Eglises d'Asie

Le boycott des élections du 31 décembre par les minorités religieuses inquiète le gouvernement fédéral

Publié le 18/03/2010




Pour protester contre le système des électorats séparés encore en vigueur dans le pays, les citoyens pakistanais appartenant aux minorités religieuses du pays ont largement boycotté la première des quatre phases des élections aux assemblées régionales qui s’est déroulée le 31 décembre dernier dans 18 districts du pays. Selon la Commission nationale des élections, pour les 962 sièges réservés aux minorités, seuls 234 candidats s’étaient présentés, laissant 728 sièges vacants. Environ 76 % des électeurs ont refusé de déposer un bulletin dans l’urne.

Tout au long de la journée du 31 décembre, manifestations publiques, grèves de la faim, déclarations publiques des représentants des minorités se sont succédé. Toutes avaient pour but d’encourager les membres des minorités dans le boycott des élections et d’exprimer leur opposition au régime électoral en usage encore aujourd’hui. Alors qu’il menait une grève de la faim à Hyderabad, dans le sud du Pakistan, Saleem Khurshid Khokar, un chrétien, ancien membre de l’Assemblée provinciale de Sind, a expliqué que le sys-tème actuel accordait cinq bulletins de vote aux musulmans pour un seul réservé aux minorités. Ce même jour, le responsable d’un mouvement politique chrétien, le Inqilabi Tehreek (mouvement révolutionnaire) a décrit les électorats séparés comme une grave injustice commise contre les non-musulmans et a appelé les autorités à traiter à égalité les musulmans et les non-musulmans. Le représentant de la minorité hindoue a précisé à la même occasion que les actions de protestation entreprises n’avaient pas pour but de s’opposer à l’islam pas plus qu’au Pakistan mais à un système électoral injuste.

La réussite du boycott des élections du 31 décembre tient à la très forte mobilisation des minorités religieuses, principalement des chrétiens et des hindous, un peu partout dans ce pays, lors de la période précédant les élections. De nombreux responsables religieux s’étaient fait un devoir d’informer les fidèles et s’étaient engagés publiquement. Des manifestations demandant la restauration de l’électorat unique ont eu lieu principalement dans le Pendjab, où vivent 80 % des chrétiens pakistanais, et dans la province du Sind, où sont concentrés 80 % des hindous du pays. Par décision personnelle ou sous la pression de leurs coreligionnaires, de nombreux catholiques et hindous avaient renoncé à présenter leur candidature. Lors d’un rassemblement, le 8 décembre, dans le district de Layyah, province du Pendjab, huit chrétiens avaient retiré leurs candidatures tandis que 33 autres candidats chrétiens avaient fait de même dans le district de Khushab. A la même époque, la communauté hindoue de la province du Sind avait décidé le boycott général des élections. Par ailleurs, selon le secrétaire de la Commission nationale de ‘Justice et paix’, dans la province du Baloutchistan à l’ouest du pays, aucun des 108 sièges réservés aux minorités n’avait reçu de candidature.

Le boycott des élections a, semble-t-il, ébranlé les autorités fédérales qui ont exprimé publiquement leur émotion. Un ministre fédéral, Omar Asghar Khanh, dans une conférence de presse à Islamabad, vient en effet de déclarer que l’insatisfaction des minorités religieuses qui s’est exprimée dans le boycott avait troublé les esprits des membres du gouvernement et que la demande de restauration de l’électorat unique méritait d’être soigneusement prise en considération. Il a même proposé que les élections générales qui auront lieu l’année prochaine soient organisées selon le système de l’électorat unique.

Les élections du 31 décembre étaient les premières organisées depuis le coup d’Etat du général Pervez Musharraf en octobre 1999. La seconde phase des élections concernera 23 districts et aura lieu le 23 mars prochain.

Karachi : une manifestation non confessionnelle protestant contre les lois sur le blasphème est brutalement réprimée par la police

Une manifestation de caractère interreligieux, organisée à Karachi le 10 janvier pour protester contre les lois sur le blasphème, a été brutalement réprimée par la police qui a utilisé gaz lacrymogènes et matraques et finalement arrêté 16 participants parmi lesquels un prêtre, deux militants catholiques et 14 musulmans. Le prêtre est le P. Arnold Heredia, ancien secrétaire de la Commission œcuménique ‘Justice et paix’ de Karachi, ancien recteur du grand séminaire de Karachi et aujourd’hui curé de la paroisse saint François. Il est connu pour son engagement au service des droits de l’homme. L’un des deux laïcs arrêtés, Aslam Martin, appartient aussi à la Commission ‘Justice et paix’. Le second, Riaz Nawab, est membre de Caritas Pakistan. Une demande de libération sous caution a été refusée par le magistrat du lieu, qui, par contre, a accédé à la requête de la police demandant la détention préventive des inculpés jusqu’au 16 janvier. Des témoins ont rapporté que, lors de la comparution du prêtre devant le tribunal, ses vêtements étaient déchirés mais que, à part cela, son aspect extérieur était normal.

Les manifestants, au nombre de 300 environ, avaient été appelés à protester par le “Mouvement spirituel international de toutes confessions La plupart d’entre eux étaient musulmans, chrétiens et hindous ne constituant qu’une petite minorité. Des banderoles et des placards s’élevaient au dessus de la manifestation, demandant la révision de tous les procès intentés au nom de la loi sur le blasphème. Lorsque la police est intervenue, les protestataires s’avançaient en direction de la résidence du gouverneur dans l’intention de lui soumettre un mémorandum demandant de mettre un terme au recours indu aux lois sur le blasphème. Une bagarre générale s’est alors déclenchée. Elle a redoublé de violence au moment où les policiers se sont saisis des animateurs de la manifestation en train de s’exprimer devant la presse. Après de nombreux coups de pieds et brutalités diverses, ceux-ci ont été conduits dans des véhicules de police. Une affrontement encore plus brutal s’en est suivi qui a opposé les manifestants aux forces ce l’ordre et, pendant quelque temps, semé panique et confusion en plein Karachi. Un grand nombre de protestataires ont été blessés, ainsi que l’adjoint au superintendant de police et quelques agents.

Dans un communiqué de presse publié le lendemain, la Commission nationale de ‘Justice et paix’ a exprimé son inquiétude devant les brutalités policières et les mesures de détention infligées aux participants. Elle a affirmé en particulier que le comportement brutal des autorités était tout à fait injustifié, car la manifestation était entièrement pacifique et ses participants ne faisaient qu’appliquer leurs droits constitutionnels. Tout en affirmant sa foi dans un Pakistan non sectaire et délivré de la violence, elle a fait remarquer que si l’on voulait que le Pakistan fasse quelque progrès, il était impératif de s’opposer à toutes les lois favorisant la discrimination, parmi lesquelles les lois sur le blasphème et le système des électorats séparés.

La commission des droits de l’homme du Pakistan, des organisations religieuses musulmans, comme Barelvi Tehreek-e-Pakistan, ont également sévèrement condamné les brutalités et les arrestations du 10 janvier. Elles ont demandé la libération immédiate du prêtre catholique et des autres manifestants arrêtés.