Eglises d'Asie

La canonisation par l’Eglise orthodoxe de 222 de ses martyrs chinois n’a pas soulevé l’ire des autorités chinoises

Publié le 18/03/2010




Contrairement aux très fortes réactions des autorités chinoises à la canonisation à Rome le 1er octobre dernier de 120 martyrs de l’Eglise catholique en Chine (3), la canonisation en août dernier à Moscou par l’Eglise orthodoxe de 222 de ses martyrs chinois est passée quasiment inaperçue. Selon Nikitas Lulias, métropolite des orthodoxes de Hongkong et du Sud-Est asiatique, la Chine et ses dirigeants n’ont manifesté aucune réaction à ces canonisations, ces 222 chrétiens, tous tués lors de l’insurrection des Boxers en 1900, étant pourtant les premiers saints ainsi reconnus par l’Eglise orthodoxe russe.

Selon le métropolite Lulias, qui réside à Hongkong, la différence de réaction de la part des autorités chinoises à ces deux événements de nature religieuse peut s’expliquer de plusieurs façons. Premièrement, les structures de l’Eglise catholique et celles de l’Eglise orthodoxe diffèrent et le statut du Vatican, en tant qu’Etat, a pu jouer un rôle dans les tensions entre l’Eglise catholique et le gouvernement chinois. Deuxièmement, l’importance numérique des orthodoxes en Chine est sans commune mesure avec celle des catholiques. Bien que les orthodoxes soient présents en Chine depuis 300 ans, précise le métropolite Lulias, l’Eglise orthodoxe y est très petite. On ne peut donner de chiffres précis quant au nombre de fidèles car, poursuit-il, des groupes d’orthodoxes pratiquent leur foi clandestinement, mais il est connu qu’il n’existe qu’une seule église orthodoxe en fonctionnement dans tout le pays. Elle est située à Harbin, capitale de la province du Heilongjiang, dans le nord-est du pays, région où historiquement la présence orthodoxe est la plus importante. Le seul pope chinois est mort il y a peu de temps et, rappelle encore le métropolite Lulias, l’Eglise orthodoxe en Chine travaille toujours à former son propre clergé.

Le troisième facteur qui différencie les saints catholiques des saints orthodoxes tient à leur mode de désignation. Tandis que l’Eglise catholique proclame saint un personnage après une longue et minutieuse enquête, pour l’Eglise orthodoxe, explique le métropolite Lulias, la canonisation est moins formelle. Le témoignage des personnes qui ont assisté au martyre des futurs saints ou la seule révélation divine peuvent suffire à proclamer un saint. Pour les martyrs orthodoxes de l’insurrection des Boxers, l’archimandrite Innokenty, chef de la mission orthodoxe de Pékin en 1900, est celui par qui les témoignages des martyrs ont pu être connus. Dans les deux nuits des 11 et 24 juin 1900, des mots d’ordre avaient été répandus pour appeler à tuer tous les chrétiens et ceux qui les protégeaient. Parmi les victimes orthodoxes figurent des clercs, des laïcs hommes et femmes, ainsi que des enfants (dont le fils âgé de sept ans d’un pope, lui-même martyrisé). Peu après ces semaines sanglantes, les orthodoxes chinois ainsi martyrisés ont eu droit à la vénération reconnue à ceux qui ont donné leur vie pour leur foi. Leur vénération fut très rapidement approuvée par le Synode de l’Eglise orthodoxe russe.

D’ici à la fin de cette année, le premier livre de prières dédié à la mémoire de ces saints martyrs orthodoxes sera publié à Hongkong et une grande icône les représentant sera placée dans l’unique chapelle orthodoxe de Hongkong.