Eglises d'Asie

Des incidents anti-chrétiens dans le sud du Sri Lanka suscitent la perplexité des observateurs

Publié le 18/03/2010




En l’espace de quelques jours, en trois lieux différents situés dans la partie sud du Sri Lanka, des chrétiens ont été victimes de violence. Ces incidents, très localisés, n’apparaissent pas reliés les uns aux autres mais laissent les observateurs perplexes quant à leurs réels commanditaires.

Le 22 janvier dernier, dans la ville de Hulandawa, située au sud du pays, une église catholique récemment construite a été gravement endommagée par un attentat à l’explosif. Les charges de dynamite, déposées puis mises à feu au petit matin par un groupe de huit hommes, n’ont pas provoqué l’écroulement de l’édifice, vide à cette heure là de la journée, mais le groupe d’assaillants s’en est pris au frère Sampath Wilegoda qui réside sur place, sans le blesser toutefois. Les paroissiens et le curé de cette église, le P. Michael Rajendram, ont appelé la présidente Chandrika Kumaratunga à prendre toutes les mesures nécessaires à l’arrestation des coupables. C’est en effet la troisième fois que leur église est ainsi prise pour cible, les deux premières attaques ayant eu pour conséquence la destruction totale de leur lieu de culte. Le 27 janvier, la police a arrêté deux personnes dont une a été identifiée par le frère Wilegoda comme faisant partie du groupe de ses assaillants.

Dans la nuit du 24 janvier, à Ampitiya, près de Kandy, au centre du pays, un groupe de moines bouddhistes, épaulés par des hommes en armes, ont érigé une statue de Bouddha aux portes du séminaire national de Notre Dame de Lanka. Le terrain sur lequel ils ont dressé cette statue appartient au diocèse catholique de Kandy ; outre le grand séminaire, une église paroissiale et les bâtiments de plusieurs congrégations religieuses se trouvent là. Informée de l’incident, la police s’est rendue sur les lieux mais a préféré ne pas intervenir de peur d’affronter les hommes en armes venus aux côtés des moines bouddhistes.

Enfin, le 27 janvier, près de Kekirawa, au centre du pays, quelques centaines de manifestants, accompagnés d’environ 65 moines bouddhistes, ont défilé pour dénoncer le projet de construction d’une église par des pentecôtistes à Olukarandagama. Selon les manifestants, ces chrétiens protestants ont recours à des moyens illégitimes pour attirer à eux et convertir des bouddhistes au christianisme. Selon l’agence Ucanews, avant d’organiser la manifestation, les moines bouddhistes auraient rendu visite au curé catholique d’Olukarandagama, le P. Nimal Madurapperuma, pour lui demander si la nouvelle église en projet allait être une église catholique ou non. Apprenant que ce nouveau lieu de culte chrétien n’était pas rattaché à l’Eglise catholique, ils ont invité – sans succès – les prêtres et les religieuses catholiques de la région à se joindre à leur manifestation.

Cité par l’agence Ucanews, un responsable de l’Union catholique sri-lankaise, organe des laïcs catholiques du Sri Lanka, attribue certains de ces récents témoignages d’hostilités à l’égard des chrétiens aux Tigres tamouls du LTTE. Selon ce responsable, le LTTE prétend que les bouddhistes cherchent à édifier une théocratie au Sri Lanka où les minorités religieuses et ethniques seraient reléguées au rang de citoyens de seconde zone. Les Tigres fomenteraient ainsi des actions anti-chrétiennes attribuables aux bouddhistes, actions destinées à alerter l’opinion internationale, occidentale en particulier. Toutefois, selon les observateurs, rien dans l’actualité récente du Sri Lanka ne permet de corroborer cette analyse. Si certains cercles bouddhistes s’opposent en effet au plan de décentralisation proposé par la présidente Kumaratunga, plan qui accorderait une large autonomie aux Tamouls principalement hindous du nord et de l’est du pays, cette opposition n’a pas débouché, jusqu’à aujourd’hui, sur une mise en cause du rôle et de la place des chrétiens dans le pays (1).

Les bouddhistes, presque toujours Cinghalais, représentent 69 % de la population totale du Sri Lanka. Les hindous, presque toujours Tamouls, forment 16 % de la population. Les chrétiens (8 %) et les musulmans (7 %) sont eux répartis entre Tamouls et Cinghalais.