Eglises d'Asie

Les autorités chinoises multiplient les nominations d’évêques et poursuivent ainsi la restructuration de l’Eglise catholique « officielle »

Publié le 18/03/2010




Depuis le 6 janvier dernier, date à laquelle les évêques de cinq diocèses « officiels » ont été consacrés à Pékin sans consultation préalable avec le Saint-Siège (1), au moins quinze autres diocèses « officiels » à travers la Chine ont porté à leur tête de nouveaux évêques. Elus par le presbytérium, ces évêques, ordinaires ou auxiliaires, sont au nombre de seize et se répartissent entre les provinces du Hebei, de la Mongolie intérieure, du Shaanxi, du Shandong et du Zhejiang. Les diocèses « officiels » répondent ainsi à une instruction envoyée le 24 octobre dernier par la Conférence des évêques « officiels » et l’Association patriotique des catholiques chinois à tous les diocèses de l’Eglise « officielle ». Selon les termes de cette instruction, qui souligne que les évêques chinois sont âgés et que de nombreux sièges épiscopaux sont vacants (2), tous les diocèses sans titulaire ont été appelés à élire à la dignité épiscopale des prêtres à même d’assurer les fonctions d’évêques et de diriger un diocèse.

Pour le moment, la plupart de ces quinze diocèses n’ont pas arrêté de date pour la cérémonie de consécration de leurs nouveaux évêques. Elus mais non consacrés, certains de ces évêques ont discrètement fait passer le message qu’ils cherchaient dans un premier temps à savoir si le Saint-Siège était ou non favorable à leur ordination épiscopale. D’autres ont dit attendre de voir confirmer leur élection par la Conférence épiscopale « officielle » et le Bureau des Affaires religieuses local avant de fixer une date pour leur consécration.

Selon nos informations, dans un diocèse de la moitié nord du pays, un évêque « officiel » ne procédera à la consécration épiscopale du prêtre élu pour être son auxiliaire que lorsqu’il aura obtenu l’accord du Vatican. Il dit ne pas se soucier de ce que lui demande la Conférence épiscopale « officielle ». Ailleurs, et en dépit des pressions des autorités chinoises, au moins deux des seize prêtres élus ont catégoriquement rejeté la perspective de se voir consacrés. Dans la province du Gansu, une province où les communautés « clandestine » et « officielle » coexistent relativement harmonieusement, un prêtre de l’Eglise « officielle » a déclaré qu’aucune élection n’avait eu lieu dans les diocèses de la province car il était d’abord nécessaire de parvenir à un accord avec la partie « clandestine » de l’Eglise avant de désigner de nouveaux évêques. Ailleurs, dans les provinces du Guangdong, du Guizhou, du Sichuan et du Yunnan, de nombreux diocèses ont indiqué qu’ils n’avaient pas l’intention de réunir le presbyterium pour élire de nouveaux évêques.

Cependant, dans au moins trois autres diocèses, des élections doivent avoir lieu d’ici quelques mois pour désigner de nouveaux évêques. Dans les provinces du Guangxi et du Shandong, ce mouvement lancé par les autorités chinoises est l’occasion de redessiner la carte des circonscriptions ecclésiastiques. Dans chacune de ces deux provinces, on devrait assister à la réduction de dix diocèses en trois nouvelles entités.

Selon des observateurs de l’Eglise en Chine, ces initiatives de la Conférence épiscopale « officielle » et de l’Association patriotique sont le signe que les autorités chinoises poursuivent la remise en ordre de l’Eglise « officielle » qu’ils ont entreprise depuis plusieurs mois (3). Quelles que soient les résistances rencontrées, leur objectif paraît être de renforcer les structures de l’Eglise « officielle » en attendant le jour où les relations entre le Vatican et la République populaire de Chine seront normalisées. L’argument qui est mis en avant pour justifier cette vague d’élections, à savoir le nécessaire rajeunissement du corps épiscopal chinois, n’est pas totalement convaincant lorsqu’on observe le profil des candidats élus : s’il est vrai que l’âge moyen des évêques « officiels » est de 79 ans, on constate toutefois que, parmi les seize prêtres récemment élus, trois sont âgés de plus de 70 ans. D’autre part, trois évêques âgés de plus de 80 ans ont fait savoir qu’ils n’avaient pas l’intention d’organiser une élection dans leurs diocèses respectifs car ils sont en bonne forme physique et leurs prêtres, la plupart âgés d’une trentaine d’années, sont trop jeunes pour assumer la charge d’un diocèse.

Dans le Henan, une province où l’Eglise « clandestine » est très présente, la politique menée par les autorités chinoises a poussé les évêques « clandestins » de cette province à renoncer à leur projet : avant les consécrations épiscopales du 6 janvier à Pékin et la récente vague d’élection de nouveaux évêques, les évêques « clandestins » s’étaient mis d’accord pour « faire surface » et se joindre à l’Eglise « officielle ». L’attitude des autorités depuis le 6 janvier leur a fait reconsidérer leur décision. En dépit des risques encourus, ils ont décidé de rester « clandestins ».