Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE du 1er mai au 20 juin 2000
Publié le 18/03/2010
Du 24 au 26 mai dernier, s’est tenu à Paris la conférence des 16 pays et 7 organisations donateurs d’aide au Cambodge. Le Premier ministre Hun Sen, à la tête d’une importante délégation, a fait le déplacement pour plaider la cause cambodgienne. Comme on pouvait s’y attendre, le Cambodge a obtenu ce qu’il demandait, et même davantage, puisqu’il a obtenu 548,3 millions de dollars pour un an, au lieu des 517 demandés. « C’est un bonus pour le travail bien fait », commente un diplomate asiatique. Il faut ajouter 55 autres millions accordés à la « société civile », sans plus de détails.
* De 1992 à 1998, le Cambodge a reçu 3,2 milliards de dollars de la part des pays donateurs, soit en gros 2 000 francs français par personne.
* Avant la réunion de Paris, de nombreux groupes ou ONG ont manifesté leurs réserves et demandé aux pays donateurs d’imposer des conditions dans l’utilisation des fonds. Entre autres, Médicam, consortium regroupant une centaine d’ONG travaillant dans le domaine de la santé, et le Comité de Coopération pour le Cambodge (CCC), qui regroupe environ 240 ONG, ont adressé un long communiqué concernant l’amélioration des conditions de vie des couches sociales les plus défavorisées. Global Witness demande une nouvelle fois la mise en place d’un moratoire sur toutes les activités forestières. L’opposant Sam Rainsy demande que des conditions précises soient fixées pour que l’aide soit efficace et profite aux plus pauvres. Le FMI estime que les progrès dans les réformes ont été suffisants, même si beaucoup reste à faire. 36% de la population demeure au-dessous du seuil de pauvreté.
* A Paris, une cinquantaine de manifestants cambodgiens ont lancé des oufs sur le Premier ministre Hun Sen et l’ont obligé à rester dans l’immeuble de la Banque mondiale pendant une demi-heure. On accuse Sam Rainsy d’être l’instigateur de cette manifestation, mais l’opposant nie tout participation à l’incident.
* 279,1 millions sont promis dans le cadre bilatéral, 269,2 dans le cadre multilatéral. Le Japon reste le principal donateur dans le cadre bilatéral, avec une promesse d’aide de 138 millions. Viennent ensuite l’Australie, avec 21,6 millions, les Etats-Unis (20), la Suède (18), la France (17,9), l’Allemagne (17,2), le Canada (8,7), le Danemark et le Royaume-Uni (8 chacun), les Pays-Bas (7,3), la Norvège (6), la Belgique (4,4), la Finlande (2), la Nouvelle-Zélande (1,5), la Corée du Sud (0,5). Dans le cadre multilatéral, le Cambodge devrait recevoir 88 millions de la Banque asiatique pour le développement (BAD), 75 de la Banque mondiale (BM), 24,7 de l’Union européenne, 22 du Fonds monétaire international (FMI), 10,5 de l’IFAD, et 1,5 de l’IFC.
Cette réunion de Paris a poussé le gouvernement à accélérer, du moins sur le papier, la prise d’un certain nombre de mesures. Les pays et organisations donateurs d’aide ont toutefois fait des remarques assez « franches » aux autorités de Phnom Penh, et posé des conditions rigoureuses pour le versement des fonds promis, largement liées à la mise en place effective des réformes promises, concernant en particulier le respect des droits de l’homme, du système judiciaire et la lutte contre la corruption. Un mécanisme d’évaluation du progrès des réformes se réunira désormais deux fois par an, au lieu de tous les trimestres.
Bois et forêts
* Global Witness, comme la BAD, estiment que des progrès sans précédents ont été accomplis dans le secteur forestier durant les 18 derniers mois, mais que la situation « reste très grave ». Durant les six derniers mois, l’ONG de surveillance repéré 129 841m³ de bois coupés, stockés ou transportés, représentant une perte de 7 millions de dollars pour l’Etat. L’ONG montre du doigt deux sociétés : Hero et Péaphimex (société sino-cambodgienne, dont Hun Sen est un actionnaire important).
* De petits groupes de bûcherons continuent des coupes de bois illégales dans les parcs naturels du Bokor et de Kirirom, comme ont pu le constater le groupe d’étudiants « les amoureux de la nature » en randonnée dans ces deux parcs, le 30 avril.
* La déforestation du Phnom Kulen affecte le cours de la rivière de Siemréap qui est presque asséchée. En juin 1994 une concession de 2 400 hectares était accordée à la 4ème région militaire, alors que ce secteur du Phnom Kulen a été classé comme parc naturel en vertu d’un décret royal en 1993.
* Le Conseil des ministres, en date du 12 mai, annule le contact de trois concessions forestières, dont une cambodgienne, représentant 265 000 hectares, dans la région de Kampot, de Kompong Speu et de Préah Vihéar. Selon le rapport de la BAD, le bois y aurait été coupé en totalité, et dans certaines, on cultiverait du cannabis. La BAD recommande également la suspension du contrat de sept autres sociétés. L’an dernier, ces sociétés forestières ont versé 8 millions de dollars à l’Etat, mais selon les spécialistes, elles devaient en verser une bonne trentaine. L’association Global Witness continue à demander qu’un moratoire soit imposé aux différentes sociétés d’exploitation des forêts cambodgiennes jusqu’à la promulgation d’une loi d’exploitation des forêts, ce que refuse le gouvernement.
* Lors de la réunion de Paris, les donateurs ont demandé expressément au gouvernement cambodgien de s’engager à préserver la forêt des Cardamomes. Le jour même de cet engagement, Global Witness recueillait des photos aériennes montrant les coupes de bois illégales dans les Cardamomes, et dénonçait la position « intenable » des institutions internationales sur le dossier du moratoire à imposer aux compagnies forestières. La société malaisienne Grand Atlantic Timber International (GAT) est la principale société forestière qui saccage les forêts de ce secteur. Global Witness découvre 777 arbres illégalement abattus par la dite société, qui aurait dû verser 104 895 dollars à l’Etat. La société a également poursuivi jusqu’au mois de mai, les travaux de construction d’une route forestière dans la région de Koh Kong, en dépit de l’interdiction signifiée un mois plus tôt. Global Witness demande l’annulation pure et simple de la concession d’exploitation à la société. Le directeur de la société se défend de toute irrégularité.
* Un projet d’un montant de 5 millions de dollars, sur une durée de quatre ans, est annoncé le 14 juin visant à protéger le parc naturel de 332 000 hectares de Virachey (entre Ratankirri et Stoeung Treng). La BAD fournira 4,4 millions, le gouvernement 250 000 et le Global Environnement Facility le reste.
Economie
Les investissements étrangers chutent sérieusement : durant les trois premiers mois de l’année 2000, le Conseil pour le Développement du Cambodge n’a approuvé que 23 projets d’investissement, pour une valeur de 32 millions de dollars, alors qu’en 1999 le CDC en avait approuvé 32, pour une valeur globale de 120 millions durant la même période. On rend la faiblesse des infrastructures et la mauvaise gouvernance du pays.
* Le gouvernement autorise la société Hassan, d’exporter 15 000 bovins. Le cheptel cambodgien s’élèverait à 3 millions de têtes, et croîtrait de 3 % par an. 500 bovins ont déjà été exportés en Thaïlande et en Malaisie. La société Hassan prévoit un investissement de 1,5 millions de dollars pour ce programme, durant les années 1999-2004. Les boufs achetés actuellement 100 dollars la tête pourront voir leur valeur tripler dans les années à venir.
* Le 21 mai, 300 propriétaires de rizeries se réunissent pendant deux jours à Battambang pour réfléchir aux problèmes liés à l’exportation du riz cambodgien dont la qualité ne correspond pas aux critères internationaux.
* La société Alcatel signe un contrat d’une valeur de 63 millions de dollars pour l’extension du réseau de téléphone mobile au Cambodge. En 1996, la société française avait signé un contrat de trois ans pour une valeur de 20 millions. En 1999, le nombre de téléphones mobiles a plus que doublé pour atteindre le nombre de 90 000. Au terme de cet accord, le réseau Mobitel sera en mesure de desservir environ 180 000 abonnés.
* Le 29 mai, le gouvernement cambodgien signe un contrat de 40 millions de dollars avec une société taïwanaise pour la construction et l’exploitation pendant 70 ans de boutiques, supermarchés, centres sportifs et de loisirs, d’affaires, d’hôtels en échange de la rénovation du stade olympique de Phnom Penh. Le gouvernement déboursera, pour sa part, 3,6 millions. Ce contrat soulève le tollé d’une trentaine de familles de membres d’organisations sportives qui seront relogées ailleurs, et d’une trentaine de familles de squatters déjà expulsées de cet emplacement dans les années 1980.
* Le gouvernement cambodgien a contacté plusieurs compagnies pétrolières pour explorer le Tonlé Sap à la recherche de gaz et de pétrole. En mai 1999 la Japan National Oil avait achevé une observation aérienne de l’ensemble du bassin du Tonlé Sap et en avait conclu que le secteur était potentiellement riche en hydrocarbures. Cette étude a coûté 2 millions de dollars.
Dons
* Le 2 mai, la Grande-Bretagne s’est engagée à verser 280 000 dollars pour financer un programme de développement de l’ancienne région khmère rouge d’Anlong Veng.
* Le 11 mai, l’ambassadeur du Japon accorde un don de 16 millions de dollars destinés à financer trois projets : 12 millions pour la réhabilitation de la route Siemréap-Kompong Thom, 3 millions pour le déminage durant les années 2000-2001, et 1 million pour améliorer l’équipement médical de l’hôpital provincial de Siemréap.
* Le 9 mai, la Malaisie lance un fonds pour contribuer à combattre la pauvreté dans la minorité chame du Cambodge. Déjà 13 000 dollars ont été récoltés. Ils devraient servir à la construction de cliniques mobiles, à l’achat de nourriture, de vêtements et de médicaments. La minorité chame du Cambodge est forte d’environ 250 000 personnes.
* Le 12 mai est signé le début des travaux de la restauration de la route reliant Poïpet et Siemréap, qui nécessiteront un contrat de 58 millions de dollars.
* Le 30 mai, le Danemark accorde une aide de 20 millions de dol-lars à la Commission du Mékong pour développer un programme de protection et de développement de la pisciculture. 1 300 espèces de poissons ont été répertoriées dans les eaux du Mékong. On constate dans le même temps l’extinction de certaines espèces.
* L’Union européenne va financer à hauteur de 4,7 millions de dollars un nouveau projet d’appui institutionnel, qui s’étalera sur trois ans. L’objectif du programme est d’améliorer les capacités du service public dans le Conseil des ministres et dans six ministères (Justice, Environnement, Affaires étrangères, Education, Commerce et Aménagement du territoire). Des conseillers techniques seront placés dans chaque ministère.
* Le Canada va octroyer 3 millions de dollars canadiens pour mettre en ouvre un programme d’une durée d’un an et demi, concernant le repérage des champs de mines. 90 personnes seront sélectionnées pour y travailler, en collaboration avec deux sociétés privées canadiennes Ce programme commence en juillet, après le départ des conseillers militaires canadiens. Le Canada s’engage également à aider l’Assemblée nationale et le Sénat à développer ses moyens, notamment pour la recherche dans le domaine légal.
* Le13 juin, la République de Chine s’engage à construire un bâti-ment de deux étages et une bibliothèque pour le Sénat, pour un montant de 1,5 millions de dollars. Les travaux seront terminés en 2001.
Démobilisation
* Le 7 mai, le gouvernement lance le programme de démobilisation d’un millier de soldats, dans les provinces de Kampot et de Kompong Thom. 370 autres sont démobilisés le 20 juin dans la pro-vince de Bantéay Méan Chhey. 11 500 autres devraient être démo-bilisés à la fin de l’année et 31 500 d’ici à la fin de l’année 2001.
* En avril, plus de 1 000 anciens khmers rouges de Païlin avaient vu leur solde amputée de 7,20 dollars par les officiers des FARC. Le général Kun Kim, chef d’Etat-major adjoint, a dû faire le déplacement à Païlin pour calmer les esprits. Il n’est pas certain que ces soldats accordent leur entière confiance au PPC.
Tourisme
* En 1999, le Cambodge a accueilli 270 000 touristes. Il projette d’en accueillir 1 million en 2002. Durant le premier trimestre de 2000 le nombre de touristes a augmenté de 48 % par rapport à l’an dernier.
* Le 3 mai, le Premier ministre Hun Sen accorde à la Chine le statut de « la nation la plus favorisée » pour le tourisme au Cambodge. L’an dernier, environ 30 000 Chinois de Chine continentale se sont rendus au Cambodge, on en attend 100 000 pour l’an 2000. Les touristes chinois pourront utiliser la monnaie chinoise sur les sites touristiques.
* Trois millions de dollars sont affectés par le gouvernement pour aménager les structures touristiques autour des temples d’Angkor, (2,5 millions pour la restauration des routes autour des temples et 500 000 pour l’aménagement de l’aéroport de Siemréap) et 6 nouvelles lignes aériennes reliant Singapour, Kuala Lumpur, Taipeh, Hong Kong, Kunming et Shanghai à Siemréap vont être ouvertes. Actuellement, des lignes aériennes relient directement Siemréap à Bangkok et à Ho Chi Minh-Ville. Le 19 mai le premier avion en provenance de Shanghai se pose à Siemréap.
* Deux ventes de terrains appartenant à l’Etat, dans la ville de Siemréap, et cédés à deux sociétés hôtelières ont été annulées par Hun Sen. Nam Tum, vice-gouverneur de la ville, a été limogé.
* Depuis le 5 mai l’aéroport de Pochentong possède un terminal cargo. La Société Concessionnaire de l’Aéroport (SCA) de Pochentong reçoit la gestion de l’aéroport de Siemréap. Le gouvernement percevra progressivement de 7 à 9 % du chiffre d’affaires, et une participation de 30 % des bénéfices et une partie de la taxe ‘passagers’.
* Pour la visite des sites d’Angkor, la Sokimex et Apsara demandent une photographie du touriste, pour éviter que les billets non totalement utilisés ne soient revendus.
Vie sociale
Pauvreté
Une récente étude gouvernementale montre que 20 % de la population cambodgienne a vu ses revenus augmenter de 18 % entre 1994 et 1997. Par contre pour 20 % des plus pauvres, on ne note aucune augmentation. Le 12 juin, le roi distribue 6 kilos de riz à 550 paysans affamés des provinces de Svay Rieng et de Prey Veng.
Parmi les provinces les plus pauvres, on cite Samong, Païlin, Anlong Veng, Mondolkiri et Ratanakiri. ACF (Action contre la Faim) cesse ses activités médicales dans la province, par manque de fonds et également parce que la période d’urgence est terminée, et que le développe-ment doit être confié à d’autres. Il n’y a que cinq ONG qui travaillent dans la province de Préah Vihéar où vit une po-pulation de 106 000 personnes. « Pas d’argent, pas d’in–térêt politique dit un membre d’ACF. Les pistes reliant les capitales provinciales sont dans un état déplorable.
Activité syndicale
Le 1er mai, et pendant les deux jours suivants, plus de 3 000 ouvriers défilent dans les rues de Phnom Penh, et notamment devant l’Assemblée nationale pour demander la réduction de la durée hebdomadaire du travail de 48 à 44 heures, une augmentation des salaires à 70 dollars, ainsi que la baisse du prix de l’essence, le respect du code du travail, la fin de la corruption et de la violence, le même nombre de jours de congé pour les ouvriers que pour les fonctionnaires. Ils demandent également la créa-tion immédiate d’une cour chargée de juger les litiges liés au travail, qualifiant au passage le ministère de justice de « ministère de l’Injustice Le Premier ministre Hun Sen prononce un réquisitoire contre les manifestations, et se fait l’avocat de la négociation. Il suggère au ministère du Travail d’offrir des cadeaux et des certificats aux entrepri-ses qui auront appliqué à la lettre le code du travail. Ces manifestations n’aboutissent à aucun résultat concret.
Environ 30 usines ont dû fermer leurs portes pendant les trois jours de manifestations. Le président de l’Associa-tion des industriels du textile demande au gouvernement de protéger les investisseurs et de créer un bon climat social, sans quoi ces investisseurs quitteront le Cambodge pour s’installer en Inde, en Indonésie, au Bengladesh, ou en Chine, où le coût de la main d’ouvre est moins élevé, les infrastructures meilleures, les lois plus claires.
* Depuis le 4 mai, les produits textiles cambodgiens peuvent pénétrer le marché européen sans limitation de volume. Les importations européennes en provenance du Cambodge sont passées de 65 millions d’euros en 1998 à 140 millions en 1999. Les Etats-Unis accordent une augmentation de 5 % de leurs quotas d’importations en échange de la création d’une commission de pilotage comprenant des représentants de l’Industrie, du gouvernement, du Bureau international du Travail et qui inspectera les conditions de travail des ouvriers cambodgiens. Cette commission remettra son rapport tous les six mois au gouvernement des Etats-Unis.
* Depuis le début de l’année, les inspecteurs du ministère des Affaires sociales a imposé des amendes à 35 entreprises pour licenciements abusifs, surmenage, insuffisance du service de sécurité, etc. La moitié de ces entreprises appartiennent au secteur de la confection, l’autre moitié comprenant des banques, des restaurants, pâtisseries, compagnies de sécurité et de messagerie.
* Le 29 mai une cinquantaine d’ouvriers de l’usine textile Loomex manifestent devant le ministère des Affaires sociales pour protester contre leur récent licenciement.
* Le SIORC dénonce plusieurs licenciements abusifs de syndicalistes dans les usines Luen Thai et Golden Jet.
* Le 8 juin, 500 ouvriers d’une usine de confection de Chak Angrè, manifestent devant le ministère des Affaires sociales pour non-respect par leurs employeurs d’accords précédemment signés. Quatre personnes sont blessées par les gardes, dont une grièvement.
* L’adhésion prochaine de la Chine à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) laisse planer un danger sur les entreprises cam-bodgiennes, la plupart dirigés par des Chinois, et qui ne sont guère compétitives. « Au Cambodge, tout reste bloqué par la bureau–cratie, tout est prétexte pour extorquer de l’argent… sans parler des problèmes d’infrastructures qui sont autant de barrières », constate le président de l’association des patrons de la confection.
* La vente des emplacements du marché de O Russey, près du stade Olympique de Phnom Penh, est ouverte. La rénovation du marché a commencé en 1997 par une société sino-taïwanaise qui y a investi 11,35 millions de dollars. Ce nouveau marché offre près de 4 407 emplacements de vente. Chaque emplacement est loué en leasing pour 20 ans, à des prix compris entre 1 900 et 3 300 dollars chacun. Plusieurs centaines de vendeurs protestent devant la mairie de Phnom Penh demandant un abaissement des coûts et la possibilité de versements échelonnés sur 15 ans. Néanmoins, le marché sera inauguré comme prévu, le 4 août.
Lutte anti-corruption
* Durant les premiers jours de mai, le Premier ministre Hun Sen lance une violente attaque contre le ministère cambodgien des Finances, l’accusant d’être le ministère le plus corrompu du pays. Selon le Premier ministre, il ne faut pas moins de 84 opérations pour obtenir de l’argent du ministère. Kéat Chhon, ministre des Finances reconnaît que la corruption existe dans son ministère et remercie le Premier ministre d’en faire état. Un rapport de la Banque mondiale montre du doigt le ministère, « mais d’autres aussi », « la corruption est partout répandue dans différents secteurs de la vie cambodgienne Cependant la plupart des pays donateurs expriment leur confiance à Kéat Chhon, qualifié de « ministre propre et crédible ». Il semble que l’attaque verbale de Hun Sen soit un test en vue d’un éventuel remplacement du ministre quelqu’un de plus servile.
* Le même jour, les 58 membres du conseil d’administration de la Banque asiatique pour le développement, choisissent Kéat Chhon comme vice-président.
* Avant la réunion de Paris, Sam Rainsy donne un dossier de 320 pages à l’ambassade du Japon, le plus grand pays donateur d’aides au Cambodge, concernant le sort des propriétés d’Etat dans les zones urbaines de Sihanoukville et de Phnom Penh. L’Etat possédait environ 80 % de toutes les terres du pays. Il n’en posséderait actuellement plus que 50 %, le reste ayant été dilapidé par les fonctionnaires du régime. Avant la réunion de Paris, le gouvernement crée une commission de neuf membres pour solutionner les problèmes de spoliation des terres. Aussi bien Hun Sen que Sam Rainsy critiquent cette commission comme inefficace.
* Vers le 15 juin, le ministre des Finances demande au ministre du développement rural la punition des fonctionnaires de Takéo qui ont vendu à leur profit des équipements donnés par le Japon, d’une valeur de plus de 28 000 dollars, en 1994 et 1995 (42 conditionneurs d’air, 3 véhicules), ainsi que « la perte » de plus de 150 maisons préfabriquées. Le Japon avait également accordé un don de 150 000 dollars pour la rénovation de tout cet équipement. Le principal fonctionnaire soupçonné est Yim Chhai Ly, qui avait déjà, l’an dernier, demandé au ministère des Finances de lui verser des fonds pour des routes déjà construites.
Spoliations des terres
* Le 20 mai plus de 180 représentants de paysans dépossédés de leurs terres, dans la région de Bavel (Battambang) acceptent de re-tourner dans leur village, près le déplacement du gouverneur de la province à Phnom Penh pour discuter de leur protection contre les militaires.
* 200 familles appartenant à des minorités ethniques de la province de Préah Vihéar signent une pétition pour demander que soit mis fin à l’abattage de la forêt dans leur secteur.
* Selon Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, la commission des droits de l’homme de l’assemblée a trouvé une solution à 218 disputes foncières et travaille à la résolution de 46 autres cas.
* Au début du mois de mai, un garde-pêche est tué par balles, dans la province de Siemréap. C’est au moins le quatrième incident de ce type signalé depuis deux mois. Les pêcheurs sont excédés par la corruption de l’administration qui ponctionne toutes leurs richesses.
* Afin de lutter contre la spéculation foncière, le ministre des Finances rappelle l’obligation faite aux propriétaires de terrains d’une superficie supérieure à 1 200 m² inoccupés de payer une taxe.
Santé
* Le docteur suisse Beat Richner, fondateur de l’hôpital pédiatrique Kanthéa Bopha, attaque l’OMS devant le tribunal international de La Haye, reprochant la politique de l’OMS « qui applique une médecine de pauvre, pour des gens pauvres, dans un pays pauvre et qui engendre, selon le médecin, « un génocide passif des enfants cambodgiens » Il accuse ainsi les responsables de « crime contre l’humanité
* Selon une enquête conduite en 1997 menée par le ministère de la Santé, 12 % des enfants scolarisés, âgés entre 8 et 12 ans, sont affectés de goitre. Dans 5 provinces, ce taux serait supérieur à 20 %, et 40 % dans quatre autres. 2 millions de Cambodgiens sont déjà affectés par ce déficit en iode, et 5 millions sont affectés par ce risque. Le déficit en iode peut générer des troubles de l’intelligence et des difficultés d’apprentissage. En 1999, la société Phéapimex (dont Hun Sun est actionnaire) avait reçu l’exclusivité de production de sel iodé.
* Selon l’ONG TPO (Transcultural Psychological Organization), un Cambodgien sur trois souffrirait de problèmes mentaux graves, des suites des événements survenus durant les trente dernières années. Un sur neuf souffre de dépression sérieuse. Ces troubles se manifestent, entre autres, par la violence conjugale et l’abus d’alcool.
* Le 26 mai, le gouvernement cambodgien suspend l’adoption d’enfants par des étrangers. Ces adoptions donnent lieu à de véritables trafics d’enfants vendus par des familles pauvres. On peut donner des exemples précis. Un enfant est acheté environ 100 dollars et revendu à plusieurs milliers. Cela n’a pas empêché Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, le 1er juin, de se prononcer publiquement, à l’occasion de la 51ème journée internationale de l’enfant, en faveur des enfants.
Droits de l’homme
* Le 20 avril, un détenu mourait dans la prison provinciale de Takéo, officiellement de fièvre typhoïde. Sa famille fait procéder à une enquête : le corps du détenu porte les traces de coups et blessures, il a été torturé à mort. La commission gouvernementale des droits de l’homme, reconnaît les faits le 22 mai. C’est une première dans l’histoire du régime. On suppose que le détenu avait des liens de parenté avec quelque dignitaire du régime. Le dernier rapport de Thomas Hammarberg estime qu’un détenu sur 5 est torturé dans les prisons cambodgiennes.
Saga du procès des Khmers rouges
Le 29 avril, le sénateur américain John Kerry avait rencontré le Premier ministre Hun Sen avec lequel il avait mis sur pied un projet d’accord entre l’ONU et le gouvernement cambodgien au sujet du procès des Khmers rouges : deux juges d’instruction, l’un étranger, l’autre cambodgien, seraient chargés de l’instruction et des inculpations, une chambre d’arbitrage composée de 5 membres (3 Cambodgiens et 2 étrangers) trancherait les éventuels désaccords entre les deux magistrats à la majorité qualifiée de 4. Ainsi croit-on pouvoir allier la volonté cambodgienne de sauvegarde de la souveraineté nationale cambodgienne et les standards internationaux d’impartialité. Hun Sen avait modéré la portée de l’accord, laissant à l’Assemblée nationale la possibilité d’y apporter des modifications.
Le 2 mai, Hun Sen déclare à nouveau que l’Assemblée peut rejeter cet accord. Beaucoup de parlementaires sont, en effet, d’anciens Khmers rouges, et nourrissent donc quelques craintes devant la création d’un tel tribunal. L’ONU avait demandé que le Premier ministre s’engage par écrit avant la soumission du projet devant l’Assemblée nationale, puis avait retiré son exigence.
Le 22 mai, Sok An, ministre chargé du dossier, indiquait qu’un nouvel échange de courrier avait eu lieu entre Kofi Annan et le gouvernement, dans lequel le Secrétaire général de l’ONU donnait approbation à la position de John Kerry. « Cela ne veut pas dire que tout soit réglé, il reste un long chemin à parcourir », note un observateur.
Le 23 mai, la Chine demande à la communauté internationale de cesser de faire pression sur le Cambodge pour le jugement des ex-chefs khmers rouges, estimant qu’un tel procès pourrait déstabiliser la région.
* 520 charniers khmers rouges ont été répertoriés. Un site Internet ouvert en janvier comprend désormais 10 800 biographies, 3 000 références bibliographiques, et plus de 6 000 photographies.
Divers : Cloche-merle au Cambodge
* Le 30 mars, Sam Rainsy installe un stupa à la mémoire des morts de l’attentat du 30 mars 1997. Le stupa est démoli par la police et jeté dans une bouche d’égout sur les berges du Bassac. Le surlendemain le stupa est replacé, et à nouveau détruit. On accuse trois anciens membres du PSR de cet acte de vandalisme. Le 15 mai, troisième stupa, ouvre des étudiants des beaux-arts est réinstallé, malgré l’interdiction des autorités de la ville. La nuit, des militaires et policiers l’enlèvent et le jettent sous le pont japonais. Sam Rainsy s’en prend au « manque d’indépendance de la justice » qui n’a pas réussi à trouver les responsables de l’attentat du 30 mars 1997. « Les assassins veulent tuer les âmes. Mais on ne peut tuer les âmes ». Le 19 mai, le PSR écrit une lettre au roi : « Si le roi demande de déplacer le stupa, nous lui obéirons Un quatrième stupa est réinstallé et à nouveau détruit, puis un cinquième est réinstallé le 17 mai, gardé cette dernière fois jour et nuit par les partisans du PSR. Contrairement à l’attente de Sam Rainsy, aucune réaction internationale n’est signalée avant la conférence de Paris. Le 12 juin, vers 17h 30, un excavateur, entouré d’un important dispositif policier, détruit le cinquième stupa. L’intervention donne lieu à des échauffourées. Le 13 juin, Sam Rainsy et Chéa Sophara, maire de Phnom Penh, se rencontrent à l’ambassade des Etats-Unis. Sam Rainsy continue à clamer que les autorités de Phnom Penh n’ont pas respecté la personne du roi, en n’attendant pas son verdict sur la question.
* Le 19 mai, à Strasbourg, un groupe de parlementaires européens, toutes tendances politiques confondues, d’Alain Madelin, Emma Bonino, Michel Rocard à Cohn Bendit, accordent un « passeport pour la liberté » à Sam Rainsy, visant à établir un lien de solidarité entre les opposants politiques et les députés européens.
Ville de Phnom Penh
* Le 12 mai, le maire-adjoint de Phnom Penh demande aux quelques 298 parloirs de karaoké et au 179 boutiques de jeu vidéo de se faire enregistrer au plus tôt. Ce type d’établissements doit être situé à au moins 200 m de toute école. La police anti-drogue a identifié 21 guest houses, 16 appartements, 5 cafés tenus par des étrangers et 5 restaurants où s’opèrent des trafics de drogue.
* Face à la recrudescence de la criminalité depuis le Nouvel an cambodgien, le dispositif de contrôle des armes illégales a été réactivé.
* A partir du 1er juin, le gouverneur de Phnom Penh lance une opération d’enregistrement des quelques 30 000 motos importées illégalement et en circulation à Phnom Penh. Les propriétaires devront payer une taxe de 144 dollars. Par contre, l’opération d’éducation des conducteurs de la capitale a été interrompue, apparemment sans succès.
* Le 18 mai, le Premier ministre Hun Sen suggère aux députés et fonctionnaires de se rendre à la base pour se rendre compte du niveau de vie moyen de leurs compatriotes.
* Le 5 mai, le Japon fait don d’une station météo ultra-sophistiquée à la Commission du Mékong pour une valeur de 50 000 dollars.
* Depuis 1993, bon nombre de Cambodgiens résidant à l’étranger sont venus chercher épouse au Cambodge. Depuis quelques mois, les familles cambodgiennes hésitent à donner leurs filles à ces prétendants bourrés d’argent, qui, pour un certain nombre, une fois le mariage consommé, ont abandonné leur jeune épouse sur place.
* La presqu’île de Chruy Changvar, en face du Palais de Phnom Penh et la place des quatre bras s’allonge chaque année de 10 mètres, entraînant une érosion importante de la berge de Koh Noréa, la réduction de la taille des bateaux pouvant accéder au port de Phnom Penh, des problèmes d’inondation et d’évacuation des eaux usées de Phnom Penh, ainsi qu’un changement dans le flux du Mékong qui affecte les migrations de poissons et augmente la salinité de ses eaux. Les piles du pont Monivong sont également mises en danger. La commission du Mékong lance une étude s’éta-lant sur 14 mois, d’un montant de 500 000 dollars, don du Japon.
* Au début du mois de mai, trois Phnongs, vivant dans la province de Kratié, accusés d’actes de sorcellerie ont froidement été abattus par des hommes en armes.
* Un bateau pirate, le Benny 87, naviguant sous pavillon cambodgien a été arraisonné par Greenpeace à 500 miles à l’ouest de l’Angola, surpris en flagrant délit pour transport de thon, d’espadon et de marlin. En décembre dernier, un autre bateau navigant sous pavillon cambodgien sombrait dans la mer noire en raison d’une tempête.
* Lors de la cérémonie du Sillon sacré, qui marque officiellement le début des labours, les boufs sacrés ont dévoré 97 % du riz, 95 % du maïs et des haricots, 65 % du sésame, et bu 50 % de l’eau qui leur étaient proposés. Ils se sont abstenus de boire l’alcool. Les devins du palis en ont déduit que la population aurait suffisamment de quoi se nourrir, que la production de maïs serait excédentaire, que les pluies seraient convenables.
* Un groupe de « Floricans du Bengage », est découvert entre les provinces de Kompong Thom et de Siemréap. Il n’existerait que 400 oiseaux de cette espèce dans le monde. Il ne resterait que 1 500 « grues antigones », dont la danse figure sur les bas-reliefs du Bayon.
* Pour la première fois, le Québec accorde un don de 88 000 dollars pour la construction de deux écoles.
* Le 16 mai, la police arrête un Singapourien et un Cambodgien, responsable d’un vaste détournement de télécommunications, d’au moins 250 000 dollars par mois, est découvert.
* Le 7 juin, Phnom Penh et Bangkok signent un mémorandum d’entente pour le marquage de la frontière commune, qui prendra comme base de travail la Convention franco-siamoise de 1904, le traité de 1907, ainsi que les cartes franco-siamoises de 1907.
* Une cinquantaine de poteries et d’instruments culinaires sont découverts au village de Dambok Svay, à 23 km de Sisophon. Ces ustensiles pourraient remonter à plusieurs siècles avant J.C.
* Le 8 juin, 56 petites statuettes en or, en argent et en bronze, datant des XIVe et XVIIIe siècles, découvertes dans la pagode de Vihéar Louong, dans la province de Kompong Cham, sont remises par Heng Samrin au musée national.