Eglises d'Asie

Les aborigènes protestent contre la lenteur de la réforme agraire

Publié le 18/03/2010




Différents groupes aborigènes ont exprimé leur sentiment de frustration face à la lenteur de la mise en place de la réforme agraire qui leur avait été promise lors du traité de paix de 1997. Shantu Larma, président du Conseil régional des zones des collines du Chittagong (CHT), affirme que le gouvernement n’a pas tenu ses promesses de rendre la terre aux « adivasis » (aborigènes) du sud-est du pays. Au contraire, affirme-t-il, 17 500 hectares ont été illégalement loués, principalement à des Bengalis. Shantu Larma souligne également qu’il s’agit là d’une grave violation de l’accord de paix de 1997 qui clôturait 22 années de lutte armée de la Shanti Bahini (‘armée de la paix’) pour obtenir l’autonomie des CHT. S’adressant à une assemblée composée et de Bengalis le 30 octobre dernier, Shantu Larma, ancien dirigeant de la Shanti Bahini, a prévenu que les adivasis étaient prêts à reprendre les armes pour défendre leurs droits. Il a de même accusé les représentants élus des communautés adivasis de vivre dans le luxe et de ne pas travailler pour leurs peuples, ajoutant : « Ils ont trahi le peuple des collines ».

Pendant ce temps, le gouvernement formait une commission sous l’autorité du ministre responsable des grands territoires afin de régler les disputes dans les zones des collines. Les médias gouvernementaux ont signalé les mesures prises pour allouer des parcelles aux adivasis sans terres, mais les militants chrétiens réfutent leurs allégations. Shantu Larma accuse également le gouvernement d’avoir violé les clauses de l’accord de paix sur le retrait des cantonnements de l’armée dans la zone des collines. Il affirme même que ce même gouvernement a tenté d’y établir trois véritables bases militaires parfaitement équipées. Pourtant, d’après les communiqués du gouvernement, 70 camps militaire ont été retirés de ces régions. Un militant chrétien affirme, quant à lui, que ce chiffre est plus proche de 30 alors qu’il en reste encore plus de 500 en activité.

Enfin, Shantu Larma a demandé à la société civile de s’exprimer et de faire pression pour que le gouvernement se hâte de respecter les accords de paix. Il reproche aux responsables du pays d’acquérir des terres sous le couvert d’un soi-disant reboisement mais en fait pour étendre davantage les installations militaires.

Les hommes politiques sont accusés de renforcer les mesures discriminatoires à l’égard des minorités

Lors d’un congrès organisé à Dacca fin octobre, où des délégués venus du Bangladesh, de Chine, d’Inde, du Népal, des Philippines et de Thaïlande ont débattu sur le thème « Culture de paix dans l’optique des minorités ethniques et religieuses », plusieurs intervenants du Bangladesh ont mis en cause le rôle des hommes politiques dans leur pays. Selon eux, ces dernier, avides et trop soucieux de leur avenir, ont renforcé la discrimination dont sont victimes les minorités bangladaises ces dernières décennies. Mesbah Kamal, professeur de l’université de Dacca, a ainsi déclaré que le Bangladesh jouissait d’une paix intercommunautaire jusque vers les années 1980, date à partir de laquelle les politiciens ont tenté de diviser la population suivant les appartenances ethniques ou religieuses. Il les a accusés de provoquer ou tout simplement de fermer les yeux sur les affrontements intercommunautaires. Pour lui, le gouvernement ne protège pas suffisamment les minorités religieuses. Il a rappelé que des hindous avaient été attaqués au cours de leurs fêtes religieuses comme l’avaient déjà été certains temples bouddhistes où des statues de Bouddha ont été détruites. Des chrétiens également, a-t-il ajouté, ont été malmenés.

Le P. Richard Timm, secrétaire général de la Commission épiscopale ‘Justice et paix’, a évoqué la loi sur la propriété et les biens des non-résidents. Il a expliqué comment cette loi avait été utilisée contre les minorités. Selon lui, cette loi de 1974 n’est qu’une mouture déguisée de l’ancienne loi de 1965 sur les propriétés dites « ennemies », loi promulguée au cours de la guerre indo-pakistanaise d’où est finalement issu en 1971 le Bangladesh indépendant. D’après cette loi, les propriétés de ceux qui avaient émigré en Inde ou qui y résidaient étaient déclarées propriétés « ennemies » et saisies. Bien que l’appartenance religieuse ne soit pas mentionnée dans la loi, les hindous et les aborigènes ont perdu plus d’un million d’hectares de terre alors que les musulmans ont été épargnés, a souligné le prêtre américain. Il a fait remarquer que 5 % seulement des terres ainsi « réservées » par le gouvernement appartenaient effectivement à des gens partis se réfugier en Inde. La plupart des aborigènes Mandi (de langue garo) n’ont pas quitté le pays et pourtant leurs terres sont tombées sous le coup de cette loi. Bien qu’aucun nouveau nom n’eut été ajouté à la liste des propriétaires après 1974, d’autres confiscations de terres se sont produites, ordonnées par les membres des partis au pouvoir. Mike Mrong, un aborigène Mandi, a ainsi expliqué qu’il avait perdu 4 hectares de terre étiquetée « propriété réservée ».