Eglises d'Asie – Malaisie
L’opposition musulmane s’est renforcée et le gouvernement n’a remporté qu’une victoire électorale en trompe-l’oil
Publié le 18/03/2010
Une analyse plus fine des résultats électoraux indique pourtant que les choses ont changé considérablement depuis les élections de 1995 qui avaient aussi donné une victoire massive à la coalition du Barisan Nasional. L’important n’est pas tellement que la majorité se soit quelque peu effilochée depuis lors puisque l’Etat du Kelantan est resté à l’opposition et que celui de Trengganu a été perdu. Mais, depuis 1995, il y a eu la crise financière asiatique et ses conséquences. Il y a eu aussi la disgrâce, puis l’emprisonnement et le procès d’Anwar Ibrahim qui était vice-premier ministre et héritier désigné de Mahathir.
Ces divers éléments font que les équilibres qui maintenaient la vie politique malaisienne depuis trente ans se trouvent aujourd’hui profondément modifiés. L’Umno a en effet perdu beaucoup de terrain dans la communauté malaise musulmane traditionnelle au profit du parti musulman d’opposition PAS (Parti Islam SeMalaysiaEn 1995, l’Umno avait gagné 94 sièges, il n’en a conservé que 72 en 1999. Si le Barisan Nasional a réussi quand même à conserver la majorité des deux tiers, c’est essentiellement grâce à l’apport des électeurs chinois et indiens qui, habituellement davantage tentés par l’opposition, se sont massivement reportés cette fois sur la coalition gouvernementale par peur d’une opposition contrôlée par un parti islamiste.
Dans l’opposition, le DAP (Democratic Action Party) qui était traditionnellement le parti le plus important et qui rassemble habituellement la plus grande partie du vote chinois, reste stable, et se voit dépassée par le parti musulman PAS. Celui-ci gagne 27 sièges, soit 19 de plus qu’en 1995, alors que le parti Keadilan formé autour de Wan Azizah Wan Ismail, épouse d’Anwar Ibrahim, en obtient cinq.
Il était prévisible (16) que le traitement infligé par Mahathir à Anwar Ibrahim et l’agitation populaire qui a suivi profiteraient au parti islamiste PAS. Anwar Ibrahim était en effet largement considéré dans la communauté malaise comme le garant de la fidélité de l’Umno à l’islam (17). Le résultat le plus clair aujourd’hui est que, pour la première fois depuis trente ans, la communauté musulmane malaise, traditionnellement dominante dans le domaine politique, se trouve profondément et durablement divisée. Pour la première fois aussi, l’opposition est dominée par un parti malais, islamiste de surcroît.
L’une des conséquences pratiques de l’affaiblissement de l’Umno au sein de la coalition gouvernementale est que celle-ci devra se montrer plus conciliante par rapport aux revendications des partis chinois et des Etats comme Sarawak, Sabah et Johore qui ont été déterminants dans sa victoire électorale. Par ailleurs des personnalités éminentes de l’Umno ont été sévèrement battues dans leurs circonscriptions respectives. Tous ces éléments affaiblissent la capacité de la coalition à gouverner efficacement.
Cette rupture des équilibres traditionnels de la vie politique malaisienne est inquiétante aussi à moyen terme dans la mesure où, en dépit de sa victoire électorale, Mahathir apparaît comme l’homme qui a divisé la communauté malaise musulmane et son autorité pourrait en être affectée. La stabilité politique du pays dépendra sans doute de la capacité de l’Umno à regagner rapidement le terrain perdu, quitte à renouveler radicalement son leadership.
Par ailleurs, le surgissement du PAS comme parti principal de l’opposition pourrait amener à une certaine surenchère islamique dans certains secteurs de la coalition gouvernementale. Les membres des autres religions représentées en Malaisie seront sans doute très attentives à toute dérive dans cette direction.
Les Malais musulmans forment environ 50 % de la population malaisienne, les Malaisiens d’origine chinoise sont environ 35 % et les Malaisiens d’origine indienne 8 %. Le reste de la population appartient aux communautés eurasiennes ou aborigènes.