Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er novembre au 31 décembre 2000

Publié le 18/03/2010




Politique internationale

Les 13 et 14 novembre, le président chinois Jiang Zemin et son épouse, accompagnés d’une centaine d’hommes d’affaires chinois et de plus de 30 journalistes, se rendent en visite officielle au Cambodge. C’est la plus importante visite jamais rendue par un responsable chinois. Les précédentes visites importantes remontent à 1956 et 1960 pour celle du Premier ministre Zhou En Lai, et à 1963 pour celle de Liu Shao Chi.

180 000 personnes, dont 20 000 élèves des écoles chinoises et de nombreuses ouvrières d’usine, forment une haie d’honneur de l’aéroport jusqu’au palais royal, en agitant de petits drapeaux chinois et cambodgiens. Le palais est illuminé d’une manière fastueuse, d’immenses portraits du président et de son épouse sont dressés devant le palais. Une visite presque aussi fastueuse que celle de De Gaulle en 1966.

Le président chinois signe sept accords de coopération dans le domaine agricole, le commerce, la lutte contre la criminalité, et sur l’octroi de 12 millions de dollars, dont la moitié sont un prêt sans intérêt. La Chine fait également un don de 240 000 dollars aux victimes des inondations.

Depuis 1992, soit après 13 ans d’interruption dû à la présence du régime imposé par le Vietnam, le commerce entre la Chine et le Cambodge n’a cessé de croître pour atteindre actuellement 160 millions de dollars. La Chine est au 4ème rang des investisseurs étrangers, au premier dans l’industrie de confection textile. Après le gel des investissements qui a suivi les événements de 1997, notamment l’arrêt de l’aide des Etats-Unis, la Chine joue la carte de l’investissement. En plus des liens immémoriaux unissant la Chine et le Cambodge, au-delà de tous les changements de régime de part et d’autre, la position stratégique du Cambodge sur le flanc ouest du Vietnam, intéresse la Chine. L’entrée du Cambodge dans l’ASEAN pourrait aider la Chine dans le conflit qui l’oppose au Vietnam concernant les îles Spartley. Certains Cambodgiens s’inquiètent toutefois de l’implantation de plus en plus nombreuse de Chinois au Cambodge.

Les Chinois du Cambodge disposent de 70 écoles, avec 230 professeurs, dont quelques uns viennent de Chine continentale. 90 % des élèves de ces écoles fréquentent aussi celles du gouvernement.

La communauté chinoise du Cambodge dispose de cinq journaux en langue chinoise.

Une dizaine de sympathisants du Front démocratique des étudiants tente de remettre une pétition à l’ambassade de Chine, la veille de l’arrivée du président chinois, pour exiger des excuses publiques de la Chine pour son soutien au régime Khmer rouge, le versement de 10 000 dollars par victime, et également de cesser de bloquer le tribunal devant juger les responsables Khmers rouges. Le SIORC dénonce, en plus, le comportement des patrons chinois implantés au Cambodge. Chéa Vichéa, secrétaire général du SIORC, demande au président de mettre fin aux maffias chinoises dans le pays, d’empêcher le transit de clandestins chinois, ainsi que d’aider le développement du pays. Soun Sikoeun, ancien responsable Khmer rouge des Affaires étrangères du régime Khmer rouge, fait assez justement remarquer que « nous devons nous blâmer nous-mêmes, et non la Chine, qui n’a pas été impliquée dans les massacres ». Le Premier ministre cambodgien et Ranariddh, président de l’Assemblée nationale, déclarent chacun de leur côté que les Khmers rouges appartiennent au passé, et que le Cambodge peut régler ce problème par lui-même, sans interférence de puissance étrangère. Le président chinois reconnaît le soutien de son pays au Cambodge des Khmers rouges, mais non à leur politique erronée. 600 à 700 experts chinois étaient présents au Cambodge du temps des Khmers rouges. La Chine nie, d’autre part, vouloir forcer le gouvernement cambodgien à faire traîner le jugement des Khmers rouges. Cette visite n’est pas du goût des autorités vietnamiennes qui s’inquiètent de voir leur petit protégé cambodgien se rapprocher un peu trop de Pékin, et annoncent la visite de leur président, Tran Duc Luong, au Cambodge, pour le 27 novembre.

Cette visite sera annulée au dernier moment, « pour raisons imprévues », peut-être à mettre en relation avec l’attaque des CCL du 24 novembre. Ni la Chine ni le Vietnam ne supportent que l’autre partie ne prenne trop d’influence dans la région. La veille de son voyage au Cambodge, le président chinois a passé quelques jours au Laos, autre protégé vietnamien, puis, après sa visite au Cambodge, s’est rendu à Brunei pour le sommet des pays de l’APEC (Coopération économique de l’Asie-Pacifique). Sa visite est certainement aussi importante que celle du président Clinton au Vietnam, même si elle n’a pas fait la une des médias. La Chine tente de se positionner comme la grande puissance économique de l’Asie face aux Etats-Unis, occupés ailleurs. La Chine souhaiterait l’affaiblissement de l’ASEAN pour être plus à même d’exercer son influence.

Problèmes frontaliers

Selon Sam Rainsy, dans la province de Takéo, les Vietnamiens auraient creusé un canal de 3 km à l’intérieur du territoire cambodgien. Le 25 novembre, les militaires vietnamiens retiennent Sam Rainsy et une dizaine de membres de son parti, qui s’étaient rendus sur les lieux, pendant quelques heures. Ils détruisent deux minutes de film compromettantes.

Le 22 décembre, un terrain d’entente est trouvé concernant six des sept points litigieux sur les questions frontalières entre le Cambodge et le Vietnam. Seul un litige, dans la région de Mondolkiri, n’aurait pas été résolu.

Du 5 décembre, une vingtaine de fonctionnaires cambodgiens et laotiens travaillent pour délimiter les frontières entre les deux pays.

Sur la frontière de Thaïlande, on estime que les Thaïlandais ont repoussé la frontière de 5 km en territoire cambodgien depuis juillet 1997. Cette affirmation est confirmée, non officiellement, par des membres d’organismes de l’ONU.

Situation politique

Régulièrement, le Parti de Sam Rainsy (PSR) se plaint d’être la cible d’actes d’intimidation de la part du PPC.

Le 14 novembre, le président du Conseil provincial de Siemréap, appartenant au PSR, est arrêté par la police quelques instants avant l’arrivée du président chinois dans la capitale provinciale. On l’accuse de vouloir fomenter des troubles pendant la visite.

Le 1er novembre, un membre du PSR de la province de Prey Veng est tué par un chef de village. Selon le PSR, c’est le sixième incident de ce type depuis le début de l’année.

Le 17 novembre, une cinquantaine de membres du PSR des srocks de Koh Andet et de Kirivong manifestent : ils se plaignent de n’avoir pas reçu d’aides, comme les autres sinistrés des inondations en raison de leur appartenance au PSR. Plusieurs paysans de Kompong Thom font part du même grief.

Vers le 20 novembre, un éventuel candidat du PSR de Prek Ksay (dans la province de Prey Veng) aux futures élections municipales affirme avoir été physiquement intimidé par des opposants.

Le 23 décembre, un groupe d’opposants s’attaque au siège du PSR à Païlin.

Elections municipales

Différentes ONG cambodgiennes (Comfrel, Nifec, Adhoc) tentent à grand peine d’éduquer la population sur l’enjeu de ces élections, prévues initialement pour 2000. Elles créent des scénètes, des chants, etc. L’Asia Foundation leur a accordé une aide de 130 000 dollars pour ce travail.

Le budget de 2001 prévoit une enveloppe de 4,4 millions de dollars pour les élections municipales. On prévoit six mois d’éducation intensive des « secrétaires de mairie ». Ces secrétaires, choisis par le ministère de l’Intérieur, aideront les élus à remplir leur charge… selon les directives du gouverne-ment. Ce seront les véritables détenteurs de l’autorité. 1,8 millions sont destinées au fonctionnement des communes, 2,8 millions à l’organisation des élections dont le coût est estimé 10 fois supérieur à cette somme, et pour lequel on s’en remet, comme toujours, à la communauté internationale !… Mais jusqu’à présent, aucun donateur ne s’est engagé.

En dépit des engagements gouvernementaux auprès des pays donateurs, les élections municipales sont reportées à 2002 car la Commission nationale pour les élection (CNE) demande un temps plus long pour leur organisation, ce qui en augmente le coût.

La saga du jugement des responsables Khmers rouges

Le 6 novembre, 11 pays soumettent un projet de résolution à l’ONU pour l’établissement rapide d’un tribunal pour juger les Khmers rouges. Du côte cambodgien, on estime que cette démarche relève plus de la politique que de la justice.

Le 16 novembre, Hor Nam Hong, ministre cambodgien des Affaires étrangères, déclare que le gouvernement cambodgien désire toujours la tenue du tribunal international pour juger les Khmers rouges.

Le 20 novembre, le sénateur américain John Kerry, qui avait œuvré à l’établissement d’un compromis entre l’ONU et le gouvernement de Phnom Penh sur l’établissement d’un tribunal pour juger les Khmers rouges, en juin dernier, se rend à Phnom Penh, au retour de Hanoï où il a accompagné le président Clinton. On lui promet que la législation nécessaire sera votée avant la fin de l’année.

Le 28 novembre, la commission des lois se remet au travail, après plusieurs mois d’attente, pour examiner les 47 articles du projet de loi instituant le tribunal.

Le 29 novembre, Hun Sen déclare qu’il s’opposera à toute initiative visant à lever l’amnistie royale accordée à Ieng Sary qui a joué un rôle clé dans la soumission des Khmers rouges. Le projet de loi est soumis à l’Assemblée nationale le 29 décembre. Tous les partis semblent décidés à le voter sans modification notable. Cependant, cela ne signifie pas que le tribunal siègera dans les mois à venir. « Je ne peux pas dire combien de temps sera nécessaire pour appliquer la loi », reconnaît Ranariddh, président de l’Assemblée nationale.

Les « Combattants cambodgiens pour la Liberté »

Le 17 novembre, un Américain d’origine vietnamienne est arrêté sur soupçon d’appartenance à un mouvement d’opposition au régime de Hanoï.

Le 20 novembre, deux étudiants du collège de Takhmau sont arrêtés pour distribution de 1 500 tracts du mouvement des « Combattants cambodgiens pour la Liberté » (CCL). C’est la quatrième fois que de tels tracts sont distribués depuis le début de l’année.

Dans la nuit du 23 au 24 novembre, vers 1h 30, une cinquantaine d’hommes à l’armement hétéroclite et fantaisiste attaquent le ministère de la Défense. A une quinzaine de kilomètres à l’ouest, à Cham Chao, un assaut est lancé contre la caserne abritant la division 70. Très rapidement la police et l’armée, visiblement prévenues, ont la situation en main. On déplore 8 morts et une douzaine de blessés. Les assaillants blessés déclarent s’être enrôlés pour de l’argent, mais ne connaissent visiblement rien à la politique. A une trentaine de kilomètres au nord de la capitale, on découvre un appareil de communication à longue distance, pouvant communiquer à 2 000 km. Hun Sen, Sok An, ministre du Conseil des ministres, et Hor Nam Hong, ministre des Affaires étrangères, en visite à Singapour, ne rentrent pas au pays, signe que l’affaire est bénigne. Selon les autorités gouvernementales, 291 cibles – dont les maisons des dirigeants du pays – étaient visées.

La police procède immédiatement à plusieurs arrestations, qui s’élèveront jusqu’à plus de 200 dans les semaines suivantes, notamment en province. Les associations de défense des droits de l’homme craignent qu’il ne s’agisse d’une chasse aux sorcières. Plusieurs des personnes arrêtées seront relâchées par la suite. Des dizaines d’armes sont confisquées. Le 26 novembre, on arrête Richard Kiri Kum, américain d’origine cambodgienne, proche du PPC, qui a dirigé l’opération, au moment où il prenait l’avion à Siemréap, pour gagner la Thaïlande. Hun Sen promet une récompense de 500 dollars à ceux qui permettront d’arrêter les chefs du mouvement.

Les autorités accusent un obscur groupe d’Américains d’origine cambodgienne dont le siège est situé à Long Beach (Californie) d’être à l’origine des troubles. Un certain Chhun Yasith, anciennement membre du PSR, se déclare être à la tête du groupe. De Thaïlande, il déclare que son but est de renverser Hun Sen. Selon Yasith, son mouvement comprendrait 30 000 membres, allant de colonels du PPC à d’anciens gardes du corps de Hun Sen, en passant pas des membres du PSR et du FUNCINPEC et des bonzes. « Nous utilisons les gens de Hun Sen contre Hun Sen », dit-il.

Hun Sen crée un comité de 19 membres pour rechercher les membres de l’administration compromis avec les CCL. Un climat de peur latente règne dans l’administration. Cinquante militaires des FARC se seraient mutinés et cachés dans la montagne près de Kirirom. Des rumeurs les plus fantaisistes circulent sur l’appartenance de telle ou telle personnalité cambodgienne au mouvement des CCL. On annonce des troubles pour le 27 décembre… Des membres des CCL se rendent contre une récompense de 200 dollars pour les chefs (18 à Prey Veng, le 12 décembre), 25 dollars pour les subalternes. Le gouvernement cambodgien demande à la Thaïlande de l’aider dans sa lutte contre les CCL, non pour les extrader, mais pour que cesse leur envoi au Cambodge. Deux cent membres du CCL de diverses provinces se rallient au gouvernement.

Les responsables du CCL de Long Beach accusent Chhun Yasith d’avoir pris la décision du coup de force, seul, sans en référer au bureau de l’association. Chhun Yasith les accuse d’être des agents de Hun Sen, puis se rétracte. Chhun Yasith accuse Kiri Kim d’être agent double, et d’avoir mis l’armée au courant de l’attaque…

Le coup est si ridiculement mal monté que l’on croit aussitôt à une manœuvre du gouvernement pour arrêter des opposants. C’est ce que déclare Sam Rainsy à l’Assemblée nationale, et ce que pensent un certain nombre de diplomates en poste à Phnom Penh, ainsi que bon nombre d’ONG de défense des droits de l’homme. Cependant, Hun Sen a tout en main, et n’a pas besoin de monter une tel scénario. Il n’en profite d’ailleurs pas pour inquiéter le PSR, le seul parti d’opposition, davantage qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Le 5 décembre, Hun Sen s’en prend cependant violemment aux ONG de défense des droits de l’homme qu’il accuse d’abriter des terroristes.

On pense à des problèmes de rivalité entre hauts dignitaires du régime, notamment parmi les militaires, car l’armée n’a pas été sollicitée pour écraser la tentative de coup d’Etat. On dit même que certains éléments ne sont pas sûrs. Sam Rainsy pense, pour sa part, que c’est une ruse montée par Hun Sen pour empêcher la rencontre avec le président vietnamien. D’autres pensent que c’est pour dire au sénateur John Kerry qu’un procès des Khmers rouges est mal venu dans ces circonstances…

Il semblerait plutôt que ce soit l’œuvre d’un illuminé qui voulait renverser le gouvernement en s’attaquant directement aux organes vitaux de la capitale, pensant que les pauvres allaient se révolter comme un seul homme. L’avocat de Kiri Kum évoque (non sans raison, à moins que ce dernier soit très bon comédien !) la démence de son client.

Washington met en garde tous ses ressortissants impliqués dans « des activités violentes à l’étranger » : ils s’exposent à la prison dans les pays où ces crimes sont commis, et à des poursuites sur le sol américain, en vertu du Neutrality Act.

Economie

Riz

Selon une première évaluation du ministère de l’Agriculture (mais la récolte n’est pas encore achevée…), le Cambodge a produit 3,8 millions de tonnes de paddy au lieu de 4,4 l’an der-nier. D’après le ministère, il ne manquera que 72 000 tonnes de paddy, soit 44 000 tonnes de riz décortiqué pour assurer l’autosuffisance alimentaire. Il convient toutefois d’ajouter la récolte de saison sèche, les rizières étant ensemencées dès le retrait des eaux et dont on ne connaît pas encore le montant. 1,4 millions de tonnes de semences IR 66, qui mûrit en 100 ou 105 jours, ont en effet été distribuées aux paysans. Après l’inondation qui a détruit une partie des rizières, des pluies catastrophiques, jamais rencontrées en décembre, rendent difficile la moisson ou détruisent le riz mûr.

Pêche

Selon une étude de l’OXFAM, le Cambodge pourrait produire 400 000 tonnes de poissons d’eau douce par an, pour une valeur de 200 millions de dollars. Mais la majorité des pêcheurs demeurent pauvres, et seulement 2,4 millions de dollars sont générés officiellement par la pêche. Cette différence provient d’une mauvaise législation et d’une mauvaise gestion de la pêche par les hauts fonctionnaires. Les Cambodgiens consomment en moyenne 75,6 kg de poisson par personne : ils sont les plus grands consommateurs de poisson au monde. Environ 15 % de la population cambodgienne dépend totalement du Tonlé Sap pour sa subsistance.

En 1999, le gouvernement a enregistré une centaine de disputes concernant les lots de pêche. Les pêcheurs locaux se heurtent souvent aux gros propriétaires qui disposent de gardes armés. Au mois d’octobre 2000, le Premier ministre Hun Sen ordonne l’ouverture de cinq lots de pêche, représentant des milliers d’hectares, au public. Le directeur du département des pêcheries qui s’opposait verbalement à cet ordre est démissionné. Plus de 2 000 armes sont confisquées à des patrons de pêche.

Le 4 novembre, Hun Sen s’emporte à nouveau contre ce même département, l’accuse publiquement d’avoir commis « une faute grave ». Il révoque trois autres hauts fonctionnaires du département. D’autres révocations ou mutations sont à l’étude. « Si j’étais un villageois, je manifesterai contre ces fonctionnaires et ces gros patrons ; ils sucent le sang du peuple », lance le Premier ministre !

A la mi-novembre, on apprend que le 18 septembre, le ministère de l’Agriculture a donné deux lots de pêche situés à Kompong Thom au Sénat, afin de lui permettre de gagner de l’argent pour la construction et la réparation de ses locaux. Hun Sen avait approuvé cette proposition deux mois auparavant… L’Assemblée nationale en avait reçu cinq après les élections de 1998. Un homme d’affaires a proposé 100 000 dollars au Sénat pour louer les deux lots pour 6 ans… Un conseiller de Hun Sen critique la mesure, un député du PSR fait remarquer, non sans justesse, que le Sénat n’a pas de compétences techniques pour la pêche.

Selon le Premier ministre, « désormais plus aucun étang ne devrait être attribué à des privés ».

Le 7 novembre, près de 300 pêcheurs de la région de Lovéa Em (province de Kandal) manifestent contre une société de pêche qui leur a confisqué leurs filets.

Le 28 novembre, Sam Rainsy achète un lot de pêche pour la somme de 1 700 dollars, puisés dans la caisse du PSR, pour le redonner à 350 familles qui n’avaient pas de lieu pour pêcher. Hun Sen l’accuse de démagogie et de vouloir créer un Etat dans l’Etat.

Le gouverneur de la province de Sihanoukville déclare que 50 bateaux de pêche thaïlandais équipés de matériel moderne pêchent dans une zone neutre à plus de 100 m. de profondeur. Ils ont versé un million de dollars de taxes durant les derniers mois. Deux millions de taxes sont ainsi entrés dans les coffres de l’Etat durant l’année sur la pêche pratiquée en mer.

Caoutchouc

Le caoutchouc cambodgien est à nouveau demandé sur le marché régional. Les prix qui avaient chuté de 1 720 dollars la tonne en 1997 aux environs de 480 en 1998, remontent à 580. Ce regain pour le caoutchouc cambodgien provient du fait qu’en Malaisie, beaucoup de plantations de caoutchouc ont laissé la place à des plantations de palmiers à huile. 99 % des 50 000 tonnes produites actuellement au Cambodge sont ex-portées. En octobre, le Premier ministre a redonné près de 3 000 hectares de terres confisquées à leurs 284 propriétaires légitimes, pour qu’ils y plantent du caoutchouc. Plus de 100 familles de Kompong Cham ont également remplacé la culture de tabac par celle du caoutchouc. L’Agence française de développement aide à la reprise de l’exploitation familiale du caoutchouc.

Bois

Le 8 décembre, le troisième gouverneur de la province de Kompong Speu affirme avoir détruit deux scieries dans la région de Phnom Srouch. Aucune arrestation ne s’en suit. La semaine suivante, des gardes forestiers saisissent deux tronçonneuses dans le parc naturel du Bokor.

La société forestière malaisienne GAT, de très mauvaise renommée sur le plan international, gagne son procès devant la Cour suprême, pour accusation de coupes illégales de bois et de percement de routes forestières. Elle ne devra payer que 108 000 dollars d’amende.

Le 19 décembre, une opération héliportée forte de 150 militaires et 150 policiers, avec la présence des représentants de Global Witness et de nombreux journalistes, arrête 16 Thaïlandais et 3 Cambodgiens en train de couper du bois, à Thmar Da, à 10 km de la frontière thaïlandaise. Six tronçonneuses sont saisies. De 50 à 80 m de bois étaient ainsi coupés chaque jour et emportés de nuit en Thaïlande. Le chef adjoint de la division militaire reconnaît avoir autorisé cette coupe pour acheter des médicaments, construire une école et un hôpital dans sa région. Les Thaïlandais sont condamnés à la prison. Il semble que cette opération soit avant tout une action spectaculaire, un mois avant la réunion des pays donateurs, pour montrer que le gouvernement lutte efficacement contre les coupes illégales de bois, mais en réalité, elles continuent, avec l’appuis de très hautes personnalités.

Tourisme

La recette de la billetterie d’Angkor a triplé depuis 1998, s’élevant à 3 millions de dollars, générant 2 millions de bénéfices à la compagnie pétrolière Sokimex (proche de Hun Sen), et 1 million à l’Etat. Avant l’octroi de la billetterie à Sokimex, l’Etat ne percevait que 800 000 dollars par an. Le contrat entre la société et l’Etat qui prévoyait une augmentation de 15 % des redevances à l’Etat chaque année est modifié : désormais, 70 % des bénéfices au-delà de 3 millions seront versés à l’Etat.

Le 11 décembre, le Premier ministre déclare que, dans 5 ans, les infrastructures nécessaires pour répondre à l’expansion du tourisme seront en place. Le nombre des entrées de touristes a augmenté de 27 % durant les neuf premiers mois de l’année, soit 334 000 entrées. 131 000 d’entre eux ont foulé le sol d’Angkor, soit une progression de 100 %. On prévoit que le nombre de touristes s’élèvera à un million dans les prochaines années.

Du 11 au 13 décembre, 200 professionnels du tourisme représentant 27 pays se réunissent à Siemréap sur invitation de l’Organisation mondiale du Tourisme. Pour montrer l’intérêt qu’elle porte au sujet, la Chine envoie 14 délégués. On estime que 200 à 300 000 touristes chinois pourraient se rendre en visite chaque année au Cambodge. En juin dernier, un accord était passé entre la Chine et le Cambodge, autorisant les ressortissants chinois à payer dans leur monnaie.

Plusieurs arrestations d’étrangers pédophiles attirent l’attention sur le danger du tourisme sexuel. Pour beaucoup d’observateurs, ce sont plutôt des gestes pour impressionner favorablement les donateurs plutôt que l’expression d’une véritable volonté de mettre fin au fléau.

Un sujet britannique, directeur d’une école d’anglais, est condamné à 3 ans de prison et à 385 dollars de dommages et intérêts, pour avoir photographié des petites filles en postures provocatrices. Il est furieux, car il a versé 5 400 dollars de pots de vin au juge, apparemment sans succès.

Budget national 2001

Le 6 décembre, le gouvernement présente le projet de budget de 2001 : 651,6 millions de dollars. Les ministères de la Défense (73 millions) et de l’Intérieur (37,8 millions) mobilisent à eux deux 29,5 % des dépenses (on est en temps de paix !), soit une baisse de 5 % par rapport au budget de 2000. Plus d’un tiers du budget est destiné (officiellement) aux services sociaux : l’Education nationale (58,8 millions, en augmentation de 22 %) s’élève à 15 % de l’ensemble, celui de la Santé (37,4 millions) correspond à 10 % des dépenses. Le budget des ministères de l’Agriculture, du Développement rural et des Ressources en eau augmente de 30 % par rapport à l’an dernier.

« Sur le papier, c’est formidable », s’extasie un expert occidental. « Vos chiffres sont très bons sur le papier, mais vous n’avez jamais tenu vos promesses », dit en écho Sam Rainsy. Le député de l’opposition demande une augmentation des salaires des fonctionnaires à 103 dollars pour les fonctionnaires vivant en ville, et à 77 pour ceux qui vivent à la campagne. Cela lui paraît possible si l’on raye des listes tous les fonctionnaires « fantômes » (100 000 sur 365 569 selon l’opposition), si l’on supprime la corruption qui coûte plus de 100 millions de dollars à l’Etat chaque année, et si l’on colmate les fuites dans les recouvrements fiscaux… Kéat Chhon, ministre des Finances, répond au député qu’il rêve… Rêvons donc ensemble…

Le budget mise sur 217,1 millions d’aides internationales, soit environ le tiers de l’ensemble, en baisse de 2,9 % par rapport à l’année dernière. 73 % des recettes de l’Etat proviendront des taxes. Le taux d’inflation se situerait aux environs de 4 %. Les exportations augmenteraient de 24 %, les importations de 36 %. Le taux de croissance se situerait entre 5 et 7 %. L’agriculture devrait augmenter de 3 % en 2001, l’industrie devrait augmenter de 22 %. Il est prévu que les 14 casinos versent 4,1 millions de dollars (mais cette année l’Etat n’a pu récolter de leur part que 2,5 millions). Le cercle sportif de Phnom Penh, près du Phnom, est vendu aux Etats-Unis pour devenir l’emplacement de la nouvelle ambassade des Etats-Unis, pour la modique somme de 5,839 millions de dollars.

Des élus, et pas uniquement ceux de l’opposition, s’inquiètent des prêts passés par le gouvernement : « Chaque année, le parlement signe un chèque en blanc au gouvernement… Il vaudrait mieux approuver sur la base de projets concrets ». Le secrétaire d’Etat aux Finances rétorque : « Beaucoup de pays se bousculent devant la porte des donateurs, il ne faut donc pas attendre pour emprunter cet argent » ! la dette du pays s’élève à près de 2 000 millions de dollars, dont 940 millions depuis 1993, le reste ayant été emprunté auparavant à l’URSS.

Le Japon prévoit d’amputer ses aides de 30 % l’an prochain. Le Japon a donné plus de 860 millions de dollars depuis 1992, sous forme de dons, et non de prêts. En 1999, il a injecté 138 millions. Cette coupe dans l’aide japonaise pourrait pousser les autorités cambodgiennes a utiliser l’aide étrangère avec plus de discernement et d’efficacité. – Les experts estiment que pour lutter efficacement contre la pauvreté, vu l’augmentation démographique du pays, la croissance devrait se situer entre 7 et 8 %. – L’opposition demande la fermeture de tous les casinos qui versent des recettes minimes dans les caisses de l’Etat comparées aux effets dévastateurs qu’ils génèrent : criminalité, délinquance, expropriation forcée de la population de Poïpet, etc. – Le discours de Sam Rainsy, à l’Assemblée nationale, critiquant le budget, fustigeant l’accroissement du fossé entre riches et pauvres, les pertes injustifiées de Royal Air Cambodge, demandant des éclaircissements sur les locaux de l’ambassade du Cambodge à Tokyo, les bas salaires des fonctionnaires, les conditions de la Santé, de l’Education, etc., ne sont pas retransmis, comme celui des autres députés.

Le budget est voté le 26 décembre, par 91 voix sur 98.

Prêts

La Banque asiatique pour le Développement (BAD) accorde un prêt de 55 millions de dollars, sur les 156 nécessaire à la réhabilitation des infrastructures endommagées par les inondations. Ce prêt – à un taux de 1,5 % – est remboursable sur 32 ans.

On estime que les dégâts causés par les inondations ralentiront la croissance économique du pays de 1 à 1,5 %, la portant à 3,5 ou 4 % au lieu de 5 %. 2 621 km de routes ont été endommagés, 115 ponts ont besoin de réparations, 374 107 hectares de riz et 47 461 hectares d’autres cultures ont été touchés, 132 centres de santé ont besoin de réparation et 123 barrages d’irrigation endommagés. C’est la province de Prey Veng qui a été la plus touchée. Le gouvernement a distribué des vivres à 623 104 familles, Le Croix-Rouge cambodgienne et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont aidé 177 523 familles, les autres ONG 49 945 familles.

Le 28 novembre, la France annonce qu’elle donnera 4 à 5 millions de dollars pour venir en aide aux victimes des inondations, spécialement pour réparer les infrastructures : routes, écoles, eau potable.

La FAO finance à hauteur de 10 million de dollars de prêt, un projet de développement rural de 22,9 millions de dollars lancé par le gouvernement. Ce programme vise 600 villages et s’étend sur sept ans.

Le Fonds pour le développement international de l’OPEC signe un accord de prêt de 7,8 millions pour de petits projets individuels, ne s’élevant pas au-dessus de 250 000 dollars dans les domaines de l’irrigation, de la santé, de la construction de routes et d’écoles.

La Chine fait un prêt de 6 millions de dollars à Teng Bunma, le plus riche homme d’affaires du Cambodge pour construire une usine au Cambodge. C’est le second prêt à une personne privée, le premier étant celui de 12 millions fait au sénateur Men Sarun, pour construire une usine de contreplaqué dans la province de Kompong Cham. Teng Bunma payera 5 % d’intérêts au gouvernement qui en paiera 3 % à la Chine.

Au début décembre, une mission d’inspection de la BAD recommande au gouvernement d’employer les prêts d’une manière plus efficace et plus transparente. Sur 14 projets menés avec les prêts de BAD, elle n’en a trouvé que deux qui répondent totalement à ses critères d’utilisation. Douze autres n’atteignent que les conditions minimales et doivent améliorer leur gestion. La BAD demande au gouvernement de réduire sa dépendance par rapport aux aides étrangères et de gérer sa dette avec plus de soin. La BAD a accordé 410 millions de dollars de prêts pour 14 projets, plus 54 millions d’assistance technique depuis 1992.

Le 1er juillet, la France et le Cambodge signent deux conventions encadrant la coopération militaire entre les deux pays. La première concerne la gendarmerie, la seconde la formation des cadres des FARK. Une promotion de quarante officiers sort tous les dix huit mois. La coopération militaire s’établit autour d’une enveloppe de 20 millions de FF par an.

Electricité

La BAD, la société de l’Electricité du Cambodge et le gouvernement cambodgien sont tombés d’accord sur un projet de construction de barrages portant sur un montant de 27 millions de dollars durant les trois prochaines années. La BAD fournira un prêt de 18,6 millions. L’Agence française pour le Développement s’est engagée à verser 3,2 millions, et le gouvernement 5,1 millions. Des barrages seront construits dans chacune des provinces. L’EDC s’est engagée à réduire les pertes dans la distribution du courant, aujourd’hui de 35 à 55 % pour les réduire à 20 %. Les pays donateurs ont versé 190 millions durant les dix dernières années, et exigent des réformes.

Après plusieurs rejets, l’Assemblée nationale adopte une loi garantissant l’investissement de 15,5 millions de dollars par la société chinoise China Electric Power Technology pour réparer le barrage de Kirirom I. L’investissement total est de 19,5 millions. Le gouvernement s’engage à acheter l’électricité produite, à un prix supérieur à tous les autres fournisseurs, pendant 30 ans, et à couvrir d’éventuelles pertes.

CIMAC

Comme annoncé, à la veille d’un symposium réunissant 22 pays donateurs, tenu à Phnom Penh le 16 novembre, le CIMAC commence sa réduction d’effectif de 70 %. Désormais plus que 5 experts étrangers, au lieu de 40, seront employés par le CIMAC. Depuis 1993, 150 000 engins ont été désamorcés, dont 100 000 par le CIMAC. Actuellement, les zones les plus dangereuses sont Oddar Méan Chhey et Préah Vihéar. 686 accidents par mines sont à déplorer durant les 10 premiers mois de l’année, soit 25 % de moins que l’an dernier. – Les pays donateurs s’engagent à verser 5 millions de dollars pour l’année 2001 (jadis il fallait 8,5 millions par an). – La France annonce l’octroi d’un million de dollars. Elle s’engage à faire déminer les sites archéologiques de Kampeng Koh Ker, dans la province de Préah Vihéar.

La province de Kompong Speu démobilise ses 1 760 miliciens, à partir du 12 décembre. 558 armes sont récupérées. Ces miliciens gardaient les ponts, la voie ferrée. Chaque milicien recevait 3 dollars par mois. Dans tout le pays, on compte encore 30 000 miliciens qui sont passés du ministère de la Défense à celui de l’Intérieur. L’opposition demande leur démobilisation, car elle les considère comme autant de soutiens au PPC, chargés d’intimider ou, au besoin, de supprimer, les opposants politiques.

Système bancaire

Vers la mi-novembre, la Western Union, société de transfert rapide de fonds, et implantée dans 183 pays, est interdite au Cambodge pour irrégularité de sa situation légale.

Le 9 décembre, la Banque Nationale fait savoir que onze établissements bancaires « en infraction avec la loi », seront fermés. Cette mesure mécontente beaucoup d’ONG, notamment le PADEK européen, ainsi qu’un bon nombre de particuliers qui avaient déposé leurs économies dans certaines de ces banques, et qui sont dans l’impossibilité de récupérer leurs avoirs. Plusieurs ONG plaçaient dans une de ces banques les économies des paysans bénéficiaires de micro-crédits. Avec cette impossibilité de retirer leur argent, les paysans risquent de perdre définitivement toute confiance dans le système bancaire, déjà difficile à admettre dans leur mentalité. Quatre banques, sur les 30 opérant au Cambodge, ont été agréées, 15 autres sont provisoirement autorisées jusqu’à ce qu’elles se mettent en règle. Jusqu’à présent, les banques devaient déposer 5 millions de dollars à la Banque Nationale. Désormais ce dépôt passe à 13 millions. Cette mesure est un premier pas vers l’assainissement du système bancaire, exigé par les pays donateurs depuis des années.

Les employés de la Rich Nation Bank protestent, car ils n’ont pas reçu de salaire depuis 5 mois, et doivent faire face à la colère de leurs clients qui veulent retrouver leurs dépôts.

Début de réalisations

Le 3 décembre est inauguré le début des travaux de réparation de la route Pursat-Battambang. Selon le Premier ministre, d’ici à 2003, 6 000 km de routes seront réparées. Le 12 décembre, il inaugure le début des travaux de réhabilitation de la nationale 6 entre Kompong Thom et Siemréap.

La digue de Kap Sreuv, au Nord de Phnom Penh, mise à rude épreuve lors de inondations, va être aménagée sur 7 de ses 17 km grâce à un prêt de la BAD.

Situation sociale

Peter Leuprech, Autrichien, professeur de droit, arrive à Phnom Penh le 26 novembre, en remplacement de Thomas Hammarberg, comme représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les droits de l’homme au Cambodge.

Paysans spoliés

Malgré l’intervention en leur faveur du président de l’Assemblée nationale et du ministère de la Défense, les militaires de la province de Kampot refusent de rendre les terres spoliées, en avril dernier, à 107 familles du village de Néary Ek. On mesure l’incapacité du gouvernement à faire respecter la loi par les militaires.

Les représentants des 810 familles paysannes de Poïpet, spoliées par les militaires, continuent depuis 4 mois leur sit-in dans la parc Hun Sen de Phnom Penh dans l’indifférence des autorités. Sam Rainsy leur apporte un repas le jour de Noël.

Le 7 décembre, plusieurs dizaines de personnes représentant 600 familles, accompagnées de 56 moines, protestent devant la cour d’appel contre une décision de justice les obligeant à quitter les 26 hectares à Stoeung Méan Chhey, dans la banlieue de Phnom Penh, où elles vivent depuis 1991. Ce terrain est accaparé par un puissant du régime.

Grèves dans les usines de confection textile

Les conditions de travail des employés des usines de Phnom Penh, tenues par des Chinois, ne s’améliorent guère. On signale toujours beaucoup de mouvements sociaux, qui risquent, un jour, d’exploser avec violence.

Le 14 novembre, 1 000 employés entrent en grève pour protester contre leurs conditions de travail. L’employeur a refusé d’accorder des jours de congé pour la fête des eaux, et menace d’amputer les salaires de 5 dollars aux ouvrières absentes. Dans la soirée du même jour, 500 ouvriers d’une usine produisant des sacs se mettent en grève pour la même raison.

Le 3 décembre, la police déloge avec huit canons à eau, 1 000 manifestants qui bloquaient la route nationale n° 5.

Le 4 décembre, 50 ouvriers manifestent devant MPP Company pour protester contre le licenciement de dix de leurs compagnons accusés d’avoir formé un syndicat.

Dans une autre usine, le même jour, 1 000 autres ouvriers, en majorité des Chams, entrent en grève, réclamant de ne travailler que 8 heures, et non quatorze, pendant le mois du ramadan.

Le 13 décembre, 700 ouvriers de l’usine textile Lidar Garnment entrent en grève : ils protestent contre l’obligation de faire des heures supplémentaires, pour lesquelles ils ne demandent que 1 FF d’augmentation, ainsi qu’environ 4 FF leur sont retenus pour le repas lorsqu’ils sont obligés d’en accomplir.

Le 15 décembre, les ouvriers de l’usine textile Glad Peer Garnment Factory se mettent en grève, accusant la direction de les humilier indûment par des fouilles au corps. Ils s’indignent d’être fouillés trois fois par jour.

Le 18 décembre, près de 5 000 ouvriers des usines textiles Néak Hoh se mettent en grève pour protester contre les retards dans le paiement de leur maigre salaire. « Nous devrions tou-cher notre salaire pas plus tard que le 10ème jour du mois… »

Le 22 décembre, plus de 600 ouvriers de l’usine Grace Sun Garnment se mettent en grève pour protester contre le licenciement abusif de 100 d’entre eux et d’un responsable syndical. A l’usine Hong Yuan, 100 ouvriers demandent que leur salaire soit augmenté à 45 dollars, alors qu’actuellement ils ne touchent que 35 dollars.

Le 27 décembre, 300 ouvriers de l’usine textile Great Lancelot se mettent en grève pour protester contre les heures supplémentaires et les violences physiques dont ils se disent victimes. C’est la quatrième fois qu’un mouvement de grève voit le jour dans cette usine depuis son ouverture en 1998. Le 23 décembre, deux ouvrières ont été blessées par le personnel d’encadrement.

Les employés de l’usine textile Yu Sin et New Star, ainsi que ceux de l’usine de confection de chaussures Tong Ta, de Sihanoukville, reprennent le travail le 26 décembre après trois jours de grève. Dans cette usine, les repas et l’accès à l’eau potable et à l’électricité étaient facturés à 25 dollars, pris sur une paie de 45 à 60 dollars.

Le 21 décembre, sont élus neuf membres du directoire de la Confédération des employeurs et clubs d’affaires du Royaume, qui regroupe les patrons du secteur textile, des industries hôtelières, des transports, des banques et associations d’affaires. Le Français d’origine cambodgienne Van Sou Ieng est élu président.

Education

Au cours de l’année scolaire 1999-2000, 400 000 enfants n’ont pas été scolarisés et 93 000 des scolarisés ont abandonné l’école. 155 000 enfants de 10 provinces ont bénéficié des cours de rattrapage pendant les vacances scolaires. 54 % des élèves de première année, et 60 % des élèves de seconde année ont réussi l’examen de passage à la classe supérieure. Des enseignants à la retraite ont été invités à enseigner les enfants déshérités de la capitale, il y a deux ans. 4 000 enfants ont profité de cet enseignement.

Le Cambodge dispose d’environ 51 000 instituteurs, soit un instituteur pour 60 élèves, de 1 205 écoles maternelles, dont 192 nouvelles, qui ont accueilli 65 295 enfants, soit 6 497 de plus que l’an dernier. 5 300 écoles fonctionnent, dont 173 écoles primaires construites l’an dernier. Il manque encore près de 15 000 salles de classes. Le pays dispose de 362 collèges, dont 5 nouveaux, et 142 lycées, auxquels s’ajoutent 7 établissements privés de ce niveau.

Pour lutter contre l’analphabétisme, le ministère a dépensé environ 4 millions de dollars, 50 000 adultes, dont 75 % de femmes, ont bénéficié de ce programme, et 50 % d’entre eux ont obtenu un certificat.

Depuis la mi-novembre, l’Association indépendante des professeurs du Cambodge (AIPC), qui comprend 400 membres, à Phnom Penh et en province, menace le gouvernement d’entrer en grève à partir de février 2001, si leurs salaires ne sont pas relevés de 20-25 dollars, actuellement à 100 dollars. En janvier 1999, Hun Sen avait augmenté leur salaire d’environ 5 dollars. Mais depuis, le prix des marchandises courantes a triplé. Le 18 décembre, le Premier ministre confirme que le salaire des professeurs sera augmenté de 10 % dès le 1er janvier 2001. Mais ces derniers maintiennent leur mot d’ordre de grève pour le 1er février, car cette augmentation ne représente que 2,5 dollars par mois… « Aujourd’hui, l’économie ne nous autorise qu’à une augmentation de 10 % », dit le Premier ministre. Faux ! répondent les professeurs, les députés ont eu 600 dollars d’augmentation… L’appel à la grève commence à inquiéter les autorités qui tentent de faire pression par tous les moyens sur les membres de l’AIPC.

L’Institut national de gestion a discerné ses diplômes aux 357 étudiants de sa 13ème promotion. C’est la première promotion avec 259 étudiants payants leur scolarité. L’institut a formé 2 597 professionnels, dont 586 jeunes filles. L’institut a créé des branches dans les provinces de Sihanoukville, Battambang et Kompong Cham qui ont bénéficié à 694 étudiants.

Le 16 novembre, le Japon remet une aide de 1,5 millions de dollars au ministère des Affaires étrangères cambodgien pour permettre à une vingtaine d’étudiants cambodgiens de poursuivre leurs études supérieures dans l’archipel.

Presse

Le pays compte 2 200 journalistes, 236 organes de presse, 10 à 15 000 lecteurs assidus à Phnom Penh. 4 à 5 reporters sont décédés durant les dernières années en exerçant leur métier, par accident ou maladie. Selon l’Association cambodgienne pour la protection des journalistes (ACPJ), la situation des journalistes s’est améliorée : moins de menaces, de violences, d’agressions.

Drogue

Le trafic et la consommation d’amphétamine sous la forme de pilules Yama, vendues pour environ 3 FF, commence à faire des ravages au Cambodge. En Thaïlande, les travailleurs cambodgiens les utilisaient pour se doper. Mais au Cambodge, cette consommation entraîne souvent des disputes. En l’an 2000, plus de 35 000 pilules de méthamphétamine et près d’une tonne de cannabis compacté, 5,4 kilos d’huile de canna-bis, 7,6 kilos de morphine, 100 grammes d’héroïne et 950 grammes d’opium ont été saisis par la police, 2 000 plans de cannabis détruits. Les anciennes zones Khmères rouges sont des zone d’infiltration d’amphétamines. Souvent les trafiquants sont mieux armés que la police. Au cours des huit derniers mois, 102 personnes ont été arrêtées.

Le 7 novembre, près de 300 officiers de police et des forces armées signent un code de « bonne conduite ». « Il faut être sûr qu’ils sera appliqué », déclare Thung Saray, président de ADHOC. Mais selon ce dernier, il s’agit avant tout de mettre en branle un changement profond dans la société. A l’origine de beaucoup de troubles se situe le statut financier lamentable des fonctionnaires du régime.

Le 3 décembre, un Singapourien est arrêté à l’aéroport de Pochentong avec 5 kg d’opium d’une nouvelle sorte, encore jamais rencontrée.

Santé

L’Entreprise pharmaceutique du Cambodge (CPE), créée en 1998 par un accord khméro-chinois, fabrique 60 sortes de produits pharmaceutiques, conformes aux standards internationaux. Actuellement, 53 médicaments sont autorisés à l’exportation. Les 18 pharmaciens de l’entreprise possèdent une « expérience de plus de dix ans ». La société est soumise à la TVA, et doit faire face à de nombreuses importations en contrebande et à de nombreuses contrefaçons, vendues à des prix très bas.

Les bâtiments de la future faculté de pharmacie seront construits durant le premier trimestre 2001, grâce aux fondations Meirieux et Pierre Fabre. Cette faculté formera une trentaine d’étudiants chaque année. Le coût est compris entre 3 et 5 millions de FF.

Le 30 novembre Médecins Sans Frontières annonce son retrait prochain de l’hôpital de Battambang que l’association soutient depuis 10 ans. MSF portera ses efforts sur le département sida à l’hôpital Préah Sihanouk de Phnom Penh.

Une famille cambodgienne sur 10 est victime de la violence domestique (à peu près la moyenne mondiale).

Art

La France a débloqué plus de 25 millions de FF pour la restauration du Baphuon. Ces travaux, menés par plus de 200 personnes, seront achevés en 2004.

Depuis 1995, la France soutient une unité de sauvegarde du patrimoine dans la région d’Angkor. Depuis le mois de septembre, l’aide de la France s’élève à 1,6 millions de FF. L’unité possède deux véhicules 4×4, 48 motos tous terrains, 5 groupes électrogènes, une centaine de radios portables, et récemment une dizaine de VTT. Cette unité a permis de retrouver plus de 800 œuvres et d’arrêter 58 trafiquants.

Le 8 décembre, dix sculptures très anciennes, gardées dans le coffre-fort de l’hôtel de ville de Siemréap, que personne n’avait ouvert, sont remises à la Conservation d’Angkor.

Une statue soi-disant de Civa de 1,25m, pesant 275 kg, est rendue par un collectionneur américain au musée de Phnm Penh. Mais à l’expertise, il n’y a que le torse qui est jugé original, le reste du corps étant recomposé avec des éléments modernes.

Le 18 décembre, la France signe deux conventions de coopération dans le domaine de la documentation et des archives, pour un montant de 80 000 dollars. La première prolonge la convention signée en 1995. Les centres de documentation de plusieurs ministères seront équipés de livres, périodiques, CD-Rom, vidéo-cassettes, et leur personnel formé. La seconde concerne la conservation des archives nationales qui seront mises sur micro-films.

Le 26 novembre, le projet Asia Urbs, jumelage entre Phnom Penh, Venise et Paris est lancé, cofinancé par la commission européenne. Ce projet vise à aménager la ville dans les domaines fonciers (cadastre, registre des propriétés, taxation, etc.), des outils institutionnels. Paris aidera pour le plan d’aménagement, et Venise dans la rénovation des bâtiments historiques.

La France remet un second studio de télévision, sa régie de contrôle et son matériel à la télévision cambodgienne. C’est le deuxième don de la coopération française, d’un montant de 660 000 FF. Le premier avait eu lieu en 1996 avec la mise en place du studio N° 5 qui avait coûté la modique somme de 1,6 millions de FF. L’émission « rendez-vous » diffusée en khmer et en français a vu son audience doublée depuis 1995 et atteindre 10,5 % des téléspectateurs phnompenhois quotidiens, et 29 % pour son émission hebdomadaire.

La ville de Phnom Penh s’enorgueillit du lustre redonné à la capitale. En l’an 2 000, 373 familles de squatters ont été déménagées à une dizaine de kilomètres de la ville. 835 maisons ont été construites, 251 ont fait l’objet de réparations. 93 projets ne correspondant pas aux normes de l’urbanisme n’ont pas été acceptés, 411 chantiers de construction stoppés.

160 dessins d’enfants de douze pays asiatiques sont exposés à la salle culturel de la Mairie. Parmi eux une trentaine réalisés par des enfants cambodgiens âgés de 6 à 15 ans. Trois Cambodgiens ont reçu des récompenses.

Divers

L’Angleterre fait un don de 22 000 dollars pour la mise en place d’un programme organisé par la Société de conservation des espèces sauvages et le Fonds universel pour la nature.

Le directeur du Monde Diplomatique a été condamné à verser 8 000 FF de dommages et intérêts à Sam Rainsy, accusé par Raoul Jennar de collaboration avec les Khmers rouges, dans un article paru en mars 1999.

Le Dr Lao Mong Hay, directeur de l’Institut khmer pour la démocratie, reçoit la médaille Nansen, de la part du Haut Commissariat aux réfugiés, à l’occasion du 50ème anniversaire de la création de l’organisme onusien.

L’association française « Pour un sourire d’Enfant » reçoit le prix des droits de l’homme de la République française (15 000 dollars), remis le 12 décembre à Marie-France Despallières par le Premier ministre Lionel Jospin.

Pour la fête des eaux, Coca-Cola donne 2 500 dollars aux organisateurs du festival, sponsorise 50 bateaux, et offre gratuitement du coca aux 25 000 rameurs. La société Mobitel en sponsorise 55, le Premier ministre aide les 241 équipages les moins fortunés. 600 femmes sont inscrites pour la compétition, 8 pirogues sont exclusivement féminines. 384 pirogues participent à la course, 115 pirogues arrivent en première position, 97 en deuxième, 91 en troisième, et 22 en quatrième. Le feu d’artifice coûte 40 000 dollars. Le président de Sokimex donne 10 000 dollars au comité et 10 000 pour les victimes des inondations. La police, qui a déployé 5 000 agents, se félicite de ce que la fête se soit passée sans incidents : seuls une vingtaine de petits voleurs ont été arrêtés.

La veille de la fête de l’Indépendance (9 novembre), un défi-lé des FARC célèbre le 47ème anniversaire de leur fondation. « Une cérémonie de cette importance n’a pas eu lieu depuis trente ans », déclare le général Ke Kim Yan, chef d’Etat-major.

La météo est plus que capricieuse : le 12 décembre, en une nuit, il tombe 100,1 mm d’eau à Phnom Penh, la plus forte pluie depuis 40 ans. Le jeudi 21 décembre, le record est battu avec une précipitation de 182,5 mm. L’eau de ruissellement de la capitale doit être pompée pour être déversée dans les étangs situés autour de la capitale. Toute la ville est ainsi bloquée pendant quelques heures.

Le 23 décembre, un neveu de Hun Sen, Nhim Pov, blesse à coups de bouteilles cassées trois touristes japonais. Deux blessés doivent être emmenés d’urgence à Bangkok. C’est le deuxième neveu de Hun Sen a s’être rendu coupable de crimes dans une boite de nuit. Comme on pouvait s’y attendre, le coupable a disparu.