Eglises d'Asie

RELATIONS ENTRE CHRISTIANISME ET INTELLECTUELS DEPUIS LA « LIBERATION » (1949)

Publié le 18/03/2010




Afin d’effacer la mauvaise réputation qu’il a gagnée tel « un instrument d’agression culturel occidental », le christianisme en Chine dans les années 50 a cherché à édifier une identité propre à travers le Mouvement patriotique des trois autonomies. A travers ce processus, le christianisme a commencé à atteindre la population et à se faire accepter.

Après le début des années 60, surtout durant la période de la Révolution culturelle, une vague de pensée gauchiste passa à l’attaque. Elle ne réussit pas seulement à presque balayer le christianisme (et d’autres religions), mais elle amena aussi à considérer les intellectuels comme « la puante neuvième catégorie » (avec les propriétaires terriens, les riches paysans, les contre-révolutionnaires, les mauvais éléments, les droitiers, les agents ennemis, les renégats et les compagnons de route capitalistes). Le christianisme dut faire face à une adversité qu’il n’avait jamais connue auparavant.

A cette époque, par conséquent, la question d’établir des rapports avec les intellectuels n’avait pas d’importance. Il existe un proverbe chinois : « Ceux qui ont les mêmes malheurs sympathisent entre eux naturellement, il n’est pas nécessaire pour eux de se rencontrer pour faire connaissanceA la fin des années 70, quand l’ordre fut restauré après le chaos, diverses politiques furent mises en application.

Les Eglises commencèrent à être restaurées et s’agrandirent rapidement. Cependant, le niveau d’éducation moyen des croyants était très bas, et ils eurent par conséquent tendance à être rétrogrades et conservateurs dans leur manière de voir. A ce moment là, un groupe d’intellectuels a émergé au sein des cercles religieux. Ce groupe et d’autres intellectuels appartenant à d’autres secteurs de la société cherchèrent à entrer en relations. Au début du processus, beaucoup de gens étaient influencés par la théorie marxiste de la religion, opium du peuple, et pensaient ainsi que la religion était hors limites. Certains utilisèrent alors le concept « étudier la religion seulement pour critiquer la théologie », qui plaçait les cercles religieux en dehors du domaine de la recherche universitaire et de l’éducation.

Entre 1979 et 1986, il y avait même une prétendue « troisième guerre de l’opium » dans les cercles universitaires (comprenant des intellectuels faisant partie de groupes religieux). Ceci ouvrit un débat sur des questions fondamentales, à savoir si oui ou non, la signification inhérente et fixée de la religion était celle d’un simple opium, la question des relations entre la religion, l’éthique et la morale, mais aussi pour savoir si la religion et le socialisme pouvaient co-exister en harmonie. Un autre proverbe chinois dit : « D’un échange de coups, l’amitié croît« , ou « Pas de discorde, pas d’entente

A travers le débat et le dialogue, les cercles religieux et intellectuels développèrent un langage commun, se firent des amis les uns chez les autres. Ils se comprirent et se respectèrent.

Ce fut le début d’une nouvelle étape de bonnes relations entre le christianisme et les cercles intellectuels (voir note 1). Dans la dernière décennie ou à peu près, avec la situation générale d’ouverture et de réformes, les cercles intellectuels et universitaires ont ouvert leur esprit, et la recherche religieuse a fait des progrès considérables. Des départements distincts de religion ou des centres d’études religieuses ont été créés, tels que l’Institut de recherche sur les religions mondiales, à l’académie chinoise des sciences sociales, l’institut de recherche religieuse de l’académie de sciences sociales de Shanghai, le centre de recherches religieuses du Conseil d’Etat du bureau des Affaires religieuses, et des sections religieuses dans certains instituts d’études supérieures tels que l’université de Nankin, l’université du Sichuan, l’université Fudan (Shanghai), l’université de Pékin et l’université de Hangzhou.

Certains d’entre eux publient divers journaux universitaires sur les recherches religieuses. Tout compte fait, il semble qu’il existe « un engouement nouveau pour la recherche religieuseUn groupe de spécialistes de la religion, à l’esprit ouvert et très compétents est apparu. La vaste majorité d’entre eux ne sont pas croyants. Ils ont réussi à dépasser les limites anciennes du « rester fidèle au texte » et « suivre la ligne directrice en matière de principes d’éducation« . A partir d’une perspective universitaire, ils analysent et conduisent la recherche religieuse tout à fait objectivement et scientifiquement d’un point de vue historique, social et culturel. Ils publient un grand nombre de travaux spécialisés sur la religion. Ceux-ci comportent à la fois des traductions et des travaux originaux. Plus de 1 000 différents travaux ont déjà été publiés, à ma connaissance. Parmi ces travaux sur la religion la vaste majorité sont des introductions à la recherche sur le christianisme.

La théorie religieuse de « L’opium du peuple » d’il y a 15 ans, et la tendance à critiquer la religion étrangère, sont maintenant presque éteintes et sont rarement évoquées. Un certain nombre d’intellectuels montrent même de la sympathie et de la compréhension vis-à-vis du christianisme. Cela a amené la publication de certaines introductions et explications théologiques de haut niveau (voir note 2). Une trentaine seulement de publications propres aux Eglises peuvent se comparer à ces publications en termes de qualité et de niveau universitaire. Ceci présente à l’Eglise en Chine non seulement un sérieux défi mais aussi une excellente opportunité, comme elle n’en a jamais connus dans son histoire.

Si nous regardons la situation à l’intérieur de l’Eglise, la religion n’est plus interdite depuis la révolution culturelle et le taux de développement du christianisme a de loin surpassé celui des autres religions. Le nombre de croyants chrétiens a déjà atteint plus de 10 millions, 10 fois plus qu’avant la libération en 1949. Il y a plus de 50 000 lieux de rencontre d’Eglise dispersés dans toutes les régions rurales. Le niveau d’enseignement des croyants est bas, avec une absence de direction pastorale, ces croyants sont facilement la proie d’influences corrosives hérétiques et non orthodoxes, mélangeant la foi avec les coutumes et pratiques populaires superstitieuses. L’influence malsaine qui en résulte pour la société, est méprisée par les cercles intellectuels.

Si nous considérons maintenant la situation dans les Eglises dites « normalisées » dans les petites et les grandes villes (Eglises qui sont en rapport avec le Conseil chrétien et le Mouvement patriotique des trois autonomies, ou qui ont été reconnues à travers le processus d’enregistrement), la plupart des croyants et des agents pastoraux dans ces Eglises sont tombés sous l’influence des idées « fondamentalistes » et « évangéliques ». Leur foi est influencée par les conservateurs et leur perspective théologique est étroite. Ils mettent l’accent sur « l’orthodoxie » et « l’être dans l’Esprit » (ils ne se soucient que de l’expérience spirituelle de la personne et de savoir si la personne a été « sauvée » par la « renaissance »). Alternativement, beaucoup d’Eglises pratiquent aussi une forme « d’utilitarisme », transformant le christianisme en une sorte de « magie » à travers laquelle on demande des faveurs et on évite les malheurs. De tels croyants tendent à être déphasés par rapport à la réalité sociale, et ils demeurent profondément méfiants de choses comme les systèmes éthiques et moraux, le savoir universitaire, la modernisation et la sinisation. Beaucoup d’enseignements des Eglises s’adressent à cette forme de pensée arriérée et par conséquent n’ont que peu d’attrait pour les intellectuels. Certains intellectuels commencent occasionnellement par mettre les pieds dans l’église par curiosité, mais après une courte période de contact, ils s’esquivent à nouveau.

Le nombre d’intellectuels perdus par l’Eglise est de loin plus important que le nombre qu’elle a attiré à elle. Bref, le niveau moyen d’éducation des croyants de l’Eglise, bien qu’il se soit légèrement amélioré en l’espace des dix dernières années environ, est toujours à des années lumière de celui des intellectuels.

En conséquence des facteurs mentionnés ci-dessus, une certaine relation fragile a émergé entre l’Eglise et les cercles intellectuels en dehors de l’Eglise. D’une part, certains intellectuels ont développé un intérêt pour le christianisme, cherchent à le comprendre et expriment leur acceptation de celui-ci. Mais, en même temps, l’Eglise penche vers les conservateurs et les rétrogrades, vénérant le dépassé, préservant ce qui est usé et maintenant des relations tièdes avec les intellectuels.

Une chose à remarquer est l’émergence au cours de la dernière décennie d’un groupe de ce que l’on appelle des « chrétiens culturels » au sein de la société. Ils possèdent une compréhension plutôt profonde du christianisme grâce à leurs recherches et aux connaissances qu’ils ont acquises. Dans leur pensée et leurs sentiments, Ils vont jusqu’à s’identifier ou même se convertir au christianisme. Quelques-uns reçoivent même le baptême. Cependant, ils ne sont pas intéressés par les activités des groupes internes de l’Eglise, ils se laissent marginaliser par rapport à l’Eglise mais se disent toujours personnellement chrétiens. Ils font beaucoup de recherche et ils font connaître la foi chrétienne, intensifiant la progression et l’influence du christianisme dans les cercles intellectuels. En réalité, ils se sont chargés de la fonction d’établir un rapprochement entre le christianisme et les cercles intellectuels dans la société (voir note 3).

Apprendre à comprendre les cercles intellectuels en Chine aujourd’hui est une nouvelle tâche importante. Comme il a été mentionné par ailleurs, les religions bouddhiste, taoïste et islamique avaient des échanges réciproques avec le confucianisme, elles se sont associé à la culture traditionnelle chinoise. Ces religions sont ainsi devenues des religions réellement chinoises.

Bien qu’il vaille la peine d’en tirer des leçons, la situation du christianisme est différente. Aujourd’hui, la Chine se trouve dans une période de réforme et d’ouverture. La société subit des changements radicaux. Après les méthodes « purificatrices » du « Mouvement du 4 mai », puis du mouvement « Ecraser Confucius et Lao Tze » et enfin de la « critique de Lin Biao et Confucius », au moment de la Révolution culturelle, la pensée confucéenne a aujourd’hui perdu sa position centrale dans la société.

Quelles que soient les influences culturelles traditionnelles que les intellectuels ont subi, celles-ci se sont déjà peu à peu effacées avec le temps et sont peut-être presque imperceptibles à l’heure actuelle. Il existe un vaste marché dans les cercles intellectuels du continent, pour un prétendu « néo-confucianisme », et c’est aussi une grande controverse. Les cercles intellectuels, entraînés par le puissant mouvement de réforme et d’ouverture, sont de plus en plus influencés par les divers et changeants courants intellectuels d’Occident, qui ont beaucoup plus d’impact aujourd’hui que les théories anciennes de Confucius. Le grand nombre de publications spécialisées et d’essais concernant le christianisme, au cours de ces dix dernières années, témoigne de ce fait.

Réflexions sur la Théologie

(1) Changements dans les orientations théologiques

L’histoire de la théologie chrétienne a suivi deux voies différentes en prenant comme base soit l’expiation, soit la création. La première voie est assez limitée et mène à un exclusivisme étroit alors que la dernière est relativement ouverte et s’adapte facilement à toutes sortes de courants de pensée progressistes. Il y a un siècle environ, le christianisme chinois a été influencé par les missionnaires occidentaux qui se servaient de l’expiation comme base. Ils ont mis l’accent sur la chute de l’homme et sa nature pécheresse, en comprenant le Christ comme « Seigneur Sauveur » et adhérant à la théorie de la rédemption du Christ « puni à notre place ». On croyait aussi « qu’il n’y avait pas de salut en dehors de l’Eglise ». La croyance et la non-croyance étaient utilisées comme une ligne de séparation pour faire la différence entre les « sauvés » et les « autres » (perdus). Il existait aussi une tendance à attendre impatiemment la « Seconde venue » (eschatologie) et il en résultait qu’on prêtait moins attention à ce qui concernait le monde, en ignorant à la fois le développement et en plaçant des restrictions aux rapports moraux, éthiques et aux comportements. « L’Evangile du Christ » était assimilé à la culture occidentale, tout ce qui était créé par d’autres peuples était rejeté comme appartenant aux « cultures profanes ». Ceci a conduit l’Eglise à se renfermer sur elle-même, à se barricader derrière un sentiment étroit de supériorité, bien loin des cercles intellectuels.

Comme nous l’avons déjà dit, l’autre orientation théologique consiste à expliquer la signification du christianisme en prenant la Création comme centre. Ceci ne signifie nullement un éloignement des Ecritures ou l’adoption de quelque idée radicalement nouvelle, pour le plaisir de la nouveauté. Cette vision des choses est fondée elle aussi sur la révélation biblique et est tributaire du riche héritage de l’histoire biblique. Par exemple, cette vision prend l’amour comme qualité intrinsèque de Dieu. Dieu est Celui qui a décidé de créer le ciel et la terre et tout ce qui y est contenu. Dieu sanctifie le travail de la Création, celui de préservation et de rédemption. Ceci devient un processus continu et ininterrompu de développement jusqu’à son accomplissement à la fin. Le « Christ cosmique » joue son rôle dans l’ensemble du processus, en révélant l’amour de Dieu. Tout ce qui est vrai, bon et beau dans toutes les cultures du monde vient de Dieu et du Christ cosmique.

Le Saint-Esprit est le lien qui rassemble toutes choses créées avec la sagesse de Dieu le père, et de Christ le fils. Les hommes ont été créés à l’image de Dieu. Notre volonté libre, notre capacité d’accumuler de la connaissance, nous distinguent de toutes les autres créatures. Mais les hommes ne sont qu’à demi complets, parce qu’ils n’ont pas encore atteint la perfection. Nous travaillons ensemble avec Dieu dans toute la Création, en prenant part à son travail créateur, mais nous avons aussi nos faiblesses et nos limites. Aller contre la volonté de Dieu est « péché », et nous avons besoin de la rédemption et de la sanctification du Christ. Grâce à cela, nous devenons progressivement un peuple nouveau, pleins de la stature et de la sainte bonté du Christ. Cette manière de voir les choses dépasse les limitations de la conception « croyance contre incroyance ». Elle place la « croyance » sous une lumière nouvelle. Tous ceux qui agissent selon la volonté de Dieu, pratiquent la justice et la charité, sont considérés favorablement par Dieu. Ceci n’est qu’un résumé schématique et ne représente pas encore un système de pensée complet (Voir note 4). Cependant, cette direction est plus ouverte et plus capable d’assimiler les avancées et les éléments positifs provenant de diverses cultures. De plus, davantage de cercles intellectuels sont à même d’accepter cette direction.

(2) Modernisation, pluralisme et dialogue

La modernisation est une fatalité inévitable de l’histoire et toute la Chine est aujourd’hui dans un processus de modernisation. Les intellectuels se sont donné le rôle d’avant-garde dans ce processus. Inévitablement, la résistance à la modernisation est synonyme d’écrasement sous les roues de l’histoire. L’autre thème particulier de cet article est « christianisme et modernisation ». J’ai déjà abordé ce sujet dans un autre essai (voir note 5), en indiquant qu’en ce qui concerne l’Eglise chrétienne chinoise, le temps n’est pas encore venu de papotages vains sur une contribution hypothétique du christianisme à la modernisation. Nous devrions plutôt apprendre à nous adapter aux temps (aggiornamento, voir note 6), ce qui était la question soulevée dans l’Eglise catholique romaine après le concile Vatican II. Le pluralisme est un fait indiscutable. Dans une perspective mondiale, le christianisme (incluant le catholicisme) est aujourd’hui la religion la plus importante, mais en Chine, le nombre des croyants ne dépasse pas les 2% de la population totale. Par conséquent, une importante question théologique à discuter est de savoir comment vivre au sein d’une large majorité de gens qui croient à une autre religion ou qui n’ont pas de religion du tout.

Aujourd’hui, la théologie de l’évangélisation est déjà entrée dans une nouvelle phase et change son mode opératoire, d’une approche où « l’Eglise est le centre » à une approche où « le Christ est le centre » ou « Dieu est le centre ». L’Eglise est entrée en dialogue avec ceux qui sont à l’extérieur (voir note 7). Mais, au sein de l’Eglise, beaucoup de gens considèrent ce dialogue comme dangereux et hésitent à avancer parce qu’ils ont peur d’une dilution du message chrétien ou de la perte du caractère unique du christianisme. C’est une raison importante pour laquelle les cercles intellectuels et l’Eglise ont du mal à se rejoindre.

(3) L’indigénisation de la théologie et l’élaboration d’une théologie chinoise

L’indigénisation de la théologie (contextualisation ou inculturation) a été un sujet populaire de recherche théologique au cours de ces vingt dernières années. Il y a plus de soixante-dix ans, il y avait déjà en Chine des intellectuels d’Eglise, comme Xie Honglai, Wang Zhixin, Xie Fuya, Zhao Zichen etc., qui avaient abordé le sujet de l’indigénisation et qui y travaillèrent dur avec de bons résultats. Aujourd’hui, les temps ont changé. Nous devons avoir une nouvelle vision pour prendre en compte les circonstances de la société chinoise en ce temps de réforme et d’ouverture. Nous devons aussi comprendre exactement ce qu’est la « culture chinoise » (la « haute » culture comme la culture « populaire »). Il y a des sujets qui exigent encore beaucoup de recherche de la part des intellectuels à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise. Nous ne devrions pas être trop pressés à exiger trop rapidement la construction d’une théologie chinoise systématique et structurée.

(4) Construire le Corps de l’Eglise elle-même

Aujourd’hui, le christianisme chinois est entré dans une phase « post-dénominationnelle », et notre compréhension de ce qui constitue une Eglise est un point faible. Que ce soit du point de vue de la pratique ou de la théorie théologiques, ni un système épiscopal, ni un système d’anciens, ni le modèle des assemblées ne sont vraiment appropriés dans notre situation pour gérer l’Eglise. Le Conseil chrétien de Chine n’est pas encore une « Eglise » dans le sens traditionnel du terme. Pour préserver l’unité, un principe de respect mutuel a été adopté pour la foi, la liturgie et la gestion de l’Eglise. C’est une mesure pratique. Mais à mesure que l’Eglise se développe et croît, une voix dissidente se fait entendre graduellement parmi quelques « petites dénominations ». Nous devons trouver une nouvelle manière et une nouvelle stratégie pour gérer cette situation. La question est de savoir si nous pouvons ou non libérer notre pensée, rejeter les modèles occidentaux traditionnels de ce qu’est une Eglise et comment elle devrait être structurée, en faisant des réformes audacieuses.

A l’heure qu’il est, même si les trois modèles d’Eglise mentionnés plus haut s’enracinent dans la Bible, aucun d’entre eux en fait ne descend directement du ciel. L’Eglise primitive a fourni un schéma mais l’influence de toutes sortes de système sociaux à travers l’histoire a graduellement rempli ce schéma pour faire l’Eglise telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’Eglise représente l’organisation de la masse des croyants dans une certaine forme. Sa fonction consiste à rassembler les tâches de maintien de la foi et de pratique de la vie religieuse, tout à la fois conservant la stabilité et en la transmettant aux générations à venir.

Les théories théologiques expliquant comment une telle Eglise devrait être structurée sont arrivées plus tard. Si nous envisageons l’Eglise comme contenant « les élus » (ecclesia), alors il est facile de se séparer de ceux qui sont à l’extérieur de l’Eglise et de ne se préoccuper que de sa propre élévation morale sans penser aux autres. D’un autre côté, si nous envisageons l’Eglise comme une « alliance » (koinonia), une « communion des saints » (sanctorum communio) ou comme « le Corps du Christ », nous mettons l’accent sur un mélange harmonieux, la coopération et le soutien mutuel. Le Concile de Nicée a mis en avant l’idée d’une quadruple nature de l’Eglise (une, sainte, apostolique, catholique) qui est une idée souple et plutôt ouverte. Pour des affaires comme les responsabilités (hiérarchie de l’Eglise), les sacrements, et le culte liturgique, ces choses sont tombées sous l’influence et l’évolution de la culture historique, prenant un air de sacré et un aspect mystique, mais difficiles à saisir pour l’intellectuel moyen en dehors de l’Eglise.

L’Eglise doit sortir du schéma traditionnel occidental limité de ce qui constitue une Eglise. Elle doit plutôt développer une vision de l’Eglise qui corresponde à la situation actuelle en Chine et à l’Eglise chinoise. Aux XVIème et XVIIème siècles, c’est exactement ce qu’ont fait les Eglises occidentales pour elles-mêmes. Il y a cinquante ans, quelqu’un a dit : « Servez-vous d’un cour d’amour pour établir la communautéComme nous l’avons dit plus haut, si nous prenons la Création comme le contenu central de notre théologie, libérant ainsi notre vision et étendant notre domaine, si nous manifestons notre souci de l’Eglise et nous joignons à tous ceux qui dans le pays construisent une Chine nouvelle et un monde nouveau, alors nous arriverons sûrement à nous faire comprendre et respecter de la grande majorité des intellectuels.