Eglises d'Asie

Jaffna : alors que les combats augmentent en intensité, l’Eglise locale multiplie les appels à la paix et fournit assistance et secours aux victimes

Publié le 18/03/2010




Alors que les séparatistes des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et les forces gouvernementales sri lankaises sont engagés depuis deux semaines dans de violents combats centrés sur la péninsule de Jaffna dont les rebelles cherchent à reprendre le contrôle, plusieurs instances de l’Eglise catholique en ce pays ont multiplié les initiatives de paix. Cependant offensives et contre-offensives se succèdent de la part des deux forces en présence, qui restent sourdes aux appels des responsables d’Eglise à la reprise des négociations, une reprise que, de son côté, la diplomatie norvégienne essaye également de faciliter par des interventions aussi bien auprès des rebelles que des responsables gouvernementaux.

Déjà le 25 mars, la veille de la reprise des combats sur la péninsule, les autorités religieuses de Jaffna, toutes religions confondues, avaient organisé une manifestation pour la paix, à laquelle avaient participé plus de 10 000 personnes. Le 30 mars, trois jours après le début de la nouvelle vague de combats, la conférence épiscopale du Sri Lanka, dans un communiqué publié pendant sa réunion plénière à Kandy, avait encore appelé les forces gouvernementales et rebelles à renoncer aux combats et à rechercher un règlement négocié du conflit. Les évêques demandaient aux deux parties de considérer que (…) les destructions de précieuses vies humaines, les dépenses insupportables dues à la guerre, les déplacements de population, la détérioration des conditions de vie physique et morale ont livré notre pays à la pauvreté et à la désolation ». Ils en appelaient également à leurs frères des autres religions pour qu’ils s’engagent avec eux dans une action commune pour la paix. Ils apportaient explicitement leur soutien aux tentatives de la Norvège pour enclencher des négociations de paix. Toute initiative, qu’elle émane de la majorité ou de l’opposition politique, devrait pouvoir jouir d’une délégation de pouvoir du gouvernement et bénéficier ainsi d’une certaine efficacité. Le jour suivant, c’était au tour de la Conférence des supérieurs majeurs d’intervenir en faveur d’une solution négociée. Nous confirmons ce qu’ont dit nos évêques, ont affirmé les religieux, et souhaitons faire nôtres leurs orientations ».

Malgré ces appels, les combats lancés le 27 mars par les forces rebelles des LTTE sur la ‘Passe de l’Eléphant’, principal passage reliant la péninsule de Jaffna au reste du pays ont redoublé d’intensité. L’Eglise locale s’est alors mise au service concret des victimes, en particulier des milliers de réfugiés fuyant la zone des combats. Le vicaire général du diocèse de Jaffna, le P. J.P.E. Selvarajah, en compagnie d’un autre responsable religieux, est allé visiter la zone affectée par la récente reprise des combats. Avec un groupe d’autres prêtres, il s’est efforcé de mettre en place des moyens de transport pour les réfugiés bloqués à Pallai. Leur première tentative a été un échec. Cependant, Mgr Thomas Savundaranayagam, évêque de Jaffna, qui se trouve à Colombo, a obtenu l’assurance des militaires que ces réfugiés seraient évacués, une évacuation qui s’impose d’autant plus que les vivres vont commencer à manquer. D’autres initiatives sont prises par le clergé local en faveur des blessés recueillis dans les hôpitaux de Manthikai et de Nagarkovil, à qui ils fournissent médicaments et lait en poudre.

La Commission Justice et paix du diocèse de Jaffna s’est également inquiétée des populations bloquées dans les zones de combat et empêchées par les forces de sécurité de se réfugier en d’autres zones. Le président de la Commission, le P. A.I. Bernard, en a averti les autorités gouvernementales dans une lettre envoyée le 6 avril. Il y signale, en particulier, que des milliers de personnes sont aujourd’hui bloquées à Pallai ainsi que dans la partie sud de la péninsule de Jaffna où aucune organisation civile n’a pu avoir accès depuis la reprise des combats. La population y aurait entamé une grève de la faim qu’elle souhaite prolonger jusqu’à son évacuation dans des régions épargnées par la guerre. Selon le P. Bernard, bien que le commandant militaire de Pallai ait donné des ordres pour faciliter l’évacuation des civils, un peu partout, dans la péninsule, ce sont les officiers des différentes unités militaires qui s’y opposent.

Selon certains commentateurs politique, l’attaque lancée à Jaffna par les forces rebelles aurait pour but d’obtenir un gain de territoire avant le début de négociations de paix avec le gouvernement. Le Sunday Times de Colombo du 9 avril dernier rapporte que les derniers combats entre armée et séparatistes tamouls dans la péninsule de Jaffna ont fait en deux semaines au moins 421 morts des deux côtés. Les forces de sécurité annoncent avoir perdu 121 des leurs et déplorent 854 blessés et 61 disparus. Selon les sources militaires sri lankaises, au moins 300 séparatistes tamouls auraient été tués dans ces combats. Les LTTE ont toutefois indiqué de leur côté avoir perdu seulement 141 de leurs soldats.