Eglises d'Asie

S’exprimant devant des chrétiens, un haut magistrat célèbre les vertus des lois anti-blasphème

Publié le 18/03/2010




Le 18 novembre dernier, le président de la cour de justice de Lahore, Nazir Akhtar, avait été invité par un collège universitaire chrétien de Lahore pour y donner son opinion sur les lois contre le blasphème en vigueur dans le pays (19). Lors de son exposé prononcé devant un auditoire en majorité chrétien, le haut magistrat a pris la défense de ces lois unanimement dénoncées par les minorités religieuses du Pakistan et, de ce fait, a profondément heurté ses auditeurs. Un grand nombre d’étudiants et d’enseignants, intéressés par le sujet, étaient, en effet, venus écouter le commentaire du magistrat.

Nazir Akhtar s’est livré à une apologie sans réserve des deux mesures aujourd’hui en vigueur, la première, inscrite à l’article 295-C du Code pénal, prévoyant la peine de mort pour les blasphèmes souillant le nom du prophète Mahomet en paroles, par écrit, par une représentation visible, par une qualification, allusion ou insinuation, directement ou indirectement l’autre, à l’article 295-B du même code, punissant d’emprisonnement à vie les auteurs de blasphème portant sur le Coran. Il a commencé par affirmer que ces lois garantissaient à l’accusé un procès au tribunal et lui évitaient ainsi de périr lynché au cours d’une manifestation populaire lancée contre lui. C’était bien là l’intention du gouvernement en les établissant, a-t-il ajouté ; la preuve en est que, depuis la mise en application de ces lois, il n’y a pas encore eu d’exécution capitale appliquée à cause d’elles.

Il s’est élevé avec une particulière vigueur contre l’idée que l’on pourrait pardonner aux coupables de blasphème comme Mahomet l’a fait à diverses occasions. Les exemples de pardon apportés par les opposants à la loi dateraient d’une époque où l’Etat islamique n’existait encore pas. Depuis son apparition, tous les blasphémateurs ont été châtiés d’une manière appropriée. Le magistrat a ensuite accusé publiquement les organisations faisant pression pour amender cette loi d’être les agents des forces anti-musulmanes. Il a constaté avec indignation que les mêmes nations soi-disant civilisées qui réclament l’abolition de ces lois se livrent au massacre de millions de musulmans en Bosnie, en Palestine, au Cachemire et en Tchétchénie et ont réduit à néant les villes de Hiroshima et de Nagasaki au Japon.

Les réactions à l’exposé du magistrat ont été en grande majorité négatives. Le P. Rehmat Raja a déclaré que les arguments du magistrat musulman étaient sans valeur. Selon lui, les lois sur le blasphème ont été appliquées au contraire avec une grande brutalité contre les minorités religieuses et devraient être abolies le plus tôt possible. Un militant catholique d’action sociale a même fait remarquer que ces lois, contrairement aux assertions de l’orateur, étaient responsables de la mort de plusieurs chrétiens même si ce n’était pas du fait d’une exécution capitale. En fait, a-t-il conclu, ces lois menacent la vie des minorités religieuses. Cependant, les propos de Nazir Akhtar n’ont pas étonné outre mesure l’assistance. En effet, quelques mois auparavant, à une autre occasion, il avait entrepris la même justification des lois en question et en des termes plus virulents encore, l’assistance n’étant pas en majorité chrétienne comme cette fois-ci.