Eglises d'Asie – Thaïlande
Les catholiques thaïlandais veulent affronter le problème de l’endettement
Publié le 18/03/2010
Une quarantaine de religieuses et de membres de différentes organisations catholiques ont participé à ce séminaire organisé par la Commission épiscopale thaïlandaise Justice et paix. Mgr Michael Bunluen Mansap, évêque de Ubon Ratchathani, a pris la parole au cours de cette rencontre tenue à Bangkok, le 20 novembre, pour expliquer, à l’aide du concept scripturaire de l’année jubilaire, comment, en l’an 2000, Dieu voudrait nous voir annuler dettes et créances et développer entraide et amour fraternels. L’évêque a appelé les catholiques, « comme pour une mission en vue du Royaume de Dieu« , à ouvrer pour que les dettes contractées dans le cadre d’un système économique injuste soient annulées. Quant aux prêtres, il leur a demandé de promouvoir les associations de crédit mutuel pour éviter l’endettement des plus démunis. Mgr Mansap a beaucoup insisté sur ce problème de l’endettement dont la responsabilité n’est pas due, selon lui, aux emprunteurs mais aux « mauvais mécanismes » créditeurs habiles à soutirer intérêts et profits.
Witthayakorn Chiengkul, universitaire et écrivain, a insisté pour sa part, sur un autre aspect de l’endettement qu’il relie à une économie mondiale centrée sur le capital et la finance. Des crédits importants ne sont pas destinés à la production des biens essentiels nécessaires à la population mais à la spéculation et à l’exportation. Après la crise économique de 1997, les créanciers ont fait pression sur le gouvernement pour qu’il obtienne davantage de prêts du Fonds monétaire international (FMI) afin de garantir le remboursement de la dette, a expliqué Witthayakorn. Il a remarqué que la domination étrangère de l’économie est une tendance lourde ; cela implique que seules les entreprises en lien avec l’étranger survivront alors que l’endettement global, le chômage et la misère urbaine s’aggraveront. Mais, dit-il, le problème de l’endettement peut et doit être traité parce que le gouvernement « peut tout redresser
Le professeur d’université Banthorn Ondam, quant à lui, a critiqué le FMI qui ne protège, selon lui, que les intérêts des pays créanciers. Lui aussi a insisté, comme une alternative au problème de l’endettement, sur la création d’associations de crédit mutuel : « Dans la recherche d’une solution nationale, les organisations financières doivent être au service des gens« . Il a appelé à rechercher d’autres modes de vie, une nouvelle agriculture et de petites entreprises communautaires pour éviter une trop grande dépendance technologique et pour favoriser l’utilisation durable des ressources. Il a regretté que « Dieu soit ignoré aujourd’hui » et demandé aux catholiques de « le redécouvrir
Boonyuen Wongfun, un représentant paysan, a témoigné que les paysans qui, traditionnellement, jouent un rôle important dans l’économie, sont aujourd’hui « noyés dans un océan de dettes« , parce qu’oubliés des autorités. Les prêteurs sur gages locaux demandent des taux d’intérêts très élevés et leur terre en gage. Bien que les prêts accordés par les coopératives, les banques commerciales et les sociétés financières le soient à des taux d’intérêt beaucoup moins élevés, ils demandent en gage des actifs ou de la terre. Boonyuen critique le gouvernement qui contracte des dettes à l’étranger pour soutenir les sociétés financières. Il a également expliqué quelles solutions les cultivateurs de la province de Lamphun, au nord du pays, avaient trouvé par eux-mêmes : créer une banque de village par des dépôts communs à la Banque de l’agriculture et dans les coopératives agricoles.
Somkiat Pongpaiboon, enfin, conseiller au Forum de la pauvreté, a cité les facteurs d’aggravation de l’endettement des cultivateurs : l’agriculture pour l’exportation, les prêts usuriers et un style de vie à base de consumérisme. Il affirme que l’endettement conduit souvent à la disparition des familles paysannes, base du monde agricole traditionnel. Ainsi, la stabilité de la cellule familiale est mise en danger. Somkiat accuse le principe du libre-échange et la domination du commerce mondial par quelques instances internationales d’être la cause de l’endettement. Pour s’y opposer, il faut s’appuyer, dit-il, sur la sagesse populaire et permettre aux paysans de s’affranchir des structures du marché mondial.