Eglises d'Asie – Birmanie
Arakan : la junte birmane poursuit sa politique d’oppression de la minorité musulmane rohingya
Publié le 18/03/2010
A l’instar des autres Etats périphériques de l’Union birmane (Kachin, Karen, Shan, Karenni et Mon) qui bordent la plaine centrale où vivent la grande majorité des Birmans, l’Arakan est peuplé de minorités qui subissent, à divers degrés, la politique discriminatoire et répressive du pouvoir central. Avec près de trois millions d’habitants, l’Arakan abrite environ 6 % de la population du pays. Les deux tiers sont Arakanais. Moins d’un tiers sont Rohingyas. Les premiers sont bouddhistes, issus d’une minorité reconnue par la Constitution comme faisant partie des groupes nationaux et à ce titre jouissent d’une pleine citoyenneté, alors que les seconds, de confession musulmane, ne sont plus considérés comme citoyens de Birmanie depuis qu’une loi votée en 1982 leur a ôté leur titre de citoyens de l’Union.
Depuis 1996 et jusqu’à ce jour, l’armée birmane mène une politique visant à rendre l’Etat de l’Arakan « ethniquement pur ». Les Rohingyas sont victimes « de violations massives et systématiques des droits de l’homme », selon le rapport de la FIDH. Par des déplacements forcés, les autorités cherchent à créer « des villages modèles », où elles peuvent contrôler à leur guise les populations ainsi regroupées. Les terres confisquées sont confiées à des colons birmans. L’armée a recours au travail forcé et lève des taxes arbitraires, dans le but d’appauvrir économiquement les Rohingyas. Regroupés, poussés dans le nord de l’Etat, beaucoup finissent par choisir de passer la frontière et trouvent refuge au Bangladesh. Du point de vue religieux, les autorités promeuvent le bouddhisme (construction d’édifices bouddhistes – pagodes, stupas, centres de méditation) tandis qu’elles limitent l’expression de l’islam en tant que tel et délivrent avec parcimonie des permis de construire pour les mosquées, voire les détruisent.
Selon ce même rapport de la FIDH, les Rohingyas sont acculés dans une impasse : ni citoyens d’un pays qui les rejette (la Birmanie), ni citoyens d’un pays qui ne veut pas les accueillir (le Bangladesh), ils ne sont pas non plus reconnus par le UNHCR. Ce dernier a en effet organisé le retour en Birmanie des réfugiés rohingyas partis au Bangladesh en 1991-1992, en passant un accord avec la junte birmane qui n’offrait aucune garantie aux rapatriés quant au respect de leurs droits en Birmanie. « Dans ces conditions, il est évident que le UNHCR s’est laissé prendre au piège d’une politique insensée en totale contradiction avec son mandat : organiser le retour et empêcher le départ d’une population en proie à la répression systématique d’un Etat despotique », peut-on lire en conclusion du rapport de l’organisation de défense des droits de l’homme.
Issus d’un métissage entre Bengalis et aborigènes mongoloïdes de l’Arakan, les Rohingyas vivent dans cette partie ouest de la Birmanie depuis plusieurs siècles où ils sont arrivés en trois vagues successives. Les premiers, marins musulmans d’origines diverses (perse, turque, bengalie), se sont installés dès le VIIIe siècle. Des groupes plus importants sont arrivés aux XII et XIIIe siècles. Au XVe siècle, l’Arakan connaît une seconde vague d’immigration musulmane. En 1784, le roi birman Bodawpaya conquiert l’Arakan ; sa politique expansionniste se heurte alors à l’Empire britannique. En 1826, les Anglais, au terme de la première guerre anglo-birmane, annexe l’Arakan et organise l’installation massive de populations indiennes (musulmane comme hindoue) dans la région. Cette arrivée importante de populations diverses bouleverse la société qui connaît ses premières tensions communautaires, tensions aggravées alors par la récession économique.