Eglises d'Asie

Falungong : la répression s’intensifie et s’étend à d’autres mouvements de qigong

Publié le 18/03/2010




Lundi 8 novembre, un porte-parole du Conseil d’Etat, l’instance dirigeante du gouvernement chinois, a officiellement reconnu que 111 membres du groupe Falungong, mouvement décrété hors-la-loi le 22 juillet dernier, ont été arrêtés « pour avoir organisé et utilisé un culte hérétique afin de saper l’application de la loi ». Quelques jours auparavant, le 2 novembre, dans la province du Hubei, la police confirmait l’arrestation du dirigeant d’un autre mouvement de qigong, le Cibeigong (mouvement de la compassion) tandis qu’on apprenait que, dans la province du Sichuan, le dirigeant du Guogong (mouvement de la nation) avait lui aussi été arrêté. Le qigong est cet enseignement traditionnel chinois selon lequel l’énergie humaine, par des exercices de respiration et de méditation, peut être cultivée par une discipline comparable à celle du yoga. Cette énergie peut ensuite être dirigée vers la guérison des maladies, les siennes et celles des autres.

Toujours selon le porte-parole du Conseil d’Etat, un millier d’autres adeptes du Falungong qui protestaient contre la mise hors-la-loi de leur mouvement ont été détenus à Pékin, sermonnés par la police puis renvoyés dans leurs provinces d’origine. Les autorités chinoises reconnaissent également que deux adeptes de ces mouvements de qigong sont morts en détention. Les associations des droits de l’homme à Hong Kong parlent, elles, d’au moins six morts. Selon le Centre d’information pour les droits de l’homme et le mouvement démocratique en Chine, le gouvernement central a émis début novembre une circulaire à l’attention des autorités locales ordonnant que les procès des dirigeants de ces groupes socio-religieux traditionnels débutent sous quinze jours. Déjà, le 12 novembre, quatre membres du Falungong ont été condamnés à des peines de prison comprises entre deux et douze ans par un tribunal de Haikou, dans la province méridionale de Hainan. A l’occasion de la visite en Chine du 14 au 17 novembre de Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, les autorités chinoises ne devraient tout au plus différer que de quelques jours les procès des autres membres du Falungong détenus par la police. Lors d’une conférence de presse à Tokyo le 12 novembre, Kofi Annan s’est déclaré « perplexe » à propos de la réaction des autorités chinoises face au groupe Falungong. « J’espère que le gouvernement [chinois] agira en respectant les principes de base de la déclaration universelle des droits de l’homme et de la constitution chinoise, » a-t-il ajouté.

La répression à l’encontre des groupes de qigong en général et du Falungong en particulier parait bien être le plus important mouvement de répression engagé par les autorités chinoises depuis l’écrasement du printemps de Pékin en juin 1989. Celles-ci proclament déjà le succès de l’action entreprise. Ye Xiaowen, directeur du Bureau des Affaires religieuses à l’échelon national, a déclaré le 5 novembre que « la plupart » des membres de Falungong (que le gouvernement évalue à 2,1 millions quand le mouvement en revendique plusieurs dizaines de millions) avaient renoncé à leur foi dans le groupe après avoir été « éduqués« .

Cependant, tandis que la campagne de répression se poursuit, les tensions qu’elle provoque au sein du parti communiste apparaissent au grand jour. Il semble que le président Jiang Zemin ait fait de la mise au pas de Falungong une affaire personnelle, et, selon une source interne au parti communiste chinois, ce serait lui qui aurait demandé que le mouvement soit classé comme « culte » et mis hors-la-loi. Mais certains membres du comité permanent du Bureau politique du parti n’auraient pas été d’accord avec une telle radicalisation.

Les tensions au sein de l’appareil de sécurité semblent également être vives. La manifestation de dix mille adhérents de Falungong le 25 avril dernier autour de Zongnanhai, lieu de résidence des dirigeants chinois à Pékin, manifestation qui avait surpris les autorités et qui est à l’origine du présent mouvement de répression (5), n’aurait pas dû être une surprise pour la police. En effet, une bonne partie de ces dix mille manifestants venaient de Tianjin, une ville située à 140 km à l’est de Pékin où ils avaient déjà manifesté pacifiquement pour protester contre la publication d’un article critique à l’encontre de leur mouvement. Selon des responsables de Falungong, la police de Tianjin les aurait encouragés à porter leur protestation jusqu’à Pékin. « Ils [la police] n’ont pas été jusqu’à nous fournir des bus, mais ils nous ont dit que Pékin était le lieu faire entendre nos protestations, » a déclaré l’un d’entre eux.

Le mouvement de répression a été déclenché à partir de ce moment-là. L’appareil policier, le système judiciaire, les outils de la propagande ont été mis au service de l’objectif suivant : forcer les adeptes des mouvements de qigong (pour la plupart, des petites gens, des femmes, des personnes âgées, des fonctionnaires moyens) à rejoindre des mouvements enregistrés et contrôlés par les autorités. Celles-ci se seraient particulièrement appliquées à « purger » le parti communiste et les organes de sécurité de leurs membres qui avaient adhéré à Falungong. Certains d’entre eux auraient déjà été jugés pour « vol de secrets d’Etat« .

Les adeptes du qigong se trouvent dans toutes les tranches d’âge de la population en Chine, dans toutes les classes sociales et toutes les régions, même si les personnes âgées, les femmes et de manière générale toutes les personnes « déphasées » par rapport aux changements rapides de la société chinoise sont plus nombreux que les autres à s’adonner aux exercices de qigong.