur promet de trouver une solution au conflit. Le 4 juin, 7 ouvriers sont renvoyés pour avoir participé à la grève. Le 8 juin, les ouvriers manifestent une seconde fois pour protester contre le projet de rémunération à la pièce.

Selon le président du SIORC, 4 ouvrières seraient mortes au mois de mai dans des locaux mal ventilés. Elles se nourrissent mal, s’affaiblissent en travaillant comme des bêtes. Selon le SIORC, 70 % des usines installées dans la région de Phnom penh ne respectent pas le code du travail. Une trentaine de fonctionnaires sont chargés de surveiller le conditions de travail, mais « manquent de moyens de transportL’usine de fabrication de chaussures New Star cherche à recruter 300 femmes handicapées, qui pourraient se déplacer sans béquilles. Elles seront logées et nourries, pour un salaire de 30 dollars.

Santé

Le 21 mai est inauguré l’hôpital pédiatrique « Préah Jayavarman VII » de Siemréap, construit par Beat Richner, fondateur de Kanthéa Bopha. La construction a coûté près de trois millions de dollars, provenant de donateurs privés ou institutionnels suisses. 90 lits sont disponibles, 110 lits supplémentaires seront ajoutés en septembre. L’hôpital pédiatrique « Angkor », situé également à Siemréap, accueille une centaine de patients par jour.

Le choléra a tué plus de 110 personnes dans la province de Ratanakiri. La mauvaise hygiène des tribus montagnardes et la lenteur de l’acheminement des soins et des médicaments est la raison de ce taux élevé de mortalité.

Le 26 mai, l’ambassade de Grande-Bretagne fait un don de 15 071 dollars pour la restauration de l’hôpital de Prey Veng.

Selon les statistiques de 1996, 3% de la population cambodgienne souffre d’un handicap, dont un cinquième sont des enfants.

L’Union Européenne s’est engagée à verser 1,3 millions d’euros pour la lutte contre le sida au Cambodge, pour les trois années à venir. Cette aide sera distribuée par l’intermédiaire de MSF. 180 000 personnes seraient infectées par le virus, 15 000 seraient déjà mortes. Le 6 juin, la Banque asiatique pour le développement promet de verser 700 000 dollars au gouvernement pour mener des recherches sur le sida.

Grâce à une aide japonaise de 65 000 dollars, le pavillon des maladies infectieuses de l’hôpital Sihanouk est passé de 29 à 60 lits. Le projet est conduit par MSF France.

Kent Wiedemann, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Birmanie, est nommé ambassadeur des Etats-Unis au Cambodge, en remplacement de Quennett Quinn. En octobre dernier, Sam Rainsy et Ranariddh s’étaient élevés contre le projet de cette nomination, le nouvel ambassadeur étant moins sensible à la question des droits de l’homme que le précédent.

70 % des mendiants étrangers en Thaïlande sont des Cambodgiens. Un enfant mendiant peut rapporter 15 dollars par jour. On compterait 500 enfants cambodgiens mendiants, et 82 000 travailleurs clandestins cambodgiens.

La communauté cambodgienne d’Australie est parmi les 8 groupes comportant le plus haut taux d’arrestations.

Trafic d’antiquités

Durant la première quinzaine du mois de juin, les temples de Bantéay Kdei, Ta Prohm, Bantéay Thom, et Kraol Ko ont été visités par des voleurs. Dans la nuit du 9 juin, cinq têtes d’Apsara ont été découpées au ciseau, à l’intérieur de la porte du temple de Bantéay Kdei. L’Unesco se défend d’avoir à jouer un rôle de gendarme du patrimoine khmer, l’initiative de la protection devant émaner du Cambodge. Cependant, les responsabilités internationales ne sont pas à masquer : « sans acheteurs, il n’y aurait ni marché, ni vendeurs, ni pilleursLes Etats-Unis sont parmi les plus gros acheteurs d’objets d’art volés.

Dans la nuit du 30 mai, un violent orage a causé la chute d’arbres dans le temple de Ta Prohm, endommageant sérieusement le temple.

Religion

Le 3 mai, lors de la célébration du sillon sacré, présidée par le prince Sirivuddh, les boeufs sacrés ont consommé 65 % du riz, 95 % du maïs, 85 % des haricots et 20 % du sésame et 30% de l’eau qui leur étaient proposés : les récoltes seront donc abondantes, et les pluies suffisantes.

Le 1er mai, une vache s’est échappée de l’abattoir de Tuol Kork et a tenté d’entrer au Palais royal, puis dans la pagode de Vat Phnom. Po Bunly, un riche commerçant, s’est précipité pour acheter la vache au prix de 400 dollars, voyant en elle la réincarnation de Préah Ko, divinité tutélaire du Cambodge. Au moins 300 personnes ont acclamé le bovidé sacré dans les rues de Phnom Penh. La vache a été conduite ensuite dans une pagode de la province de Kompong Speu, où elle a droit à la vénération de nombreux fidèles. Le même phénomène s’était produit l’an dernier à Sihanoukville.

A la suite d’un article de journal affirmant que le roi Sihanouk avait eu un rêve selon lequel les esprits réclamaient la vie de 2 000 jeunes filles aux cheveux longs, de nombreuses demoiselles se sont fait couper les cheveux. Le Palais royal a dû démentir la réalité du rêve royal.

Selon le ministère des Cultes et des Religions, il y aurait 413 780 Chams de religion musulmane au Cambodge. 70 000 auraient été massacrés du temps des Khmers rouges. 1 Cham est vice-premier ministre (Toh Lah), 12 sont députés, 1 est secrétaire d’Etat (Ahmad Yahya). 70 % des Chams seraient d’obédience chiite, 20 % d’obédience fondamentaliste Wahabi, sous l’influence de l’Arabie Saoudite et du Koweit, 7 % seraient d’obédience traditionnelle Kam Iman-San, et 3% d’obédience indonésienne Kadiani. De nombreuses aides extérieures ont renforcé ces divisions internes.

1,8 millions de dollars ont été dépensés pour la construction du nouveau stupa de Oudong où sera remise la relique de Bouddha placée actuellement dans le stupa situé devant la gare. Le ministre des Finances a déboursé 1,3 millions, et le roi Sihanouk 469 812 dollars. 50 000 dollars ont été déboursés par le ministére des Finances pour la construction d’un pavillon au Vat Phnom de Phnom Penh.