Eglises d'Asie – Chine
Une lettre d’une association de soutien à l’Eglise catholique « clandestine » demande au Saint-Siège de clarifier ses positions concernant l’Eglise divisée en Chine
Publié le 18/03/2010
Le texte de 16 pages a pour destinataires le responsable de la secrétairerie d’Etat, le cardinal Angelo Sodano, le préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, le cardinal Jozef Tomko, le sous-secrétaire du département d’Etat, pour les affaires intérieures, Mgr Jean-Baptiste Re, ainsi que le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation de la doctrine de la foi, et Mgr Stanislas Dzwisz, de la maison pontificale. La lettre est signée du président de la fondation, Joseph Kung (Gong), neveu du cardinal Ignatius Gong Pinmei, archevêque de Shanghai, dirigeant spirituel de l’Eglise « clandestine », qui a passé 30 ans de sa vie en prison et est mort le 12 mars dernier (5).
La lettre qui, manifestement, prend le parti de l’Eglise « souterraine » s’interroge sur les initiatives prises par le Vatican en direction de l’Association patriotique des catholiques chinois. Elle commence par rappeler un certain nombre de décisions prises par le Saint-Siège dans un passé récent. Les trois autonomies, revendiquées par l’Association patriotique fondée en 1957 par le gouvernement pour contrôler l’Eglise de Chine, ont été dénoncées par Pie XII dès 1954. Le même pape a déclaré invalides et illicites la nomination et la consécration du premier évêque chinois sans autorisation pontificale, décision confirmée dans une encyclique de Jean XXIII de 1959. Malgré cela, l’Eglise « officielle » approuvée par le gouvernement a refusé de se soumettre à l’autorité du pape et de rester en communion avec l’Eglise universelle.
L’auteur de la lettre met ensuite en cause le comportement adopté par le Saint-Siège et certains milieux de l’Eglise universelle à l’égard de l’Eglise « officielle » de Chine. Pourquoi, demande-t-il, lors de la récente ordination de cinq évêques sans autorisation pontificale (6), n’avoir pas proclamé le caractère schismatique de l’Association patriotique ? Citant des directives du Vatican de 1988 demandant de prendre beaucoup de précautions dans les contacts avec l’Association patriotique, il s’interroge sur les raisons pour lesquelles, les prêtres de Maryknoll ont accueilli aux Etats-Unis, avec l’accord de certains responsables romains, quelque cinquante séminaristes et prêtres, appartenant à l’Association patriotique pour des études dans les séminaires catholiques du pays. La lettre accuse les évêques de quelques diocèses des Etats-Unis de permettre aux prêtres et évêques de l’Eglise « officielle » d’exercer leurs fonctions sacerdotales en public, en contradiction avec les directives de 1988 émanant du Saint-Siège. En règle générale, la lettre critique l’absence d’attitude tranchée et claire à l’égard des catholiques appartenant à l’Association patriotique.
Selon la lettre, l’Eglise « clandestine » est loin d’avoir reçu de la part de l’Eglise universelle le soutien qui a été accordé à l’Eglise « officielle ». Seulement une vingtaine de séminaristes et de prêtres ont trouvé place jusqu’ici pour leurs études dans les séminaristes américains. Alors que très peu d’aide financière provenant de l’extérieur, parvient en Chine pour subvenir aux besoins de l’Eglise « souterraine », des millions de dollars et des services de toutes sortes affluent à destination de l’Eglise « officielle ». Des projets caritatifs sont mis en ouvre sans solliciter l’accord de la hiérarchie de l’Eglise « clandestine ». Au total, la lettre laisse entendre que les catholiques fidèles au pape et à l’Eglise universelle sont victimes d’une injustice flagrante de la part de ceux pour qui ils souffrent. Le Vatican ne prend pas les mesures nécessaires pour arracher aux prisons du régime les évêques, les prêtres et les laïcs qui y sont détenus pour leur foi. La lettre cite à ce propos Mgr Su Zhemin de Baoding et son auxiliaire, tous deux arrêtés depuis trois ans. Cette Eglise « clandestine », que la persécution n’a pu vaincre, conclut la lettre, risque bien d’être terriblement affaibli en se voyant abandonnée par l’Eglise universelle qui n’a pas encore reconnu publiquement la Conférence épiscopale fondée par elle en 1989.
Les échos suscités par cette lettre dans les milieux concernés ont été divers. L’évêque de Hualien à Taiwan, Mgr Andrew Tsien Tchew-choenn, a exprimé son accord avec l’appel lancé au Saint-Siège pour qu’il clarifie ses positions à l’égard de l’Eglise « clandestine » et de l’Eglise « officielle », même, a-t-il ajouté, si cela doit porter tort momentanément aux catholiques « clandestins ». L’évêque coadjuteur de Hongkong, Mgr Zen Ze-kiun, s’est montré plus sévère pour la lettre qu’il accuse de caricaturer l’Eglise en Chine en en traçant un portrait en noir et blanc. Selon lui, la situation est beaucoup plus compliquée que cela. « Les frères et sours de l’Eglise « clandestine » que je connais ne seraient pas d’accord avec la position de M. Kung », a-t-il précisé. Pour Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre diocésain du Saint-Esprit à Hongkong, la lettre comporte un certain nombre de vérités, mais oublie ou omet des faits essentiels. Selon lui, les dons envoyés en Chine vont également à l’Eglise « clandestine » et à l’Eglise « officielle ». En outre, affirme-t-il, il est dangereux de mettre l’Association patriotique sur le même plan que l’Eglise « officielle ».
Un prêtre de l’Eglise « clandestine », vivant dans l’est de la Chine, interrogé sur le contenu de la lettre de la Fondation du cardinal Kung, a déclaré partager les vues de son auteur, à quelques nuances près. Il s’est dit convaincu qu’une clarification des positions du Vatican à l’égard de l’Eglise en Chine apporterait un encouragement à l’Eglise « clandestine » en Chine. Il craint cependant qu’elle entraîne en même temps une aggravation de la pression exercée sur les catholiques « clandestins » par le gouvernement chinois.