Eglises d'Asie

Dans un récent jugement, la Haute Cour signifie que les fatwas des responsables religieux musulmans doivent être soumises au système judiciaire de l’Etat

Publié le 18/03/2010




Dans un jugement en date du 1er janvier 2001, deux juges de la Haute Cour du Bangladesh se sont prononcés sur la valeur des fatwas (décrets) et autres décisions juridiques islamiques prises en dehors du système juridique normal. Ils les ont déclarées nulles et illégales. Selon le Daily Star, ces deux juges, Golam Rabbani et Nazmun Ara Sultana, ont déclaré que “le système juridique au Bangladesh donne aux seuls tribunaux le pouvoir de se prononcer sur les questions relatives au droit pour les musulmans”. Le jugement de la Haute Cour arrêt a été accueilli comme un pas en avant “historique” par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme au Bangladesh.

Les deux juges avaient à trancher le cas d’un mari qui a divorcé de sa femme en utilisant la tradition musulmane du divorce oral. Selon cette tradition, le mari, ayant déclaré à trois reprises devant témoins qu’il divorçait de sa femme, est considéré comme séparé de son épouse. Un maulana (professeur musulman), Hajji Azizul Islam, ayant entendu la triple déclaration de la bouche du mari, avait prononcé une fatwa contraignant la femme à épouser le cousin de son ex-mari. Le maulana et cinq autres personnes ont été arrêtés le 6 décembre dernier après que la Haute Cour eut été saisie du cas et eut annulé, le 2 décembre dernier, les actes des magistrats locaux validant le divorce et le remariage.

Dans leur jugement du 1er janvier, les juges écrivent que les magistrats de la juridiction de première instance auraient dû estimer que la fatwa violait le code pénal. Ils demandent au parlement de se saisir du problème. Dans leurs attendus, les juges écrivent : “Nous estimons nécessaire de répondre à la question de savoir pourquoi un groupe particulier d’hommes, arguant de la formation reçue dans des madrassahs (école religieuse islamique) ou de leur constitution en groupes religieux, deviennent fanatiques et professent des vues erronées”. Les juges estiment que, pour s’opposer aux abus des maulanas, une reprise en main du système éducatif est nécessaire. Ils appellent à la mise en place d’un système d’éducation unifié et complet et, en attendant, demandent que les textes de loi relatifs à la famille musulmane soient enseignés dans les madrassahs, les écoles coraniques et expliqués lors des sermons de la prière du vendredi dans les mosquées.

Selon Faustina Pereira, l’avocate qui a défendu l’épouse “divorcée”, le jugement de la Haute Cour et ses attendus vont être traduits en bengali et distribués à tous les membres du parlement, ainsi qu’aux différents échelons de l’administration du pays. Cependant, certains milieux musulmans ne sont pas restés sans réagir à ce jugement. Selon certaines sources, le mufti Fazlul Haq Amini et le maulana Azizul Haq auraient déclaré que les magistrats Rabbani et Sultana étaient “murtad”, i.e. coupables d’apostasie (laquelle est punie de mort par le droit musulman). En réponse, la Société bangladaise des droits de l’homme a porté plainte contre le mufti Amini et le maulana Haq pour incitation à la haine. Le 9 janvier dernier, à Dacca, devant le Shaheed Minar (monument des martyrs), plusieurs milliers de personnes – dont de nombreuses femmes – se sont rassemblées pour demander au gouvernement de transcrire l’arrêt de la Haute Cour de justice dans la loi.