Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er septembre au 31 octobre 2000

Publié le 18/03/2010




Le fait dominant la vie des Cambodgiens durant les deux derniers mois est sans conteste les inondations. On assiste, cette année, au Cambodge, et dans la péninsule indochinoise, à une double inondation :

La première, au mois de juillet, tout à fait inhabituelle, due à plusieurs typhons qui se sont abattus sur la Chine et le Sud-Est asiatique. Le phénomène est aggravé par la déforestation massive de la Thaïlande et du Cambodge au cours de ces dernières années (les superficies couvertes de forêts sont passées de 70 % en 1945 à environ 25 % en 1995 ; pour le seul Cambodge, la forêt est passée de 73 % en 1969 à moins de 50 % aujourd’hui). Cette inondation a entraîné la mort d’une centaine de personnes, la plupart par morsure de serpents (qui se réfugient près des habitations). Plusieurs villages du nord-est du pays ont été inondés, des secours ont afflué. Selon le Comité d’action contre les désastres naturels, cette inondation aurait causé pour 6 millions de dollars de dégâts, et affecté 20 000 familles.

Les villes de Steung Treng et Kratié, ont été inondées. Celle de Kompong Cham a été partiellement inondée, mais moins gravement qu’en 1996. A Phnom Penh, le niveau du Mékong et surtout celui du Tonlé Sap étaient à plus d’un demi-mètre au dessus de la côte d’alerte : 22,54 m à Kratié (cote d’alerte 22 m), 11,19 m à Phnom Penh (cote d’alerte 10,50 m ; 10,99 m en 1929). A Chroy Changvar, dans la banlieue-est de Phnom Penh, les rives du Mékong et du Tonlé Sap ont été rehaussées de deux mètres. La ville de Svay Rieng a été couverte de plus d’un mètre d’eau….

La capitale a donc connu de réels dangers d’inondation pendant environ trois semaines. Alors que le niveau du Mékong baissait, celui du Tonlé Sap augmentait de jour en jour, faisant craindre la rupture de la digue qui protège la ville à une quinzaine de kilomètres au nord. Cette montée du Tonlé Sap, déversoir naturel du Mékong, était dû aux queues de typhons arrosant le nord du pays, phénomène aggravé par la déforestation. Grâce à la vigilance des autorités civiles et militaires, qui ont ouvré 24 heures sur 24 pendant plusieurs semaines, la digue a été renforcée, surélevée de près d’un mètre, et la capitale a été épargnée. Près de 11 millions de sacs de terre ont été fournis par le gouvernement pour rehausser les digues. Par contre, les campagnes à l’arrière des berges du Mékong ont été recouvertes de plusieurs mètres d’eau. Au début du mois d’octobre, l’eau du Mékong a reflué du Vietnam et inondé une partie des provinces de Kampot et de Takéo.

Le roi Sihanouk, en traitement médical à Pékin, est revenu en hâte au Cambodge, alors qu’il ne devait rentrer qu’en novembre. Le 2 octobre, les agences de l’ONU ont lancé un appel simultanément à Phnom Penh, à New York et à Genève, afin de récolter 10,7 millions de dollars pour secourir les 850 000 sinistrés les plus atteints. La Chine a offert un satellite d’observation météo.

Le 17 octobre, la province de Kompong Speu, jusque là épargnée, a été à son tour touchée, résultat direct de la déforestation, puisque l’inondation vient des montagnes qui entourent la province. Six barrages d’irrigation ont lâché, la nationale 4 a été coupée, 500 familles ont dû être évacuées. Quarante personnes auraient été touchées par cette nouvelle catastrophe. Suite à ces mêmes pluies torrentielles, 24 usines de la banlieue de Phnom Penh ont fermé leurs portes, mettant 15 774 ouvrières en chômage technique (non rémunéré !). Quatre maisons de la banlieue proche de Phnom Penh ont été inondées.

Selon le bilan officiel du Conseil des ministres du 19 octobre, depuis juillet, on compterait 315 morts et 873 blessés ou malades du fait des inondations, 3 millions de personnes (soit 1 habitant sur 4) ont été affectées à un degré plus ou moins grave par ces inondations, 200 000 ont été déplacées, 167 maisons inondées, 2 240 emportées par les eaux, 600 hectares de rizières ont été inondés, dont 400 considérés comme perdus, ainsi que 45 500 hectares d’autres cultures saccagés par les eaux. 700 km de routes seraient hors d’usage, 2 ponts, 102 projets d’irrigation, 988 écoles, 121 hôpitaux ou centres de soins sont endommagés. 2 300 bovins, 1 600 porcs, 12 000 volailles auraient péri. Les dégâts sont estimés à 105,5 millions de dollars…. Les pertes dans le seul domaine agricole s’élèveraient à presque 71 millions de dollars, celles du ministère du Développement rural à presque 11 millions. Le coût des réparations des structures liées à l’hydrologie se situerait aux alentours de 5,6 millions, la remise en état des routes, à 3,8 millions… Les réparations des écoles s’élèveraient entre 3,6 à 10,9 millions de dollars, dont 3,6 millions pour les fournitures scolaires…

Ces chiffres officiels sont toutefois à prendre avec une certaine réserve : d’abondantes sommes ont été déversées l’an dernier pour la réparation des routes, mais aucun coup de pioche n’a encore été donné. Beaucoup de ponts n’étaient pas dignes de ce nom. Quant à bon nombre d’hôpitaux et centres de santé, ils ne fonctionnent que sur le papier… Il est, d’autre part, trop tôt pour chiffrer les dégâts dans le domaine agricole : dans certains cas, l’inondation a noyé les tiges de riz trop courtes pour survivre, a noyé les bananiers, les papayers, etc. Dans d’autres, au contraire, l’inondation a apporté son limon fécondant.

Les semaines et les mois à venir seront ceux de la réhabilitation. Ce sera sans doute la disette pour ceux qui ont perdu leurs rizières ou leurs plantations. Le PAM s’est engagé à distribuer 44 tonnes de riz dans le cadre du programme “nourriture contre travail”. Selon les experts, l’assistance minimale dont a besoin chaque famille serait d’environ 22 dollars, soit un total de 9 millions pour l’ensemble du pays.

Si les inondations causent des dégâts aux rizières, plusieurs secteurs souffrent de la sécheresse : 20 000 hectares dans la provinces de Battambang, 2 000 hectares dans celle de Kompong Speu sont virtuellement anéantis par la sécheresse.

Ce sont surtout les vaches, pour qui il est difficile de trouver à manger, les cochons et les poules qui sont les plus atteints. Sur plusieurs centaines de kilomètres, de Bantéay à Néak Loeung, les abords immédiats de la route qui forme une digue pour les eaux du Mékong, ont été transformés en immenses étables, où sont attachées des milliers de vaches…

Déjà le 15 septembre, le Japon accordait une aide de 187 000 dollars en matériel (75 tentes, 2 200 couvertures, 338 000 rouleaux de toiles de plastique) et donnait 100 000 dollars au Comité national pour les catastrophes, 174 980 aux équipes du roi et de la Croix-Rouge. Le 18 septembre, la Grande Bretagne débloquait une assistance de 375 000 dollars, plus, quelques jours plus tard, 1,5 million à répartir entre le Cambodge, le Laos et le Vietnam. La Croix-Rouge française verse 25 000 à son homologue cambodgienne, la Chine donne 35 000 dollars, une ONG suisse verse 25 000. Le 19 septembre, l’Australie annonce une aide d’urgence de 146 000 dollars. Les Etats-Unis promettent 302 000 dollars. La société Naga Resorts, qui tient le casino de Phnom Penh, promet de verser 100 000 dollars. Le 26 septembre, Israël envoie un avion chargé de nourriture, de vêtements, de médicaments et autre matériel d’urgence. La Suède fait un don de 110 000 dollars, la Corée du Sud 20 000, la France 650 000 FF, l’Allemagne 20 000 dollars, Singapore 20 000, le Vietnam donne 100 tonnes de riz, la Thaïlande également 100 tonnes… Le 2 octobre, un bateau transportant 6 000 tonnes de riz, don du Programme alimentaire mondial (PAM), et du Japon arrive à Sihanoukville : c’est la première tranche d’un don de 14 000 tonnes. La Norvège offre 205 tonnes de poisson, le Canada en offre 245. Le nonce apostolique fait un don de 10 000 dollars à Hun Sen pour aider les victimes des inondations. Le ministre des Affaires étrangères de Malaisie, en visite au Cambodge, accorde un chèque de 25 000 dollars à la Croix-Rouge cambodgienne.

Dans le cadre de la réhabilitation du Cambodge, la Banque mondiale promet un prêt de 10 millions de dollars. Le gouvernement allemand accorde une aide de 12,5 millions de dollars, dont 8 millions destinés aux victimes des inondations. Six millions sont destinés à reconstruire les infrastructures routières. (L’Allemagne a accordé 122 millions depuis les dernières années). L’Australie accorde un don d’un million de dollars au PAM. La Banque asiatique pour le développement (BAD) envisage la possibilité de fournir une aide d’urgence de 30 à 35 millions pour une réhabilitation du Cambodge après les inondations. Cette réhabilitation se ferait en trois phases : la réhabilitation immédiate des communications, d’autres chantiers qui seront achevés avant la prochaine saison des pluies, et enfin d’autres travaux à effectuer dans les deux ou trois années à venir.

L’opposition accuse les autorités gouvernementales de détourner les aides accordées, ou de les utiliser à des fins politiques, les réservant à ses “clients”. Sam Rainsy demande cependant aux pays donateurs d’envoyer de l’aide, mais d’en contrôler la distribution. Les vendeurs de Phnom Penh affirment que les policiers leur vendent du riz en grande quantité, provenant des dons faits au gouvernement. Le 20 octobre, à l’instigation de Sam Rainsy, 3 000 manifestants défilent devant l’Assemblée nationale, les bureaux du PAM, les sièges des Croix-Rouges nationale et internationale, pour protester contre la mauvaise distribution du riz. Sam Rainsy organise une distribution de riz et fait une grève de la faim durant trois jours, du 25 au 27 octobre, en signe de solidarité avec ceux qui ont faim.

Deux militaires, un douanier et un civil imitent les signatures du Premier ministre, du ministre de l’Economie et des Finances, ainsi que celle de la reine, au bas d’un document, pour importer, sans droits de douanes, 10 000 tonnes de vêtements usagés, soit disant destinés aux victimes des inondations. L’escroc principal se fait passer pour un membre de la famille royale. Depuis 1993, il aurait ainsi détourné environ 1 million de dollars. Hun Sen demande au Palais d’établir une liste des membres de la famille royale et invite tous les patrons de grandes sociétés à être vigilants sur l’origine des marchandises détaxées.

Saga du jugement des chefs Khmers rouges

Lors de sa visite à l’Assemblée générale de l’ONU pour la session de l’an 2000, au début du mois de septembre, le projet de tribunal des chefs Khmers rouges n’est pas au programme de Hun Sen. Cependant, dans une interview à l’AFP, il assure qu’il est fermement résolu de faire ce qu’il faut pour créer ce tribunal, mais rappelle les exigences cambodgiennes de respect de la souveraineté du pays. Il précise que si les responsables Khmers rouges seront poursuivis, ceux qui ont aidé à mettre fin au génocide ne le seront pas, propos manifestement destinés à apaiser les membres du gouvernement. Kofi Annan, lors d’une soirée à New York, demande à Ranariddh si le tribunal va se mettre en place. Le président de l’Assemblée nationale cambodgienne répond que la commission des lois de l’assemblée examine le projet… qui, personnellement, lui semble acceptable… Sok An, ministre cambodgien chargé du dossier, déclare, pour sa part, que le jugement des Khmers rouges n’est pas une priorité du gouvernement.

Le 24 septembre, Hun Sen exprime ses félicitations à Ieng Sary, n° 3 du régime Khmer rouge, pour avoir conduit plus de la moitié des effectifs militaires Khmers rouges à se rallier au gouvernement, en 1996. Cette remarque semble contredire ses déclarations de la semaine précédente, dans lesquelles il précisait que tous les anciens chefs Khmers rouges devaient être jugés. Mais il se retire derrière l’autorité de l’Assemblée nationale qui doit légiférer sur le sujet.

La Russie approuve la position cambodgienne de chercher en premier à préserver les intérêts du pays, en voulant maintenir la paix et la stabilité.

Ieng Sary et son épouse jouissaient d’un passeport diploma-tique depuis la reddition du celui-ci au gouvernement, en 1996. Après la décision du Conseil des ministres de supprimer tous les passeports diplomatiques, il fait une demande de passeport ordinaire, ce qui fait penser à certains qu’il désirerait quitter le pays.

Dans ses mémoires, Lee Kuan Yew révèle que les Etats-Unis ont versé 150 millions de dollars aux armées sihanoukiste et du FNLPK, alliées des Khmers rouges de 1982 à 1991, et que la Chine a versé près d’un milliard de dollars aux Khmers rouges, et 100 millions à ses deux alliés. Singapour leur a fourni 55 millions et la Malaisie 10 millions. Quant à la Thaïlande, elle a fourni quelques millions, mais surtout la logistique pour le transport des munitions.

L’ex-commandant Khmer rouge Nuon Paet voit la cour d’appel confirmer le verdict de réclusion à perpétuité prononcé le 7 juin 1999, contre lequel il avait fait appel. Il avait été rejugé le 20 septembre.

L’Assemblée nationale recommence ses travaux le 16 octobre, après deux mois d’interruption (une vingtaine de députés sont absents). Le projet de loi concernant le tribunal des Khmers rouges n’est pas à l’agenda (pas plus que celui concernant la loi foncière et la loi sur les élections communales). Ranariddh, président de l’Assemblée, déclare que l’Assemblée n’a pas le temps d’examiner le projet durant cette session qui se termine le 15 janvier. Sok An, ministre chargé du dossier, est accaparé par les inonda-tions… (mais cela ne l’a pas empêché de se rendre au Japon, remarque l’ambassadeur des Etats-Unis). Plusieurs observateurs pensent que ce n’est qu’une excuse pour repousser indéfiniment le procès. “Je ne protège pas le Premier ministre Hun Sen, j’écoute le peuple, et le peuple veut la paix”, explique Ranariddh. De fait, la tenue de ce tribunal ennuierait trop la Chine qui semble dicter sa conduite aux responsables cambodgiens. Le 18 octobre, Hun Sen annonce qu’il désire la tenue du tribunal “le plus rapide-ment possible”, mais que la décision n’est pas entre ses mains… La commission des lois n’a examiné que huit articles sur la quarantaine qui lui ont été proposés.

Le 17 octobre, sept à huit hommes lancent des roquettes sur la maison de Y Chhien, gouverneur de Païlin. On ne déplore que des dégâts matériels. On en fait porter la responsabilité à un groupe obscur de “Cambodgiens combattants pour la liberté” qui auraient annoncé l’attaque par lettre anonyme, cinq jours auparavant. Ce mouvement, dirigé par un ancien du PSR, se serait juré de lutter aussi longtemps que Hun Sen serait Premier ministre. Dans la nuit du 25 au 26 octobre, ces mêmes combattants pour la liberté jettent un millier de tracts dans la capitale, demandant à la population de se soulever contre Hun Sen, “installé par les troupes vietnamiennes”.

Economie

Agriculture

Selon un rapport de la FAO, daté du 7 septembre, donc avant le gros de l’inondation, le manque de nourriture parmi les paysans est tombé de 50 à 15 % en une saison. Cette année, le revenu moyen par ferme est monté de 150 à 310 dollars, soit dix fois plus qu’en 1997. Cependant, selon le directeur général de la FAO, la déforestation du Cambodge est la plus sérieuse de la région, et menace la production et la sécurité alimentaire du pays.

Le 24 août, 3,8 tonnes d'”escargots d’or” et 300 kg d’oufs de ces escargots sont collectés par les paysans de la province de Kompong Chhnang, suite à l’appel du directeur dépar-temental de l’Agriculture de la province, contre une récom-pense totale de 150 dollars. Ces escargots, apportés par les réfugiés à leur retour de Thaïlande, menaceraient les cultures.

L’association britannique OXFAM vient de mener une en-quête sur les paysans sans terre au Cambodge : 13 % des cam-pagnards n’ont plus de rizière ni les moyens d’en acquérir. Pour la première fois au Cambodge, l’accès à la terre devient difficile. Parmi ces paysans sans terres, 55,4 % n’en ont jamais eues, et 43,6 % l’ont vendue pour rembourser des dettes. 13,1 % ont été purement et simplement spoliés par les militai-res et les autorités locales. L’ONG prévoit que du mois de jan-vier 2001 au début de l’année 2006, la population des 20-24 ans augmentera de 40 %, celle des 25-29 ans, de 30 %. Selon la FAO, il faut un minimum de 0,75 hectare pour nourrir une famille, or déjà 48 % des familles doivent se contenter d’une superficie inférieure. Entre 1980 et 1999 la surface cultivée a crû de 47 %, mais la population de 70 %. Ainsi on peut s’inquiéter de l’avenir. Selon le recensement de 1998, 881 400 personnes ont immigré vers la ville durant les cinq dernières années, dont un tiers dans les douze derniers mois. La part de l’industrie dans le PIB a grimpé de 53 à 63 %, mais la masse salariale n’a crû que de 2 %, passant de 19 à 21 %. 5 millions d’hectares de forêts et 0,7 millions d’hectares de terres cultivables ont été accordés à des entreprises privées.

Le 18 octobre, Hun Sen s’emporte contre les patrons des grandes plantations de caoutchouc qui exploitent les petits producteurs de latex en leur offrant des prix d’achat dérisoires. Il s’en prend aux policiers et aux militaires qui “utilisent les paysans comme des objets qu’ils peuvent utiliser à leur guise”. Il envisage de redistribuer 300 000 hectares de concessions non cultivés aux paysans pauvres.

Le 24 octobre, Hun Sen se fâche tout rouge contre les fonctionnaires chargés du département des pêches qu’il traite de “sangsues dévorant le sang de la population”, de “chiens de garde des puissants propriétaires des lots de pêche”. Il ordonne que 5 000 hectares de la région de Siemréap aujourd’hui exploités en concession soient rendus au domaine public. Le responsable du département est limogé et remplacé par son adjoint.

Selon l’association britannique Global Witness, il y aurait des coupes illégales de bois dans le massif de l’Aural. Au moins 20 scieries opéreraient dans le secteur, dont beaucoup tenues par d’anciens Khmers rouges.

Prêts

Le 3 septembre, la Banque mondiale (BM) s’engage à accorder un prêt de 15 millions de dollars pour la démobilisation des soldats cambodgiens. Une partie de ce prêt, couvrant les frais d’aide technique, n’est pas remboursable. Le projet de démobilisation représente une dépense d’environ 40 millions. Dans la première phase du “projet pilote” de démobilisation, s’élevant à 2,2 millions de dollars, le gouvernement a déjà versé 360 000 pour la prime de licenciement de 240 dollars par soldat, les organismes internationaux ont déboursé le reste. Hun Sen avait menacé de stopper le processus de démobilisation, si l’argent n’était pas débloqué à temps.

Suite à une circulaire en date du 24 août, les effectifs de la police de Phnom Penh sont amputés de 40 à 70 %. 500 policiers dont le visage ne correspond pas à la photo de leur carte officielle sont rayés des listes : ils avaient acheté leur charge à un autre policier qui voulait quitter l’unité. Chaque carte a été achetée entre 300 et 500 dollars. Cette pratique est courante au Cambodge. En 1998, le ministère de l’Intérieur avait annoncé la réduction de 24 000 des 60 000 membres de la police. Déjà 7 000 “policiers fantômes” avaient été éliminés des rôles.

Le 6 septembre, la Banque asiatique pour le développement (BAD) annonce l’octroi d’un prêt de 16 millions de dollars, remboursable en 32 ans, pour couvrir deux tiers du montant des projets d’irrigation et d’aménagement des routes secondaires dans la province de Kompong Thom. D’autres organisations, dont l’Agence française pour le développement, se sont déjà engagées à verser 8 millions pour ces projets. 9 000 hectares devraient être irrigués et 150 km de routes secondaires rénovées. Ces projets seront achevés en 2007. Ce prêt faisait partie d’un prêt plus important, mais la BAD réclamait la baisse des dépenses consacrées à l’armée et l’augmentation du budget affecté au domaine social avant de la verser. Ce prêt porte à 410 millions de dollars l’ensemble des prêts consentis par la BAD depuis 1992.

Le 15 septembre, la direction du FMI (Fonds monétaire international) approuve un prêt de 10,8 millions de dollars au Cambodge, à 0,5 % d’intérêt par an. Le directeur du FMI félicite le gouvernement pour avoir suivi le programme de réformes préconisées. Cette aide fait partie d’une enveloppe totale de 81,6 millions consacré à la lutte contre la pauvreté s’étalant sur trois ans. Ce prêt aurait dû être accordé en juillet, mais le FMI estimait que les réformes promises, notamment la réduction de la pléthorique administration, n’avaient pas été réalisées. Le 13 octobre, les responsables du FMI adressent des félicitations au gouvernement, mais dans le même temps demandent une meilleure perception des taxes et la réduction de la partie du budget réservé à la défense. Le 16 octobre, le directeur de la BAD fait les mêmes remarques. Selon le FMI, l’augmentation du PNB serait de 5,5 % en 2000, contre 5 % en 1999.

Dans deux ans, le Cambodge devra commencer à rembourser une série de prêts à la BAD et à la Banque mondiale (environ 300 millions). A l’Assemblée générale de l’ONU, Hun Sen a plaidé pour l’annulation de la dette des pays pauvres… La sagesse ne serait-elle pas de ne pas pousser les pays pauvres à s’endetter, ou du moins à surveiller comment est utilisé l’argent prêté.

Selon une étude du CDRI (Institut cambodgien du dévelop-pement des ressources), le Cambodge devrait bénéficier d’une aide de 500 à 600 millions par an pour atteindre un taux de croissance de 7 à 8 %. Mais aujourd’hui, les divers pays et organisations internationales qui aident le Cambodge s’engagent pour un montant annuel d’environ 500 millions, dont seulement 350 millions sont effectivement versés.

Avant la visite du président Jiang Zemin au Cambodge, le 13 novembre, la Chine promet d’accorder un prêt de plusieurs millions de dollars pour reloger les squatters qui occupent le complexe sportif qu’elle a construit dans les années 1960. 376 maisons de bois seront construites à Phnom Penh Thmei. La Chine est l’un des plus gros donateurs du Cambodge et se classe parmi les cinq premiers pays investisseurs. Le Front démocratique des étudiants et intellectuels prévoit de manifester lors de la venue du président chinois, mais le gouvernement a déjà mobilisé 1 000 policiers.

Aides et investissements

Le 1er septembre, le Japon accorde une aide de 4,7 millions de dollars pour réhabiliter les deux ponts de la route japonaise, entre Chrui Changvar et Kbal Keng, endommagés par l’inondation de 1996, et pour rénover les locaux du Sénat.

Le 17 septembre, la Grande Bretagne fait un don d’environ 2,1 millions de dollars pour subventionner un programme de lutte contre la pauvreté dans les zones urbaines, qui commencera le 1er novembre et durera trois ans, en collaboration avec le PNUD.

La société malaisienne Ariston, qui avait jadis, en 1994, promis d’investir plus d’un milliard de dollars dans l’aménagement de la région de Sihanoukville, mais qui n’a encore rien réalisé, révèle un projet de construction d’un grand ensemble comprenant un hôtel 5 étoiles de 750 chambres et un casino avec 40 “modules” de jeux à Phnom Penh, pour un montant de 100 millions de dollars. En 1998, Hun Sen avait ordonné la fermeture immédiate de plus de 35 casinos à Phnom Penh, et en avait interdit l’installation à moins de 200 km de la capitale. Seul le Naga, propriété de la société Ariston, avait eu l’autorisation de poursuivre ses activités, et a même acquis les droits d’exclusivité pour les jeux d’argent dans la capitale (liens d’amitiés avec le Premier ministre et petits cadeaux obligent !). Le directeur de la société mise sur la place centrale qui est celle du Cambodge dans le Sud-Est asiatique pour assurer la prospérité de son casino… Le gouverneur de la ville de Phnom Penh s’insurge contre ce projet, qui contredit le décret de 1998. La société Ariston a également le projet d’aménager une plage sur 265 hectares à Sihanoukville, octroyés par le Premier ministre. Cinquante hectares sont revendiqués par 26 familles.

La société australienne de télécommunications Telstra, parvenue au terme de son contrat de dix ans, remet au gouvernement cambodgien ses infrastructures. Durant ces dix ans, Telstra a investi 30 millions de dollars, a installé 5 000 lignes fixes et 173 téléphones publics. La société a réalisé un bénéfice de 100 millions, et le gouvernement a empoché 200 millions de dividendes. Le gouvernement confie la gestion de ce patrimoine à la société AZ Distribution, partenaire de Cambodia Telecom, au grand dam de Telstra. L’opposition s’insurge, car le gouvernement doit payer 2 millions de dollars pour former le personnel de AZ afin qu’il puisse utiliser le matériel de Telstra.

Le 12 octobre est inauguré une centrale électrique de 15 MW dans la banlieue de Phnom Penh, fruit d’un inves-tissement privé canadien de 7 millions de dollars par la société Jupiter Cambodia. Cette société fournit déjà l’électricité de Battambang (4 MW), de Pursat (1,25 MW), de Kompong Chhnang (900 KW). Ces 15 MW s’ajoutent au 35 produits par la centrale de Chak Angrè, entrée en service en 1996.

Le 27 octobre, le Japon accorde un don de 155 191 dollars dans le cadre de programme Kusanone (“terre à terre”), pour financer quatre projet dans les domaines de la santé, de la lutte contre la prolifération des armes, et de l’éducation. La World Vision Japan construira un centre de santé à Trapéang Veng (Kandal).

Rôle des ONG

Une étude intéressante du CDRI (Institut cambodgien du développement des ressources) démontre que l’assistance au développement de la part de nombreuses ONG freine le développement réel du pays, car elle déforme les règles économiques habituelles. D’une part, les agences des pays donateurs, les ONG ou les organisations internationales ponctionnent une large partie des Cambodgiens les mieux formés pour faire fonctionner leurs organisations. D’autre part, la communauté internationale a virtuellement pris en charge le financement de la santé, de l’éducation, des services sociaux, du développement rural, tandis que le gouvernement consacre le plus gros de ses fonds à la défense et à la sécurité. Les subsides débloqués dispensent pratiquement le gouvernement de mettre en place un système efficace de recouvrement des recettes fiscales, ainsi qu’un système d’augmentation des salaires de ses fonctionnaires qui trouvent dans les ONG un complément à leur traitement.

La plupart des partenaires cambodgiens interrogés durant cette étude se disent contents d’avoir perfectionné leur technique de gestion et d’avoir élevé leurs connaissances personnelles. Mais beaucoup se disent frustrés, en n’étant devenus que gestionnaires de projets conçus par d’autres, projets qui parfois se contredisent les uns les autres. Peu de projets émanent des bénéficiaires, la plupart sont issus des donateurs, tant dans l’identification des besoins que dans la conception des projets. Les donateurs tiennent, d’autre part, à garder secrets les rémunérations et avantages dont bénéficient leurs expatriés.

Les fonctionnaires ayant bénéficié d’une formation partent souvent dans le privé, le gouvernement ne disposant pas des moyens pour leur offrir un salaire correct.

Fin du rapatriement des réfugiés

L’UNHCR (Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) ferme ses bureaux de Battambang, après avoir réintégré 46 000 réfugiés, suite aux événements de 1997. 5,9 millions de dollars ont été affectés à cette réinsertion. En 1992-93, l’UNHCR avait déjà rapatrié près de 400 000 personnes. C’est une page qui se tourne : depuis 30 ans, c’est la première fois que le peuple cambodgien vit en paix sur son sol.

CIMAC

Le 15 octobre, Hun Sen décide de licencier 1937 démineurs du CIMAC (Comité cambodgien d’action contre les mines), à la date du 13 novembre, soit près de 70 % des effectifs, par manque d’argent. Créé en 1992, le CIMAC employait 3 310 démineurs, mais en a déjà licencié 444. Son budget annuel oscille entre 9 à 13 millions de dollars (650 000 à 700 000 par mois), et est financé à hauteur de 90 % par les étrangers. Cette année, son budget n’est que de 8,5 millions (au lieu des 9 à 13 précédemment), mais il lui manque 1,5 millions pour finir l’année. Beaucoup de pays donateurs sont fatigués de la tactique de Hun Sen qui ne cesse de “crier au loup” pour attirer des fonds. D’autres reprochent au gouvernement la nomination de Sam Sotha, ancien directeur du CIMAC, accusé de la mauvaise utilisation de l’argent des donateurs, au poste de conseiller spécial du Premier ministre en matière de déminage, avec rang de sous-secrétaire d’Etat.

Le 14 septembre, les Etats-Unis font un don de 2,58 millions de dollars à trois organisations de déminage : CIMAC (1,3 millions), HALO Trust (747 000) et MAG (Mine Advisory Group, 198 000). Depuis 1994, les Etats-Unis ont accordé 19 millions d’aide pour le déminage et 20 millions pour les victimes des mines. Le CIMAC verse un salaire mensuel de base d’environ 15 dollars à ses démineurs (4 500 à son directeur), les deux autres agences civiles paient dix fois plus. “C’est très facile de trouver des démineurs. La plupart d’entre eux viennent des forces armées”.

Le 19 septembre, le gouvernement britannique annonce qu’il va débloquer 300 000 dollars pour le CIMAC.

A la fin du mois d’octobre, l’Australie annonce l’octroi de 275 000 dollars au CIMAC. Ce pays projette d’en accorder 1,375 millions en 2001. Le Japon déclare avoir déjà donné 900 000 et d’avoir ainsi fait ce qu’il faut. Déjà 5 millions de dollars sont enregistrés comme promesses de financement pour l’an 2001.

Le déminage d’un hectare revient à environ 10 000 dollars. On révise le chiffre des mines à la baisse : il n’en resterai “qu’un million”. Selon la campagne cambodgienne pour l’abolition des mines, la population cambodgienne serait le premier démineur et aurait enlevé 60 % du total des mines exhumées jusqu’en 1999. Beaucoup de mines sont d’ailleurs hors d’usage : sur les 2 000 mines retirées près du Phnom Krom (Siemréap), 70 % n’étaient plus en état de fonctionnement. Par contre beaucoup de munitions non explosées (UXO) constituent un réel danger. Il faudra environ 25 ans pour déminer totalement le pays. On dénombre 598 accidents depuis le 1er janvier 2000, soit une baisse de 28 % par rapport à l’an dernier. La majorité de ces accidents affectent des paysans, alors que les militaires ne représentent que 2 %.

Mouvements sociaux

Le 22 juillet, les ministères du Commerce et des Affaires sociales, sur pression des Etats-Unis, émettent conjointement une circulaire destinée à faire appliquer le code du travail : les entreprises qui ne respectent pas ce code seront sanctionnées d’abord par un avertissement, puis une amende et enfin se verront retirer leur licence d’exportation. En dernier recours, l’ensemble de leur quota pourra leur être retiré.

Mais la publication d’une circulaire ne change pas pour autant la situation des ouvriers :

Les ouvriers de l’usine New Star se plaignent d’être obligés de travailler de 7 heures du matin à minuit, parfois même jusqu’à l’aube, sans avoir droit ni aux jours fériés, ni au week-end. En moyenne, ils font jusqu’à 135 heures supplémentaires par mois, le tout pour un salaire variant entre 20 et 30 dollars par mois…. Celui qui proteste est licencié.

Le 11 septembre, 700 ouvriers de l’usine de confection Ho Hing entrent en grève. Ils sont rémunérés à la pièce, et ne gagnent que 15 à 25 dollars par mois, au lieu des 45 prévus pas le code du travail.

Le 16 septembre, plus de 700 employés de l’usine Kennetex International protestent contre le renvoi d’un agent de maîtrise très populaire, et également contre le non-respect du code du travail, concernant les salaires et les heures supplémentaires obligatoires.

Le 5 octobre, 200 ouvriers de l’usine de chaussures Ming Da entrent en grève pour protester contre l’augmentation des cadences : les travailleurs doivent coudre 12 paires de chaussures par jour au lieu de 10. Déjà 70 ouvriers qui ne fournissaient pas la quantité fixée ont été licenciés. Certains ouvriers doivent travailler plus de 14 heures par jour et coudre 16 paires. Ils sont obligés de travailler 7 jours sur 7. La direction licencie entre 70 et 100 grévistes.

Plus de 100 ouvriers de l’usine textile Century Rich menacent de faire grève s’ils ne reçoivent pas le salaire de 45 dollars promis. Les ouvriers disent travailler beaucoup plus et n’être payés qu’entre 18 à 25 dollars.

Depuis la relative victoire des syndicats qui ont obtenu l’élévation du salaire mensuel minimum à 45 dollars, beaucoup de membres des syndicats se font tirer l’oreille pour verser les 1 000 riels de contribution mensuelle (environ 2 francs français). Seulement 10 % payent leur cotisation..

La société américaine Nike menace de rompre un contrat d’un montant de 200 millions de dollars avec plusieurs usines cambodgiennes, suite à la diffusion d’un reportage à la BBC, au cours duquel une jeune ouvrière affirme n’avoir que 12 ans. Les employeurs et le gouvernement protestent et exhibent un acte de naissance (visiblement falsifié). Le SIORC soutient la jeune fille. Selon le syndicat, 20 % des ouvrières n’auraient pas 15 ans, âge légal pour travailler. C’est un fait que beaucoup de jeunes filles trompent leurs employeurs sur leur âge, afin d’obtenir un emploi pour rembourser une dette contractée par leurs parents. Les employeurs jurent de leur bonne foi : ils sont parfois dupés par des jeunes qui falsifient leurs pièces d’identité. Actuellement, beaucoup d’employeurs exigent la carte d’électeur de 1998 comme pièce faisant foi. Ils arguent qu’il y a suffisamment de main-d’ouvre adulte sur le marché sans avoir à se mettre hors la loi en prenant des enfants. Cependant, on cite des cas précis, où les employeurs préfèrent employer des filles, jeunes, plus que des hommes, sachant qu’elles ne se révolteront pas… Si d’autres grandes marques, comme Gap, suivent l’exemple de Nike, ce sont 40 000 emplois qui seraient menacés.

Nike et Gap diligentent un audit général. Mais en attendant cet audit, selon le SIORC, les employeurs procèdent à des coupes sombres dans leur personnel, éliminant toutes les ouvrières de moins de 15 ans, ou celles dont le visage paraît trop jeune… sans aucun dédommagement. Un millier d’ouvriers auraient déjà été licenciés (dont 2 à 300 ouvrières de la société Sky Star). Une deuxième vague de licenciements-mise en chômage technique (sans indemni-tés !) aurait touché environ 5 000 ouvrières à cause de la réduction des commandes. Van Sou Ieng accuse Chéa Vichéa, président du SIORC, d’irresponsabilité, mais ce dernier se félicite d’avoir apporté sa collaboration dans la lutte contre l’emploi des enfants. Selon lui, la baisse des commandes vient de l’expiration des quotas alloués.

Selon le sous-secrétaire d’Etat américain pour le Travail, l’emploi d’enfants dans les usines textiles au Cambodge n’est pas généralisé. Il estime que des progrès ont été réalisés dans l’amélioration des conditions de travail des ouvriers, ce qui a permis, en septembre, une augmentation des quotas de 4 %. Cette année, pourtant, les quotas n’ont augmenté que de 9 % au lieu des 14 % prévus, à cause des mauvaises conditions de travail.

Le 24 septembre, environ deux cents chauffeurs de moto-double (taxi-moto) manifestent contre l’augmentation du prix de l’essence. La municipalité avait interdit la manifestation à cause de l’inondation.

Spoliation des terres

Le 1er septembre, le gouvernement décide que les terrains confisqués par les agents du ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire, soient rendus aux 335 familles du village n° 3 de Sisophon.

Le 12 octobre, 350 paysans de Poïpet spoliés de leurs terres manifestent devant le Conseil des ministres. Ils ont été spoliés par les autorités locales pour construire un casino. Pourtant, suite aux restrictions imposées aux ressortissants thaïlandais par le Premier ministre de Thaïlande, le nombre des joueurs a sérieusement diminué : il n’y en a quotidiennement que 100, au lieu des 2 à 300 auparavant.

Depuis 1987, on recense 217 cas importants de spoliations de terrains, en moyenne de 120 hectares arrachés par la force à une cinquantaine de familles.

Selon les pêcheurs cambodgiens de Kompong Som, les autorités locales autorisent les Vietnamiens et les Thaïlandais à pêcher dans les eaux cambodgiennes, contre des pots de vin, alors qu’ils sont, eux, interdits de pêche.

Services sociaux

Selon le dernier recensement, environ 500 000 Cambodgiens seraient âgés de plus de 60 ans. Le pays compte 15 908 fonctionnaires retraités, qui reçoivent 60 % de leur salaire, soit en moyenne 9 dollars par mois.

L’UNICEF estime que 16 700 enfants seront morts du sida avant la fin de l’année, et que 48 000 de moins de dix ans sont porteurs du virus.

Education nationale

Au début septembre, le ministère de l’Education nationale adopte un ambitieux Programme d’action prioritaire (PAP) visant à réduire le nombre de redoublants et à endiguer la corruption à laquelle les enseignants sont contraints de s’adonner pour survivre. 2,6 millions de dollars sont débloqués en supplément du budget alloué pour cette année. En effet, 40 % des élèves de 1ère et 2ème année sont redoublants, occasionnant ainsi pour l’Etat une perte annuelle d’environ 5 millions de dollars. Au cours de l’année, 81 % des 1,1 millions de filles scolarisées dans le primaire et le secondaire ont abandonné leurs études, car, depuis l’installation des usines de confection, beaucoup de filles préfèrent travailler plutôt qu’étudier. Les instituteurs, très mal payés (environ 25 dollars par mois), doivent se débrouiller pour obtenir l’argent nécessaire pour nourrir leur famille, en se faisant payer des cours privés, en demandant des enveloppes pour les inscriptions à l’école, etc.

Dans une lettre ouverte du 24 septembre, les enseignants se déclarent “écourés” de leur salaire (25 dollars) comparés à celui des députés, “fonctionnaires” qui touchent 1 800 dollars de salaire, plus 1 100 dollars pour frais de fonction. Ils demandent, si l’on ne peut augmenter leurs salaires, de faire baisser le prix des denrées alimentaires, ou de leur envoyer un expert qui vienne leur expliquer comment nourrir une famille avec 25 dollars par mois. L’Association indépendante des professeurs cambodgiens, qui comprend 400 adhérents, réclame un salaire de 100 dollars. Après la hausse du salaire des députés, le gouvernement ne peut plus répondre qu’il est pauvre, comme il l’avait fait en mars dernier. 118 instituteurs de Chumkiri, dans la province de Kampot se plaignent de n’avoir pas été payés depuis 5 mois…

Le directeur de l’éducation de la ville de Tomisato, au Japon, fait don de 2 498 bureaux et de 2 165 chaises de deuxième main au directeur de l’Education de Phnom Penh. Le gouvernement japonais paie les 61 793 dollars de transport.

La municipalité de Phnom Penh aide 748 étudiants à poursuivre leurs études.

Une dizaine d’étudiants pourraient continuer leurs études en Russie, à condition de payer eux-mêmes leur billet d’avion et une partie de leurs frais de scolarisation, soit environ 100 dollars pas mois. Le roi a attribué 100 dollars à chacun des candidats.

Santé

Le 8 septembre, l’ambassadeur de France signe une convention de financement d’assistance au développement avec l’université des sciences de la santé, pour la période s’étalant jusqu’en 2002. Six millions de francs sont consacrés à la constitution du complexe hospitalo-universitaire Calmette.

Selon une délégation de 16 médecins thaïlandais, dont 6 spécialistes en ORL, qui effectuent plusieurs missions de soins au Cambodge, 3 à 4 % de la population aurait des problèmes d’oreilles et d’audition.

Un groupe de 34 docteurs sud-coréens en visite au Cambodge donnent des soins gratuits en ORL.

1,2 % de la population cambodgienne serait atteinte de cécité, soit 72 000 personnes. Dans 80 % des cas, cette cécité pourrait être évitée ou guérie. En comparaison, le pourcentage des personnes aveugles en Thaïlande est de 0,3 %, au Vietnam de 0,5 %. Ces problèmes de cécité sont dus à la cataracte pour 60 %, avec 160 000 nouveaux cas par an, au trachome et à la carence de vitamine A.

Depuis la mi-juillet, est commercialisée la Malarine, un nouveau médicament contre les souches de falciparum devenues résistantes aux traitements habituels. La Mélarine associe la Méfoquine et l’Artesumate, et serait efficace à 100 %. En 1999 on a enregistré 139 107 cas de paludisme, avec 891 décès et 6 570 cas graves.

Du 24 au 28 octobre, se tient à Phnom Penh la troisième édition du congrès “Cambodge santé 2000”. Plus de 1 000 médecins cambodgiens et étrangers se sont réunis sous le signe de la francophonie. Une centaine de spécialistes sont venus de France, une quarantaine d’Australie, de Suisse, de Hongkong. Ce congrès coïncide avec les 6èmes journées de la chirurgie, les 6èmes journées de l’anesthésie-réanimation, les 3èmes journées de médecine, pédiatrie, pneumologie, et les premières journées de santé publique. Les premiers jalons de la création d’un ordre des médecins cambodgiens sont posés. A la fin octobre, 43 médecins, chirurgiens, pédiatres, gynécologues partent faire leur quatrième année de spécialisation dans des hôpitaux français pendant un an.

Trafic d’êtres humains

Le 31 août, deux Taïwanais et six Cambodgiennes sont déférés devant la justice pour trafic de jeunes filles khmères à qui on faisait miroiter un mariage avec des Taïwanais, mais qui en réalité étaient destinées à la prostitution. 20 candidates au départ sont libérées. Toutes étaient volontaires, car ignorantes de leur sort à venir, et désiraient à tout prix échapper à la misère. Selon la police, ces demoiselles étaient achetées à leurs parents pour une somme variant de 800 à 1 300 dollars selon leur beauté, les intermédiaires taïwanais touchaient 2 000 dollars par fille, les intermédiaires cambodgiennes entre 50 et 200 dollars, les “époux” taïwanais payaient 6 000 dollars pour obtenir une “femme”.

Pour tenter de mettre fin aux abus sexuels contre les mi-neurs, le 11 septembre, un comité interministériel prend “des mesures très fortes” en vue de l’interdiction du tourisme se-xuel : établissement d’une liste noire où seront consignés le nom de tous les étrangers suspects, pour lesquels la prolonga-tion de visa sera refusée. Cependant, Mo Sochua, ministre des Affaires féminines, juge que “les étrangers ne représentent qu’une poussière par rapport aux personnalités cambod-giennes” qui s’adonnent à ce trafic. Selon Skadavy Matly Roun, membre cambodgien d’Interpol, les Cambodgiens for-ment la plus grande partie des criminels. Certaines ONG pro-testent qu’il n’est pas suffisant de ne pas accorder de visa aux étrangers, mais que ceux-ci doivent être jugés et condamnés.

Un Bureau de lutte contre le trafic des femmes et des mineurs est inauguré le 18 septembre qui comprend 1 500 fonctionnaires de divers ministères, qui devront suivre une formation spéciale. Déjà 16 policiers et quatre magistrats sont en formation pour mener efficacement la lutte contre le trafic sexuel des enfants. Il y aurait au Cambodge 50 000 femmes se livrant à la prostitution, dont 64 % sous la contrainte. 5 000 enfants seraient employés dans “l’industrie du sexe”. 400 à 800 femmes et enfants cambodgiens sont vendus en Thaïlande chaque mois. Souvent des policiers sont impliqués dans ce trafic.

Les viols ou abus sexuels à l’égard d’enfants sont rarement considérés comme des crimes par la justice cambodgienne. Souvent les victimes n’osent pas porter plainte ou, dans le meilleur des cas, le violeur s’arrange avec la famille en négociant une compensation en argent. Souvent les violeurs sont les fils de personnes au pouvoir, et donc très protégés. “Notre culture, nos traditions acceptent ces viols, et ne les considèrent pas comme des crimes”, reconnaît la ministre.

En août, l’ancien directeur français de l’ASPECA, organisation d’aide aux enfants cambodgiens, est l’objet d’une plainte en justice pour pédophilie. L’ambassade du Cambodge en France envisage de s’associer à cette plainte en justice.

Art

Après avoir tempêté contre le port de mini-jupes par les présentatrices de télévision, le 31 août, Hun Sen vitupère contre celles qui portent des pantalons trop collants. “Elles se moquent de moi”, remarque, non sans raison, le Premier ministre. Plusieurs fois le ministre de la Culture demande que deux tiers des films étrangers et de la musique étrangère soient remplacés par des films et musique khmers. Du 21 au 28 octobre, la Centre culturel français organise le festival du films cambodgien, pour promouvoir des vocations d’artistes.

Les 21-22 octobre, se tient le festival de la peinture et de la sculpture cambodgienne, le premier depuis 50 ans. Quinze artistes reçoivent le premier prix de 50 dollars, 10 le second, de 37 dollars.

23 danseurs, acteurs et musiciens participent à un festival régional organisé en Chine du 7 au 17 septembre.

Une délégation cambodgienne se rend à Dieppe pour le festival des cerfs-volants. Cette délégation fait partie des 30 pays invités au festival bi-annuel. Le cerf-volant est une spécialité cambodgienne, inventée, dit-on, par le héros légendaire très populaire Thunchey.

Un hôtel restaurant-karaoké est construit sur les bords du Baray occidental, dans la zone protégée d’Angkor, par un officier supérieur, pour le repos de ses troupes. Sans autorisation, on s’en doute. Vingt-deux arbres dans la zone protégées d’Angkor sont tombés sur le mur du Phiméanakas.

Le 6 octobre, le Cambodge signe un accord touristique avec la Thaïlande, le Laos et la Birmanie, pour la promotion du tourisme dans la région.

Problèmes frontaliers

Le 7 septembre, un comité mixte se réunit à la frontière avec la Thaïlande, à Thmar Da, dans la province de Pursat pour tenter de régler un empiètement thaïlandais au Cambodge, mais la délégation cambodgienne ne peut mener à bien les vérifications souhaitées, des soldats thaïlandais lui ayant dit que “le chef n’était pas là”. Var Kim Hong, chef de la délégation cambodgienne, s’avoue “très déçu”.

Le 8 septembre, une cinquantaine de soldats vietnamiens en armes interdisent l’atterrissage d’un hélicoptère cambodgien, au bord duquel se trouvait Var Kim Hong, président de la commission gouvernementale cambodgienne pour régler les problèmes frontaliers. Selon la partie cambodgienne, les Vietnamiens ont empiété sur 600 m à l’intérieur du Cambodge, près de Mémot, depuis 1993. De fait, les Cambodgiens ont vendu leurs terrains aux Vietnamiens qui ont déplacé la frontière. Cela se serait passé en cinq endroits dans la province de Kompong Cham.

Le représentant des Khmers du Kampuchéa Krom (sud du Vietnam) se rend chez Bill Clinton pour lui demander de faire pression, lors de sa prochaine vite à Hanoï, en novembre prochain, pour que soient respectés les droits de l’homme, la religion et les terres de la minorité khmère de Cochinchine.

Religion

Trois jeunes gens ont été battus et torturés dans la pagode de Vongkot Borei, dans un faubourg de Phnom Penh (Teuk Thla), pagode où sont déposées les cendres de la mère de Hun Sen. Le supérieur est un ancien militaire. Les associations cambodgiennes de défense des droits de l’homme enquêtent et recherchent un quatrième jeune homme, qui était détenu et qui a disparu.

A Siemréap, des moines organisent des soirées “disco”, massacrent un singe à coups de pierre, se bagarrent et insultent les voisins.

Divers

Dans le but de s’attaquer aux attentats, même les armes en plastiques sont interdites à la vente.

Le 4 octobre, le stupa élevé à la mémoire des victimes de l’attaque à la grenade du 30 mars 1997 est inauguré. L’ambassadeur des Etats-Unis et celui de Grande Bretagne se tenaient aux côtés de Sam Rainsy.

Le 2 septembre, plus de 30 journalistes, représentant 20 journaux et agences de presse, créent l’Association pour la protection des journalistes, pour défendre plus spécialement les correspondants des journaux étrangers. Um Sarin, reporter à Radio Free Asia, est élu président.

Le 21 octobre, Chéa Sim, président du Sénat est frappé par une attaque cardiaque. Il est aussitôt transporté à Bangkok, où il se remet progressivement. Cette maladie pourrait renforcer le pouvoir de Hun Sen sur le PPC.

Trois sportifs cambodgiens ont participé aux jeux olympiques de Sydney. S’ils n’ont pas remporté de médailles, la photo du marathonien To Ritya qui s’est effondré à l’arrivée a fait le tour de tous les écrans de télévisions du monde.