Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er novembre 1999 au 31 décembre 1999
Publié le 18/03/2010
Apparemment mis en minorité au sein de son parti, le Parti du peuple cambodgien (PPC, ex-communiste), le Premier ministre Hun Sen s’est entouré d’hommes de confiance, sans états d’âme, qui ne reculeront devant rien pour imposer son pouvoir.
Au début du mois de novembre, suite à la recrudescence de la criminalité, plus de 30 officiers de police sont déplacés. Le 7 novembre, Chéa Sophara, adjoint au maire de Phnom Penh, est nommé officiellement maire de Phnom Penh. Suite à l’arrangement politique de novembre 1998, le poste aurait dû revenir à un membre du FUNCINPEC (Parti roya-liste). On avait alors avancé les noms de Marie Ranariddh, de Khek Vandy, de Toh Lah… Mais Ranariddh a laissé le siège vacant pendant un an. Ranariddh, heureux de la déci-sion, explique que le FUNCINPEC disposera de trois postes de vice-gouverneurs. Mais les membres du FUNCINPEC sont mécontents de la perte de ce poste clé. Certains accusent même Ranariddh d’avoir touché 2 millions de dollars (on dit parfois 3 ou 3,5) pour abandonner le poste.
Depuis le mois d’août, Chéa Sophara s’était singularisé par sa lutte contre les clandestins chinois transitant par le Cambodge, n’hésitant pas à accuser de « hauts reponsables » bénéficiaires de ce trafic. A partir du mois de novembre, il prend la tête de la lutte contre la corruption dans le milieu judiciaire. Il semble par là vouloir éliminer les partisans de Chéa Sim, président du PPC et du Sénat, en opposition fréquente avec Hun Sen.
Le 10 novembre, Hun Sen nomme le général Kun Kim commandant-adjoint des FARC (Forces armées royales cambodgiennes), en remplacement du général Khem Sophoan, nommé à la direction du CMAC (Centre d’action contre les mines). Ce général de 43 ans est un fidèle de Hun Sen, son conseiller pour les affaires générales depuis 1998. Il traîne une très mauvaise réputation de brutalité durant le régime khmer rouge, puis contre les membres de l’opposition, lors des élections de 1993 et après celles de 1998. Il est également impliqué dans le meurtre de l’actrice Piseth Pealika. En avril dernier, il fut arrêté par les autorités de Singapour pour détention d’un pistolet à visée laser. Il ne fait pas partie des 153 membres du Comité central du PPC. Ce général, formé au Vietnam en 1979, est chargé de l’entraînement et de l’éducation des FARC.
Hun Sen a demandé au roi Sihanouk de ratifier cette nomination le 5 novembre, mais le général Téa Banh, co-ministre de la Défense, n’était pas au courant lors de la nomination officielle. Parmi les militaires c’est la stupéfaction, car ce général n’a aucune expérience de commandement. Le 13 novembre, dans un discours menaçant, Hun Sen affirme qu’il n’a pas à se justifier de son choix, que c’est de son droit de Premier ministre de nommer les responsables de l’armée, et de nommer des gens qui lui sont fidèles. Ceux qui ne sont pas contents seront limogés… Après le discours, plusieurs généraux proclament leur soutien à Kun Kim. Hun Sen fustige également les défenseurs des droits de l’homme. « Je n’ai pas à leur demander leur avis », dit -il. Beaucoup voient en Kun Kim un pion, pour contrebalancer le pouvoir du général Ke Kim Yan, commandant en chef des FARC, qui n’avait pas voulu engager l’armée dans le coup d’Etat de juillet 1997.
Le 23 novembre, Hun Sen réaffirme sa confiance en Hok Lundy, directeur de la Police nationale, homme de toutes les basses besognes, que l’on accuse ouvertement, en autres, d’avoir assassiné Ho Sok, son alter ego du FUNCINPEC, lors du coup d’Etat de 1997. Il met fin à des rumeurs persis-tantes concernant l’envoi de Hok Lundy comme ambassa-deur à Hanoi, en nommant le recteur de l’université royale de Phnom Penh à ce poste. « Tant que je serai Premier ministre, Hok Lundy rester a chef de police », déclare Hun Sen à Asia-week.
On peut ajouter dans l’entourage immédiat de Hun Sen, la présence de Kang Savoeung, ancien commandant en chef de la gendarmerie nationale, que la coopération française avait réussi à éloigner, à cause de ses crimes connus de tous. On pense également à Ke Pauk, son conseiller, ancien khmer rouge, personnellement responsable de la mort de plus de 100 000 personnes du temps des Khmers rouges.
Intimidations répétées contre les opposants politiques
Au début du mois de novembre, devant l’Assemblée générale de l’ONU, Thomas Hammarberg, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge, fait le compte-rendu de sa mission arrivée à son terme. Il fustige « la culture d’impunité » qui règne dans le pays et accuse la police militaire de détenir abusivement deux représentants du Parti de Sam Rainsy (PSR), arrêtés en septembre dernier, sans aucun mandat d’arrêt, sans explications, accusés d’être les auteurs de l’attentat manqué contre Hun Sen en septembre 1998 à Siemréap. Ce sont des civils, ils n’ont aucune raison d’être détenus par la police militaire. On leur refuse, de plus, un minimum de droits : choix d’un avocat, visite des familles. Lui même et la plupart des associations de défense des droits de l’homme estiment ces accusations sans fondement. Le PSR et bon nombre de membres d’associations de défense des droits de l’homme pensent que cet attentat a été monté par les services mêmes de Hun Sen en vue de se donner des arguments pour écraser l’opposition.
Sok Yoeun, autre membre du PSR, est également accusé de participation à l’attentat de Siemréap. Passé en Thaïlande, il y reçoit le statut de réfugié le 16 novembre, par l’UNHCR. Les 23 et 24 octobre, n’ayant pas encore de papiers légaux pour rester en Thaïlande, il aurait été forcé par un certain Nay Sovann d’enregistrer des aveux de participation à cet attentat : Nay Sovann, lui demandait de dire qu’il avait reçu l’ordre de quatre généraux de monter cet attentat contre un premier versement de 10 000 dollars, auxquels s’ajoute-raient 400 000 dollars, une fois le travail accompli. L’affaire est révélée par Chavalit, ancien Premier ministre thaïlan-dais, qui diffuse une cassette audio faisant état d’une con-versation entre Sam Rainsy et Sok Yoeun, concernant une demande éventuelle de l’asile politique en Thaïlande. Il accuse Sam Rainsy d’être en relation avec le terroriste Osman Bin Laden et d’avoir demandé au ministre thaï-landais des Affaires étrangères l’asile politique pour Sok Yoeun. Le 21 décembre, Hun Sen accuse indirectement l’UNHCR d’héberger un « terroriste international ». Quant à la Thaïlande, elle affirme que Sok Yoeun ne bénéficie que du statut de « personnes inquiétées », mais non du statut de réfugié politique. Les autorités thaïlandaises demandent que des éléments de preuves leur soient fournis pour justifier l’arrestation de Sok Yoeun. Finalement, le 24 décembre, les autorités thaïlandaises le mettent en prison pour six mois, pour entrée illégale dans le pays. Le ministre cambodgien des Affaires étrangères demande son extradition, mais est incapable de fournir le moindre début de preuve. Les mem-bres d’associations de défense des droits de l’homme affir-ment l’innocence de Sok Yoeun.
Le 6 octobre, Lon Phon, sénateur du PSR est arrêté par sept malfaiteurs. Il est relâché après versement d’une rançon de 140 000 dollars. Pour le PSR, ce kidnapping a été orchestré par le PPC. Durant la deuxième semaine de novembre, quatre suspects sont arrêtés. Tous nient leur implication dans cette affaire. Le PSR et les militants de défense des droits de l’homme sont très sceptiques sur la réalité de ces accusations, qu’ils estiment montées de toutes pièces.
Le 5 décembre, 250 manifestants « spontanés » interrom-pent les travaux des 170 membres du PSR réunis en séminaire à Païlin. Ils reprochent à Sam Rainsy de ne pas avoir tenu ses promesses électorales, de ne leur avoir pas donné l’argent, les boufs et le riz promis, de soutenir l’établissement d’un tribunal international pour juger les chefs khmers rouges. Les meneurs de ces manifestants « spontanés » portent l’uniforme. Les manifestants ont été transportés par camions, rémunérés 2,5 dollars par personne, certains se disent ouvertement membres du PPC et n’avoir pas voté pour le PSR, d’autres ne comprennent pas ce qui est écrit sur les pancartes qu’ils agitent, d’autres n’ont jamais entendu parler du PSR, et comme par hasard une équipe de la télévision nationale est sur les lieux… Quelques jours plus tard, environ un millier de résidents de Païlin écrivent des lettres au Sénat et à l’Assemblée nationale accusant le PSR des mêmes motifs.
Toujours les sempiternels moyens enfantins pour juguler l’opposition…
Le 14 décembre, la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris déboute Sam Rainsy qui avait porte plainte en diffamation contre Raoul Jennar, observateur de la politique cambodgienne, qui l’avait accusé dans un article paru dans Le Monde, d’être en lien avec les Khmers rouges. Le Tribunal estime que Raoul Jennar a pu se tromper de « bonne foi ». Sam Rainsy a annoncé qu’il avait l’intention de faire appel. Or, comme beaucoup ont pu le remarquer, dans ses analyses politiques, Raoul Jennar est pour le moins partial, pro-Hun Sen et contre Sam Rainsy et la presse en général.
Branle-bas dans la justice cambodgienne
Au début du mois de novembre, lors d’un séminaire sur l’indépendance de la justice, juges et procureurs cambodgiens ont regretté le non-fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le CSM, prévu par la Constitution de 1993, ne s’est réuni que deux fois depuis sa création. Il a pour fonction de nommer, de sanctionner, voire de limoger les juges et procureurs. Le 10 novembre, le CSM se réunit pour la troisième fois. Lors du compte-rendu de sa mission devant l’Assemblée générale des Nations Unies, Thomas Hammarberg avait reproché au CSM de ne pas remplir son rôle. Pour Ang Eng Thong, président de l’association des juristes cambodgiens, le CSM ne réunit pas, car « chacun connaît la corruption de la justice ». Selon lui, le principal problème pour la justice est que les membres du CSM, à part Uk Vithun, ministre de la Justice, sont tous membres du PPC, proches soit de Hun Sen, soit de Chéa Sim.
Lors de sa troisième réunion, le CSM compose un projet de loi visant à assurer l’indépendance du système judiciaire. Il y est notamment prévu que les salaires des juges, qui sont en moyenne de 15 dollars, s’élèvent à 208 pour les juges du plus bas niveau, et jusqu’à 576 pour ceux du plus haut niveau. Le projet prévoit des sanctions, des nominations pour une durée de quatre ans, la retraite à 60 ans, avec possibilité de travailler au de-là. Mais l’augmentation des salaires ne peut mettre fin, seule, à la corruption, quand on peut recevoir des pots de vin de 2 000 à 20 000 dollars. Les sanctions ne consistent qu’à des changements de poste, pas à des révocations. Il n’est pas précisé qui a autorité pour suspendre les juges : le ministre de la Justice ou le CSM ? L’âge requis pour exercer les fonctions de juges est de 21 ans, ce qui semble trop jeune pour beaucoup.
Le 4 novembre, Chéa Sophara, alors premier adjoint au maire de la ville de Phnom Penh accuse ouvertement la Cour municipale de corruption. Le 30 novembre, il attaque à nouveau la Cour municipale d’avoir reçu 311 000 dollars en pots de vins pour relâcher de dangereux suspects ou criminels. Il envoie une liste de 66 noms au roi Sihanouk de personnes arrêtées pour vols à main armée, kidnappings, trafics de drogue, meurtres et viols et relâchées entre le 1er et le 17 novembre. Il donne des noms et les sommes reçues. Il demande un changement complet du personnel de la Cour. On ne sait pas si Chéa Sophara joue une carte personnelle ou roule pour Hun Sen.
Le 2 décembre, le ministre de la Justice crée un comité pour étudier les accusations portées par Chéa Sophara. Ce comité est présidé par le secrétaire d’Etat à la Justice. Le 3 décembre, Hun Sen ordonne l’arrestation immédiate des criminels libérés, pour qu’ils terminent leur temps de détention ou soient éventuellement rejugés. Chéa Sophara considère cette directive comme un début de justice pour le peuple cambodgien. Vingt-trois sont arrêtés le jour même, d’autres le seront les jours suivants. La directive de Hun Sen se heurte cependant aux critiques de nombreux juristes cambodgiens et étrangers, d’un collectif de 16 ONG cambodgiennes qui qualifient la directive de Hun Sen « d’anti-constitutionnelle et d’illégale ». Les critiques re-prochent à l’exécutif de s’ingérer dans le judiciaire, ces arrestations se font sans mandat d’arrêt, les personnes arrêtées ne peuvent être jugées à nouveau pour un acte déjà jugé, le non-respect des décisions de justice entraîne le pouvoir absolu, etc. Pour lutter contre la corruption, le gouvernement aurait dû choisir la voie du respect du droit, donc la saisine du CSM. Sam Rainsy estime quant à lui, qu’il s’agit « d’un autre coup d’Etat ». Non sans raison, il ne voit dans la directive de Hun Sen qu’une diversion alors que « des criminels plus connus et plus dangereux n’ont jamais été arrêtés ni même inquiétés ». Il prend à témoins les lynchages, les assassinats (Piseth Péalika entre autres), les exécutions extrajudiciaires qui sont « une insulte à notre Constitution ». Thomas Hammarberg déclare pour sa part que le peuple traverse une profonde crise de confiance dans le système judiciaire et condamne lui aussi la directive de Hun Sen : « De graves problèmes existent dans le fonction-nement des cours, mais ils doivent être résolus dans le respect de la loi et de l’indépendance de la justice », dit-il.
« Si nous ne faisons rien, ils disent que nous favorisons l’impunité ! Si nous faisons quelque chose, ils appellent cela de l’ingérence ! », se plaint Hun Sen. « Nous avons démantelé les Khmers rouges, et maintenant nous arrêtons à nouveau les bandits. Pourquoi certains disent que nous avons tort ? Ils sont du côté des bandits ! », ajoute le Premier ministre, le 9 décembre. Le gouvernement affirme disposer du soutien de la population. Radios et télévisions diffusent des lettres de soutien et des pétitions « spontanées ». Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, apporte son soutien à la décision de Hun Sen, et y voit un pas positif contre la corruption et pour la sécurité même s’il émet certaines réticences de principe.
Le 8 décembre, à la demande du comité d’enquête, le ministre de la Justice démet de leurs fonctions le président de la cour municipale de Phnom Penh (également membre du CSM) et son procureur, jusqu’à ce que le CSM statue dé-finitivement sur leur sort. « Il ne s’agit pas d’une punition, mais d’une décision administrative destinée à faciliter le travail d’enquête ». Les sanctions sont du ressort du CSM.
Le 15 décembre, les étudiants de l’université royale de Phnom Penh, des Beaux arts, de la faculté de Droit et de Sciences économiques demandent la refonte du CSM : ils proposent que le CSM soit composé de 9 personnalités, dont 2 désignées par le roi, une par le bâtonnier, trois soient des professeurs et docteurs en droit élus pas les étudiants de tout le pays, et trois soient des magistrats élus par leur pairs. Ils demandent que le mandat des membres du CSM soit de 6 ans, et qu’ils soient âgés de moins de 70 ans.
Selon Chéa Sophara, puis selon les conclusions du comité d’enquête du ministère de la Justice, une vingtaine de juges et de procureurs sont soupçonnés d’avoir touché des pots de vin pour libérer illégalement 195 criminels depuis 1998, dont 37 kidnappeurs. A la date du 24 décembre, 52 suspects ou condamnés ont été ré-arrêtés, 35 d’entre eux jetés en prison, les autres relâchés. Certains ont révélé le nom des magistrats ayant touché des pots de vin. Le 27 décembre, sept greffiers de la cour de Phnom Penh sont mutés à un autre poste dans le ministère de la Justice.
Ce grand nettoyage de la justice semble en lien avec l’éventuel procès des chefs khmers rouges. La communauté internationale a fréquemment critiqué cette justice pour sa vénalité et son incompétence. « Maintenant, nous devons prouver le contraire », dit un haut-fonctionnaire. « Pour Chéa Sophara, il s’agit, en premier lieu, d’assurer la sécurité de la ville, mais, bien sûr le procès des Khmers rouges est également pris en considération », dit le porte-parole du gouvernement. « Nous tenons à ce que la communauté internationale sache que nous réformons notre système judiciaire ». Ce même porte-parole reconnaît qu’il peut être difficile pour les partisans de la ligne dure au sein du gouvernement d’accepter les réformes démocratiques. Mais on peut également voir dans ce nettoyage la pression des pays donateurs, suite à leur réunion de Tokyo en février dernier. Mais la question que beaucoup d’observateurs se posent : pourquoi maintenant, juste avant la tenue du procès des Khmers rouges. « Nous n’avons pas le temps de réformer le système judiciaire à temps », observe très justement un juriste khmer.
Sam Rainsy voit dans cette gesticulation un effort pour cacher des manouvres à l’intérieur du PPC : Hun Sen tente de prendre le contrôle du système judiciaire en y plaçant ses hommes, et isole l’opposition à l’intérieur du PPC. Même si les membres du PPC nient, certains reconnaissent une certaine tension entre Hun Sen et les autres membres du Parti, notamment avec Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur et vice-Premier ministre. Il estime, pour sa part, que c’est au CSM de réformer le système judiciaire, et non à l’exécutif. Déjà dans l’affaire de l’extradition des Chinois clandestins, l’exécutif s’était substitué au judiciaire.
Un tribunal pour les Khmers rouges
C’est dans ce contexte troublé de la justice cambodgienne qu’il convient de situer l’éventuel procès des responsables khmer rouges. Depuis près d’un an, la création d’un tribunal « international ou « à caractère international oppose le gouvernement cambodgien aux plus hautes autorités de l’ONU. Hun Sen et son gouvernement défendent le principe de la réconciliation nationale et de sa souveraineté. L’ONU dénonce la faiblesse du système judiciaire cambodgien et sa soumission au pouvoir politique. En mars 1999, la Chine, qui a soutenu les Khmers rouges pendant plus de dix ans, avait menacé d’opposer son veto à toute éventuelle résolution du Conseil de sécurité créant un tribunal international. On comprend également les réticences du gouvernement cambodgien dont la plupart des membres sont d’anciens khmers rouges.
Le 3 novembre, Hun Sen déclare à Press, qu’il est ouvert au jugement de tous les Khmers rouges, et que ce procès se tiendra au tout début de l’année 2000, avec ou sans l’accord de l’ONU. S’il a accepté, l’an dernier, la reddition des chefs historiques khmers rouges, il ne s’oppose pas à leur procès. Le 5 novembre, Sok An, ministre du Conseil des ministres chargé du dossier, reçoit les juristes russes, « pays ami », puis ceux de la France et l’Inde, qui viennent conseiller les juristes cambodgiens dans la mise au point d’un tribunal « à caractère international ».
Le 22 décembre, Hun Sen déclare que seulement quatre ou cinq chefs khmers rouges seraient jugés. On pense généralement à Ta Mok, Dutch, Khieu Samphan et Nuon Chéa. Ieng Sary, gracié par le roi, ne paraîtrait pas devant le tribunal. Ces propos soulèvent l’indignation des associa-tions de défense des droits de l’homme, comme immixtion indue de l’exécutif dans les affaires judiciaires. Une vraie juridiction en convoquerait sans doute davantage.
Un projet de création du tribunal élaboré par une commission cambodgienne prévoit une cour composée de 5 juges, dont deux étrangers, avec un président cambodgien, et qui déciderait à la majorité qualifiée de quatre. C’est l’in-verse de la composition prévue par l’ONU qui prévoit une majorité de juges étrangers, avec un président étranger. La Cour d’appel et la Cour suprême comprendront, elles aussi, une majorité de juges cambodgiens, et seront présidées par un Cambodgien. Les hommes de loi étrangers seront proposés par le secrétaire de l’ONU ou tout autre pays membre de l’ONU, et nommés par le CSM. Ainsi le Cambodge se ménage la possibilité d’obtenir des juges de pays « compréhensifs ». Les étrangers qui tomberont mala-des durant le procès seront remplacés par des Cambodgiens. Enfin, les assistants des juges et les procureurs doivent être exclusivement choisis parmi les fonctionnaires. Hun Sen affirme à nouveau qu’avec ou sans l’ONU, le Cambodge procèdera à un jugement au début de l’année 2000. « Il n’ y a pas de raison d’attendre les avis des experts de l’ONU », dit-il. Ce projet doit être examiné par le Conseil des minis-tres le 24 décembre puis soumis à l’Assemblée nationale et au roi. « Sur le plan financier, le Cambodge ne dépend pas des Nations Unies pour organiser le procès des dirigeants khmers rouges », dit Hun Sen. Si des étrangers veulent dépêcher des juges, ils devront en supporter le coût financier. L’article 41 prévoit que les dépenses occasion-nées par le procès seront couvertes par un « Fonds de con-fiance », à créer par le secrétaire général des Nations Unies.
Sam Rainsy s’insurge contre ce projet gouvernemental qui ne peut aboutir qu’à une « parodie de justice ».
Dans une volte-face auquel il nous a habitués, le 24 décem-bre, le Conseil des ministres déclare que « le gouvernement est désormais très ouvert », et qu’il adressera le projet de loi concernant le tribunal une nouvelle fois à l’Assemblée nationale le 6 janvier. L’ONU pourra même activement participer aux discussions. « Ce délai permettra de recueil-lir plus de recommandations de la part de la communauté internationale ». Mais la position cambodgienne reste fondamentalement la même : « Si l’ONU nous aide, nous lui en serons reconnaissants. Sinon, nous irons de l’avant, parce que nous ne pouvons attendre plus longtemps », dit le ministre chargé du dossier. Le procès devrait être financé par l’ONU, les ONG et les pays donateurs, avec une partici-pation du gouvernement. Mais le gouvernement n’a aucune idée du coût et n’a pas inscrit ces frais dans son budget.
Faute de quorum, l’Assemblée nationale ferme ses portes jusqu’au 10 janvier (Messieurs les députés doivent bien trouver un moyen pour dépenser leurs 2 300 dollars mensuels !).
Budget national et économie
Le 12 novembre, le budget national pour l’année 2000 est approuvé par le Conseil des ministres après 5 heures de discussions. Il est en augmentation de 57 % par rapport à celui de 1999 (620 millions de dollars contre 395), car y ont été inclus 223,7 millions d’aides internationales (36,1 %) qui n’étaient que de 65,7 millions en 1999 (16,7 %). Le budget de la Défense passe de 3,8 à 3,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB), mais représente 13 % du budget national. Les enveloppes allouées à l’Education nationale et à la Santé sont augmentées, respectivement, de 51 % (31,8 millions) et de 57 % (48,2 millions), celui de l’Environ-nement et du Développement rural doublent (1,1 et 2,1 millions). La Justice voit la sienne progresser de 173 %. Ce budget table sur une croissance de 5,5 % du PIB, de 3 % d’augmentation des produits agricoles, de 6 % des ventes de produits manufacturés, et de 17 % des recettes générées par le tourisme. Le taux d’inflation devrait se stabiliser à 5 %. 346,1 millions de dollars sont attribués aux ministères, 273,7 millions pour les dépenses générales (rénovation des routes) et remboursement des emprunts. Le gouvernement justifie la part importante allouée à la Défense par la réinsertion des anciens soldats khmers rouges dans les rangs des FARC. Il y a au Cambodge un militaire pour 62 personnes. En Australie, un pour 365.
Cependant, si l’on cumule les enveloppes de la Défense et de la Sécurité, on obtient un total de 119,8 millions de dollars, soit environ le même montant qu’en 1999. L’opposition fait remarquer qu’en temps de paix, et après l’expulsion des soldats « fantômes », le gouvernement aurait pu réduire davantage les dépenses de la Défense. Keat Chhon, ministre des Finances, reconnaît volontiers que l’allocation à la Défense est la partie faible de son budget et que le nombre des fonctionnaires est bien supérieur à ce qui est nécessaire. D’autres font remarquer que l’augmentation du budget de la Santé est très bonne, mais que seulement 27 % de l’enveloppe allouée à la Santé en 1999 lui ont été effectivement versés.
Lors de la discussion du budget devant l’Assemblée nationale, Sam Rainsy estime que la politique économique du gouvernement est un « échec complet ». Il demande que le nombre des fonctionnaires soit diminué et que leur salaire porté de 20 à 80 dollars. Il regrette que la collecte des impôts ne soit pas plus efficace, que la plupart des infrastructures routières soient alimentées uniquement pas des aides étrangères. Il demande le démantèlement des milices, créées en 1979 pour lutter contre d’éventuelles infiltrations khmères rouges, et rebaptisées « Mouvement de protection du peuple » (MPP). Ces MPP sont fortes de 50 000 hommes, et placées désormais sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, et non plus sous celle du ministère de la Défense. Sam Rainsy les estime dangereuses pour la démocratie, constituant une armée privée, outil du PPC. De fait, ces MPP ont été impliquées dans un grand nombre d’assassinats d’opposants politiques de tous bords. Selon Téa Banh, co-ministre de la Défense, les 2,6 millions de dollars affectés à leur habillement et à leur nourriture ont été éliminés du budget. Le budget est adopté par l’Assemblée nationale le 16 décembre. Seul le PSR a voté contre.
Riz
Le 30 novembre, les Etats-Unis accordent un don de 5 000 tonnes de riz au PAM (Programme alimentaire mondial), et de l’argent pour acheter 1 350 tonnes supplémentaires. C’est la première aide de ce type depuis 1995. Le 6 décembre, l’agence Reuter annonce que l’Allemagne versera environ 2 130 tonnes de riz au PAM, pour une valeur d’environ 780 000 dollars. De sources gouvernementales, on avance que les fortes pluies de novembre ont endommagé environ 3 000 hectares de riz, spécialement dans la région de Pursat ; environ 5 % de la récolte aurait été détruits. Néanmoins, on prévoit une récolte de 3,8 millions de tonnes, en augmentation par rapport aux 3,5 millions de tonnes de l’an dernier. Dans les campagnes, le riz nouvellement moissonné reste très cher, car une grande partie passe en contrebande au Vietnam et en Thaïlande.
Bois
Le ministère de l’Agriculture reconnaît volontiers qu’il y a encore des coupes illégales de bois, notamment dans la province de Koh Kong, proche de la Thaïlande, mais qu’il poursuit les opérations contre les forestiers pirates.
Le 1er décembre, l’association britannique d’observation des forêts Global Witness est chargée officiellement de surveiller la politique forestière du Cambodge, avec plein accès aux rapports du gouvernement royal et ceux des concessions. « C’est un pas de géant », déclare le président de l’association. Cette fois, les plaintes pourront déboucher sur des arrestations. « C’est un cas unique au monde où une organisation qui a si vivement critiqué le gouvernement est officiellement nommée pour le surveiller ! » Dès sa nomination, Global Witness met en cause une étude menée par la BAD, pour une somme de 900 000 dollars, mais qui, bâclée, risquait de mettre en cause les réformes forestières. Selon un rapport de Global Witness en date du 1er décembre, 12 sociétés forestières ont sérieusement violé leurs contrats.
Le 1er décembre également, la Banque mondiale accorde un prêt de 5 millions de dollars pour le secteur forestier. La Grande-Bretagne et l’Australie s’engagent dans un programme d’inspection de trois ans, mené par le département des Forêts et le ministère de l’Environnement, supervisé pas Global Witness, pour une somme de deux millions de dollars. Le FMI avait mis une telle étude comme condition à un nouvel engagement au Cambodge.
Investissements
Le Cambodge a cruellement besoin d’investisseurs. Les in-vestissements de l’année 1999 s’élèvent à 434 millions de dollars, pour 80 projets, alors qu’ils étaient de 865 millions en 1998, pour 143 projets. Tout un train de mesures ont été annoncées à l’issue d’une réunion du Conseil de dévelop-pement du Cambodge (CDC), présidée par Hun Sen, à la mi-novembre : davantage de vols directs sur Siemréap, simplification des formalités administratives pour les investisseurs, création de zones franches (dans les provinces de Sihanoukville, Kandal et Kompong Cham), ré-duction du prix de l’électricité pour les gros consomma-teurs, dépôts de garanties par étapes, exemption des loyers dans les entreprises investissant dans le domaine agricole jusqu’à la première récolte, voire la seconde ou troisième récolte, etc. Le CDC est désormais le seul interlocuteur des investisseurs. Phnom Penh, Sihanoukville et Siemréap sont les pôles prioritaires pour le développement industriel. On demande à l’administration des douanes et à la police éco-nomique d’accélérer leurs contrôles. Cependant les incerti-tudes concernant le problème foncier et le manque d’infrastructures routières bloquent un certain nombre d’investisseurs.
Le 1er décembre, Hun Sen ordonne une politique immédiate de « ciel ouvert » au bénéfice des différentes compagnies étrangères qui veulent atterrir à Angkor. Le gouvernement compte sur une augmentation de 30 % du nombre de touristes en l’an 2000, avec 700 000 visiteurs. En 1999 le nombre des touristes a cru de 21 % et généré 190 millions de dollars de recettes. D’autres destinations, comme Sihanoukville ou Ratanakiri, pourraient bénéficier de la même politique. Sam Rainsy critique cette politique de ciel ouvert qui prive Phnom Penh de la manne touristique.
Le 21 décembre, Hun Sen organise un forum avec près de 600 investisseurs, dans le but évident de les séduire. Il annonce l’autorisation pour des lignes aériennes asiatiques de diverses villes d’Asie d’atterrir à Siemréap (du Vietnam, de Singapour, de Malaysie, d’Indonésie, de Hongkong). « Nous voulons endiguer la corruption », déclare le Premier ministre. Il demande notamment à Pen Siman, au chef de la douane, « roi de la corruption », de faire respecter la loi, et non de changer les prix des denrées importées au Cambodge. Pen Siman est un proche de Chéa Sim et ne fait pas partie du cercle des intimes de Hun Sen. Hun Sen promet de tenir de telles assises avec les investisseurs tous les six mois.
CMAC (Centre cambodgien de déminage)
Au début du mois de novembre, trois officiers du CMAC accusés de n’avoir pas respecté la procédure de distribution des terrains déminés à Kampot et à Kompong Speu sont sanctionnés. Ils sont notamment accusés d’avoir accordé cinq hectares de terres déminées à Chhouk Rin, compromis dans le meurtre des trois jeunes étrangers en 1994. « Selon les rapports, 31 % des terres déminées tombent entre les mains des militaires ou des policiers », affirme le PSR.
Le CMAC comprend 3 081 membres, dont 300 dans ses bureaux de Phnom Penh. Depuis sa création, le CMAC a nettoyé environ un quart des 300 km minés. Il lui faudra encore dix à douze ans pour terminer le déminage complet du pays. Pour l’année 2000, le CMAC demande une aide de 15 millions de dollars, mais la plupart des pays donateurs estiment le montant trop élevé et surtout trop faible la participation du gouvernement cambodgien. Ils voudraient que le gouvernement s’engage à hauteur de 3 millions. Le 17 décembre, le gouvernement promet de verser 185 000 dollars dans les coffres du CMAC, afin de redonner confiance aux pays donateurs. Les donateurs voudraient voir plus d’effets concrets pour la décentralisation du CMAC et des preuves que les terres déminées sont effectivement remises aux villageois. Le 30 décembre, l’Allemagne accorde un don de 690 000 dollars au CMAC, ce qui lui permet de continuer ses opérations, notamment au nord d’Angkor.
Le danger des mines a été largement exagéré. Dans la province de Kampot, on estime qu’il y a 85 % de terrains minés en moins que les estimations précédentes. Les Khmers rouges exagéraient la grandeur des champs de mines pour tenir à distance leurs ennemis, certains champs de mines n’ont jamais existé ; en revanche, d’autres champs de mines n’ont jamais été notés. Le CMAC a entraîné 16 équipes de deux démineurs pour repérer les champs de mines.
Le 2 décembre, plusieurs députés du PSR et du FUNCINPEC demandent la démission de Ieng Mouly de son poste de président du CMAC, afin de redonner confiance aux pays donateurs. « J’ai été nommé par Hun Sen, et seul Hun Sen peut me limoger, pas les députés », répond le ministre.
Problèmes sociaux : terres
D’après un rapport établi par OXFAM, sur 34 villages, 18,2 % des paysans n’ont pas de rizières, 45,9 % d’entre eux ont dû vendre leurs terres pour faire face à des problèmes de santé, 51,9 % des autres n’en ont jamais possédées. 60 % des familles rurales seraient lourdement endettées. Dans certaines régions, les usuriers prélèvent des taux d’intérêts de 30 % par mois.
Exactions des autorités
Près de 300 familles de Poïpet se plaignent d’avoir été expropriés de 120 hectares de terres par des militaires, leurs maisons détruites au bulldozer, d’autres incendiées, afin de construire cinq casinos, une piste de kart, et un golf. Le gouverneur de la province de Banteay Méan Chhey est venu deux fois sur place, et affirme que les problèmes sont résolus. Le 10 novembre, une douzaine de chefs de familles qui manifestaient devant l’Assemblée nationale de Phnom Penh, sont reconduits en camion chez eux. On promet de leur donner une autre parcelle de terre. Les fonctionnaires locaux ne sont pas consultés pour accorder les permis de construire, qui sont directement délivés par Phnom Penh, les policiers locaux ne sont même pas autorisés à entrer dans les casinos, gardés par des policiers du ministère de l’Intérieur.
Casino, un des casinos récemment ouvert, appartient au groupe Holiday Hôtel de Phnom Penh. Un autre, le Golden Crown, appartient à Phu Kok An, membre influent de la Chambre de commerce, dont le frère de Sok An est le président. Un troisième appartient à Téa Soth, frère de Téa Banh, co-ministre de la Défense. Cependant ces casinos et 2 100 nouvelles maisons sont construits sur le tracé du chemin de fer devant relier Bangkok à Ho Chi Minh ville, prévu depuis 1996.
Le 4 décembre, 137 paysans, représentant 218 familles du village de Kbal Spéan, dans la commune de Poïpet, manifestent devant l’Assemblée nationale pendant dix jours. Ils réclament réparation contre une décision du tribunal de Banrtéay Méan Chhey qui les a fait expulser du terrain qu’ils occupent.
L’association Krousar Yhmey, d’accueil et d’aide des enfants orphelins et en difficulté, a été, elle aussi, dépossédée des terrains qui lui avaient été accordés près de Poïpet, et doit abandonner ses projets humanitaires dans le secteur.
Syndicalisme et conditions de travail des ouvriers
Le 9 novembre, le SIORC (Syndicat indépendant des ouvriers du Royaume du Cambodge) élit des représentants pour vingt usines de confection, au retour de Chéa Vichéa, président du SIORC, d’un voyage en Malaisie. Le SIORC compte actuellement 6 000 membres. Chéa Vichéa, président du SIORC, a également passé 20 jours en France à l’invitation du syndicat CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), pour un séminaire concernant l’aplication de la convention de Lomé. Selon lui, le combat du syndicalisme au Cambodge porte sur l’amélioration des salaires et des conditions de travail des ouvriers, l’attitude esclavagiste des patrons des usines. Il regrette que les aides françaises ne profitent qu’aux riches et aux hommes du pouvoir. La CFTC s’est engagée à soutenir financièrement le SIORC. Une délégation de la CFTC se rendra au Cambodge en février prochain.
Les Etats-Unis n’accorderont pas la totalité des 14 % de l’augmentation des quotas d’importation des produits textiles cambodgiens, promis à titre de bonus, liés à l’amélioration des conditions de travail au Cambodge. Travaillant souvent dans des conditions inhumaines, avec un salaire mensuel de 30 ou 40 dollars par mois, les travailleuses ont tout juste de quoi payer leur transport et leur nourriture. « Davantage de progrès doivent être accomplis dans l’organisation des syndicats et pour la protections des travailleurs », demande l’ambassadeur des Etats-Unis au Cambodge. Hun Sen, en colère, accuse les Etats-Unis d’importer des habits frauduleusement étiquetés « made in Cambodia », et de punir ainsi le Cambodge pour des fautes des douanes américaines, accusation que les services douaniers américains réfutent : ce n’est pas à eux de vérifier si les visas sont corrects ou non.
Le 7 décembre, le Cambodge ratifie une déclaration sur les droits et principes fondamentaux du travail, lors d’un séminaire de deux jours organisé à Phnom Penh par l’Organisation internationale du travail (OIT), par le Japon et les Etats-Unis, avec la participation de représentants de 23 pays. Le Cambodge est le 48ème pays à avoir signé cette déclaration, le deuxième de l’Asie-Pacifique. La signature de cette déclaration permettra à l’OIT d’intervenir pour améliorer les compétences des agents gouvernementaux chargés de l’observation du droit des travailleurs, ainsi que celles des associations d’employés et employeurs. Les Etats-Unis octroient une aide d’un million de dollars pour éliminer le travail des enfants dans les marais salants, les plantations d’hévéas et le secteur de la pêche. Ceux qui travaillent dans les fabriques de briques et dans les usines de textiles ont déjà été aidés par un programme similaire. Les Etats-Unis prévoient également la formation d’inspecteurs chargés tout spécialement de la protection des enfants. En 1998, une enquête du BIT estimait que 10 % des enfants cambodgiens âgés de 5 à 14 ans étaient soumis à un travail de force. 1 500 enfants seraient employés actuellement dans les salines de Kampot.
500 pécheurs de Sihanoukville manifestent contre l’augmentation des taxes par les autorités, et la présence sur leur zone de pêche, de pêcheurs thaïlandais et vietnamiens. Environ une centaine de bateaux étrangers pêcheraient ainsi sans permis. Les pécheurs obtiennent gain de cause pour la réduction des taxes, mais les autorités provinciales déclarent ne rien pouvoir faire contre la présence de bateaux étrangers soutenus par « de puissants personnages » du Cambodge. Seulement deux bateaux de la flotte cambodgienne sont opérationnels. Le chef de la base de Réam en demande au moins dix.
Le 27 décembre, le ministre des Affaires sociales propose la création d’un ambitieux plan de sécurité sociale et de retraite vieillesse pour le secteur public. A suivre.
Le 1er décembre, les 500 ouvriers de l’usine de confection Luon ThaI se mettent en grève pendant cinq heures pour réclamer la réintégration de dix de leurs collègues licenciés. Ils en profitent pour demander une augmentation de salaire.
Santé
Six cents médecins cambodgiens et étrangers se réunissent en congrès international à Phnom Penh, pendant 5 jours, du 15 au 19 novembre. Le ministre de la Santé reconnaît que « l’état de santé de la population cambodgienne est encore déficient : par exemple le taux de mortalité infantile était de 89,4 pour 1 000 en 1998, alors qu’il est de 38 pour 1 000 dans la région ». Le congrès « Cambodge Santé 2000 n° 2 » est suivi par « les cinquièmes journées de la chirurgie ». Pour la première fois, la pédiatrie a été particulièrement prise en compte. Lors d’un discours de clôture, Hun Sen s’est déclaré favorable à la création d’un Conseil de l’ordre des médecins, et la rédaction d’un code d’éthique médicale.
Durant la première semaine de décembre, l’université des sciences de la santé a remis des diplômes à 656 médecins généralistes, 110 pharmaciens, 41 dentistes, 78 médecins-assistants. Pour l’année scolaire 1999-2000, l’université compte 1 071 étudiants, dont 55 en cycle supérieur, 738 en médecine générale, 154 en pharmacie, 122 en dentisterie. De 1980 à 1999, l’université a formé 2 439 médecins généralistes, 5 574 pharmaciens, 400 dentistes, 2 506 médecins-assistants, 219 pharmaciens-assistants, 151 dentistes. Créée en 1954, l’université comptait 3 400 étudiants en 1974. Pour entrer à l’université, les étudiants doivent verser entre 3 000 et 7 000 dollars de pot de vin.
Selon un rapport du ministère de la Santé, en 1998, 0,35 % du PIB ont été affectés à la Santé, alors que dans les pays en voie de développement, la moyenne est de 2 %. Les Cambodgiens dépensent en moyenne 26,5 dollars par personne et par an pour se soigner. Les plus démunis y consacrent plus de 28 % de leurs revenus familiaux, 45 % s’endettent. 30,5 % des malades se rendent dans les hôpitaux et dispensaires, 33 % dans des cliniques privées, 22,3 % vont à la pharmacie, 9,3 % consultent un médecin traditionnel. Ce rapport semble un peu trop optimiste, beaucoup meurent chez eux sans soins !
Trafics d’enfants
450 à 600 enfants sont rapatriés par les autorités de Bangkok chaque mois, soit entre 5 400 à 7 200 par an. Ces enfants sont soit kidnappés, soit vendus par leurs parents, souvent abusés. Puis ils sont drogués pour paraître maigres et inspirer la pitié. Il deviennent mendiants ou pickpokets à Bangkok. Un enfant doit rapporter au minimum de 25 dollars par jour, sans quoi il est battu par ses souteneurs. La vente des enfants par leurs parents est devenu un phénomène inquiétant dans la société khmère.
Le 15 décembre, le Rotary Club de Phnom Penh a accordé 10 000 dollars à l’association « Mith Samlanh », fondée par Sébastien Marot pour l’accueil des enfants des rues.
Angkor
Une société sud-coréenne, ABC International Cambodia & Co, prévoit d’investir 10 millions de dollars pour la mise en service de 300 véhicules électriques de huit places pour le transport des touristes. Les motos et autres moyens de déplacements seront interdits. Ces véhicules seront construits par une société américaine. Apsara, gardienne du site d’Angkor, prévoit de faire conduire ces véhicules par 500 filles habillées en costume traditionnel. En août dernier, Apsara avait chassé les mendiants et les vendeurs de l’intérieur des temples. Cette annonce suscite la grogne des chauffeurs de taxis, de minibus et de motos. Ils déplorent que toute la richesse du site soit désormais aux mains des compagnies étrangères. Van Molyvann, PDG prévoit également des moyens de transport traditionnels comme les éléphants, les charrettes à boufs et cyclopousses.
Le 19 novembre, 122 sculptures en grès de Bantéay Chhmar sont remis par le chef de la diplomatie thaïlandaise à son homologue cambodgien.
Pour les festivités du nouveau millénaire, le comité d’organisation a prévu de dépenser 500 000 dollars, dont 200 000 déboursés par le budget national, et le reste par dons privés et la vente de billets d’entrée. Le roi demande de modérer quelque peu les festivités, Siemréap ne comptant que 2 000 chambres. Le PAM fournit 500 poubelles. Le 17 décembre, Hun Sen donne ordre d’ôter tous les panneaux publicitaires affichés à Phnom Penh concernant les fêtes du millénaire à Angkor. Il y voit une dépense inutile. Environ 30 000 visiteurs, la plupart cambodgiens, se sont amassés sous la présidence de Hun Sen, Sâr Kheng, Ranriddh. Le roi n’y a pas assisté, prétextant de son mauvais état de santé. D’autres manifestations se sont déroulées au Phnom Chisor, dans la province de Takéo, et ont rassemblé, selon les organisateurs, près de 100 000 personnes.
Embellissement de Phnom Penh
A la veille de l’entrée dans le troisième millénaire, Hun Sen a inauguré une statue représentant un pistolet au canon noué, fondu à partir de 4 000 armes ramassées par les autorités, sur le rond-point devant le pont de Chruy Changvar. Les grandes artères ont été illuminées aux frais des habitants, avec des spectacles d’animation dans les rues, un feu d’artifice à minuit. 1 029 meilleurs élèves du royaume, ainsi que 700 fonction-naires municipaux ont été récompensés. Un krama de 2 000 mètres de long s’est déployé dans les rues de la capitale. A Paris, sur les Champs Elysées, une des roues portait les voux de nouvel an en langue khmère. Les festivités de Phnom Penh ont coûté environ 100 000 dollars, financés par les hommes d’affaires de la capitale.
Son Soubert, membre du Conseil constitutionnel, et certains moines bouddhiste ont critiqué le gouvernement pour célébrer le deux millième anniversaire de la naissance du Christ, regrettant l’influence grandissante des autres religions au Cambodge.
Commission du Mékong
Le 25 novembre, la Suisse s’est engagée à verser 1,3 millions de dollars à la Commission du Mékong : 800 000 pour la poursuite du projet de classification de ligne de partage des eaux, 500 000 pour la « consolidation institu-tionnelle pour la coopération du Mékong ».
Lors du sommet de l’ASEAN à Manille, le 27 novembre, les ministres des Affaires étrangères du Cambodge, du Laos, de la Thaïlande et de la Birmanie, décident de lancer la campagne touristique commune baptisée « Sophanaphum », pour promouvoir le tourisme dans les quatre pays.
Droits de l’homme
Le 5 décembre, le prince Ranariddh est désigné président de la Commission des droits de l’homme de l’ASEAN (!).
Le 9 décembre, Thun Saray, fondateur et président de l’association ADHOC (Association de défense des droits de l’homme au Cambodge) a reçu des mains de Lionel Jospin, le Prix des Droits de l’homme de la République française, s’élevant à 20 000 dollars.
Le 27 décembre, 7 000 armes recueillies dans les provinces du Sud-Ouest sont détruites à Sihanoukville par Sâr Kheng, ministre de l’Intérieur et Vice-Premier ministre.
Mentalité cambodgienne
Le 29 octobre, quatre militaires de Samlaut assassinent un sorcier khmer et lui ont mangé le foie tout en buvant du vin. Le sorcier était soupçonné d’avoir jeté des sorts et fait mourir deux enfants de l’un d’entre eux. A la fin du mois d’octobre, quatre paysans de Kompong Speu soupçonnés d’avoir volé des boufs ont été tués, leur foie arraché.
Cambodge Soir du 9 novembre rapporte l’histoire de Mme Chey Oak, âgée de 70 ans, de Phnom Penh, qui élève un pithon qu’elle croit être la réincarnation de son mari, décédé en 1965, à l’âge de 50 ans. Selon Mme Oak, c’est la cinquième et dernière fois que It, son mari, se réincarne. Un adolescent raconte l’histoire de sa vie passée : il était russe, tué par les Khmers rouges. Un autre jure avoir été tué par son père actuel.