Eglises d'Asie

LE SYSTEME EDUCATIF A MACAO :LA QUESTION DE LA LANGUE – CHINOIS, PORTUGAIS OU ANGLAIS

Publié le 18/03/2010




Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Macao : Article 9 – En plus de la langue chinoise (Zhongwen) (1), le portugais peut également être utilisé comme langue officielle par les autorités exécutives, législatives et judiciaires de la Région administrative spéciale (RAS) de Macao.

Chaque pays ou chaque région administrative doit être étudiée dans son contexte historique, économique, social et politique particulier. Une des principales différences entre Macao et Hongkong, retourné à la Chine le 1er juillet 1997, est la nature du contrôle du système éducatif.

De 1573 à la moitié du XVIIIe siècle, les jésuites ont contrôlé le système éducatif à Macao. Dans une étude réalisée par Aureliano Barata, récemment publiée dans le quotidien de Macao Jornal Tribuna de Macau, on peut lire qu’une commission pour la réforme du système éducatif a été mise sur pied par le gouverneur Alves Roçadas en 1908. En fait, bien qu’un système d’enseignement public ait été organisé par l’administration portugaise à la fin du XIXe siècle, le diocèse de Macao est resté l’acteur dominant du système éducatif jusqu’en 1974, année de la création du Département de l’Education. A. Barata a clairement montré que c’est l’institution du Statut organique de Macao par le nouvel Etat socialiste portugais dans les années 1974-1976 qui a permis au territoire de Macao d’acquérir une autonomie plus grande et, par là, de créer un système éducatif propre. Ainsi, la sécularisation de l’éducation ne remonte qu’à ces vingt-cinq dernières années. Bien que des intérêts chinois aient financé l’école de Hou Kong en 1952, les pressions pour rendre le système éducatif à Macao universel ont été constantes. En 1929, on comptait seulement 9 150 élèves (soit juste un peu plus de 6 %) sur une population de 157 180 habitants. En 1995, ils étaient 93 000 (soit presque 20 %) et en 1997, 97 700 sur une population proche de 500 000 habitants (2). Le nouveau Département de la Jeunesse et de l’Education (DSEJ) a été créé en 1993. L’administration actuelle a été modelée à partir de la Loi fondamentale de la RAS, qui en principe se conforme à la Loi fondamentale du système éducatif de 1991. Le succès de Caritas March, manifestation organisée chaque année pour collecter des fonds pour l’éducation, avec la participation du gouvernement de Macao, du Département de l’Education, de l’agence de presse Chine Nouvelle (Xinhua) et des journaux en langue chinoise aux côtés d’autres institutions, démontre qu’il y a un consensus en vue d’améliorer le système éducatif.

Macao forme un microcosme qui, depuis la fin de l’ère coloniale, cherche à anticiper ce que sera l’avenir. Multiforme, complexe, plus ancien mais néanmoins influencé par ce qui se passe dans ce macrocosme voisin que représente la RAS de Hongkong, Macao forme un modèle qui lui est propre, fournissant ainsi un matériau particulièrement riche pour les études comparées, un matériau qui, curieusement, a été délaissé par les chercheurs (3). Pour la clarté de notre propos, on peut dire que le système éducatif est globalement public (governmentalavec deux tendances. D’une part, l’administration portugaise et les forces pro-Pékin contrôlent les écoles publiques, et d’autre part, existent des écoles privées et catholiques relativement indépendantes. Bien que le système public est parvenu à pénétrer ces écoles privées, celles-ci ont toutefois réussi à préserver leur autonomie. D’autres systèmes officiels de classification distinguent les écoles en fonction de leur critère ‘portugais’, ‘anglo-saxon’, ‘chinois traditionnel’ et ‘chinois du continent’ ou bien encore en fonction de critères linguistiques : institutions de langue chinoise, anglaise, portugaise ou luso-chinoise. Ces classifications sont une aide pour distinguer les écoles en fonction du critère linguistique mais pèchent par défaut lorsqu’il s’agit de percevoir le rôle actuel du quadrilinguisme (mandarin, cantonais, portugais et anglais).

Le terme ‘système éducatif’ est apparu la première fois à Macao dans un document administratif en 1980. Ce système était qualifié de duo yuanhua zhidu en chinois (‘système polycentrique’) à l’intérieur duquel les différents sous-systèmes évoluaient différemment (4). Le professeur Zhou Ligao, recteur de l’université de Macao, accepte cette définition ‘polycentrique’ pour décrire le système éducatif à Macao (entretien du 13 août 1997). En réalité, du fait de l’implication croissante du gouvernement dans l’éducation, le système actuel est moins fragmenté que celui que l’on pouvait trouver avant 1974.

Après avoir comparé de nombreux points de vue au sujet du système scolaire et universitaire de Macao, j’ai schématisé un système éducatif ‘lâche’. Une autre idée, suggérée par Mark Bray (5), est qu’il est certain que, dans le domaine de l’éducation, si la Loi fondamentale est respectée dans la RAS de Macao, le slogan ‘un pays, deux systèmes’ continuera à se traduire par ‘un pays, de nombreux systèmes éducatifs’. Le directeur du Département de l’Education, Luiz Amado Vizeu, qui parle couramment cantonais, mandarin (putonghua), portugais et anglais, préfère parler de ‘système qui respecte harmonieusement la diversité culturelle [de Macao]’ (entretien du 24 juillet 1997). Le député Maria Edith da Silva, un des architectes du système éducatif de Macao qui a servi le plus longtemps au poste de directeur de l’Education (huit ans), a parlé de la nécessaire adaptation et de la flexibilité du système (entretien du 13 août 1997). Ainsi, on peut dire qu’il existe une tendance au sein de l’administration et parmi les responsables d’écoles de définir le système comme étant ‘flexible’. Les difficultés ne doivent cependant pas être sous-estimées. Le système éducatif appelle à être à la fois réaliste et visionnaire afin de répondre aux nouvelles demandes provoquées par le changement de souveraineté. Il semble que la forte autonomie des écoles parle pour elle-même même s’il est nécessaire d’envisager un système plus pratique.

La RAS décidera et mènera les recherches pour un nouveau système éducatif qui puisse satisfaire les besoins économiques, politiques, culturels et sociaux du développement de demain (6). Un point positif de changement est l’augmentation du budget de l’éducation, qui est passé de 2 % du budget total en 1975 (selon les données du Département pour la Jeunesse et l’Education de Macao) à plus de 5 % en 1986 ; en 1997, ce pourcentage s’est élevé à plus de 10 % du total des dépenses du gouvernement, soit un montant de 962 millions de MOP$. Les principales augmentations ont concerné l’enseignement supérieur. Par exemple, en 1997, la seule université de Macao a reçu 150 millions de MOP$ du gouvernement, en plus des 100 millions qu’elle collecte elle-même par ailleurs. Quatre autres institutions d’enseignement supérieur (l’Ecole polytechnique, les Collèges du Tourisme et de la Sécurité et la nouvelle université libre d’Asie) disposent aussi de budgets autonomes.

La connaissance des langues facilite la compréhension et la coopération entre les différentes communautés, compartimentées, de Macao (7). Cette connaissance est essentielle pour permettre des relations interpersonnelles dans la société pluri-ethnique et à l’histoire spécifique qui est celle de Macao. Ce chapitre s’intéressera à la questions des langues. Du fait du système ‘lâche’ qui est celui de Macao, il n’y a jamais eu – et à propos – de ligne nette de démarcation entre les écoles en chinois (cantonais et mandarin confondus), en portugais et en anglais et les politiques concernant les langues. Dans cette étude, j’ai parfois été obligé de survoler le contenu des politiques à propos des langues pour expliquer pourquoi de telles politiques sont appliquées. Ceci explique les limites qui sont celles de cette étude. J’espère démontrer l’existence d’un système éducatif ‘lâche’ et comment ce système protégera éventuellement l’unicité culturelle et l’avenir de la RAS de Macao. Bien que je m’intéresse d’abord à l’enseignement supérieur, les écoles secondaires seront indirectement étudiées. Ce chapitre a aussi pour objet de brièvement comparer le rôle de la Chine et de la RAS de Hongkong dans la question des langues pour le système éducatif de Macao.

Le système éducatif à Macao

Avant la Déclaration commune sino-portugaise de 1987 et la Loi sur l’éducation de novembre 1991 (8), le rôle du gouvernement de Macao était bien plus limité que celui de Hongkong. Bien que Macao et Hongkong partagent bien des choses, les différences entre les deux entités sont grandes, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la question de la deuxième langue dans la Loi fondamentale de chacun : le portugais à Macao et l’anglais à Hongkong (9).

Ces dernières années, le nombre des élèves dans le primaire, le secondaire, l’enseignement supérieur a augmenté de même que le nombre de nouveaux programmes et celui des adultes qui fréquentent la formation continue. A l’an 2000, on escompte que 100 000 élèves et étudiants seront inscrits dans les écoles et les universités de la RAS, chiffre qui témoigne des efforts de Macao dans ce domaine. En mai 1997, une ‘marche pour l’éducation’ a été organisée afin de trouver des fonds supplémentaires pour l’éducation. La réponse massive des gens montre qu’aucune autre force politique ou sociale à Macao ne présente un tel pouvoir de mobilisation. Un autre facteur à souligner est la bonne santé des écoles primaires et secondaires privées qui représentent aujourd’hui plus de 50 % du nombre total des élèves et étudiants de Macao. En 1996-97, plus de 41 000 étudiants se sont inscrits dans les écoles catholiques ; ils n’étaient que 25 000 en 1981. Environ 10 % de ces élèves sont de confession catholique.

Dans la Loi fondamentale de la RAS de Macao, l’article 37 à propos de la liberté de l’enseignement et l’article 113 à propos des organisations non gouvernementales dans le domaine de l’éducation sont tous deux extrêmement succincts. Mais, pour le gouvernement de Macao et peut-être pour l’administration chinoise, ces deux articles sont clairement une garantie pour le système éducatif à venir (10). D’autre part, la promotion du mandarin, qui n’est pas mentionnée dans la Loi fondamentale, semble plus avancée à Macao qu’à Hongkong étant donné qu’au cours de ces dernières vingt années, la moitié de la population de Macao a immigré dans la RAS en provenance de Chine populaire, en traversant la frontière Zhuhai-Macao. Il y a plus de professeurs originaires du continent à Macao qu’à Hongkong et les liens qui existent avec l’Ecole normale du sud de la Chine de Canton semblent plus forts à Macao qu’à Hongkong. Macao est une ville polyculturelle qui, au XXIe siècle, bénéficiera d’un système éducatif à trois facettes, la principale en chinois, mais les deux autres en portugais et en anglais. Les exigences du marché de l’emploi, cependant, demandent que les écoles produisent des élèves parfaitement à même de s’exprimer et d’écrire en chinois et en anglais et capables de parler le mandarin, le cantonais et l’anglais (11).

Selon Zong Guangyao, vice-directeur de la branche macanaise de l’agence Xinhua, les langues sont des instruments de communication dont l’importance dans l’éducation est évidente (12). Originaire de la province du Jiangxi, il utilise le mandarin pour être compris des Chinois qui parlent le cantonais à Macao. A l’évidence, le mandarin, langue nationale en Chine, devient de plus en plus importante pour tout ce qui touche à la Grande Chine et doit être promu. Cependant, le cantonais est aussi le principal dialecte en usage dans le monde des affaires dans la Chine côtière du sud.

L’anglais, en tant que première langue étrangère étudiée en Chine, continuera à jouer un rôle important dans le système éducatif de la RAS de Macao après 1999. Le portugais est promu par un système d’incitations sophistiqué ; son avenir dépendra principalement de la bonne volonté de la Chine à développer ses relations avec le Portugal, le Brésil et l’Afrique lusophone ainsi que sur l’investissement – coûteux – du Portugal dans les quelques écoles (telles que le Collège Pedro Nolasco) qui offrent un enseignement en portugais. Le pouvoir des écoles catholiques n’est pas négligeable. Selon Mgr Domingos Lam, une ‘connaissance solide’ d’au moins deux langues, dont le chinois, est indispensable. Le P. José Clemente dos Santos, directeur du Collège Dom Bosco, pense que, du fait de l’évolution des technologies modernes, une majorité des parents chinois à Macao poussent leurs enfants à suivre un enseignement dispensé en anglais aussi bien qu’en chinois et recherchent les écoles où ces deux langues sont obligatoires (entretien du 1er août 1997). De nombreux Chinois à Macao préfèrent les écoles privées où le chinois et l’anglais dominent et sont prêts à consacrer d’importantes ressources financières à l’éducation de leurs enfants (13). Ce faisant, ils investissent pour la prospérité de leur famille et de leurs descendants.

Mis à part l’enseignement supérieur, et en dépit de la mise en place d’un système éducatif laïc entre 1996 et 1997, la montée en puissance de la Chine continentale dans le domaine de l’éducation a été lente à se produire à Macao. Le continent a toutefois pris le contrôle des écoles négligées par le gouvernement de Macao. En 1989, seulement 6,5 % des institutions éducatives étaient des écoles publiques ‘officielles’. Bien que les 93,5 % restant étaient privés, une majorité des ces écoles privées recevaient une aide financière du gouvernement et, par conséquent, prenaient part au système éducatif, étant ainsi ‘officialisées’. Néanmoins, le nombre des élèves dans les écoles publiques augmentent. En 1994-95, dans les écoles maternelles, élémentaires et secondaires publiques, se trouvaient 23 % du total des élèves de Macao (14) ; après 1999, toutes ces écoles publiques vont de fait passer sous le contrôle de la RAS.

Les langues d’enseignement

A Macao, bien que le chinois ne soit devenu langue officielle qu’en 1987, pas grand chose n’a changé en ce qui concerne la suprématie du chinois (caractères chinois à l’écrit et cantonais à l’oral) dans le système éducatif ces soixante-dix dernières années. Déjà, en 1928-29, 102 sur 125 écoles étaient des écoles où l’enseignement était dispensé en chinois (y compris 15 écoles sino-portugaises). Aujourd’hui, les écoles chinoises sont au nombre de 135, les portugaises au nombre de 5 et les anglaises au nombre de 13.

Environ 76 % des écoles de Macao utilisent le chinois comme langue d’enseignement. Ces chiffres indiquent la prééminence de la langue dominante dans le système éducatif, même si l’Enquête sur l’éducation de 1994-1995 ne spécifie pas si le chinois utilisé est le cantonais, le dialecte de la majorité des habitants de Macao, ou le mandarin. [.]. 85 % de tous les étudiants et élèves reçoivent un enseignement en chinois, que ce soit dans les écoles élémentaires, secondaires, professionnelles ou à l’université.

Un peu plus de 9 % des écoles utilisent le portugais comme langue d’enseignement et 13 autres pour cent font appel à l’anglais. Moins de 1 % des écoles sont trilingues (chinois, portugais et anglais) (15). La ventilation se fait comme indiqué ci-après : les maternelles représentent 22 % ; 48,4 % sont des écoles primaires ; 22 % des écoles secondaires (‘générales’ et ‘complémentaires’) ; 1,3 % sont des établissements d’enseignement professionnel ; 0,3 % des écoles normales (pour la formation des enseignants) et 6 % des universités. Le terme ‘école secondaire générale’ fait référence aux trois années d’éducation secondaire qui font partie des neuf années d’instruction obligatoire et gratuite. L”école secondaire complémentaire’ comprend deux, voire trois années supplémentaires. Le nombre d’étudiants qui choisissent des universités situées en dehors de Macao ou bien qui quittent Macao parce qu’ils n’y sont plus résidents est passé de 11,7 % en 1994-95 à 12,9 % en 1995-96. (16).

Les Chinois représentent 96 % de la population totale de Macao. Par conséquent, si on rapproche ce chiffre avec celui de la population étudiante à Macao, où 85 % des élèves étudient dans des écoles de langue chinoise, on constate qu’un certain pourcentage de parents chinois préfèrent mettre leurs enfants dans des établissements dispensant un enseignement soit en anglais, soit trilingue, mais en tout cas pas uniquement en chinois. Dans les faits, on constate aussi que l’anglais est la deuxième langue d’enseignement la plus répandue.

[.]. Environ 10 % de tous les élèves dans les écoles secondaires ou professionnelles reçoivent un enseignement en anglais. Le portugais, qui est pourtant une des langues officielles de la RAS, n’est déjà plus que la troisième langue de travail dans le domaine éducatif (17). Les statistiques indiquent que le nombre d’élèves enseignés en chinois baisse (de manière relative) entre 1989 et 1996, mais ces chiffres ne doivent pas masquer l’importance de la langue chinoise dans l’enseignement.

Peut-on conclure, comme le faisait un fonctionnaire né à Macao, que les Macanais sont habituellement trilingues ? Cette réalité serait-elle reflétée dans le système éducatif ? Moins de 1 % des élèves, soit une toute petite minorité, suit une scolarité dans un établissement trilingue. En fait, les cursus en cantonais, portugais et anglais seront très probablement remplacés par des cursus en cantonais, mandarin et anglais. On peut prédire que le mandarin va gagner en importance mais que le cantonais continuera d’être très présent.

Le chinois dans l’enseignement

Le développement de l’économie de Macao au tournant du XXe siècle a provoqué la modernisation des écoles chinoises. Le système éducatif s’est trouvé grandement amélioré. Les écoles Zibao et Peiji, par exemple, étaient réputées et influentes ; le Collège Lingnan de Canton a été transféré à Macao à l’occasion de la révolte des Boxers (18). Avant la Seconde guerre mondiale, l’enseignement dans les écoles secondaires chinoises se faisait en cantonais pour ce qui relevait de l’oral et était écrit en chinois. Les matières étudiées comprenaient la langue chinoise, les mathématiques, l’histoire et la géographie, les sciences naturelles, ainsi que l’étiquette et l’art chinois. Des initiations au portugais et à l’anglais existaient, mais le portugais était alors l’unique langue officielle. Les écoles secondaires supérieures offraient des cours de mathématiques, de physique et de biologie (19).

L’influence de la République populaire de Chine est devenue plus forte à Macao avec la Révolution culturelle (1966-1976), lorsque les gardes rouges se sont montrés actifs dans le territoire. Les années 1980 ont été marquées par une nouvelle montée de l’influence chinoise après l’introduction des réformes économiques et la politique d’ouverture sur le continent. En 1987, la Déclaration commune sino-portugaise a introduit des changements très importants dans les relations entre le Portugal, la Chine populaire et Macao. Le chinois a été déclaré langue officielle principale aux côtés du portugais et ceci a provoqué des attentes importantes en ce qui concerne le développement de la langue chinoise dans le territoire, 10 % de la population de Macao étant alors encore illettrés. Mais la date capitale est 1991. A cette date, pour la première fois depuis 440 ans, le chinois a été légalement reconnu comme la langue officielle d’enseignement. Cette date marque un tournant et le début de l’ère post-coloniale (20).

La Chine se prépare maintenant au retour de Macao dans son sein. Des conférences sur le thème de l’éducation et la diffusion du mandarin vont bon train mais les manuels et le système des examens ne sont pas encore uniformisés. Macao d’ailleurs n’a jamais disposé de manuels scolaires qui lui soient propres (21). Déjà, des écoles privées et le système officiel d’enseignement se sont alignés sur le cursus en neuf années qui a cours sur le continent. Ces neuf années se répartissent en six années d’enseignement primaire et en trois années d’enseignement secondaire, ce qui est désigné sous le nom d’enseignement secondaire général à Macao. En juillet 1997, afin de préparer la rétrocession, l’Association de la Jeunesse de la province de Canton a invité treize élèves de Macao, du niveau école secondaire supérieure, à Dongguan pour un partage de points de vue, offrir des directives et discuter de l’avenir. Ces treize étudiants appartenaient aux écoles de Macao suivantes : Gao Meishi (Kao Yip), Guangda (Sagrada Familia), Laogong Zidi (Operarios), Mengjiang (Tak Meng), Peidao (Pui Tou), Peiying (Pui Ieng), Peizheng (Pui Cheng) et Shangye (Keang Peng) (22). En dépit de telles initiatives – isolées au demeurant -, le processus de ‘localisation’ a été lent. ‘Localisation’ renvoie à l’avenir. Macao ne se montre pas toujours prêt à utiliser l’avantage du bi-culturalisme sino-portugais. Cependant, les cours d’été de portugais de l’université de Macao sont un bon exemple de l’intégration de Macao avec la Chine, le Portugal et l’Asie de manière générale (tous les étudiants qui ont suivi cette session d’été étaient asiatiques).

La demande pour un enseignement supérieur de meilleure qualité n’a pas été sans mal. Cette demande est parfois excessive comparé à ce que peut fournir Macao. Le 7 juillet 1997, Chan Su-weng, rédacteur en chef adjoint du Quotidien de Macao (ARB), a écrit que les bons élèves issus des écoles secondaires à Macao étaient en nombre insuffisant tandis que les diplômés de l’université, diplômés du premier ou du deuxième cycle universitaire, étaient trop nombreux à entrer sur le marché du travail. Pourquoi constate-t-on une telle augmentation du nombre d’étudiants diplômés de l’université ? Quels sont les choix qui s’offrent aux jeunes à la fin de leurs études secondaires ? Pour répondre à ces questions, je me suis aidé de toute une série d’études de cas.

Ma première étude de cas concerne l’école Pui Cheng, une école secondaire dotée d’une puissante association d’anciens. Fondée en 1889 près de Canton par des protestants, elle a été transférée à Macao en 1938. En 1960, elle comptait plus de 400 élèves (23). En 1996-97, Pui Cheng avait 3 100 élèves, 93 d’entre eux étant en classe 6 (form 6). [.].

En 1996-97, plus de 24 % de ces jeunes voulaient obtenir une admission dans une bonne université sur le continent chinois (et ce choix était leur préférence n° 1) et 30 % indiquait le continent chinois en deuxième choix. Cependant, si on ajoute à ces élèves de classe 6 ceux de classe 5 (form 5) (lesquels à Macao peuvent choisir de partir étudier à l’étranger pour une année d’études préparatoires à l’entrée à l’université), seulement 9 % de ce groupe (classe 5 classe 6) sont en réalité parvenus à entrer en première année d’études dans des universités telles que l’université de Pékin, l’université Zhongshan ou l’université de technologie de Nankin.

Seulement environ 7 % de ces élèves expriment une préférence pour étudier en priorité à l’université de Macao. La réalité ne reflète pas ces aspirations et, dans les faits, en 1995-96, 32 % des élèves de classe 6 (form 6) se sont trouvés heureux d’être acceptés à l’université de Macao (21 des 51 élèves de cette classe). Quinze autres ont été admis à préparer le concours d’entrée à l’université pour l’année suivante et il est fort probable que ces élèves auront toutes leurs chances d’intégrer l’université de Macao l’année d’après.

Ces statistiques ne traduisent pas la situation complexe et les récents changements au sein de l’enseignement supérieur à Macao en direction du continent mais ils donnent une idée du caractère – jusqu’ici peu étudié – international et interculturel du système éducatif de Macao. En 1995-96, à l’école Pui Cheng, dix élèves des classes 5 et 6 (form 5 and 6) ont été admis dans des universités américaines. Quatre pour cent avaient retenu les universités canadiennes comme premier choix mais seulement 1 % cette année-là a obtenu d’aller étudier au Canada. Parmi les élèves de classe 5 (form 5) (catégorie qui, dans le cursus scolaire de Macao en vue d’entrer à l’université, est appelée à disparaître), 8 % ont réussi à entrer dans une classe préparatoire afin de gagner leur admission dans une université canadienne en 1995-96.

Contrairement à d’autres écoles de Macao, seulement 7 % des élèves de Pui Cheng ont indiqué l’université de Jinan comme premier choix. Mais, pragmatiques, ils sont 15 % à avoir mis cette université en deuxième, troisième ou quatrième choix. En fait, ce qui est exprimé en second choix reflète souvent une approche plus réaliste des choses. En 1995-96, 16 des 164 anciens élèves de Pui Cheng, classes 5 et 6 confondues, étudiaient en première année à l’université de Jinan. Un seul élève étudie les sciences à la prestigieuse université de Pékin et deux autres ont été admis pour étudier les arts et la littérature à l’université Zhongshan à Canton.

Jinan et les autres universités

Aujourd’hui, peu d’étudiants résidents de Macao étudient dans les diverses universités de Hongkong. Cependant, les élèves de classe 6 de Macao, au sein de ce qui est appelé ‘éducation secondaire complémentaire’, peuvent suivre une année supplémentaire de cours préparatoires, ou yuke, et, pour leurs études supérieures, ont ensuite le choix suivant pour étudier en chinois et en anglais : – les meilleures universités chinoises (y compris celle de Pékin, Qinghua, ou bien Fudan à Shanghai ou bien encore Zhongshan à Canton), ou – les autres universités du continent (l’université Jinan à Canton est très populaire parmi les élèves de Macao).

L’université de Macao

Pour les élèves du continent, l’examen d’entrée aux universités est très sélectif. Pour les élèves de classe 6 de Macao qui souhaitent entrer dans une université du continent, il existe une série de tests, spécialement conçus pour eux et leurs homologues de Hongkong, Taïwan et les Chinois du Sud-Est asiatique. Les tests les plus difficiles sont ceux de ‘l’examen commun aux 58 [premières] universités de Chine’. Des examens plus faciles ouvrent accès à l’université Jinan et à l’université de Quanzhou (province du Fujian).

Etant donné que Macao prépare l’avenir en mettant l’accent sur l’apprentissage du mandarin, l’université Jinan de Canton est apparue de plus en plus attractive aux yeux des étudiants de Macao (24). En 1996-97, les bourses d’études allouées par le Département de l’Education de Macao pour les étudiants de cette université ont été réparties comme suit : trois pour l’année préparatoire, 103 pour ceux de première année, 71 pour ceux de deuxième année, 47 pour ceux de troisième année, 19 pour ceux de quatrième année et 22 pour ceux des autres années. En 1997-98, sur un total de 1 396 candidats, 559 étudiants chinois de Macao, Hongkong, Taïwan ou de la diaspora ont réussi l’examen d’entrée aux universités Jinan / Quanzhou (25). Parmi eux, 263 venaient de Macao et 108 autres étudiants originaires de Macao sont entrés dans ces deux universités sans passer l’examen d’entrée. En 1997-98, 140 autres étudiants se préparaient à entrer à Jinan à l’automne 1998 en suivant un cours préparatoire d’une année. Une importante proportion de ces étudiants choisit d’étudier l’économie et les finances. Certains sont envoyés dans les divers départements d’anglais et d’autres encore en littérature chinoise. 214 autres étudiants issus de la diaspora, après avoir réussi l’examen commun de Jinan/Quanzhou, seront admis à l’université de Quanzhou pour [les Chinois de] la diaspora, dans le Fujian ; 68 d’entre eux sont de Macao et 27 autres, aussi de Macao, ont gagné leur admission dans cette université sans passer l’examen d’entrée, du fait de leur bon dossier scolaire.

En étudiant le nombre grandissant d’étudiants admis dans les universités du continent et par suite le grand nombre de bourses d’études disponibles au niveau universitaire, on constate le remarquable essor de l’enseignement supérieur qui a actuellement lieu à Macao. Cet essor était de 25 % en 1990-91, de 35 % en 1993-94, de 39 % en 1994-95 et de 36 % en 1995-96. Ces chiffres témoignent du degré d’acceptation des études chinoises. A partir de 1996, un nombre sans précédent d’étudiants de Macao ont été admis au sein des universités du continent. En 1996-97, 59 millions de MOP$ ont été distribués en bourses d’études à 2 400 étudiants. En 1996-97, environ 800 étudiants de Macao ont obtenu une bourse d’études pour des études supérieures en Chine ou au Portugal (un sur dix seulement de ces boursiers se rend au Portugal ; neuf sur dix vont en Chine). A l’été 1997, plus de 180 élèves, parmi les nouveaux bacheliers de Macao, étudiaient dans des universités du continent.

En 1996-97, des étudiants de Macao étaient aussi présents au sein des plus prestigieuses universités de Chine. Neuf étudiaient à l’université de Pékin, quatre à Fudan à Shanghai, un à Qinghua à Pékin et 54 à Zhongshan à Canton. L’année suivante, l’université de Pékin a accueilli cinq nouveaux étudiants de Macao, Fudan cinq supplémentaires et Qinghua cinq autres.

En 1996-97, à l’école Lingnan, sur une classe de 38 élèves, sept sont entrés directement à l’université à la fin de leurs études secondaires. Un des sept, une fille, a bien voulu être interviewée. Elle a été reçue à l’université de Shantou, en compagnie de 44 autres élèves de Macao. Elle précise qu’après avoir obtenu son certificat de fin d’études primaires dans la province de Canton et avoir effectué ses études secondaires à Macao, son excellente maîtrise du mandarin l’a aidée à réussir l’examen d’entrée de l’université de Shantou. Elle a choisi Shantou au lieu de Jinan parce qu’elle ne veut pas rester trop près de Macao. Ces divers éléments indique l’importance croissante que joue le continent sur l’enseignement supérieur à Macao.

Taïwan est également une destination de choix pour les étudiants de Macao. Bien qu’université catholique, l’Institut inter-universitaire de Macao (IIUM), fondé en 1996, n’a pas accueilli un grand nombre d’étudiants provenant des écoles catholiques du territoire. Au contraire, ces derniers ont préféré partir étudier à Taïwan, tout en bénéficiant de bourses d’études de Macao : à titre d’exemple, 575 sur un total connu de 657, en 1996-97. Pour les étudiants admis dans les universités taïwanaises en 1996-97, l’origine des étudiants et leur nombre (indiqué entre parenthèses) sont les suivants : Carneiro (collège jésuite), (34) ; Estrela do Mar (collège jésuite transféré du Guangdong à Macao en 1950), (33) ; Mateus Ricci (collège jésuite fondé en 1955), (52) ; S. José (fondé en 1932), (142) ; S. Rosa de Lima (où une section anglaise a été ouverte dès 1932), (91) ; le Sacré-Cour (fondé en 1939), (117) et Yuet Wah (fondé en 1925 dans le Guangdong et transféré en 1933 à Macao), (188) (voir notre 26). Taïwan comme destination pour études supérieures est cependant sur le déclin, même si le nombre d’étudiants qui y est parti a augmenté de 26 % entre 1993-94 et 1994-95. Une des raisons à ce déclin est peut-être à chercher dans le fait qu’un service militaire de deux ans est désormais imposé à tous les diplômés masculins de l’université qui souhaitent rester à Taïwan à la suite de leurs études pour y travailler. Une autre raison à ce déclin est le rôle de plus en plus important qu’occupe le continent dans les études supérieures à Macao.

Après onze années passées à l’école primaire puis secondaire, les universités chinoises exercent sur les élèves de classe 6 de Macao un fort attrait. En 1981, le gouvernement de Macao n’a accordé que 39 bourses d’études à des étudiants de Macao. Les premières bourses d’études accordées pour étudier en Chine continentale ont été allouées en 1982-83. Après le Déclaration commune sino-portugaise, en 1988-89, le nombre de bourses d’études pour les étudiants de Macao partis étudier sur le continent a augmenté. Mais il faut attendre 1995-96 pour voir les bourses d’études à destination du continent former la majorité des bourses d’études (595 accordées cette année-là pour la Chine continentale contre 568 pour Taïwan). Après la rétrocession de Hongkong en 1997, on a pu constater une accélération de cette tendance à Macao. Le nombre total des étudiants admis dans des universités du continent a considérablement augmenté et cela a contribué à la compréhension par les étudiants de Macao de la société chinoise. Les autorités chinoises ont fait montre ici d’une politique bien différente de celle des Portugais à propos de l’éducation. La politique des autorités chinoises en matière d’éducation a été de favoriser l’enseignement supérieur à Macao. Des rumeurs ont circulé selon lesquelles les diplômes taïwanais ne seraient plus reconnus après 1999, augmentant ainsi d’autant l’attrait pour les universités du continent.

Avec le soutien de la Chine et l’aide des universités chinoises, l’ouverture de programmes où l’enseignement est dispensé en mandarin et l’ouverture de classes du soir et du week-end pour les étudiants qui travaillent remportent un grand succès. Les liens avec la Chine sont devenus de plus en plus importants et les associations comme l’Association de Macao des anciens de Jinan font la promotion des bonnes relations et de la compréhension mutuelle avec le continent (27).

A propos de la question de l’établissement du chinois comme langue officielle pour la formation des adultes et au sein des écoles professionnelles, le mandarin est enseigné par 20 % des professeurs mais seulement 4 % des étudiants suivent des cours de mandarin (28). Les études professionnelles et en économie sont les études qui ont le plus retenu l’attention des étudiants adultes. Mais, malgré tout, on note une augmentation du nombre de ceux qui peuvent s’exprimer en mandarin, particulièrement parmi les fonctionnaires. L’Institut polytechnique a mis sur pied des cours du soir et des cours de langues pour les fonctionnaires.

Vers un système éducatif chinois ?

En fait, même dans les écoles chinoises, le système en vigueur à Macao dans le domaine de l’éducation est plutôt ‘lâche’ comparé au nouveau système éducatif mis progressivement en place sur le continent à partir de 1978. A Macao, bien que certains enseignants emploient les caractères simplifiés, la majorité continue à enseigner les caractères classiques. Ces caractères classiques dominent toujours la vie quotidienne à Macao, Hongkong et Taïwan, même si Singapour a choisi de passer aux caractères simplifiés.

Un bon exemple de l’importance croissante du cursus chinois a été donné par Marieta Marques da Silva, coordinatrice de l’Inspection pour l’éducation. Elle a refusé de nous accorder un entretien sans la participation d’un inspecteur chinois, William Wai. Ces deux fonctionnaires, au fait des réalités quotidiennes des questions éducatives, maintiennent une position flexible pour ce qui concerne la question de la langue d’enseignement. Selon Marieta da Silva, avant 1974, Dom Bosco était une bonne école technique secondaire, mais elle a perdu cette position après qu’elle ait refondu son organisation et son cursus. En fait, l’histoire est plus complexe. Dom Bosco était seulement un collège technique dispensant un enseignement en portugais pour les Portugais et les Macanais. En 1993, elle s’est adjointe une section chinoise. En 1996-97, environ 950 élèves chinois suivaient des cours en chinois et seulement 370 autres élèves suivaient le cursus en portugais. En plus de l’étude des caractères chinois enseignée en cantonais, l’anglais faisait partie des cours obligatoire dans le second cycle. Le collège, qui satisfait déjà au neuf années d’enseignement requises par les systèmes éducatifs du continent et de Taïwan, prévoit de ne plus enseigner qu’en chinois et en anglais après l’an 2000 (29). Le passage du portugais au chinois est certainement une raison pour laquelle la coordinatrice de l’Inspection pour l’éducation ne tient pas en haute estime la formation en portugais dispensée par Dom Bosco. Néanmoins, force est de constater que le chinois et l’anglais continueront à être les principales langues d’enseignement au collège Dom Bosco et ailleurs dans la RAS.

Le facteur régional est un facteur important à prendre en compte et le cantonais reste un creuset culturel pour la société de Macao (30). Le président de l’Association de littérature chinoise de Macao, Vu Pui Chau, fait de son possible pour promouvoir le cantonais dans le cadre de la politique linguistique chinoise. Du 4 au 6 août 1997, il a organisé une conférence internationale à propos du dialecte cantonais. L’usage du cantonais à l’oral et du chinois à l’écrit demeure la tendance dominante dans les écoles de Macao, ainsi que dans la RAS de Hongkong. Plus exactement, le trilinguisme de Hongkong (cantonais, mandarin et anglais) est devenu un quadrilinguisme à Macao (à ces trois langues se rajoute le portugais, une des langues officielles de la RAS).

Le mandarin est une clef pour la sinisation culturelle et l’intégration économique avec le continent. Le directeur de l’Administration publique, Jorge Bruxo, en s’efforçant d’assurer la place du portugais dans le cursus de la future RAS, a ainsi promu le bilinguisme en faisant du mandarin et du portugais les ‘langues officielles’ au lieu du chinois (cantonais/mandarin) et du portugais sous le paravent de la localisation (31). D’autres chercheurs suggèrent que, dans la vie de tous les jours, le cantonais continuera d’être la langue centrale dans les RAS de Hongkong et de Macao aussi longtemps que le mandarin ne sera pas imposé comme langue officielle (32). Le mandarin est la langue officielle de la Chine, même au sein de la province de Canton. Hongkong depuis 1997 et Macao après 1999 font partie de la province de Canton. Depuis septembre 1998, toutes les écoles de Hongkong offrent des cours de mandarin (33). Mais Macao, par sa taille réduite, ses liens démographiques et culturels étroits avec la République populaire de Chine, et son pourcentage élevé de professeurs originaires du continent, peut fournir un modèle plus efficace que Hongkong afin de promouvoir un nouveau cursus en mandarin dans les deux RAS. Comme la RAS de Macao recherche de nouvelles façons de développer son économie, le secteur des services amènera la promotion du mandarin et poussera une nouvelle génération de résidents de Macao, qui étudient déjà dans les universités du continent, vers d’autres provinces de la République populaire de Chine, des provinces où le cantonais n’est pas parlé. Gabriela Wong, de l’université de Macao, a trouvé que parmi un échantillon, petit mais soigneusement sélectionné, de seize étudiants et de quinze professeurs de langue de l’école chinoise Hou Kong à Macao (qui fournit un enseignement en chinois depuis 1952), 67 % des étudiants et des professeurs se montrent fortement favorables au cantonais et 33 % seulement sont modérément en faveur de cette langue. Pour le mandarin, 42 % sont fortement en faveur de cette langue contre 58 % qui approuvent modérément les progrès de cette langue dans le système éducatif de Macao. Reste à voir combien de temps ces attitudes ‘pro-cantonais’ vont persister mais on peut de toute façon dire que l’introduction du mandarin dans les programmes favorisera ceux qui sont doués en langues.

Le chinois, le portugais et l’anglais sont les trois principales langues de l’université de Macao (34). Aux côtés des cours de langues, Macao a aussi besoin d’un système de cours dans le domaine de l’éducation morale et civique. Dans la phase de transition sociale qui se met en place avec la période de la réunification, tout en retenant les meilleurs éléments de l’ancien système, de nouvelles idées sont nécessaires (35). La prospérité est une chose importante pour la société chinoise de Macao mais l’éthique est aussi fondamentale (36). Cela est particulièrement vrai dans une ville où l’économie repose sur l’industrie du jeu et où on prévoit que cette industrie continuera à générer 50 % des richesses dans les années à venir. José Sales Marques, président du Leal Senado, né à Macao, estime que l’enseignement de l’éthique dans les programmes scolaires est un point fondamental pour l’avenir de la RAS. Avec l’aide des comités de voisinage (Kaifong), il a tenté d’améliorer les attitudes civiques dans la ville (entretien du 6 août 1997). Macao a besoin de promouvoir les valeurs morales. Afin de promouvoir l’éducation civique, les suggestions suivantes ont été faites. L’éducation juridique, formelle et informelle, doit être popularisée afin de familiariser l’opinion publique avec l’Etat de droit, généralement étranger aux gens du peuple. L’enseignement du droit dans le cursus éducatif général en Chine peut être une option réaliste, efficace et souhaitable (37), mais cela sera rendu difficile par le fait que les lois de Macao n’ont pas été dans leur totalité traduites du portugais en chinois.

Jusqu’à ce point, je me suis concentré sur les grands progrès qu’a connu l’enseignement supérieur à Macao. Cependant, avant l’année 1969-70, nous ne connaissons pas le nombre de bourses d’études allouées pour des études supérieures aux 9 852 élèves qui ont passé avec succès le certificat de fin d’études secondaires (38). En 1979-80, 94 bourses d’études ont été distribuées pour des études supérieures, un chiffre à comparer avec celui de 1997-98 où 2 800 bourses d’études ont été allouées.

Chaque année, des centaines d’étudiants de Macao sont diplômés des universités de Macao et de celles du continent. Afin de promouvoir la coopération entre eux, existent des associations d’anciens élèves des universités du continent (39). Certains publient même leurs propres journaux (tels que Aomen Jiaoyu – ‘Education à Macao’). L’Association pour l’éducation des adultes publie également un journal, le Chengjiao Zikan. Fondé en 1996 par J.B. Manuel Leong, cette publication promeut la culture, le développement de la formation continue et l’amélioration du niveau de maîtrise de la langue portugaise et de la langue chinoise, en même temps qu’elle mène campagne pour combattre l’analphabétisme des adultes.

La langue portugaise

Le portugais a l’avantage d’être la seule langue étrangère mentionnée dans la Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Macao. Mes recherches se sont concentrées sur les étudiants qui participent aux cours d’été de portugais, à l’université de Macao, afin d’essayer de trouver des solutions pour son avenir (40). En fait, le portugais est parlé en famille seulement par 1,8 % de la population. En contraste avec le système peu rigoureux qui prévaut pour les autres langues, le système d’éducation en portugais de Macao est identique au système officiel du Portugal et a donc l’avantage d’être bien défini. Mais, ceci isole les études portugaises. L’Inspectorat du Département de l’Education continue d’être souple et complet dans son adaptation des lois et des pratiques à la réalité complexe du système éducatif à Macao. Les Chinois de Macao trouvent l’anglais plus facile à apprendre que le portugais. L’anglais leur est plus utile dans les affaires et dans leur vie professionnelle ; il leur permet aussi de regarder la télévision et des films en anglais et beaucoup aussi ont des parents à Hongkong qui parlent couramment anglais. La plupart des Portugais de Macao parlent eux aussi anglais. C’est dans cette langue qu’ils communiquent avec les autres étrangers et les Chinois, puisque, au contraire des habitants de Macao, peu de Portugais parlent cantonais. Même si quelques-uns d’entre eux sont revenus à Macao, ce qui est surprenant, à la fin de l’année 1999, beaucoup de Portugais quitteront la Région administrative spéciale.

Le directeur d’une école chinoise, appartenant à une famille qui réside sur le territoire depuis trois générations et éduqué dans des universités taiwanaises, affirme qu’il a “vécu heureux à Macao et il n’y a aucun problème présent ou à venir à ne parler que cantonais, mandarin et anglais ». Le paradoxe est que ce professeur utilise principalement des lois et des instructions du Département de l’Education rédigées en portugais, quelquefois avec l’aide des enseignants portugais de son école, et il n’utilise que rarement les lois en langue chinoise. Les lois de Macao restent toujours plus explicites en portugais qu’en chinois, et leur esprit n’est pas chinois, même si beaucoup de lois chinoises sont inspirées du droit occidental. Si l’université de Macao et l’Institut portugais d’Orient continuent d’offrir un diplôme international en portugais, il est probable qu’il y aura des étudiants chinois pour poursuivre leur cursus en droit portugais ou en portugais.

Les Chinois de Macao, comme il est normal, concentrent leurs efforts sur les études supérieures et les bourses d’études disponibles sur le continent. Cette tendance favorise la langue chinoise. Par exemple, le nombre de professeurs et maîtres de conférences dans la section chinoise de l’université de Macao est passé de cinq à vingt au cours des cinq dernières années, et pour la première fois, en 1997, un doyen a été nommé dans la section. Par ailleurs, l’administration portugaise a appliqué l’utilisation du portugais dans l’éducation primaire plutôt que secondaire. A l’école primaire, la loi exige que la deuxième langue ne porte pas tort à la principale langue de communication des Chinois (41). Au niveau secondaire, le marché et les parents demandent que priorité soit donnée à l’anglais. Ainsi, par exemple, l’école chinoise Pui Cheng n’a que deux classes de portugais en option au cours des premières années de l’éducation secondaire. Deux enseignants portugais, payés par l’administration, n’ont que huit élèves dans chaque classe, quatre heures par semaine. Il est clair que le développement futur du portugais dans l’éducation secondaire dépendra de l’école Pedro Nolasco, la plus vieille école portugaise de Macao et la seule officielle après 1999. Il n’y a eu aucun mouvement pour appliquer de nouveaux programmes en portugais dans la Région administrative spéciale de Macao.

La question de l’utilisation du portugais dans l’enseignement supérieur pose aussi problème. Des efforts considérables de gestion et de financement, tels que le Séminaire international sur le portugais comme langue étrangère (21-24 mai 1997) qui s’est tenu à l’université de Macao, ont été consentis récemment sur le territoire. Peu de Chinois – ce n’est pas une surprise – se sont intéressés à ce séminaire. La même chose adviendra probablement au nouveau cours de maîtrise en relations internationales, enseigné en portugais (42). Les Chinois de Macao ne s’intéressent guère à des études si éloignées de leurs centres d’intérêt principaux que sont les affaires économiques, l’administration et les langues chinoise et anglaise. Les Chinois s’intéressent davantage à la liberté économique qu’à toute autre chose (43). Cependant, des efforts continus et sérieux pour développer la langue portugaise avant 1999 ont connu quelques succès. Un exemple en est le cours d’été en portugais de l’université de Macao. Selon Maria Antonia Espadinha, doyenne de l’Institut des études portugaises, ce cours et son institut continueront d’exister après décembre 1999 (44).

[.]

Mais, en 2000, Pedro Nolasco sera la seule école portugaise à suivre un cursus portugais. Cette bonne nouvelle pour la langue de Camoes ne peut cependant pas faire oublier le fait que seule une petite minorité de gens peuvent parler et écrire le portugais à Macao. La grande majorité des classes moyennes chinoises de Macao préfèrent payer une école privée plutôt que de mettre leurs enfants dans une école publique gratuite où l’enseignement de l’anglais n’est pas bon. En 1999, la société de Macao confirme sa préférence linguistique pour le chinois et l’anglais et, seuls quelques étudiants chinois apprennent et parlent le portugais (47). L’avenir de la langue portugaise après 2010 est plutôt incertain, mais il est dans l’intérêt de la Chine et du Portugal de garder l’école portugaise en vie. Elle a déjà éduqué beaucoup de Chinois et de citoyens de Macao pendant plus d’un siècle. Selon le gouverneur Rocha Vieira, la préservation de la langue et de la culture portugaise exigera de l’imagination, un soutien financier et la bonne volonté de la Chine avant et après 1999 (48). Le projet de télévision éducative de Jose Rocha Dinis, les liens AULP (Association des universités de langue portugaise), les nouvelles connexions portugaises sur Internet, et les clubs de langue portugaise ont tous eu des effets positifs. Une part importante de la population de Macao, plus de 100 000 résidents, possèdent un passeport portugais, mais contrairement aux Chinois de Hongkong possesseurs d’un passeport britannique qui parlent couramment l’anglais, la grande majorité de ces Chinois portugais ne parlent pas le portugais. Si les conditions économiques présentes de Macao se maintiennent, il n’y aura pas d’exode des Chinois de Macao.

Mes recherches sur Macao manifestent que l’ignorance de la langue portugaise dans la communauté chinoise et les liens étroits avec Hongkong et le continent ne favorisent pas – contrairement à ce qui se passe sur le continent – un grand intérêt pour l’émigration vers le Portugal, le Brésil ou le Mozambique. Les Etats-Unis et le Canada sont les pôles d’attraction majeurs d’une éventuelle émigration pour tous les Chinois, mais le niveau économique plus bas des Chinois de Macao, contrairement au début des années 1990, joue un rôle de barrière économique contre la migration. Les modèles linguistiques prédominants de Macao sont un bilinguisme cantonais et mandarin qui évolue souvent au sein de l’élite vers un trilinguisme cantonais, mandarin et anglais.

Dans son discours public comme dans sa philosophie naturelle, la société chinoise favorise l’analyse des symboles. Pour la communauté chinoise de Macao, le départ d’un humaniste comme le professeur Nascimento Ferreira manifestait clairement en août 1997 que la rétrocession du territoire approchait. Le recteur portugais fut remplacé par le nouveau recteur de l’université de Macao, le professeur Zhou Ligao, un ingénieur formé à Qinghua qui parle mandarin et anglais. En 1999, le professeur Iu Vai Pan, éduqué en anglais, a été nommé recteur.

La langue anglaise, en embuscade

Bien que son proche voisin Hongkong soit devenu un port de commerce britannique en 1842, la langue anglaise n’est devenue importante à Macao qu’après la fin de la Deuxième guerre mondiale. C’est seulement alors que la région se développait économiquement que l’anglais est devenu important dans le système éducatif de Macao.

En 1878, l’anglais était enseigné à l’école de commerce Pedro Nolasco, mais seulement comme troisième langue après le portugais et le français (49). En 1893, le Lycée portugais suivait la même politique. En 1929, l’anglais était seulement enseigné dans deux écoles luso-anglaises, sur un total de 125 écoles (50). Dans le système actuel de l’école primaire, les écoles privées peuvent adopter l’anglais mais les écoles publiques peuvent seulement proposer l’anglais comme troisième langue à l’école secondaire (51).

Le russe fut enseigné entre 1949 et 1960 au moment de l’alliance sino-soviétique et le français fut brièvement à la mode au milieu des années 1960, mais l’anglais est aujourd’hui bien établi comme langue étrangère dominante en Chine. Pendant la période des réformes et des portes ouvertes et au moment de l’application du programme des quatre modernisations, la Chine a encouragé ses étudiants à acquérir l’usage de l’anglais (52). Ces programmes ont marché et, dès 1989, par exemple, dans une liste de 1 227 journaux scientifiques chinois importants publiés au cours de l’année, 81 % mettent des titres en anglais et 68 % fournissent un résumé en anglais (53).

L’anglais est aussi langue officielle dans la Région administrative spéciale de Hongkong. Macao s’est soumis à la domination économique et technologique de l’anglais. En 1995, 13 % des écoles de Macao étaient de langue anglaise et une sur cent était une école trilingue, chinois, portugais, anglais. Les cours en anglais et en chinois dans l’enseignement supérieur doivent aussi s’ajouter à ces statistiques. Par exemple, l’anglais était le médium d’instruction du collège préparatoire de l’université de l’Asie de l’Est (54). L’anglais joue aussi un rôle social à Macao. Des noms anglais et quelques noms portugais continuent d’apparaître sur les listes d’inscription dans les écoles (55). Depuis les années 1980, les annuaires statistiques sont publiés en chinois, en portugais et en anglais, ce qui reflète un changement socio-linguistique important de l’administration portugaise. Même si ces statistiques ne le manifestent pas clairement, l’utilisation à Hongkong du chinois et de l’anglais a été implicitement reconnu comme modèle pour la société chinoise de Macao, même si l’intelligentsia de Macao a tendance à admirer la Chine et accepte sa domination présente et future.

A cause du processus continu de localisation, les langues dominantes parlées dans les hôpitaux de Macao sont le cantonais, l’anglais et le mandarin ; la langue écrite la plus utilisée est maintenant le chinois. L’anglais remplace peu à peu le portugais. Bien qu’ayant eu la possibilité de prendre des cours en option pour étudier le portugais à l’université Jinan, les médecins chinois qui ont obtenu leurs diplômes sur le continent ne peuvent pas parler et écrire en portugais. Dans la vie professionnelle quotidienne, à l’exception importante de l’administration et de la justice, l’anglais a presque remplacé le portugais comme langue principale pour les investissements en Chine alors même que le développent accéléré de la République populaire dépend d’une main-d’ouvre chinoise et de techniques d’affaires chinoises (56). Quelques enseignants d’anglais de l’université de Macao et d’ailleurs demandent des réformes dans l’enseignement en anglais. Le directeur d’école secondaire, Luis Sequeira, et les administrateurs d’écoles anglaises de cours supplémentaires suggèrent que ces réformes de l’éducation sont nécessaires pour la société. [.]

Les deux meilleures écoles anglo-chinoises sont des écoles de filles. ‘Sacred Heart’ (affiliée à l’université d’Oxford) et ‘Santa Rosa de Lima’ (affilié à l’université Washington de St Louis) sont largement devant les autres écoles en ce qui concerne l’anglais, si l’on en croit trois examinateurs de l’université de Macao. L’une des raisons principales en est, selon d’anciens enseignants du secondaire qui enseignent aujourd’hui à l’université, la très grande motivation des étudiants et des enseignants de ces deux institutions. Les méthodes d’enseignement sont bonnes, les enseignants sont forcés de travailler dur à corriger les nombreux devoirs des étudiants, l’atmosphère est bonne et le niveau des étudiants est bon lui aussi. L’anglais écrit, dans le programme officiel du GCE britannique, est peut-être le point le plus important pour l’école du ‘Sacred Heart’. Dans cette école, 70 % des enseignants d’anglais sont Chinois et 30 % Philippins. Il y a aussi des enseignants philippins à ‘Santa Rosa’. Bien que leur langue maternelle ne soit pas l’anglais, ils viennent eux-mêmes d’un environnement bilingue. Ils font partie de la plus importante communauté étrangère de Macao qui envoie ses enfants dans les écoles de langue anglaise.

Pratique et discipline sont la base d’un bon apprentissage en langue, mais à Macao les étudiants se sont habitués à poser des questions en cantonais pendant les classes d’anglais. Ainsi, depuis quelque temps, ils ont tendance à déprécier les enseignants philippins d’anglais et se plaignent de ne pas pouvoir les comprendre. En 1997, le Collège Mateus Ricci n’avait qu’un seul Philippin enseignant l’anglais, pour former six élèves qui avaient déjà atteint un niveau raisonnable de compréhension. Auparavant, la majorité des enseignants d’anglais de ce collège étaient philippins. A Macao, l’anglais est souvent enseigné oralement en cantonais et en anglais. Même une directrice britannique d’une école anglaise de cours supplémentaires est souvent interrogée par l’un ou l’autre de ses cinq cents étudiants pour savoir si elle parle cantonais. En général, les enseignants d’anglais originaires de pays anglo-saxons sont une catégorie en voie de disparition.

Chaque année, ‘Sacred Heart’ et ‘Santa Rosa’ arrivent à faire entrer cinquante ou davantage de leurs diplômés dans le département de langue anglaise de la faculté des sciences sociales à l’université de Macao. En 1996-97, le nombre total de filles inscrites dans la section anglaise de ces deux écoles était respectivement de 1 634 et 1 213. Ceci confirme en partie le caractère international laïque de la société chinoise de Macao. En 1996-97, treize bourses seulement ont été accordées par l’administration pour étudier dans des universités américaines, quatre pour l’Australie, et deux pour le Canada. Ces chiffres peu élevés ne reflètent pas la réalité parce que les enfants de l’élite chinoise continuent d’aller étudier dans ces pays sans aucun soutien officiel.

‘Sao José’ et ‘Yuet Wah’, écoles privées, sont classées troisième et quatrième en ce qui concerne les résultats d’anglais. En 1989, quatre enseignants américains qualifiés sont retournés aux Etats-Unis et ceci a contribué en partie à une détérioration du bon niveau d’éducation anglaise à ‘Sao José’. Depuis 1995, selon l’un de mes correspondants, l’anglais a perdu un peu pied comme langue étrangère dominante à Macao et l’utilisation courante de l’anglais a légèrement décliné. L’une des raisons pourrait en être encore une fois le caractère peu rigoureux du système éducatif de Macao ainsi que la grande diversité des examens d’entrée à l’université. En contraste, Singapour par exemple est une société qui partage beaucoup de traits similaires avec Macao, mais possède un système unifié d’examens qui semble mieux servir les intérêts chinois (57).

Les parents chinois sont fiers de l’habileté de leurs enfants à apprendre et à parler anglais et ils sont prêts à investir dans l’apprentissage des langues tant chinoise qu’anglaise. Beaucoup de parents veulent une bonne éducation en chinois et en anglais pour leurs enfants. [.] En dépit du succès du cours d’été en portugais à l’université de Macao, l’anglais reste et restera le moyen principal de communication parmi les étrangers de Macao. Beaucoup d’habitants de Macao qui n’ont qu’un seul parent chinois sont réticents à parler une autre langue que l’anglais avec les étrangers, suivant en cela le modèle linguistique de Hongkong. [.] Pour que la Région administrative spéciale de Macao conserve son statut international au XXIe siècle, il faudra continuer de promouvoir l’anglais dans l’élite et la classe moyenne de Macao, même si cette langue arrive en troisième position derrière le cantonais et le mandarin dans le système éducatif et n’est même pas mentionnée dans la Loi fondamentale de Macao.

Au cours des dix dernières années, beaucoup de progrès ont été accomplis comme le montre l’augmentation de la fré-quentation scolaire aux niveaux secondaire, professionnel et supérieur. En ce qui concerne la politique linguistique, seuls 2 500 résidents atteignaient le niveau de l’université en 1981, mais ce chiffre avait triplé en 1991 pour atteindre 8 600. La même année, 4 % de la population étudiaient le chinois et l’anglais à l’université alors qu’ils n’étaient que 2 % en 1981 (58). Ce pourcentage a continué de s’élever rapidement chaque année. Cependant, ces chiffres peuvent être trompeurs en ce qui concerne la réelle habileté linguis-tique de ces étudiants. Au cours d’interviews personnelles avec un petit échantillon d’élèves d’école secondaire de Macao, la majorité ne pouvait pas répondre à des questions simples en anglais, mais quelques-uns étaient à l’aise en mandarin même s’ils parlaient cantonais en famille.

A Macao, la grande majorité des enseignants d’anglais ne sont pas de langue maternelle anglaise, et l’anglais est le plus souvent enseigné lentement et en cantonais. Les étudiants accumulent un certain nombre de connaissances au cours de leur éducation secondaire, mais est-ce suffisant ? L’administration affirme officiellement que ce niveau est ‘bon’, mais quelques administrateurs, parlent, plus correctement, d’un niveau ‘raisonnable’ d’anglais. Pourtant, les directeurs d’écoles et ceux des écoles de cours supplémentaires reconnaissent que l’habileté linguistique en anglais doit être améliorée. Le Département de l’Education a introduit un certain nombre d’objectifs en même temps que des suggestions pour améliorer l’enseignement de l’anglais. Beaucoup admettent cependant qu’il serait préférable d’avoir un nouveau programme qui établisse un niveau minimum de performance en anglais (59).

[.]. L’avenir de l’éducation en langue anglaise après 1999 à Macao n’est pas assuré, mais comme l’anglais est la première et la seule langue étrangère obligatoire en Chine, il est improbable qu’il soit destitué comme médium d’enseignement. Il retiendra sa deuxième place après le chinois au XXIe siècle. Le paradoxe est que ni le mandarin ni l’anglais ne sont mentionnés dans les documents officiels. La Loi fondamentale de la Région administrative spéciale de Macao ne parle que du chinois et du portugais. Malgré tout, le corps diplomatique chinois, le Bureau des affaires de Hongkong et de Macao, le groupe de liaison et d’autres organisations sino-portugaises ont choisi de suivre le modèle de Hongkong où l’anglais est langue officielle. Cependant, pour la décennie qui vient ou plus si l’esprit de la Loi fondamentale est respecté, l’administration, la justice et beaucoup d’institutions de la Région administrative spéciale ne peuvent bien fonctionner sans utiliser le chinois et le portugais.

Conclusion et perspectives

Mais la réalité de la langue portugaise à Macao est que, pour les activités quotidiennes et commerciales, le chinois et l’anglais sont plus utiles. Les parents reconnaissent cela et les écoles suivent la demande du marché (61).

Ce chapitre a mis l’accent sur le grand progrès accompli par l’enseignement supérieur à Macao et l’importance des ressources humaines au sein d’un système éducatif structuré. Il a aussi soulevé la question du système éducatif du point de vue des administrateurs et des étudiants, en expliquant leurs motivations et leurs attentes. En 1999, il semble que l’accent mis sur l’enseignement supérieur sera lentement remplacé par un développement plus important de l’enseignement secondaire à Macao (62). Cette nouvelle évolution accélérera la transformation de Macao parce que le nombre d’étudiants diplômés des universités du continent augmentera et ainsi, les différences entre les sociétés chinoises de Zhuhai, dans la province de Canton, et de Macao, se réduiront. Le chinois, le portugais et l’anglais sont très importants et ils devraient être bien enseignés, mais comment ?

En ce qui concerne ces trois langues, à l’exception du programme de portugais, une politique de laissez-faire a été la règle jusqu’en 1991. Récemment, des tentatives de réguler le système ont abouti à une absence de politique pour l’enseignement du chinois, une absence de manuels et une absence de mécanismes pour gérer les examens à Macao. Comme le suggérait Mark Brayen 1989 au cours d’une conférence sur la réforme de l’éducation à Macao, il pourrait être utile de regarder vers le système cohérent existant à Singapour. Le modèle économique singapourien, avec l’accent mis sur le secteur des services et l’investissement étranger, s’est montré complémentaire des objectifs du pays en matière d’éducation. Je suggèrerais donc l’adaptation d’un nouveau programme de chinois avec l’introduction progressive du mandarin, l’utilisation de nouveaux manuels pour la géographie, l’anglais et l’histoire de Macao. [.]

L’introduction d’un suivi sur ordinateur pour chaque étu-diant est une pratique qui utilise les possibilités d’une petite mais fascinante société. Harmoniser le présent et préparer l’avenir sont importants, mais les problèmes posés par la domination bureaucratique et la personnalisation du proces-sus de décision restent réels (63). L’indigénisation comme le remplacement des fonctionnaires portugais par des cadres chinois resteront le problème principal jusqu’en 2000.

Pour Han Zhaokang, nouveau patron du groupe de liaison, la ‘localisation de la langue chinoise’ est aussi un problème important (64). D’importants changements dans l’éducation comme le développement d’une méthode d’enseignement du mandarin sont déjà très avancés à Macao si on compare la situation avec celle de Hongkong, mais la question de leur application dans la Région administrative spéciale de Macao reste entière. D’autres experts expliquent que même si la promotion du mandarin est logique, des tensions évidentes demeurent dans les programmes scolaires de Hongkong et pourraient aussi faire surface à Macao mais à un degré moindre (65).

Presque aussitôt après le retour de Hongkong à la Chine, la question d’équilibrer l’enseignement des langues en mandarin, cantonais et anglais est devenue un problème majeur face aux changements rapides, politiques, sociaux et économiques pour les étudiants locaux aussi bien que pour les nouveaux migrants (66). En profitant de la petite taille de Macao, de ses liens démographiques et culturels prof